Chapitre 11 (1) (corrigé)
Le diable au corps
« Quand les démons veulent gagner une âme aux péchés les plus noirs que font-ils tout d'abord sinon séduire par des dehors angéliques : tout comme moi. »
Shakespeare, Othello
/!\ Ce chapitre peut comporter des scènes de violence /!\
Un silence mortel régnait dans le cimetière de Nunhead. L'ambiance macabre était plus propice aux divagations des esprits et de temps à autres, le commun des mortels semblait apercevoir des spectres là où il n'y avait que des feux follets. Ou inversement. Mais Will ne semblait prêter foi à ces visions surnaturelles qui l'assaillaient. Il se dirigeait rapidement vers l'habitat de fortune où une certaine gitane avait élu domicile. À quelques pas de l'entrée, il ralentit, se faisant le plus discret possible, sa main glissa le long du pommeau de son couteau sur lequel il rabattit son manteau. Ce couteau à la lame aiguisée tranchait la peau de ses victimes comme du petit beurre, sans aucun état d'âme. Will avait eu l'habitude de s'en servir, ce couteau était son seul véritable ami avec son revolver, le seul qui ne l'avait jamais déçu, qui avait toujours su ôter la vie quand il le fallait. La lame d'acier était la meilleure amie de la part d'ombre de son maître, et elle accomplirait sa besogne aussi longtemps qu'il aurait besoin d'elle. Pourtant, alors qu'il se frayait un chemin à travers les ombres de la nuit, l'habitat semblait désert, bien qu'éclairé. Son habitante n'avait tout de même pas quitté sa tente sans avoir soufflé sa bougie ? Le jeune homme serra les poings et s'en alla pénétrer sous la tente, méfiant il tendit l'oreille au moindre bruit suspect.
Au terme de quelques secondes silencieuses il poussa l'épais tissu sans se saisir de son arme tandis que son instinct lui criait de se protéger. Grave erreur, il fut reçu dignement par son hôte. Nokomis surgit de nulle part et glissa la lame de son sabre sous la gorge de l'importun qui déglutit. Il leva les mains en signe de reddition, cependant la gitane ne baissa pas sa garde.
– Bonsoir Nokomis, la salua-t-il. Je constate que vous avez un certain sens de l'hospitalité.
La médium ne répondit rien, lui jetant un regard aussi noir que son épaisse chevelure qui tombait sur ses épaules brunes dénudées. Ses breloques teintèrent au bout de son poignet quand elle leva imperceptiblement sa lame. Elle paraissait sur le point de se coucher à en juger par la tenue qu'elle portait : une simple robe en tulle, d'un rouge pâle qui laissait tout le loisir à Will d'admirer sa féminité dans toute sa splendeur. S'il avait été plus jeune sans doute aurait-il rougit devant le spectacle que lui offrait la jeune femme, actuellement son désir fut rapidement neutralisé par la lame qui flattait les courbes de sa gorge.
– Elle est pour moi cette robe ? Si j'avais su que vous m'attendiez je me serais mieux apprêté pour vous, lâcha-t-il la mine déçue.
– Basta ! Cessez vos idioties ! feula Nokomis entre ses dents. Je sais que vous êtes venu pour me tuer.
– Moi ? Vous tuer ? Allons qu'est-ce que vous me dites là ? Jamais de la vie ! (Comme elle dardait sur lui un regard mauvais il ajouta sombrement :) Croyez-moi si j'avais réellement voulu vous tuer vous seriez déjà morte, lui assura l'Irlandais qui retrouvait son sérieux.
– Vous mentez, l'accusa-t-elle.
– Oh non ! Si j'ai bien une qualité c'est mon honneur ! Et puis, entre nous je n'aime pas le gâchis.
Nokomis l'examina, tentant de déceler chez lui une lueur qui trahirait sa vraie nature de démon. Mais elle ne vit rien. Il disait la vérité, enfin du moins elle l'espérait.
– S'il vous plaît vous pouvez baisser ça ? Vous allez finir par vous faire mal et Dieu sait comme j'ai horreur du sang. En plus je commence à avoir des crampes dans les bras.
La gitane hésita. Elle n'avait pas confiance en cet homme depuis la seconde où elle avait croisé son regard de diablo. Elle en savait suffisamment sur lui pour savoir qu'il fallait mieux se tenir éloignée de la bête. Contre toute attente elle baissa lentement son sabre, en revanche elle ne le lâcha pas pour autant.
– Que voulez-vous ? lui demanda-t-elle enfin.
– Il fallait que je m'entretienne avec vous, lui répondit le jeune homme.
– À quel sujet ? l'interrogea-t-elle sans le lâcher une seconde du regard.
– Ne me regardez pas comme cela voyons, vous me mettez mal à l'aise ! se plaignit-t-il.
L'Espagnole leva les yeux au ciel.
– Comment fait votre amie pour ne pas vous sortir les yeux de la tête ? s'exaspéra-t-elle.
– Oh, croyez-moi, ce n'est pas l'envie qui lui manque ! s'amusa Will.
– Quelle patience, vous voilà sous ma tente depuis quelques secondes à peine et j'ai déjà envie de vous jeter dehors à coup de pieds.
– Comment ? Un aussi beau jeune homme que moi ? Finalement je retire ce que j'ai dit sur votre sens hospitalier. Et puis je ne pense pas que vous me jetteriez dehors après avoir entendu ce que j'ai à vous dire.
Elle fronça ses épais sourcils noirs, intriguée.
– Que voulez-vous dire ?
– Commençons par le commencement si vous voulez bien, d'abord les bonnes nouvelles : vous êtes en danger, dit Will de but en blanc. Ces derniers temps ne vous êtes-vous pas sentie suivie ? Épiée ? Il se pourrait qu'on ait engagé quelqu'un pour vous faire taire.
– C'est censé être une bonne nouvelle ? Comment le saurais-je ? Je me sens épiée depuis que je peux voir les morts. Ceci est mon quotidien.
– Eh bien s'il s'avère que vous avez vraiment un lien avec l'affaire Jack l'Éventreur, m'est avis qu'on ne va pas tarder à vous bousculer un peu.
– Pourquoi ? Je n'ai rien à voir là-dedans ! On veut me faire quitter le pays ? demanda Nokomis soudain anxieuse.
– Disons qu'on voudrait vous rayer du paysage surtout. Ces gens-là ont des méthodes bien plus radicales, si vous voyez ce que je veux dire.
La gitane resserra son emprise sur son sabre. Son rythme cardiaque s'accéléra en envisageant l'éventualité qu'on puisse la surveiller.
– C'est pour ça que je suis ici. Afin d'en savoir plus sur le rôle que vous tenez dans cette histoire, et accessoirement vous éviter les ennuis.
Elle ne répondit pas. Comment avoir confiance en un homme ayant cette réputation si peu flatteuse ? Et si c'était lui qui lui voulait du mal ?
– Nokomis je connais la ville comme ma poche, si vous me suivez je saurais vous cacher.
– Ah ! Vous connaissez la ville comme votre poche bien sûr, c'est plus pratique pour fuir la justice, cracha-t-elle.
Elle jeta des coups d'œil hagards autour d'elle, à la cherche d'une issue, le temps de lui asséner un sale coup avant de prendre ses jambes à son cou.
– Hum, rétorqua Will avec dédain. Quoi de plus normal pour un habitant que de connaître sa ville ?
– Arrêtez de vous moquer de moi, vous n'êtes pas plus britannique que moi. Vous n'êtes qu'un malfrat irlandais responsable de bien trop de désastres.
Une étincelle traversa les prunelles de Will.
– Oh ! À ce que je vois on s'est renseignée sur moi ? Je suis flatté, dit-il soudainement très intéressé.
Il s'approcha dangereusement de la voyante. Nokomis recula, refoulant la peur qui grandissait en elle, sachant pertinemment que son sabre ne lui serait pas d'une grande aide bien longtemps s'il se décidait à lui faire du mal. Elle aurait dû partir pendant qu'il en était encore temps, si elle avait su elle aurait écouté les esprits qui lui ordonnaient de fuir. Maintenant il était trop tard. Elle compter néanmoins se battre jusqu'au bout contre lui.
– Votre amie, le sait-elle ? hasarda la gitane.
Will avait très bien saisi que la bohémienne avait eu vent de quelques informations à son sujet, des informations que Jane ne devait en aucun cas savoir, personne ne le devait.
– Il y a des choses qui doivent rester dissimulées à jamais pour le bien commun, lui répondit-il avec conviction.
– Votre âme est tellement noire señor O'Brien. Vous irez en Enfer... je le sais.
– Ne vous en faites pas pour cela, Lucifer me garde sagement une place à ses côtés lors du moment venu. Et je ne lui ferai pas l'affront de lui fausser compagnie. En attendant j'ai encore des jours paisibles devant moi.
– Je n'en suis pas si sûre.
Soudainement un grand fracas interrompit leur conversation de courtoisie. Un homme à la peau mordorée, immense et musclé comme un titan venait de s'introduire sous la tente et se jetait férocement sur ses deux victimes. Nokomis aurait sans doute été empalée sur son couteau si Will ne l'avait pas poussée à temps. Il n'eut pas le temps d'esquiver un coup de poing de la part gros bonhomme qui se ruait déjà sur la bohémienne à terre, tétanisée. Sonné par le coup, le jeune homme ne trouva rien d'autre à faire que de foncer sur leur assaillant pour protéger la gitane abasourdie. Dans sa chute, le mastodonte lâcha son arme et attrapa cet insecte désagréable qui volait autour de lui. Voilà que l'Irlandais fut plaqué au sol par le géant enragé prêt à en découdre avec la vermine.
– Courrez ! hurla Will à Nokomis.
Il dut crier une seconde fois pour qu'elle quitte sa torpeur et reprenne un minimum de contrôle sur ses membres flageolants pour s'élancer. Le mouvement attira l'attention du tueur, et Will en profita pour placer un crocher de toute ses forces dans le visage de cet homme qui avait les traits d'un Indien. Se redressant de toute sa hauteur, il dévisagea ce microbe qui lui barrait la route et renifla alors qu'un fin filet de sang coulait de son nez. L'homme lui rendit son coup et étourdit le jeune homme. Will sentit le goût du sang envahir sa langue et il se souvint rapidement de tout ce qu'il avait appris ; il était beaucoup plus petit, et beaucoup moins massif, des inconvénients mais aussi des avantages qui jouaient en sa faveur, il lui suffisait de s'échapper de l'étreinte de son assaillant pour dégainer. Will lui assena un coup de genou puissant pendant qu'il l'attrapait par le col afin de le faire rouler au-dessus de lui.
L'Irlandais bondit comme un chat sur ses pieds et se rua sur le sabre de Nokomis une seconde trop tard car l'Indien s'était déjà relevé et fit virevolter le sabre dans la pièce d'un coup de pied. Il lui envoya un coup de pied dans ses côtes que Will bloqua avec peine, le jeune homme, désarmé, tenta le tout pour le tout, il enchaîna les coups sur son assaillant jusqu'à ce que celui-ci crache un sang sombre. Il tituba de quelques pas et porta la main à sa bouche, fasciné, il observa le liquide écarlate sur ses doigts et son visage se métamorphosa en une grimace colérique. Il cracha du sang et fusilla Will du regard. Il se jeta sur lui et le frappa si fort qu'il fut projeté sur la table qui céda sous son poids. L'Indien dégaina un pistolet avec lequel il tira sur sa victime au regard d'azur qui eut tout juste le temps de rouler pour l'éviter.
Alors qu'il s'attendait à se faire tirer dessus une nouvelle fois, il vit Nokomis briser un vase sur la tête du tueur qui hurla de douleur. Se mouvant aussi rapidement qu'il le put, Will se rua sur l'homme qui pointait son arme sur la gitane. Puis un coup de feu retentit.
Nokomis mit un genou à terre. Livide, elle contempla ses mains ruisselantes de sang chaud, haletante. Le cœur de Will battait à tout rompre, il dégaina enfin son couteau et sauta sur l'Indien, avec hargne il planta sa lame dans son flanc. Son assaillant hurla de douleur et Will en profita pour lui asséner un coup de pied dans le creux du genou pour le faire ployer, et fit pivoter sa lame dans sa chair. Revivifié par les cris de douleur de sa victime, et sentant qu'il reprenait le dessus, l'Irlandais s'empressa d'arracher le pistolet de la main du tueur tandis qu'une deuxième balle se perdait au-dessus de leur tête. Will agit vite, l'intrus commençait déjà à s'agiter qu'il lui sectionna le talon d'Achille et l'Indien massif tomba à terre, gémissant de douleur. Will se releva et essuya le sang qui coulait de sa bouche, un rictus mauvais sur les lèvres. Sa partie préférée pouvait enfin commencer.
Une sous partie un peu longue mais je ne voulais pas vous couper en plein milieu :) Alors, que pensez-vous de ce chapitre ? Je l'avoue, je ne suis pas très douée pour écrire ce genre de scène alors votre aide est la bienvenue !
Je vous informe déjà que je pars en vacances jeudi prochain, donc je ne pourrai publier la suite vendredi. C'est pour cela que la suite de le prochain chapitre sera disponible jeudi au lieu de vendredi !
Aussi, j'ai oublié de le faire la semaine dernière, j'en profite pour vous inviter à lire la collaboration que j'ai faite avec @Hedgye sur le compte de @CoraRouge , un mélange entre entre historique et fantastique, le tout avec une touche de romance. J'espère que vous allez aimer !
Ceci est la version réécrite.
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