Chapitre 8 : Reflets d'argent (partie 2)
– Que c'est ma fille. La Déesse dont tout le monde attend la révélation est la fille de Delthéa. Et la mienne, lâcha sa femme.
Kalum pu presque sentir le temps ralentir. Les secondes s'égrenèrent dans un silence abasourdi.
– De quoi vouliez-vous la protéger, au juste ? demanda Fahyr, insensible au choc.
– Tout n'est pas aussi rose dans le monde des Dieux qu'ils ne veulent nous le faire croire, j'ai payé pour le savoir, souffla Linaëlle. Mais là n'est pas la question, il est impératif que la nouvelle ne se répande pas, sinon elle sera en danger, encore plus que maintenant.
– C'est évident, acquiesça Cathya. Tout comme il est nécessaire d'aller la secou...
– Oh hé, deux minutes, vous, l'interrompit Xavier, remis de sa surprise. Vous faites les enfants de la même manière que nous ?
– Je vous demande pardon ? s'offusqua la prêtresse.
– Xavier, c'est vraiment la première chose qui te viens à l'esprit ? murmura sa femme.
– Mais on parle d'une Déesse et d'une femme, mères de la même gosse et ça ne choque personne ? insista le concerné.
– Il y a beaucoup de choses qui me choquent et ceci n'est pas en haut de la liste, assena Adam.
L'adolescent reporta son attention sur son père. Les poings serrés, la mâchoire crispée, il fixait sa femme d'un œil furieux. Même indirectement, le jeune garçon pouvait ressentir les nuages noirs de sa colère s'accumuler au-dessus du lien d'aura que ses parents partageaient.
– Pas ici, chuchota sa mère.
– Pas ici ? répéta Adam en hurlant. Tu viens d'annoncer à toute ta famille et un trio de gusses aux oreilles pointues que tu m'as fait un enfant dans le dos, peu importe le moyen, et tu as le culot de me dire ça !
– Adam, je...
– Non ! Je ne veux rien entendre ! Bon sang, je savais que cette histoire finirait mal à l'instant où tu m'en as parlé la première fois ! Non seulement tu salis les vœux que tu as prononcé le jour de notre mariage, mais en plus tu lui donnes une fille... Ne me dit pas que c'est grâce à moi ?
Linaëlle détourna les yeux de son regard furieux un bref instant, mais cela suffit à Kalum pour comprendre et à son père également.
– Voilà ! Voilà, je le savais ! poursuivit Adam. Non seulement je suis la dupe de l'histoire, mais en plus tu t'es servi de moi comme un étalon reproducteur ! Tu as beau avoir la gloire et la reconnaissance d'un continent, au fond tu n'es qu'une menteuse, hypocrite et ta Déesse ne vaut pas mieux !
La gifle partit trop vite pour qu'il l'esquive. Le son claqua dans le silence absolu de la pièce. Abasourdi par la confrontation entre ses parents, Kalum ne pouvait que les regarder se faire face. Les pupilles de sa mère avait changé, devenues celles de la Dragonne qui se cachait sous sa peau. Ses yeux se remplissaient de larmes et non pas de colère. Elle attrapa son mari, occupé à masser sa mâchoire douloureuse, par le coude et tout deux disparurent.
Le lien que l'adolescent partageait avec Linaëlle s'amincit. Il ignorait où elle avait emmené son père, mais tous les deux étaient loin de Dopalis. Dans un silence pesant, il échangea un regard déboussolé avec son frère. Leurs parents se disputaient parfois, mais jamais en public ni avec une telle violence.
Une main se posa sur son épaule. Le jeune garçon se détourna à demi pour découvrir son oncle Cassildey, un air désolé sur le visage.
Le Roi se racla la gorge et déclara :
– Je pense qu'il est inutile de poursuivre cette conversation sans la principale concernée. Nous allons donner des appartements à nos invités et faire preuve d'un maximum de discrétion à propos de leur présence. Nous aviserons quand Linaëlle sera rentrée.
Une vague de hochement de tête lui répondit. Même les elfes paraissaient secoués par ce qu'il venait de se passer. Ayalïn mordillait sa lèvre inférieur en regardant l'endroit où le couple avait disparu. Les deux prêtres affichaient un air mitigé. Kalum n'aurait su dire si c'était de la déception, de la surprise,de la consternation ou un mélange des trois.
Il regagna sa chambre et jeta un œil à ses affaires scolaires. Il n'avait pas la moindre envie de se remettre au travail. Il s'assit en tailleur sur son lit, essayant de réfléchir aux évènements.
Il venait de rencontrer des elfes, apprendre que sa mère fréquentait une Déesse et qu'il avait une sœur, ou demi-sœur, perdue sur la planète. Cette dernière réflexion le fit grogner. Il y avait une petite fille sans défenses qui attendait qu'on vienne à son secours, quelque part loin d'ici.
– J'aimerais t'aider, souffla-t-il dans le vide.
Il prit alors conscience qu'il se moquait bien de la relation de sa mère avec Delthéa. Ou que cette petite Déesse soit née d'un quelconque tour de magie. Elle faisait partie de sa famille et pas à moitié. Pour lui, le bonheur et la santé de ses proches restaient l'essentiel. Sauf que son père n'avait pas l'air d'être du même avis et son frère n'avait pas pipé mot et s'était enfermé dans sa chambre.
Perdu dans ses pensées, il n'entendit pas la porte de sa chambre s'ouvrir et sursauta quand deux petits bras l'enlacèrent.
– Emy ?
– Ça fait mal... geignit la petite fille.
– De quoi ? Qu'est ce que tu as ? s'alarma son frère.
Il se retourna pour découvrir le visage d'Emelyn ravagé par les larmes.
– Ils se... Disputent, hoqueta la plus jeune.
Elle se réfugia dans ses bras, secouée de sanglots. Kalum la serra contre lui. Sa sœur ne supportait déjà pas quand Jayden et lui se prenaient la tête, il n'osait deviner ce qu'elle devait ressentir actuellement. Si lui était relativement à l'abri quand sa mère barricadait ses émotions, le lien entre elles fonctionnait dans les deux sens. Les défenses d'Emelyn étaient encore fragiles, pas aptes à supporter la colère d'une dragonne, sans parler de celle de leur père avec qui elle avait aussi un lien.
– Ça va aller, Emy, ça va passer, lui chuchota l'adolescent. Essaye de te concentrer sur tes murailles.
Lui-même tentait de penser à de bonnes choses pour lui envoyer des émotions pour l'aider, même si, au fond de lui, une petite voix chuchotait qu'il ne savait pas si les choses s'arrangeraient.
Le pan de mur qui dissimulait son accès aux passages secrets pivota et le jeune garçon se raidit. Il se détendit légèrement quand une des elfes sortit du couloir sombre. Cathya repoussa la porte dérobée et pencha légèrement la tête sur le côté, songeuse.
– Je peux la soulager, je pense, finit-elle par annoncer.
L'adolescent fronça les sourcils, méfiant.
– Elle est mage d'auras, n'est ce pas ? Et elle n'a pas encore eut de formation, continua l'elfe en s'approchant.
– Qu'est-ce que vous voulez lui faire ? gronda Kalum en s'interposant entre sa sœur et elle. Vous n'êtes pas mage d'auras.
– Calme-toi, l'apaisa-t-elle.
Elle leva les mains et recula d'un pas.
– Inutile de sortir ton Dragon, je ne lui veux pas de mal. L'empathie est un don naturel chez les elfes. Je peux l'aider à consolider ses barrières.
L'adolescent expira, regarda sa sœur dont le regard rougi passait de l'un à l'autre et hocha la tête.
– D'accord.
Cathya s'approcha, s'assit sur le bord du lit et tendit une main vers Émelyn. La petite tourna les yeux vers son aîné qui hocha la tête. Elle prit la main de l'elfe et toutes deux fermèrent les yeux. En quelques secondes, elles ont terminé et la petite fille sourit en essuyant ses joues.
– Merci.
– De rien, Nichka.
L'elfe se redressa et fit face à l'adolescent. Les bras croisés sur la poitrine, il affichait sa méfiance. Elle portait toujours sa cape, qui lui permettait de se dissimuler si besoin, ouverte sur une longue tunique lin, fendue des genoux à la taille sur un pantalon d'une matière inconnue et des bottes qui semblaient en cuir.
– Vous vous promenez souvent chez les gens sans autorisation ? demanda-t-il.
La prêtresse haussa un sourcil.
– Nous sommes des invités, pour autant que je sache.
– Ce qui vous permet d'emprunter des passages secrets et d'entrer dans la chambre des gens sans prévenir, ironisa Kalum.
Cathya pinça les lèvres, jeta un regard à Émelyn qui les observait et reposa son attention sur le jeune garçon.
– Il y a des traces de son énergie sur vous. Sur toi surtout. Je voulais... J'espérais pouvoir la rencontrer mais il est vrai que j'aurais pu faire montre de plus de politesse.
L'adolescent hocha la tête. Cela pouvait ressemblait à des excuses et il comprit qu'il devrais s'en contenter. Quant à la personne dont parlais l'elfe, cela relevait de l'évidence.
– Ses appartements ne comportent pas d'accès aux couloirs dérobés, une précaution que ma mère a tenu à prendre, pour éviter que certaines personnes ne découvrent sa présence. Je peux vous y conduire, mais c'est à elle de choisir si elle souhaite vous recevoir ou non.
La prêtresse hocha la tête, les yeux brillants.
Émelyn ne les accompagna pas et préféra s'installer dans le salon avec un livre.
Sa capuche rabattue, invisible, l'elfe suivit Kalum. Celui-ci traversa l'étage jusqu'aux appartements attribués à la Déesse déchue. Il appliqua sa main sur la porte et attendit. Ce système était une idée d'un des Prodiges de sa mère. Non seulement il fallait une autorisation pour déclencher le signal magique, mais la porte ne se déverrouillait que si quelqu'un de l'autre côté répondait. C'est Tamara qui lui ouvrit avec un sourire.
– Que puis-je faire pour vous, monsieur ?
L'adolescent soupira. Malgré sa demande, la jeune femme continuait de le vouvoyer.
– Puis-je entrer ?
– Bien sûr, elle est toujours heureuse de vous voir.
L'adolescent franchit le battant et sentit dans son dos le léger courant d'air qui indiquait que Cathya s'était faufilé derrière lui.
– J'ai quelqu'un avec moi qui souhaiterais rencontrer notre amie. C'est quelqu'un de confiance, ajouta-t-il en voyant la jeune femme froncer les sourcils.
Dans le même temps, l'elfe ôta sa capuche. Par réflexe, la domestique tire une lame de sa manche avant de se figer quand elle vit les oreilles pointues et le physique inhabituel.
– Décidément, c'est la journée des surprises, s'étonna Kalum.
Tamara suivit son regard et posa les yeux sur son arme.
– Tout le monde ne peut pas dépendre de la magie pour se défendre, monsieur, s'excusa-t-elle.
– Ce n'est pas un reproche, la rassura le jeune garçon. Je préfère savoir que Vélinol est bien défendue. Cathya est une prêtresse de son ordre, elle aimerait la rencontrer.
La jeune femme rangea son arme, gênée par le compliment.
– Je vais lui demander si elle veut vous recevoir, souffla-t-elle.
Elle fit demi-tour et se glissa dans la chambre. Kalum s'avança dans la pièce, examina le livre abandonné sur le canapé. Il traitait de stratégies de Keshet et cela le fit sourire. Il avait entreprit d'expliquer les règles de ce jeu complexe à la Déesse et elle en avait fait un nouveau passe temps. Elle appréhendait avec un talent naturel des choses que certains ne comprenaient jamais.
Du coin de l'œil, il surveillait l'elfe qui se tenait immobile. Seuls sa tête et ses yeux se déplaçaient, notant chaque détail.
Il sut que Vélinol venait d'entrer au changement d'expression de la prêtresse. Un large sourire et des yeux soudain humides remplacèrent l'impassibilité de son visage. Kalum tourna son attention vers la Déesse. Son port et son expression étaient loin de ceux dont il avait l'habitude. Dans une robe sans fioriture en soie pourpre, elle rayonnait pourtant de charme et de sérénité. Elle apparaissait plus Déesse qu'elle ne l'avait jamais été aux yeux du jeune homme.
La divinité tendit une main vers l'elfe qui hésita mais finit par la rejoindre. Au moment où leurs mains s'effleurèrent, un éclair lumineux jaillit et les repoussa chacune d'un côté. Kalum n'eut que le temps de se précipiter pour rattraper Cathya tandis que Tamara soutenait Vélinol.
À la surprise de l'adolescent, l'elfe s'effondra complètement, inconsciente.
– Qu'est ce qu'il s'est passé ? s'alarma-t-il.
Vélinol se redressa, observa la prêtresse que l'adolescent avait allongé sur le sol.
– Ça ne devrait pas être possible, chuchota la Déesse.
– De quoi ? Vous allez bien ?
– Moi oui, elle en revanche, je l'ignore.
– Que s'est-il passé ? l'interrogea Tamara en se penchant sur Cathya.
– Je l'ai marqué... Sauf que je n'aurais pas dû. Sans mes pouvoirs ou mon statut, cela devrait m'être impossible.
– Vous allez retrouver vos pouvoirs ?
– Je ne sais pas.
Sur la main droite de l'elfe, un demi-cercle transpercé de trois traits était apparu, comme un tatouage fait des années plus tôt.
Kalum se redressa, laissant Tamara examiner la blessée. La Déesse s'approcha et lui prit la main.
« Trois chatons sur le bord d'une fenêtre. »
L'adolescent haussa les sourcils et la regarda. Il allait lui demander pourquoi dire cela quand il remarqua qu'elle ne l'avait pas prononcé à haute voix.
– Mais... balbutia-t-il.
– Tu as entendu ? s'émerveilla Vélinol.
– Si vous avez parlé de chatons, oui mais...
Il s'interrompit quand elle se précipita dans ses bras.
« J'y arrive ! J'en suis de nouveau capable ! » s'exclama-t-elle.
Contaminé par sa bonne humeur, il rit. Semblant soudain s'apercevoir de ce qu'elle faisait, la Déesse se détacha de lui.
– Excuse-moi, je...
– Il n'y a pas de mal, lui sourit le jeune homme, j'aurais probablement réagi de la même façon à votre place.
Elle lui sourit, les yeux pétillants.
– Si ça vous intéresse, annonça Tamara qui n'avait pas compris, notre invitée va bien mais elle risque de dormir quelques heures.
– Je vais t'aider à la déplacer sur le canapé, proposa Kalum.
Une fois Cathya allongée sous une couverture chaude, Vélinol prit les mains de la jeune femme dans les siennes. La domestique hoqueta de surprise avant de la serrer contre elle, les larmes aux yeux. L'adolescent comprit qu'elles étaient devenues très proches en peu de temps.
À ce moment, le lien qu'il partageait avec sa mère vibra. Linaëlle était de retour. Seule.
Plop vous !
La suite du chapitre 8 ! Je dois avouer que je vous fais consciencieusement mariner XD Mais bon, il se passe quand même plein de choses dans ce chapitre ! Qu'en pensez-vous ?
Aller, des bisous à vous, et je vous dis à la prochaine pour la suite ;)
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