#2

La vie est difficile. Parfois, on a l'impression de se retrouver entrainé dans un tourbillon de couleurs qui nous happent et nous embaument, égayant notre quotidien bien morne, nous laissant espérer que ces moments se fassent moins rares, mais ce n'est qu'une illusion. La triste réalité reprend bien vite le dessus, tout évolue en noir et blanc, les minutes s'égrainant à une allure grotesque, comme si des grains de sable bouchaient le trou du sablier.

Devoir recommencer à vivre après une éternité de quasi-mort est un véritable supplice. On se débat, nie que le moment est arrivé, invente toutes sortes de subterfuges. Ce stratagème peut durer un moment, un très long même, je dirais. C'est plus ou moins ce qui s'est passé pour moi.

Mais un jour, quelqu'un nous envoie la vie à la figure, avec tant de vigueur que c'en fait presque mal, qui s'indigne après nous avoir vu baisser les bras, après nous avoir vu tout laisser tomber, après nous avoir vu, impuissant, renoncer à la vie.

Alors, on ouvre les yeux, l'un après l'autre, et on se laisse balloter par l'ouragan qu'est la vie, on se laisse emporter par les vagues des saisons qui défilent, sans jamais pour se raccrocher à quoi que ce soit.

On recommence à faire semblant, à porter un masque quasiment en permanence, tant et si bien qu'on ressort d'une simple journée épuisé. On se tient en apparence, fragiles, vides, brisés, détruits à l'intérieur; nos faux-semblants tiennent difficilement. Je me dis souvent qu'à ce moment, on ressemble à des vases cassés, dont on aurait récupéré et assemblé les morceaux avec du vieux papier adhésif, dans le but de limiter les dégâts et de ne pas se faire taper sur les doigts par notre mère. C'est absolument inefficace, vu qu'au moindre choc, tout ce qu'on s'est efforcé de bâtir s'effondre.

C'est pourquoi je me sentais épuisée en permanence, tout était susceptible de me briser à nouveau. Maintenant que les brèches étaient présentes, il suffisait d'un rien. Il fallait être sur le qui-vive constamment, veiller à parer à tous les maux, même ceux qui nous paraissaient infimes, minimes quelques temps auparavant seulement, et qui à présent nous enfonçaient bien profond une lame dans le cur.

Il fallait donc se faire plus petite que jamais, ne jamais se faire remarquer, ne jamais adresser la parole à quiconque, ne jamais plus accorder sa confiance, de peur de se voir détruite, et cette fois, définitivement. Car même si les dommages ne pouvaient se voir physiquement, ils me meurtrissaient à l'intérieur, et marquaient à vie.

C'est dans cet état d'esprit que j'ai pénétré dans ce couloir, ce jour-là. J'avais l'apparence d'un cadavre, ou du moins d'un Inferi : la silhouette sombre et vacillante, la tête baissée, le teint pâle, des larmes coulant sur mes joues blafardes et brûlantes, luttant vaillamment pour ne pas rentrer chez moi en courant. "Pourquoi m'infliger cela? ", je me demandai sans cesse.

J'avançai par petits pas, persuadée que les personnes autour de moi connaissaient mes démons, et n'hésiteraient bientôt plus à les utiliser contre moi.

Je ne me doutai pas que tout allait bientôt changer.

A jamais.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top