Chapitre 18 (3) (corrigé)

- Aïe ! s'écria Jane.

- Ce n'est pas de ma faute si votre bras est trop mou ! s'exaspéra Will.

- Je vous signale que vous me faites mal !

- Je vous rappelle que c'est VOUS et vous seule qui m'avez supplié de vous apprendre à vous battre ! Il me semble que si j'avais refusé, c'était en prévision de ce genre de réaction !

- Quelle patience ! Vous faites un bien piètre précepteur !

- Et vous, une bien piètre élève !

Les deux partenaires se toisèrent. À la demande de Jane... Non, plutôt aux supplications de Jane et son véhément désir de se suffire à elle-même, Will avait concédé à lui apprendre quelques mouvements d'autodéfense. Après une vive réflexion, il avait finalement jugé utile que la demoiselle puisse se préserver au cas où. Après tout, il ne comptait pas rester à ses côtés jusqu'au tombeau, elle le rendrait fou bien avant et il finirait par l'assommer et l'abandonner quelque part. Mains sur les hanches, il soupira longuement.

- Voyons le bon côté des choses, vous êtes maintenant capable de vous débarrasser d'un soupirant un peu trop collant grâce au brillant combattant que je suis. N'est-ce pas merveilleux ? déclara avec fierté Will.

- Je n'ai jamais eu besoin de personne pour refuser quelques faveurs à un homme, rétorqua-t-elle.

- Je plaisantais, je n'ai jamais songé qu'un homme puisse vous porter quelque attention, il faudrait être fou pour cela.

« Et si je le noyais dans la Tamise ? » songea la jeune fille avec amertume. Lui envoyer une réplique acerbe et elle était bonne pour subir la vengeance de l'Irlandais.

- Pardon ? demanda-t-il. Il ne me semble pas avoir encore entendu un « merci ».Me...i, marmonna-t-elle.

- Quoi ? Pouvez-vous répéter ? Bon sang articulez quand vous parlez, se délecta Will un sourire de canaille sur les lèvres.

- Merci ! acheva Jane à contre cœur. Voilà êtes-vous satisfait ?!

- Ah oui ! Cela résonne comme une douce mélodie à mes oreilles.

- Cessez donc de faire le fier !

- Et vous descendez un peu de vos grands chevaux ma petite demoiselle ! Je vous rappelle que vous n'êtes rien sans moi.

- Et vous vous seriez toujours en train de croupir dans une cellule moisie sans mon aide ! rétorqua Jane.

- Je n'ai pas besoin de vous, répliqua-t-il. C'est vous qui êtes venue réclamer mes services. Vous venez même de le faire une nouvelle fois ce matin encore.

Ce qui était vrai, Jane ne pouvait rien objecter à cela.

- Vous ne payez rien pour attendre... le menaça-t-elle.

- Cela me va, je suis un homme plutôt patient, s'amusa-t-il.

Sa réplique réussit à lui arracher un petit sourire malgré elle. Sa bonne humeur retrouvée s'évanouit bien vite lorsque son regard croisa le couteau taché de sang séché sur la table.

- Pensez-vous que l'attaque de cette nuit ait un lien avec la tentative de meurtre sur Nokomis ?

- C'est possible. L'homme n'a pas cherché à fuir lorsque je suis intervenu, au contraire il a rendu les coups, je crois que vous n'étiez pas une cible choisie au hasard. Si Jack l'Éventreur est bien relié aux hautes sphères du pouvoir comme vous semblez le penser, ceci est peut-être la preuve que vous avez raison. Vous devenez gênante, un petit criminel de quartier pour faire le sale boulot ferait parfaitement l'affaire. Si cette théorie est la bonne je comprends qu'on veuille vous faire disparaître mais la voyante... Soit cette diseuse de bonne aventure a vraiment des pouvoirs surnaturels qui inquiètent certaines personnes, dans ce cas je serais curieux de la voir à l'œuvre, soit, et je penche davantage pour cette option, cette dernière nous cache quelque chose de très croustillant, lâcha Will songeur. Ou alors je me trompe sur toute la ligne et ces deux agressions n'ont strictement rien à voir hormis d'étranges coïncidences. Mais je ne crois pas aux coïncidences.

- Moi non plus... songea Jane tandis que des pensées contradictoires creusaient un pli soucieux sur son front.

Will lui jeta un regard circonspect.

- Pourquoi vous êtes-vous enfuie de la taverne hier soir ?

Jane serra les doigts, prise au dépourvue par cette question soudaine. Pour dire vrai elle ne pensait pas qu'il avait remarqué son départ.

- Je ne me suis pas enfuie, trancha-t-elle avec raideur.

- Vous êtes partie sans même me prévenir, vous appelez ça comment vous ?

« Une fuite. » Siffla une petite voix cynique dans son esprit. Jane fronça les sourcils, balayant sa question d'un revers de la main.

- J'avais besoin de prendre l'air, mentit la jeune fille en haussant les épaules. J'étouffais dans cette taverne. J'étais angoissée à l'idée que l'inspecteur McColl nous trouve ici et que nous ayons des ennuis.

- Des ennuis ? releva Will sceptique. Je veux bien croire que nous risquons d'être le nouveau centre d'intérêt de ce cher inspecteur, mais c'est mal me connaître que de croire que je vais le laisser nous attraper facilement. Je sais prendre mes précautions.

Jane repensa aux nombreux détours qu'ils avaient faits l'autre soir, les ruelles étroites que Will lui avait fait emprunter, les regards attentifs autour de lui. Son attention ne se relâchait jamais. Jane devait bien lui donner raison, il était bien plus attentif qu'elle et constamment sur le qui-vive.

- Je m'inquiétais, c'est tout.

Will la dévisagea une seconde, mais il ne répondit rien. S'il savait qu'elle mentait il ne chercha pas à lui arracher la vérité. Tant mieux, parce que la jeune fille aurait préféré avaler de l'acide plutôt que de lui avouer qu'elle avait été piquée par la jalousie.



- Jane, je voulais que tu saches que tu m'as particulièrement déçue l'autre soir, déclara froidement tante Helen à l'occasion du dîner.

Jane sortit de ses pensées. Les événements s'emmêlaient dans sa tête, ainsi que la décision qu'elle et Will avaient prise de s'éviter un moment, afin de se faire oublier. Quelque part dans son esprit, la jeune fille sentait qu'elle n'était pas au bout de ses peines. D'autant qu'elle restait persuadée que McColl ne lâcherait pas l'affaire non plus (surtout s'il s'agissait bien de l'Éventreur) ! L'intervention d'un détective royal compliquait immensément la tâche, c'était l'enquête majeure d'une carrière et la possibilité que son nom passe à la postérité. Ce serait folie que d'abandonner. Jane le concéda volontiers, McColl n'était pas prêt à laisser son enquête aux mains de Sébastian Wallace et elle risquait d'avoir de sérieux ennuis si elle se retrouvait de nouveau sur leur chemin. En particulier Will qui portait le costume du coupable idéal à merveille...

- Jane ? Aurais-tu l'obligeance de me répondre ?

La jeune fille lâcha sa fourchette, revenant à elle.

- Excusez-moi, ma tante, avez-vous dit quelque chose ?

- Tu as été particulièrement détestable lors de la soirée d'anniversaire de Julie. Tu nous as humiliés par ton insolence, publiquement qui plus est ! Tu as repoussé Mr Horvah devant tout le monde et de la plus cruelle des manières, et pour couronner le tout tu as invité cet homme arrogant, cet... Irlandais, cracha Mrs Blancksfair qui ne cacha pas son mépris pour ce fanfaron qui avait gâché sa soirée.

« Nick Carroll fait preuve d'un immense talent en terme d'arrogance, ce n'est pas pour autant que vous l'avez toisé avec autant de condescendance. » Eut envie de rétorquer la jeune fille. Mrs Blancksfair pouvait la sermonner autant qu'elle le désirait, elle n'avait pas fait preuve d'autant de délicatesse en lui imposant Mr Horvah devant tout le monde et en dévisageant Will comme s'il n'était qu'un cafard.

- Pourtant Mrs Carroll eut l'air de l'apprécier, répondit Jane sur un ton égal.

- L'apprécier dis-tu ? Mary Carroll a fait preuve d'une grande mansuétude en tolérant les propos scandaleux de cet homme ! s'étrangla presque sa tante. Par ailleurs je tiens à souligner que tous nos invités on sut se montrer conciliants et courtois jusqu'au bout malgré son attitude cavalière. Sans parler de tes manières honteuses. Je savais que tu ne rendrais pas les armes aussi facilement, mais sache que je suis bien plus coriace que toi ma petite. La semaine prochaine, Mary Carroll organise une garden party. Naturellement nous y sommes invités. Avec les encouragements de Mrs Carroll, j'ai pris la liberté d'inviter Mr Horvah à cette dernière, histoire que vous puissiez faire plus amplement connaissance, et que tout malentendu soit définitivement écarté, expliqua Helen en portant le verre de cristal à ses lèvres.

Jane toussa de façon fort peu galante lorsque sa gorgée d'eau l'étrangla. Mrs Carroll avait parue aussi déçue que Jane en voyant ce ridicule Mr Horvah, elle doutait fortement que cette dernière ait envie de le voir parader chez elle. Helen leva les yeux au ciel en silence alors que Carl se moquait ouvertement de sa cousine. Sa grande sœur lui lança un regard noir et ce dernier se tassa sur sa grande chaise.

- Je vous ai déjà dit que je ne voulais pas le revoir. J'ai refusé cet engagement. Mr Horvah doit avoir compris la nature de mes sentiments. Inutile de lui infliger un douloureux refus de plus, observa Jane.

- Jane, je... commença sa tante.

- Avez-vous songé à inviter Mr O'Brien ? la coupa Julie.

La question de la jolie rousse pouvait paraitre tout à fait innocente ; aussi candide que la même jeune femme sous l'admiration béate. Cette remarque aurait sans doute fait sourire si elle n'avait pas concerné l'Irlandais. Les réactions furent immédiates : Jane lança un regard ahuri à sa cousine et sa mère se redressa vivement sur sa chaise à s'en disloquer la colonne vertébrale.

- Non Julie. N'as-tu donc pas entendu ce que je viens de dire ? Il n'a jamais été question que ce Mr O'Brien ne figure sur la liste des invités. J'ignore d'ailleurs comment ta cousine l'a rencontré, mais au vu de... cet homme. Nous savons tous que ta cousine a toujours été attirée par ce qui n'est pas conforme. Sache d'ailleurs que je n'apprécie guère cette fréquentation, jeune fille. Je ne veux plus que tu revoies cette canaille, me suis-je bien faite entendre ?

Ces derniers mots eurent le don de faire froncer les sourcils à Jane. Dieu elle préférait mille fois n'être « pas conforme » plutôt que d'être une de ces oies blanches qui frémissaient dès qu'un homme leur adressait la parole, ou qui tournaient de l'œil lorsque leur innocent regard avait le malheur de croiser un peu de sang. Jane était fière de n'avoir pas peur de se salir les mains, et elle l'aurait crié haut et fort si le regard froid de sa tante ne l'en avait pas dissuadée.


À l'heure du thé, Jane profita de la certaine quiétude qui imprégnait les murs de la villa pour se glisser dans la chambre de tante Helen. La jeune fille avait dans l'idée d'intensifier ses sorties nocturnes, et pour se faire, elle avait besoin de vêtements masculins. Le fait qu'elle doive éviter Will durant ces quelques jours, lui conférait un certain avantage : premièrement, celui de vaquer librement à ses activités d'oiseau de nuit sans se demander si elle risquait de le croiser. Deuxièmement, il se pourrait qu'elle puisse se trouver sur le chemin du jeune homme par hasard, qu'elle le suive (toujours pas hasard bien sûr) et que peut-être elle lève le voile sur une partie du mystère William O'Brien. La possibilité de percer à jour le voleur aux yeux de velours lui conférait une réelle excitation. Un petit sourire calculateur étira ses jolies lèvres et ses yeux pétillèrent de malice.

Alors qu'elle refermait la porte de la chambre dans son dos, elle fut surprise par la chaleur dans laquelle baignait la pièce blanche. Un feu vigoureux flambait dans l'âtre, ce qui était très étrange puisque la maîtresse de maison se trouvait au rez-de-chaussée et que Béatrice n'allumait le feu qu'à partir de six heures. Pourquoi se donner la peine de chauffer une pièce vide ? Jane se pencha tout près des flammèches, puis en observant de plus près elle remarqua que des petits bouts de papiers déchirés se consumaient à moitié au pied du brasier.

Était-ce possible que ce fût là des restes d'une correspondance ? Visiblement on avait cherché à détruire des lettres. Jane agit vite, tandis que les morceaux de lettres achevaient leur métamorphose en insecte de cendre, elle s'empara de la pelle afin de récupérer les précieux bouts tombés à côté du petit feu. Elle fronça les sourcils, observant les bords roussis des morceaux de papiers avec un grand intérêt. Le fait que sa tante ait voulu s'en débarrasser les rendit immédiatement mille fois plus intéressants. Agenouillée près de l'âtre, elle se jeta dans l'analyse de ses preuves.

Hélas elle ne put en tirer grand chose. Mrs Blancksfair avait pris ses précautions ; les morceaux étaient si petits et noircis par l'œuvre du feu qu'elle ne pouvait que tenter de déchiffrer les horribles pattes de mouches qui striaient le papier. Le moins que l'on puisse dire était que l'auteur de ces restes avait une écriture si laide que ses lettres semblaient être des cordelettes sombres s'entortillant sur elles-mêmes, telles des petites vipères se consumant de l'intérieur. Cependant, un morceau trouva grâce aux yeux de la jeune fille : il s'agissait d'initiales en ce qui devait être auparavant le bas de page. Malgré l'écriture nocive pour les rétines et les déchirures, Jane put déduire que la première lettre s'agissait sans nul doute d'un « J ». En revanche la seconde lui donna un peu plus de fil à retordre. Au bout de quelques secondes, à court d'idées, elle en conclut qu'il s'agissait d'un « U ». « J.U ». Qui donc dans l'entourage de la veuve Blancksfair pouvait porter de telles initiales ? Et si tante Helen avait...

- Jane ?

Tam tam taaaaaammm (oui, ceci est censé être un bruit de tambour).

Vos avis ? On en sait un tantinet plus sur la correspondance entre Helen et un certain JU... J'aimerai entendre vos théories ;)

Pour les 10K donc ce sera une FAQ ! (et des petits dessins évidemment.) Donc n'hésitez surtout pas à participe, cela me fera plaisir ! Si vous avez des questions sur l'histoire, les personnages, ou encore sur la personne de l'auteur tordue de cette histoire, je vous en prie, à vos claviers et j'y répondrai la semaine prochaine !

Bien à vous mes doux lecteurs (ps : j'ai bientôt plus de chapitres d'avances. Oui c'est plutôt une mauvaise nouvelle j'en ai conscience...)

Une chaleureuse soirée à vous <3


Ceci est la version corrigée.

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