Chapitre 24 (2) (corrigé)
- La boisson vous donnerait-elle des ailes Miss Warren ? rétorqua l'Irlandais. Vous prétendez tout savoir à mon sujet ? Très bien. Alors finissons-en, videz votre sac, ordonna-t-il en croisant les bras sur son torse, le menton haut, le regard méprisant.
- Vous êtes une bête. Et hideuse qui plus est. Un démon dans une enveloppe charnelle séduisante, vous aimez user de votre charme pour briser le cœur des jeunes femmes, commença Jane sans faiblir un seul instant. Parce que vous adorez vous sentir puissant. Serait-ce pour compenser quelque chose Mr O'Brien ? Oui, c'est évident. Cette mascarade, ce masque, ce mur d'acier infranchissable que vous arborez constamment. C'est pour vous cacher. Parce que vous n'êtes pas le maître de vos sentiments. Peut-être avez-vous manqué d'amour ? Mais comment pourrait-on vous aimer ! persista la jeune fille qui se laissait dangereusement emporter. Vous repoussez tous ceux qui tentent de vous approcher comme s'ils vous apportaient la peste !
Jane était à bout de souffle, les yeux brillants de colère, elle fixait Will les poings serrés. Ce dernier, n'avait pas bougé. D'un calme olympien en apparence, il respirait lentement, un air condescendant dans ses prunelles orageuses qui la dévisageait derrière ce masque de velours sombre. Le lac tranquille de son regard se métamorphosait en ouragan, et qui savait la tempête qu'il pouvait déchaîner sur ce petit bout de femmes aux airs impétueux.
Au lieu de cela, il esquissa un sourire en coin, comme si la teneur du discours de la jeune fille était aussi ordinaire qu'une déclaration autour de la pluie et du beau temps. D'une banalité affligeante et insignifiante. Il enfourna ses mains dans ses poches avec sa nonchalance habituelle, avant de demander avec un flegme frisant l'insolence :
- C'est bon ? Vous avez fini ? Vous vous sentez mieux j'espère ?
- Oui j'ai fini, répondit-elle pleine d'animosité.
- C'est bien. Vous m'en voyez ravi. (Il pencha légèrement la tête sur le côté, haussa les sourcils l'air visiblement ennuyé et reprit pour mieux la mépriser.) Vous savez ce que je pense de votre petit monologue ? Je pense que c'est votre orgueil de femme blessée qui parle. Ou de la jalousie. Vous avez constamment besoin d'attention, sans doute parce que vous avez toujours vécu dans l'ombre de votre cousine ? Comment pourrait-il en être autrement ? Vous préférez vous murer dans la solitude et vous entêter plutôt que de reconnaitre que tout ceci n'est que votre œuvre. Vous n'acceptez pas que je regarde une autre femme que vous. Vous êtes attirée par moi depuis le premier jour et votre fierté est la seule arme dont vous disposez pour masquer votre irritabilité de ne pouvoir m'avoir à votre entière disposition. Cela vous insupporte et votre débordement est sans nul doute la preuve que vous avez atteint vos limites. Entre autre, j'en déduis que vous avez des sentiments pour moi.
À ces mots la fureur de Jane redoubla, et l'alcool n'y était pour rien. Elle avait l'irrésistible envie de l'étrangler avec le rideau. « Je vais en faire de la bouillie. Après tout, les couloirs sont déserts, personne ne retrouvera le cadavre avant un bout de temps. » Au lieu de cela, elle s'exprima avec les premières paroles qui lui vinrent à l'esprit. Aussi dangereuses et vexantes soient-elles.
- Des sentiments pour vous ? Avez-vous une si haute opinion de vous-même pour croire que je sois assez naïve pour succomber de la sorte ? Vous êtes présomptueux, immature, détestable et arrogant. Qui êtes-vous pour jouer avec moi ainsi ? Je ne suis peut-être rien pour vous Mr O'Brien, mais sachez, avec tout le respect que je vous dois, que vous n'êtes davantage rien pour moi. Vous ne me connaissez pas et vous avez l'impudence de suggérer que j'éprouve des sentiments pour vous ? Ah ! ricana Jane. Comment pourrai-je nourrir quelque inclination pour un être aussi exécrable que vous ? Sachez-le, vous ne m'inspirez que du mépris.
Des larmes de colère naquirent dans ses yeux brûlant de rancœur. Elle serrait les poings à s'en faire mal, comme pour atténuer la profondeur du séisme qui venait de déchirer son petit cœur. Comment ? Comment pouvait-il se comporter de la sorte alors que c'était lui, et lui seul qui avait donné le coup d'envoi de cette comédie ? Il l'avait embrassée, à deux reprises déjà et il osait agir de la sorte ? Jane sentait sa poitrine se comprimer avec violence, ayant la désagréable sensation de n'avoir été que le jouet d'un mauvais tour.
Will la regardait toujours, de cet œil indolent, aussi froid que sa carapace que rien ne semblait pouvoir égratigner, pas même le sentiment d'un jeune amour pur et sincère. La tristesse de Jane redoubla.
- Je vais vous dire le fond de ma pensée, commença-t-elle en s'efforçant de maîtriser sa voix. La première fois que je vous ai vu j'ai été frappée par tant de fierté, de mépris et d'indolence. Je croyais qu'il s'agissait seulement d'un masque, pendant un instant, rien qu'un instant... Une armure que vous vous étiez forgé pour vous leurrer le monde. Et pourtant, la nuit où vous m'avez embrassée j'ai cru déceler une faille derrière les remparts de votre vanité. Je constate que je me suis trompée. Vous avez gagné, Mr O'Brien, vous aviez raison, vous n'êtes qu'un vaurien arrogant, et le dernier homme au monde que je consentirais à épouser. Voilà qui pourra éviter de vous méprendre sur la teneur de mes sentiments à l'avenir.
Si Will eut été piqué par la réplique meurtrière de Jane, il n'en montra rien. Ce masque. Encore et toujours le même masque. Son visage d'adonis demeura figé dans la perfection d'une sculpture, il n'esquissa même pas le moindre battement de cil. Jane sentit une larme rouler derrière son masque. Elle aurait dû être fière de sa bravade, hélas Jane avait beau parler, cracher tout le venin dont elle était capable, elle ne pouvait nier que les paroles de Will la blessaient profondément. Elle ne comprenait pas pourquoi il la traitait ainsi. Mais ce qu'elle ne pouvait comprendre davantage, c'était pourquoi un fouet ardant lui lacérait-il si violement le cœur ?
Will se tut. Pour la première fois il se dit qu'il avait peut-être été trop loin dans ses propos et qu'il aurait dû arracher cette mauvaise herbe qui grignotait voracement le cœur de la jeune fille avec peut-être plus de douceur... Plus de douceur ? Et comment ? Non. Non il n'avait pas eu le choix. Mieux valait un coup sec pour détruire ce genre de sentiments à la racine. Elle savait qui il était désormais, et tout ce qu'elle risquait à s'enticher d'un homme pareil, parfait. Elle ne s'en doutait peut-être pas, mais il faisait cela pour elle. Et lorsque le jour viendrait où elle serait dans les bras d'un autre davantage respectable, elle le remercierait. Quant à Will... Cela valait mieux pour lui.
- Je n'ai rien à ajouter, déclara Jane qui tenta de calmer les tremolos dans sa voix.
Sur ces bonnes paroles, elle poussa les portes de la salle de bal.
Une fois à l'intérieur, la même chaleur étouffante saisit Jane à la poitrine. Cette affreuse veuve de lady Fleming s'approcha de Will telle une mente-religieuse avec un grand sourire sous son masque à plume bleues. Jane, qui en avait eu pour son grade, ne lui laissa pas le temps de parler qu'elle s'empara du verre de punch dans la main de lady Fleming et le vida d'une traite, à sa place. Sous le choc, Lady Fleming la dévisagea avec des yeux grands comme des soucoupes, puis reporta son attention sur Will.
– Sir Edward ! Où étiez-vous donc passé ! Je vous ai cherché partout, vous m'aviez promis une troisième danse !
Jane pouffa de rire, elle s'apprêtait à abandonner le répugnant couple lorsque Will lui saisit le bras pour la contraindre à rester près de lui. Lady Fleming pinça les lèvres.
- Je suis vraiment navré milady, commença Will, mais j'ai aussi promis une danse à ma cousine avant que nous partions. (Il prit le verre des mains de Jane et le replaça, vide, dans celles de lady Fleming.) Et puis, je doute que l'assemblée apprécie que je garde trop longtemps une aussi jolie femme que vous à mon bras. Voyez-vous, la bienséance est cruelle et les règles sont strictes, un gentleman ne danse pas plus de deux fois avec la même dame. Vous venez Theresa ?
Will offrit sa main gantée à Jane. Il lui adressa un sourire d'encouragement et elle accepta finalement cette danse à contre cœur. Toutefois, rien que le regard noir que lui lançait lady Fleming suffit à la faire sourire un peu.
Ils se placèrent au cœur les danseurs. L'orchestre entama sur des notes douces une valse. Will fit une révérence tout en souriant à sa partenaire. Jane l'imita sans grand empressement, agacée par ce petit jeu qui n'avait aucun sens. Puis il se rapprocha d'elle.
- Vous permettez ? s'enquit-il.
Elle hocha la tête en signe d'approbation. Il posa une main sur sa taille et l'attira à lui avec douceur. Le cœur de la jeune fille émit un raté quand elle sentit la pression de la main se son partenaire dans son dos. Et ils se mirent à danser. C'était ce que Jane préférait dans les réceptions : la danse. Elle était douée, elle aimait tourbillonner dans ses jupes jusqu'à en avoir la tête dans les étoiles. Mais ici c'était différent. Ici elle était à un bal costumé, ici elle avait une autre identité, ici elle ne dansait pas avec sa cousine, ou un jeune garçon qu'elle connaissait à peine. Ici, elle dansait avec un jeune homme qu'elle côtoyait depuis un peu plus d'un mois, certes, mais c'était assez de temps pour défaillir lorsqu'il posait son regard sur elle. Ce même jeune homme dont la couleur des yeux la fascinait et dont chaque regard la transperçait. Dont le contact la faisait frissonner, mais aussi la réchauffait. Dont le sourire malicieux la faisait sourire à son tour, inévitablement.
Un idiot de première classe qu'elle ne pouvait s'empêcher d'apprécier. Elle regrettait ce qu'elle lui avait dit tout à l'heure, mais elle avait trop de fierté pour le lui avouer. « Puis il l'a mérité d'une certaine manière. » Se rassura-t-elle, après tout de quel droit se permettait-il de lui dire de telles choses ? Ce fut Will qui rompu le silence le premier.
- Où étiez-vous passée lorsque je vous ai découverte ?
- J'étais dans le bureau de lord Stanbury. Je l'ai trouvé par hasard.
- Parfait. Avez-vous trouvé quelque chose d'intéressant ?
- Plusieurs à vrai dire. J'ai trouvé des lettres portant le blason de la maison Blackwood, preuve irréfutable d'une relation entretenue.
- Hum, avez-vous croisé le lord dans les parages ?
- Eh bien c'est à dire que... J'ai rencontré le lord, dans son bureau. Du moins c'est plutôt lui qui m'a rencontrée dans son bureau devrais-je dire et...
- Quoi ? s'étonna Will avec de grands yeux.
- Calmez-vous. Il n'a rien remarqué. J'allais partir quand il est entré. J'ai prétendu m'être perdue. Dieu seul sait s'il m'a crue.
- Jane, le lord n'est pas un imbécile. J'espère vraiment qu'il ne se doute de rien.
- Justement, j'ai fait une trouvaille assez particulière. (Elle se mit à chuchoter.) Il y avait une lettre adressée au lord. Une lettre signée de la main de Louis Nolan, le chef de Scotland Yard. C'était au sujet de notre affaire. Il remerciait lord Stanbury pour son aide, et lui indiquait où allaient être enterrées les victimes... Il a aussi parlé d'une lettre envoyée au patron du Daily Telegraph.
- C'est très étrange. Pourquoi un lord se montrerait-il si intéressé par une telle affaire ? s'interrogea Will.
- Justement, je crois que notre lord Stanbury est beaucoup trop intéressé par cette affaire. Dans tous les cas, cela se complique.
Will fit tourner gracieusement Jane sur elle-même.
- Je suis d'accord, il va falloir redoubler de prudence. Nous en reparlerons demain, voulez-vous ? Vous avez fait plus ou moins un bon travail, je dois l'admettre. Je veux que vous profitiez de cette soirée maintenant, murmura Will.
La jeune fille voulu protester, comment diable pouvait-elle profiter de cette fichue soirée dans de telles circonstances ? Alors qu'elle souffrait à cause de lui...
Il resserra son étreinte autour d'elle, la rapprochant imperceptiblement de lui. Alors que ses prunelles plongèrent naturellement dans celles de sa partenaire. Leurs visages n'étaient qu'à quelques centimètres et les joues de Jane s'enflammèrent sous le coup de la colère. Il était trop près. Elle ne se souvenait que trop bien de la dernière fois où il avait été aussi proche d'elle. Comment pouvait-elle l'oublier ? Même si tous deux tenaient l'alcool pour responsable, elle gardait vivement en mémoire la manière peu polie avec laquelle il l'avait congédiée. Mais aussi de quelle façon il l'avait embrassée. À ce souvenir, une douce chaleur se propagea dans son ventre et elle se raidit dans les bras de Will. Celui-ci le sentit et le lui fit remarquer :
– Détendez-vous. Je vous mets mal à l'aise ?
« Oui Will, vous me mettez mal à l'aise. Je ne peux pas me détendre quand nous sommes aussi proches, quand vous me regardez ainsi, et surtout pas après que vous m'ayez embrassée. Deux fois en plus. Et surtout pas après que vous m'ayez blessée avec de tels mots. »
- Ne vous méprenez pas, je suis parfaitement détendue, mentit-elle. Au fait, pourquoi m'avez-vous embrassée ?
- C'est un reproche ? demanda Will amusé.
- Non. Enfin oui. Non je veux dire non, répondez à ma question ! bredouilla-t-elle.
Il émit un petit rire qui avait l'air sincère.
- Le garde arrivait, s'il nous avait surpris d'une autre façon nous aurions eu beaucoup plus de mal à lui échapper. Les démonstrations d'affection mettent mal à l'aise les gens, c'était la façon la plus simple et efficace de se débarrasser de lui.
Jane acquiesça sans mot. Il était préférable qu'elle se taise.
- Pourquoi, vous n'avez pas aimé ? se moqua-t-il pour détendre l'atmosphère.
- Je vous demande pardon ? Ce ne sont pas des choses qu'on demande ! On ne vous a jamais dit que c'était inconvenant ? bafouilla Jane qui était devenue aussi rouge que la robe de lady Bucking.
- Vous vous emmêlez. Peut-être que si je recommençais cela vous aiderait à avoir les idées plus claires ?
Le cœur de Jane s'arrêta de battre. Il la prenait définitivement pour une imbécile. Elle ouvrit la bouche mais aucun son n'en sorti. Diable ! Elle ne savait plus sur quel pied danser avec cet homme !
Dissimulé derrière son masque qui lui donnait l'air d'un prince de la nuit, Will baissa son regard sur les lèvres de la jeune fille, s'en approchant avec douceur. « Ce n'est qu'un baiser. Rien qu'un petit baiser. » Essaya-t-elle de se convaincre. Elle ne savait plus quoi faire. Sa raison lui ordonnait de le repousser immédiatement, alors que son cœur lui intimait de se laisser aller, de ne pas penser aux conséquences, parce qu'elle en avait envie. Tout simplement. Son pouls s'accéléra de plus belle, comme s'il se lançait dans une course effrénée. Alors qu'elle fermait les yeux, la musique cessa. Et la magie de cette danse s'éteignit avec ses dernières notes. Will se rétracta au dernier moment et recula brusquement, manquant de faire tomber sa partenaire en la relâchant aussi brutalement. Jane le regarda, l'air ahuri. Il avait l'air aussi perdu qu'elle, le regard fuyant et le souffle saccadé.
- Je... Je crois que vais prendre un verre... l'informa Will qui n'osa croiser ses prunelles. Vous êtes rouge, peut-être le tempo de cette danse était-il trop intense pour vous ?
Jane pinça les lèvres. Rouge, elle l'était oui, mais rouge de honte. Rouge de colère même. Elle repoussa Will et quitta en trombe la piste de danse.
Ce satané Irlandais ne prit même pas la peine de la retenir. Furieuse contre lui, elle s'éloigna le plus possible du démon et se posta devant la fenêtre, loin des invités, bouillant de frustration. Alors qu'elle ruminait sur un énième moyen de se venger de Will, quelqu'un l'interpella :
- Milady ?
- On ne peut donc pas rester seule, cinq maudites minutes ? s'énerva-t-elle.
Elle se retourna, les joues écarlates et les yeux brillants, pour trouver une agréable surprise. Un homme, élégant dans son costume de soirée écru, la regardait avec des yeux intrigués. Ses boucles blondes en batailles et ses yeux couleur émeraude luisaient derrière son masque blanc. Comment oublier un tel regard ? Simon Palmer, tout de blanc vêtu était devant elle, un verre à la main.
Bonsoir ! Allez-vous bien ? Pour ma part un peu fatiguée... Mais c'est parce que les concours approchent. Mis à part cela ce chapitre vous plait-il ? Sachez que le chapitre 24 et 23 sont écris depuis juin/juillet 2015 quand je les ai repris... Pour vous dire à quel point ça remonte et à quel point les fautes et la syntaxe étaient affreuses ainsi que les répliques et l'ambiance générale, sans parler de l'intrigue... (et que j'écris accessoirement des chapitres éparses 2 ans à l'avance sans aucun lien à priori...)
BREF. Vous l'avez eu votre danse ! Et puis une jolie petite dispute qui devrait anéantir tous vos rêves. Oui. C'est de la méchanceté gratuite. Mais je vous aime quand même xD
Mais voyez-vous qui voilà ! Serait-ce notre gentil journaliste en herbe ? A-t-il reconnu notre miss Millers derrière son masque d'or et de soie ? Que diable va-t-il se passer ? Cette soirée va-t-elle bien se finir selon vous ?
A vos claviers !
(Ps : je suis pas trop active en ce moment parce que ma connexion internet dans ma résidence étudiante est juste une horreur...)
Ceci est la version corrigée.
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