Chapitre 9

Eliane lança un regard insistant à l'Architecte des Cauchemars, elle observa chaque détail de son visage afin de se souvenir de lui si il parvenait à s'échapper. Une faible lueur violette émanait de la main de son adversaire. Il fallait qu'elle reste sur ses gardes, elle ne connaissait pas l'étendue de ses pouvoirs. Elle regarda autour d'elle dans l'espoir d'apercevoir son partenaire. Le chevalier n'avait quand même pas prit la fuite ? Lui qui ne pouvait s'empêcher de leur répéter à quel point il était brave et courageux ! Mais ce n'était pas important, elle n'avait besoin de l'aide de personne ! A quoi pensait elle bon sang ? Qu'elle ne pouvait pas se défendre seule ? La jeune femme resserra sa main autour du manche du couteau qu'elle tenait.

Elle releva bravement la tête et défia l'Architecte des Cauchemars du regard. Il dégageait une aura très intimidante, très puissante. Eliane prit son courage à deux mains et s'écria :

- C'est donc vous Architecte des Cauchemars ? C'est donc vous l'auteur de tous nos problèmes n'est ce pas ? Pourquoi avez vous dérobé la relique ? Quel était votre but en infiltrant ce monde ? Et surtout, pourquoi faites vous tout ça ?

L'Architecte la regarda sans afficher la moindre expression, son visage restait neutre, impartial. Il réfléchit un instant puis prit la parole :

- Et bien.... Je suis démasqué on dirait... A vrai dire, je n'ai jamais œuvré dans le but de vous nuire... Je cherche seulement à aider ces mondes, rien de plus. Mon but ? Il est très simple...

Soudainement, l'Architecte des Cauchemars sortit sa main de la poche de son costume. Il la leva et serra la poing, une lueur violette se mit à émaner autour de tous les invités. Eliane regarda tout autour d'elle paniquée, cherchant à comprendre ce qu'il se passait. Lorsque son ennemi claqua des doigts, soudainement, des monstres, des créatures, de hommes, des animaux se mirent à jaillir de cette lueur violette. Des cris de peur de peur retentirent. Eliane se tourna et regarda les invités, tous semblaient terrorisés par une de ces créatures en particulier... Comme si c'était ... Leur pire cauchemar.... Dès lors qu'elle eut cette idée, elle commença à comprendre l'étendu des pouvoirs de son ennemi. Elle se tourna vers son adversaire et demanda :

- Je crois avoir saisi le but de vos pouvoirs... Vous pouvez matérialiser les peurs, les cauchemars les plus profonds des gens. Pourquoi n'avez vous pas utilisé votre pouvoir sur moi ?

- Oh ! Tu es plutôt perspicace, dit il en affichant un grand sourire, et bien... Ça me coûte de le dire mais, je n'arrive pas à cerner ta peur la plus profonde. La plupart des gens ont des peurs simples, comme les monstres, la mort, perdre leur travail... Mais toi, elle semble plus profonde, mais pas de panique... Je ne mettrai pas longtemps à la cerner et toi aussi tu passeras mon épreuve...

- Votre... épreuve ? Demanda la jeune femme étonnée.

Mais l'Architecte des Cauchemars ne lui répondit pas, il tourna la tête et se mit à courir vers la porte de sortie, profitant du chaos pour prendre discrètement la fuite. Eliane poussa un cri de surprise en voyant que son ennemi allait lui filer entre les doigts. Sans plus attendre, elle se lança à sa poursuite. Elle s'empressa de descendre les escaliers le plus vite possible pour le rattraper. Elle déboucha sur une ruelle sombre, elle aperçut au loin son adversaire qui tournait dans une autre rue. Sans s'arrêter elle continua de courir. Sa robe la ralentissait, et courir pieds nus était douloureux. Elle regretta soudainement d'avoir jeté son talon à la tête de l'homme de tout à l'heure. Cependant elle ne renonça pas, elle avait déjà été blessée pendant des combats, ce n'était pas quelques égratignures qui allaient l'arrêter. Alors qu'elle gagnait du terrain elle ne put s'empêcher de lui redemander. Son cri résonna dans la nuit :

- Reviens ordure ! Pourquoi faites vous tout ça bon sang ?!

L'Architecte des Cauchemars continua de courir comme si il n'avait pas entendu puis alors qu'ils approchaient d'un pont. Il se retourna et cria, hilare :

- Les cauchemars sont la vérité. Quand le masque tombe et que la peur surgit, c'est là que les hommes révèlent leur vraie nature. Ce monde est faible, peuplé de gens qui refusent d'affronter leur propre noirceur. Je vais leur donner ce qu'ils fuient. Ce que je fais est un acte de libération, Eliane. Ceux qui échappent à mes cauchemars méritent la lumière du jour. Les autres, eux... ne sont qu'une ombre de plus dans ma nuit.

Dès lors qu'il eut fini sa phrase il monta agilement sur la barrière du pont... Et sauta dans le vide. Eliane poussa un cri de rage quand elle vit son ennemi disparaître sous ses yeux. La nuit était froide et silencieuse. Eliane se tenait seule sur le pont, le souffle court, le cœur battant à tout rompre. Devant elle, l'eau noire et glaciale ondulait, engloutissant les dernières vagues provoquées par la chute de l'Architecte. Le monde entier semblait s'être figé dans une immobilité sinistre, comme pour souligner l'échec cuisant qui lui pesait.

Elle serra les poings jusqu'à ce que ses ongles s'enfoncent dans ses paumes, mais la douleur physique était insignifiante face à celle qui lui brûlait l'esprit. Elle s'en voulait terriblement : tout ce qu'ils avaient traversé et cette mission dont elle portait le poids depuis son départ de son royaume – tout cela n'avait servi à rien. Elle se sentait impuissante, comme si la force qui l'avait toujours guidée l'avait souvent abandonnée

- Non... non, ça ne peut pas se finir comme ça ! » murmura t'elle folle de rage.

Elle prit une grande inspiration. Les larmes lui montèrent aux yeux, brûlantes, mais elle les chassa d'un geste rageur. Les héros ne pleurent pas , se dit-elle silencieusement.

Elle se détourna du pont, et repartit dans le sens inverse, pour partir retrouver Kaël. La brise du soir soufflait doucement. Le bruit des voitures qui roulaient brisait le silence. L'allée dans laquelle elle marchait était à peine éclairée par les faibles lueurs des vieux lampadaires abîmés. Chaque pas lui rappelait la défaite cuisante qu'elle venait de subir.

Eliane n'était pas habituée à échouer. Depuis qu'elle était toute petite, on lui avait appris une chose. Ne jamais faillir, ne jamais échouer, toujours réussir. Peu à peu, elle avait grandi avec ce sentiment de toujours devoir être parfaite. L'échec ? Elle n'avait échoué que très peu de fois... Et ces quelques fois où elle avait failli, elle avait du affronter le regard noir de sa mère. Et ces phrases qu'elle entendait sans cesse. « Tu peux faire mieux » ou encore « tu es décevante ».

Pas une seule fois elle avait entendue sa mère la féliciter ou encore lui dire qu'elle était fière d'elle. Pas une seule fois. Eliane s'arrêta de marcher un instant. Quelque chose lui vint à l'esprit. En apprenant que sa fille s'était enfuie par la portail après avoir « volé » la relique, qu'en avait elle pensé ? Elle avait du.. Être affreusement déçue. Comme toujours en somme. Quelques minutes plus tard, elle arriva enfin devant l'immeuble où avait eu lieu la soirée. La police était présente. Toutes les créatures semblaient avoir disparu, comme si elles s'était volatilisées.

Alors qu'elle regardait pensivement le lieu, elle entendit quelqu'un crier son nom. Elle se tourna, étonnée, et aperçut Kaël qui courrait vers elle. En l'apercevant il s'exclama, soulagé :

- Eliane ! Je te cherchai partout ! Qu'est ce qu'il s'est passé ? Quand tu as trouvé l'Architecte des Cauchemars je suis parti chercher quelque chose pour me battre. Mais quand je suis revenue, la pièce était remplie de monstres et de créatures, j'ai protégé les invités du mieux que j'ai pu. Et puis d'un seul coup ils ont tous disparu. Que t'est il arrivé ?

La jeune femme préféra regarder par terre, encore honteuse d'avoir échoué. Elle murmura :

- J'ai poursuivi l'Architecte des Cauchemars... Mais j'ai lamentablement échoué... Il a sauté d'un pont et a disparu. Par un portail je suppose.

Kaël réfléchit un instant, il n'avait pas l'habitude de consoler les gens, il ne savait pas trop quoi dire. Les deux camarades marchèrent en silence jusqu'à l'appartement de Julien qui se trouvait non loin de là. Eliane toqua à la porte et attendit. Soudainement, Sophie ouvra la porte d'un coup sec.

- Vous voilà ! Vous pouvez pas savoir à quel point on s'est inquiété ! Mais... Mais qu'est ce qu'il vous est arrivé ? S'écria elle en regardant l'état de Eliane, qui était pieds nus, les mains et les pieds écorchés, et la robe déchirée.

Elle les fit rapidement rentrer, puis tendit à Eliane de quoi se changer. Le jeune assassin s'habilla en vitesse et rejoint ses compagnons au salon. Elle évita de croiser leurs regards, elle savait qu'elle allait recevoir des reproches pour son échec. Kaël avait du tout leur raconter. Soudainement Lorcan s'exclama tout excité :

- Alors comme ça Eliane tu as affronté l'Architecte des Cauchemars ? La vache t'es sacrément forte ! Maintenant il sait à qui il a affaire !

- En plus tu as vu à quoi il ressemblait, renchérit Renard en souriant, ça va beaucoup nous aider pour la suite de nos recherches !

- De plus, enchaîna Julien en haussant un sourcil, maintenant on connaît l'étendue de ses pouvoirs ! Bravo vous deux ! Vous avez assurés !

- La prochaine fois, évite de te faire mal comme ce soir ok ? Si on pouvait réussir cette mission sans que personne ne se blesse ce serait mieux non ? Conclut Sophie en fixant la jeune femme avec un doux sourire apaisant.

Eliane resta figée un instant, ils... Les félicitaient elle et Kaël ? Mais pourquoi ? Ils avaient échoués non ? Une larme perla au coin de son œil, et dévala sa joue. Surprise, elle s'empressa de l'essuyer du revers de sa manche. Tous s'étonnèrent de la voir pleurer, en particulier Kaël, Renard et Lorcan. Depuis le début de leur aventure, ils avaient toujours vu leur camarade forte, sans faille. Et pour la première fois, ils la découvraient sous une autre facette. Sophie s'empressa de consoler Eliane, sans trop savoir pourquoi celle ci se sentait mal.

Julien, inquiet de la voir ainsi se dépêcha de lui servir une tasse de café pour la requinquer. Mais étonnamment, elle releva la tête, essuya ses larmes et murmura :

- Je vais bien ne vous en faites pas... Merci.. Les amis....

Lorcan, Renard et Kaël affichèrent une mine choquée quand ils entendirent la jeune femme les appeler « ses amis ». Elle qui depuis le début de la quête ne les appelait que « abrutis », « crétins », « idiots ». Eliane afficha un sourire en voyant leurs expressions, son premier depuis un bon bout de temps. Et celui ci.. Il était sincère.

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