Chapitre 11 (2) (corrigé)
/!\ Ce chapitre peut comporter des scènes de violence /!\
Il donna un coup de pied dans l'agresseur qui essayait de se relever et le força à rouler sur le dos. Will, l'air mauvais, s'accroupit à côté de lui et flanqua la lame maculée de sang contre sa gorge.
– Chut... lui murmura Will. Calme-toi, tu te fais du mal pour rien.
– Ça ne devait pas se passer comme ça ! articula difficilement l'homme. Tu ne devais pas être là !
– Oui eh bien je suis là ! Je suis souvent là où l'on m'attend le moins, c'est ce qui fait mon charme.
L'assaillant le fusilla du regard.
– Maintenant dis-moi qui t'as envoyé, lui ordonna le jeune homme.
– Va crever !
Il cracha et du sang vint maculer la veste de Will qui sembla tout à coup ennuyé. Soudain, son visage angélique changea du tout au tout, un rictus horrible déforma ses traits, il se leva et il enfonça ses doigts dans le talon ensanglanté du blessé qui poussa un cri de douleur.
– Ce n'est pas très gentil dis-moi. Quel bruit désagréable... Je te conseille de faire moins de bruit, si tu hurles encore, je te coupe la langue avant de t'égorger comme un porc, compris ?
L'homme ricana et Will comprit qu'il ne serait pas aisé de lui arracher les informations.
– Je te le demande une dernière fois qui t'as envoyé ?
L'Irlandais s'approcha de sa tête et posa la pointe de sa lame sur la gorge de l'agresseur qui s'enfonça à peine dans la chair tendre. Les lèvres de Will se fendirent en un sourire cruel quand il sentit le sang chaud de sa victime couler sur ses doigts.
– Tu pourras me torturer, je ne te dirai rien kaala kaua, souffla l'agresseur avec difficulté.
– Oh... lâcha calmement le jeune homme. C'est que tu ne connais rien de la douleur alors. Si tu refuses de me dire quoi que ce soit cela ne fait rien, je saurai extraire la vérité de toute manière.
Le jeune homme contempla un instant sa victime dont le visage ne lui était pas inconnu, ce qui était visiblement réciproque.
– Tu sais qui je suis, n'est-ce pas ? demanda l'Irlandais
« Évidemment que tu le sais. » Pensa-t-il.
Le mercenaire se mit à rire avant de serrer les dents lorsque Will s'approcha de lui.
– Je vais te tuer, lentement, lui susurra-t-il.
– Pas aujourd'hui.
Sans que l'Irlandais n'ait eu le temps d'anticiper quoi que ce soit, dans un excès désespéré de folie l'homme saisit avec force le poignet de Will et enfonça sa lame dans sa gorge pour mettre fin à ses souffrances. Alors qu'il agonisait devant son bourreau dans un gargouillis macabre, l'Indien lui sourit, de toutes ses dents tâchées d'hémoglobine, face à un Will furieux que sa victime lui ait ôté le plaisir de lui voler sa vie. Il ne lâcha pas son assassin du regard avant de fermer définitivement les yeux. Will abattit avec rage son poing sur le torse du mort en jurant et sembla soudainement se rappeler l'existence de la gitane.
Au loin gisait le corps inerte de la jeune femme et il se précipita vers elle. Elle respirait à peine.
– Nokomis ? Nokomis répondez-moi je vous en prie !
Ses paupières lourdes laissaient entrevoir un regard voilé et elle gémissait de douleur. Will perçut le trou qu'avait fait la balle logée dans son abdomen.
– Nokomis surtout restez avec moi, ne vous endormez pas vous m'entendez ! Je vous l'ordonne ! s'écria-t-il. Gardez les yeux ouverts !
Il devait l'amener à l'hôpital de toute urgence mais le temps de la transporter elle risquait mourir dans ses bras. « Tant pis, nous n'avons pas le temps ! » se disait-il alors que la panique l'immobilisait. Son regard s'arrêta sur la tasse de thé brisée qui gisait au sol ainsi qu'une pince à sucre, une idée lui vint. Il revint au pas de course près de la gitane avec son couteau et la pince à sucre, quand elle vit l'arme s'approcher d'elle, elle écarquilla les yeux et se mit à haleter. Mais après tout que pouvait-elle y faire ? Si Will décidait de la tuer, elle ne pouvait qu'attendre la mort.
– Je vais vous tirer de là mais par pitié calmez-vous ! la supplia-t-il.
Il lâcha son arme et déchira sa robe pour mieux voir la plaie et l'Espagnole émit un petit hoquet.
– Ce n'est pas le moment de se la jouer pudique ! Quoi ?! Ne me regardez pas comme ça ! Vous n'êtes pas la première femme que je vois nue enfin ! Nokomis ! Ne vous endormez pas ! Vous allez souffrir, il va falloir serrer les dents. Mais je vais vous sauver Nokomis, vous avez ma parole.
Sans qu'elle n'ait le temps de comprendre ce qu'il projetait de faire elle poussa un faible gémissement de douleur quand il pressa avec force son abdomen à quelques centimètres du trou où s'était logée la balle et sans attendre, il plongea sans hésiter le bout de la pince à sucre pour déloger la balle. Il lui jeta un rapide coup d'œil quand elle hurla et il pria de toutes ses forces pour ne pas rater son coup. Il appuya un peu plus sur son ventre et crut que son cœur allait lâcher quand il sentit au bout de la pince la balle. Il dut faire un effort surhumain pour s'empêcher de trembler et retint sa respiration en retirant rapidement la pince à sucre de la plaie. Un hoquet de surprise lui échappa quand il vit la balle entre sa pince. C'était un véritable miracle. Mais sa victoire sur la mort fut de courte durée car Nokomis ne parvenait plus à lutter et ferma les yeux. L'angoisse saisit le jeune homme qui en deux mouvements rapides et précis serra un châle de la gitane autour de son abdomen pour comprimer la plaie et l'enveloppa dans son manteau.
Il l'emmena dans un fiacre jusqu'à l'hôpital le plus proche d'où il fut chassé malgré ses vives protestations.
Jane déboula à brûle pourpoint comme une furie dans la chambre de la médium, Will sur ses talons. Bien qu'il ait préféré taire ses mésaventures de la nuit dernière, la lèvre fendue et l'ecchymose naissante sur sa mâchoire l'avaient trahi. Sous l'avalanche de questions ainsi que de fortes menaces sincères de la part de sa partenaire qui l'avait trouvé maculé de sang séché au petit matin, il avait été obligé de tout lui avouer ; il se rendait chez Nokomis pour l'interroger sur son implication dans les meurtres lorsqu'il avait été « dérangé » par un énergumène qui s'en était pris à la voyante. Il avait bien sûr enjolivé les scènes de combat pour paraître à son avantage et avait conclu son récit en éludant la fin du tueur à gage.
Sur un lit de fortune dans un hôpital, gisait Nokomis qui reprenait des forces après avoir survécu par on ne sait encore quel miracle à ses blessures. Jane gesticulait autour d'elle comme un oisillon paniqué et tergiversait dans un monologue interminable alors que la gitane luttait de toutes ses forces pour ne pas succomber au sommeil. Étrangement le seul qui demeurait calme dans cette histoire c'était Will. Accoudé nonchalamment contre la fenêtre sale, il observait le ciel gris, perdu dans ses pensées, l'air préoccupé. Nokomis l'observait, depuis qu'elle avait repris suffisamment de forces pour pouvoir de nouveau réfléchir, ses pensées se bousculaient dans un tourbillon intarissable d'interrogations. Will lui avait sauvé la vie. Lorsqu'il avait pénétré sous sa tente elle avait deviné qu'il n'était pas plein de bonnes intentions, il comptait lui faire du mal car il la soupçonnait de mentir et d'être impliquée dans l'affaire Jack l'Éventreur. Pourtant maintenant tout paraissait flou, car s'il avait vraiment voulu se débarrasser d'elle il n'avait qu'à la laisser mourir sans se salir les mains. Mais non, au lieu de cela il l'avait défendue et l'avait arrachée à la mort de justesse. Était-il possible qu'elle l'ait mal jugé ?
- Personne n'a la moindre idée de qui était cette brute j'imagine ? hasarda Jane au bord de la syncope.
L'Irlandais fut arraché à ses réflexions par les questions de la jeune femme. Ce fut Nokomis qui répondit.
- No sé, pero... Señor O'Brien m'a sauvé la vie...
Jane coula un regard vers Will. Le briguant mal rasé dont la chemise était négligemment ouverte et retroussée sur ses avant-bras abîmés pouvait-il avoir un grand cœur ? Le doux William tentait-il d'étouffer son côté chevaleresque sous ses airs détestables ? Contre toute attente Jane trouva cela charmant, pensée qu'elle chassa immédiatement de son esprit.
- Un professionnel, lâcha Will. (Devant l'air interrogatif des deux femmes il s'expliqua.) Quelqu'un a engagé cet homme pour vous tuer. J'avais déjà entendu parler de lui, il ne tue pas uniquement par plaisir ; le meurtre est son fond de commerce. Cela veut dire que quelqu'un est derrière tout ça et vous en veut personnellement. Je me demande qui cela peut-il bien être... ajouta-t-il pour lui-même.
Jane fronça les sourcils. Si quelqu'un voulait se débarrasser de Nokomis cela changeait la donne. Elle se demanda bien pourquoi et si cela était lié à leur enquête, ne l'oublions pas Nokomis connaissait le nom d'une des victimes. Peut-être n'avait-elle rien à voir avec ces meurtres. Peut-être avait-elle vraiment un don comme elle le prétendait et que le véritable responsable la voyait comme un témoin gênant ? Ou peut-être était-ce un client mécontent qu'elle ait révélé un secret scandaleusement fâcheux ?
Jane se souvint des mots de Will : « tout le monde peut mentir », sans doute était-ce une paranoïa soudaine mais elle commençait à croire qu'il avait raison...
« Fulton. » Ce fut à lui que Jane pensa en premier. La conversation qu'elle avait surprise hier soir laissait penser que le politicien avait peur et ne voulait surtout pas voir son nom associé à celui des victimes de l'Éventreur dans la presse. À juste titre, si le scandale venait à l'éclabousser sa carrière serait fichue. Mais s'il était vraiment impliqué et avait eu vent d'une voyante qui savait des choses sur l'assassin de Whitechapel, nul doute qu'il ait cherché à se débarrasser d'elle. Il n'y avait qu'un seul moyen de le savoir et pour cela il allait falloir de nouveau se salir les mains. « Pourvut seulement qu'il n'ait pas encore quitté Londres... »
– William ? lança-t-elle. Croyez-vous que notre ami Fulton valse encore dans les rues de Londres ?
C'était décidé, le soir même ils se rendraient de nouveau au Ten Bells afin de retrouver la trace de Fulton. En son for intérieur, Jane priait pour que le politicien se trouve encore Londres, aussi commençait-elle à prendre conscience qu'elle avait fait une erreur en abrégeant son interrogatoire. Ça lui faisait mal de l'admettre mais Will avait raison, il lui restait encore beaucoup à apprendre.
En attendant elle avait un autre problème hautement urgent : sa tante. Mrs Blancksfair avait clairement exprimé son intention de lui coller un mari entre les pattes et c'était loin d'être le moment idéal ! Jane devait à tout prix trouver un moyen de repousser l'échéance si elle ne voulait pas se retrouver dans une situation délicate.
Quand la jeune fille rentra chez elle, elle prit son courage à deux mains et décida qu'il était temps d'affronter sa tante à propos de ce fameux mariage. Si elle ne pouvait la faire changer d'avis au moins pouvait-elle gagner du temps. La seule solution qui lui était apparue plus ou moins crédible fut de jouer la carte de la jeune fille éplorée qui ne se sentait pas prête. « Surtout ne pas s'énerver, surtout ne pas l'offusquer, rester souriante, ne pas la contrarier par pitié Jane reste à ta place. Sois la jeune fille sage qu'elle veut voir, montre lui ta maturité et ta sagesse. Ne tremble pas, sois sûre de toi. » Se répétait-elle en boucle comme un mantra.
Lorsqu'elle entra dans le salon, elle trouva tante Helen assise dans son vieux fauteuil, lunettes sur le nez, toute à sa broderie. Elle remarqua à peine Jane qui dut se manifester en toussotant.
- Ma tante, hasarda Jane. J'aimerais vous parler... C'est à propos du mariage.
Helen ne leva pas le nez de son ouvrage, elle se contenta seulement de lâcher un petit « hum » guère encourageant. Jane croisa les doigts dans son dos avant de se jeter à l'eau.
- Eh bien voilà ma très chère tante, j'ai beaucoup réfléchit à cette proposition de mariage, et je dois bien admettre que vous et Julie avez raison. J'ai conscience que ce mariage est une véritable chance, c'est ce que toute jeune fille attend. J'ai été ingrate avec vous ma tante, vous voulez ce qu'il y a de meilleur pour moi et en égoïste que je suis, je n'ai eu cette présence d'esprit de vous remercier.
Mrs Blancksfair conserva le silence, ce soudain revirement de situation ne lui plaisait guère et elle se demanda ce que la jeune fille pouvait encore bien comploter. Désireuse d'en savoir plus, elle l'invita à continuer d'un geste las de la main.
- Je vous remercie donc, pour tout ce que vous avez fait. Je suis sûre que le jeune homme que vous avez trouvé pour moi sera parfait pour bâtir un foyer solide et m'apporter tout le confort dont j'aurai besoin.
- Viens-en aux faits, la pressa Helen dont les mains se faisaient de plus en plus moites à force que sa nièce ne la fasse languir.
- Je me plierai sans faire d'histoires si telle est votre volonté. En contrepartie je vous demande de respecter la mienne, je me marierai quand je me sentirai prête.
Sa tante daigna enfin lever le nez de son ouvrage et le posa délicatement sur ses genoux. Elle réajusta ses lunettes et coula un regard vers sa nièce, tendue comme un fil sur le point de rompre. Contre toute attente Helen se mit à rire doucement.
- Eh bien, eh bien. En voilà de jolis mots, quel talent ! Je dois dire que tu me surprends ! Même si quelque part j'étais persuadée que tu n'accepterais pas ce mariage aussi facilement et pour tout t'avouer, j'attendais de voir ce que tu allais encore inventer pour pouvoir y échapper. Cela dit je suis touchée par ton petit numéro. J'aimerais vraiment t'accorder cette faveur. Hélas je ne peux pas.
Il sembla à Jane qu'une pierre lourde comme un âne mort venait de lui tomber entre les mains.
- Je... Quoi ? Comment... Pourquoi vous ne pouvez pas ? demanda Jane médusée.
- C'est ainsi ma fille. Il a été décidé que...
- Comment ça « il » a été décidé ? Qui est ce « il » ? s'emporta Jane qui ne comprenait rien à ce que sa tante lui disait.
- Jane ne me parle pas sur ce ton je te prie, répliqua Helen avec autorité. Ce que je fais je le fais pour toi, tu dépends de mon autorité jusqu'à ce que tu sois mariée. Et tant que cela durera tu devras te plier à mes volontés, est-ce clair ? Qui crois-tu donc être avec tes manières de révolutionnaire ? Tu penses pouvoir être libre de faire ce qui te chante ? Grandis un peu mon enfant, rappelles-toi la place qui est la tienne et tâche de t'en souvenir.
Jane eut un mouvement de recul, elle toisa sa tante et serra les poings, lui jetant dans un regard méprisant tout ce qu'elle ne pouvait dire avec les mots.
- J'ai grandis ma tante. Oui, aujourd'hui grâce à vous j'ai pris conscience des chaînes qui me retenaient prisonnière. Je sens leur poids sur mes épaules et je me sens tellement faible que j'ai l'impression que je ne pourrai jamais m'en défaire. Mais au risque de vous décevoir je suis bien plus libre que vous ne pouvez le penser, le poids de vos liens qui me clouent au sol ne pourront jamais empêcher mon esprit d'être plus libre que vous ne le serez jamais.
Helen en resta coite. Si Mary Carroll avait été à sa place elle aurait sans aucun doute bondit de son siège pour faire regretter ses paroles à cette petite insolente. Elle l'aurait punie d'une telle manière qu'elle aurait brisé en elle le si petit oiseau qui chantait « liberté ». Mais cela, Helen en était incapable, tout simplement parce qu'alors qu'elle n'avait encore que dix-sept ans, son père lui avait présenté un homme qu'elle n'aimait pas, un certain docteur maladroit et de dix ans son aîné. Cet homme l'avait épousée contre sa volonté, et alors qu'elle le haïssait au plus profond d'elle-même, elle avait fini par apprendre à l'aimer.
- Tu rencontras ton futur mari bientôt. Que tu le veuilles ou non.
- Oh mais nous ne sommes pas encore mariés, répliqua sa nièce.
Débordantede fureur, Jane tourna les talons.
Alors ? J'attends vos avis !!
Voilà que des nouveaux problèmes arrivent, l'accident de Nokomis est-il un élément isolé ? Mais qui est donc ce futur mari ? Et surtout comment va réagir notre tête de mule préférée ?
A vos claviers mes chers !
Je poste ce chapitre en avance car je pars en vacances durant deux semaines et donc vendredi je ne pourrait pas publier. Mais pour me faire pardonner cette courte absence je vous poste dans l'immédiat le chapitre 11 (3), ainsi que le chapitre 12 (1) et en bonus je vous poste également le chapitre 12 (2) ! Je vous conseille de ne pas tout lire d'une traite, car la fin du chapitre 12 (2) devrait vous donner un alibi pour me jeter des pierres...
J'espère que tout cela vous plaira ! Bonne lecture mes doux lecteurs
(Je ne publie pas pendant deux semaines mais je vais essayer de rester active sur Wattpad)
Ceci est la version réécrite.
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