Chapitre 20 (1) (corrigé)

On ne s'improvise pas menteur

« Un dépravé sait mieux porter le masque d'un saint. »

Dontcho Tzontchev

- Mêlez-vous de ce qui vous regarde, renâcla une nouvelle fois le barman.

Jane serra les poings. Il n'y avait rien à faire, ce maudit barman refusait de lui donner l'identité de l'individu au manteau bleu. Alors qu'elle s'apprêtait à le relancer de plus belle, le barman lui lança un regard menaçant et la jeune fille comprit qu'elle risquait de réduire à néant toutes ses chances si elle se faisait remarquer en se faisant jeter à la rue comme une malpropre. Elle fit un signe de la tête entendu à son interlocuteur et reporta son attention sur les clients du pub. Adossée au comptoir, ses pensées s'échauffaient. Elle n'avait plus qu'à attendre qu'il revienne avant de le reprendre en filature. C'était du moins ce qui lui semblait le plus simple. Mais que faire durant tout ce temps ? Un brave bonhomme qui restait planté là dans un pub sans consommer, voilà qui ne passait pas inaperçu. Elle songea à s'offrir un verre de mauvaise bière, mais lorsqu'elle plongea les mains dans ses poches ce ne fut que le vide qu'elle rencontra. Un juron lui brûla la langue. Que faire ? L'attendre devant l'établissement ? Non, trop risqué. Il risquait de la remarquer, si elle ne se faisait pas agresser avant. Son agression à la sortie de la taverne du Dragon Bleu lui laissait un souvenir amer de son insouciance.

Son regard se reporta sur la table des joueurs de whist. Jonchée de lots en tout genre sous les cartes, elle attisait la curiosité des clients et joueurs potentiels. Une idée lui vint ; elle avait déjà entendu une conversation lors de la soirée d'anniversaire de Julie entre Douglas Carroll et Mr Orpins. Les deux hommes débattaient de la stratégie adéquate pour remporter le plus d'argent possible. Jane se réjouissait que sa curiosité l'ait amenée à écouter cette conversation de prime abord assommante. Elle se dirigea donc vers la joyeuse table à laquelle le policier Ayre semblait dépouiller l'assemblée. Elle demeura tout d'abord en retrait, faisant entièrement confiance à son sens de l'observation et de la déduction, ainsi qu'à sa mémoire. Puis lorsqu'elle fut certaine de son coup, elle s'approcha des joueurs d'un pas assuré.

Elle avait remarqué que, comme dans tout jeu d'argent, c'était le bluff qui était de mise. Tout était question de sournoiserie et de simagrée. Elle n'était pas particulièrement bonne comédienne, mais pour ce soir, elle devait faire preuve de talent, et jouer son rôle à la perfection. Lorsqu'elle fut assez près des joueurs, ceux-ci s'arrêtèrent de rire et détaillèrent le nouveau venu. Le policier Ayre haussa négligemment un sourcil.

- J'peux faire quelque chose pour vous ? demanda-t-il.

« Que je sois un homme ou une femme n'y change rien finalement, c'est toujours un malappris. » Pensa Jane en détaillant le policier.

- Oui. J'aimerais me joindre à vous messieurs pour la prochaine partie, répondit-elle en s'efforçant de maintenir sa voix dans les graves.

Les hommes se regardèrent avant de pouffer devant l'allure du petit homme qui prétendait vouloir se joindre à eux. À en juger par leur tenue, Jane comprit qu'à la table se trouvaient le politicien qu'elle avait remarqué et deux hommes bien habillés, dont un jeune homme d'à peine son âge. Ayre tira sur le cigare qu'il venait sans doute de gagner et offrit un sourire carnassier à Jane. Un peu gauche, étourdit par le jeu et l'alcool, le jeune homme libéra son siège pour le nouveau joueur. Jane acquiesça et s'y installa.

- Très bien ! s'exclama Ayre, que la partie commence !



- Ah ! Encore perdu Ayre ! Aboule le fric ! s'exclama un homme éméché par-dessus l'épaule de son compagnon qui venait de remporter la mise.

La policier Ayre grommela dans sa barbe avant de pousser de mauvaise grâce sa mise vers le gagnant. Voilà quatre parties qui venaient de s'enchaîner, dont deux gagnées par Jane qui se trouvait étonnamment douée à ce jeu. Peu à l'aise au départ, sur la réserve, ce drôle de bonhomme dont les joueurs se moquaient auparavant se défendait d'une certaine manière, et les autres joueurs riaient jaune à présent. En particulier le policier qui écrasa avec violence sur la table ce qui restait de son cigare si précieusement dégusté.

Une nouvelle partie commença. Le whist n'était pas si compliqué en fin de compte, et Jane s'amusait tellement qu'elle en oubliait presque l'origine de sa venue dans cet établissement. Elle remporta une troisième fois la mise. Sous les rires moqueurs des autres joueurs et le sourire provocateur de Jane, Ayre fronça les sourcils et se mordit la lèvre avec force. Un sourire provocateur sur les lèvres, la demoiselle tandis une main arrogante vers le policier lui faisant signe qu'elle réclamait son dû. Elle piqua même une gorgée de bière dans la chope de son voisin pour fêter sa victoire, sous les rires égayés des curieux qui s'étaient rassemblés pour observer le jeu. Intrigués par ce petit bonhomme mal fagoté qui raflait les mises, et qui tournait en ridicule les autres joueurs, en particulier cet imbuvable policier Ayre. Les questions concernant cet inconnu si chanceux circulaient sur toutes les lèvres, mais même son nom était un mystère.

Ayre déposa avec rage une petite bourse dans la paume de la jeune fille qui le remercia avec un sourire insolent. Mais elle n'eut guère le temps de savourer sa revanche que sa silhouette en manteau bleu descendait avec hâte les escaliers. « Oh non ! » Si elle ne partait pas sur le champ il allait lui échapper. Refusant catégoriquement un tel échec, Jane se leva rapidement pour le suivre.

- Hep ! Toi là ! l'interpella le policier. Où tu crois aller comme ça ?

- Je suis vraiment désolée messieurs, votre compagnie était très agréable mais... hélas je dois vous quitter à présent, se justifia Jane alors que sa cible se rapprochait inexorablement de la sortie.

- Non mais je rêve ? Il dit qu'il veut nous quitter ? Allons ! Si tu crois que je vais te laisser filer comme ça alors que tu viens de me dépouiller, tu rêves ! rétorqua Ayre.

- Je...

Les hommes se pressèrent derrière elle, lui barrant la route. Elle tenta bien de les pousser, de se faufiler, mais le mur de torses empestant la transpiration et l'alcool restait infranchissable. Impuissante, elle regarda avec horreur sa cible quitter l'établissement sans qu'elle ne puisse se lancer à sa poursuite. Sous les encouragements et quelques chahuts, la demoiselle comprit que ses refus ne feraient qu'empirer les choses. Frustrée d'essuyer un tel échec à cause d'un goujat arrogant, elle reprit sa place à la table de jeu tandis qu'Ayre l'examinait avec un sourire vorace. Déterminée à lui faire mordre la poussière, elle lui renvoya sourire matois, et un regard d'un bleu-gris glacial comme le fer. Toutefois, le rictus malsain du policier ne lui disait rien qui vaille, et un mauvais pressentiment lui comprima la poitrine. Obsédée par l'idée de l'emporter, Jane ignora cette mise en garde, et concentra toute son attention sur le jeu.

Chacun déposa sa mise sur la table, dont une montre à gousset en or qui en fit loucher plus d'un. Le policier, sûr de lui, jeta ses dernières pièces. Jane, désireuse de faire enrager Ayre, mit en jeu une petite somme de ce qu'elle venait de gagner.

- Tu te fous de moi ? pouffa Ayre en se moquant de sa mise.

Droit dans les yeux, elle poussa toute sa mise au centre de la table. Satisfait de lui, Ayre coinça une cigarette entre ses lèvres et s'enfonça dans son siège. Soit il était fou, soit il était sûr de lui et Jane devait à tout prix se montrer prudente. « Il prépare quelque chose. »

- C'est parti, dit-il.

Le silence régnait autour de la table, le jeu captait toute l'attention des clients du pub. Regards en chien de faïence et cartes jonchaient la table. Jane épiait chirurgicalement les pensées qui se succédaient sur le visage du policier Ayre, quand soudain la porte s'ouvrit en grinçant. Tous les curieux qui étaient amassés autour du spectacle détournèrent le regard comme un seul homme. Un individu venait d'entrer. Un homme au maintien quelque peu particulier. Une chemise poussiéreuse entrouverte, un manteau rapiécé, un air nonchalant et un sifflement gai qui s'échappait d'entre ses lèvres. Jane n'en crut tout d'abord pas ses yeux, la folie vengeresse qui lui embrumait l'esprit se dissipa comme un parfum. Ce joyeux gai luron, elle l'aurait reconnu entre milles. C'était William.

*roulement de tambour*

Mais qui voilà ! Serait-ce notre bellâtre en herbe ? Il est enfin de retour (pour vous jouer un mauvais tour !.... hurm hurm pardon) et il n'a pas l'air si traumatisé que cela pour quelqu'un qui avait disparu de la circulation depuis 3 jours...

Mis à part cela, on retrouve notre petit policier Ayre mais surtout, notre homme en bleu a l'air de s'échapper... 

Bref, j'espère que votre rentrée s'est bien passée, parce que pour ma part je n'ai qu'une hâte : c'est d'être de nouveau en vacances xD

Enfin, bon week-end et je vous laisse imaginer la suite... ;)


Ceci est la version corrigée.

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