Chapitre 7 : Quand s'éteignent les étoiles (partie 2)

– Kalum ! Kalum, reste avec moi ! Ne replonge pas, accroche-toi !

Les voix et les sensations lui parvenaient de très loin. Quelque part, son corps reposait entre des draps confortables. Son esprit refusait de le rejoindre, las de lutter pour réussir. Pourtant, il savait que la mort le guettait s'il persistait à rester seul, exposé à tous les dangers. En revanche il ne se souvenait plus des évènements qui l'avaient conduits dans cette situation. De toute façon, tout cela n'avait plus d'importance, maintenant.

« Je ne sais pas si tu as l'intention de survivre, mais moi si ! »

Kalum ignorait qu'on pouvait saisir un esprit. Pourtant c'est bien l'impression qu'il eut. Quelqu'un ou quelque chose le cramponna fermement, rassembla les morceaux épars de ses souvenirs et de tout ce qui constituaient son être psychique et le projeta violemment dans son corps.

L'adolescent pris une grande inspiration et hurla de douleur et de peur mêlées comme les images de ses derniers instants de conscience lui revenaient. Il se débattit, tenta de lutter encore contre les tonnes de roches lui tombaient à nouveau dessus.

– Calme-toi, mon chéri. Calme-toi, respire, tu es revenu..

Deux mains lui appuyaient sur les épaules et le maintenaient allongé. La voix qui répétait les mots sur un rythme doux et apaisant se fraya un chemin jusqu'à sa raison et il cessa peu à peu de s'agiter.

– Maman... bredouilla-t-il, comme il identifiait enfin la personne au-dessus de lui.

– Chut, mon petit, je suis là, tout va bien, le rassura Linaëlle en passant une main dans ses cheveux.

– L'École... L'assassin... Amalicia... énonça-t-il, confus.

– Je vous ai sorti des décombres, quand j'ai senti le lien s'effilocher entre nous, j'ai... enfin nous nous sommes un peu emportées, confessa la femme.

– Ah... fit son fils.

Il espérait que la Dragonne n'avait pas causé de dommages supplémentaires. Un incendie ne souffrait pas la comparaison avec la fureur d'un Seigneur du ciel.

– Rassure-toi, il n'y a rien d'irréparable... souffla Linaëlle.

– Et Amalicia ? Elle va bien ?

Sa mère détourna les yeux, mais il eut le temps de lire la tristesse dans son regard.

– Maman ? Dis-moi, je t'en prie.

– Elle se meurt, Kalum, murmura-t-elle. Il y avait dans le poison un ingrédient qui nous est inconnu et qui nous empêche de la guérir, quelque soit la méthode employée. Cette substance la tue à petit feu. Les Hauts Magiciens ne peuvent vivre sans magie et elle en est coupée.

– Non... gémit l'adolescent.

Sa peine déclencha les larmes de Linaëlle qui les essuya d'un revers de main.

– Tu n'y es pour rien, Kal. Elle était condamnée au moment où le poison est entré en contact avec son sang.

– Je peux aller la voir ? interrogea-t-il en se redressant doucement sur son lit.

– Tu te sens bien, tu es sûr ?

– Oui. Enfin je crois... Qu'est-ce qu'il m'est arrivé ?

– Un des filins de magie t'est tombé dessus. Ça a provoqué cette scission entre ton corps et ton esprit.

Elle l'embrassa sur le front avant de le serrer contre elle.

– Pour tout te dire, personne ne savait dire si tu en reviendrais, ajouta-t-elle lentement.

Dans cette simple phrase, il entendit toute la terreur qu'elle avait eu de le perdre. Leur lien se tendit soudain, comme si elle tirait dessus pour vérifier sa présence.

– Qui m'a ramené, alors ? s'étonna Kalum.

– Personne, mon chéri, tu es revenu seul, répondit sa mère en le repoussant gentiment pour le regarder.

– Mais pourtant... Il y avait une voix... Elle m'a parlé et ensuite elle m'a repoussé dans mon corps.

– Je t'assure que je n'ai rien fait et je suis seule avec toi depuis plusieurs heures. Tu l'as peut être imaginé, ce sont des choses qui arrivent.

– Je ne sais pas, hésita le jeune garçon en secouant doucement la tête.

Il releva ensuite les yeux et répéta :

– Je peux aller la voir ?

Sa mère eu un sourire contrit.

– Pendant un instant, j'ai cru que ça fonctionnerait encore une fois.

– Je suis trop vieux pour ce genre de ruse, Maman, se moqua-t-il.

– Je sais, vous grandissez à une vitesse folle. Pour l'instant, nous sommes au milieu de la nuit, mon chéri, tu iras la voir demain matin, c'est promis.

Un regard vers la fenêtre lui confirma que la nuit s'étendait au-delà de la lumière chaleureuse des sphères enchantées de sa chambre.

– Combien de temps... commença-t-il.

– Un peu moins de deux jours. Dors, maintenant, tu en as besoin.

Elle l'embrassa sur le front et l'allongea dans son lit puis le borda comme quand il était petit. Il plongea dans le sommeil, emportant dans ses rêves la berceuse que fredonnait sa mère.

Un petit corps froid soudain blotti contre lui le tira de ses songes. Sans ouvrir les yeux, il reconnu Emelyn à travers leur lien. Il glissa un bras autour d'elle et elle lui embrassa la joue en réponse.

– Tous le monde est triste, soupira la petite fille.

– Comment ça ?

– Depuis l'incendie, les gens sont tristes. Et moi je fais des cauchemars. Maman m'a dit que bientôt ils seront moins tristes quand on reconstruira l'École.

– Elle a raison, appuya Kalum.

– Tu viens prendre le petit-déjeuner avec nous ? s'enquit sa sœur.

– J'arrive, le temps d'enfiler une tenue propre et je vous rejoint.

Un nouveau baiser sur la joue accueillit sa réponse. Emelyn se leva et sautilla jusqu'à la porte. L'humeur lunatique de la benjamine n'inquiétait pas Kalum outre-mesure. Jeune mage d'auras très sensible, elle était une véritable éponge à émotions et pouvait passer d'un extrême à l'autre en seulement quelques secondes.

Il comprenait la volonté de sa mère de placer la petite en apprentissage afin qu'elle apprenne à mieux canaliser son don. Linaëlle elle-même n'avait pas eu la chance de bénéficier d'un enseignement approprié et avait appris en autodidacte, non sans quelques malheureuses expériences, avant de retrouver sa famille de sang et de pouvoir accéder à des mages expérimentés prêt à l'aider.

L'adolescent enfila une chemise et un pantalon foncés, les premiers qu'il dénicha dans sa penderie. Les deux se révélèrent trop petits, mais il décida que cela conviendrait pour un repas en famille.

Arrivé à la salle à manger, il eut le droit à un assaut en règles pour fêter son retour parmi les vivants. Chacun y alla de sa claque dans le dos, de son étreinte ou de son bisou. Quand il put finalement s'installer à table, il s'aperçut qu'il mourrait de faim et dévora deux fois plus que sa part habituelle, se resservant dans le panier à pâtisserie.

Rassasié, il se rendit rapidement compte que sa grand-mère brillait par son absence, et que derrière les sourires des adultes se cachait une inquiétude bien réelle. Même les plus jeunes paraissaient moins agités qu'à leur habitude.  Intrigué, il leva les yeux sur ses cousins mais ne put engager la conversation dans ce sens.

Kalum fit un crochet par ses appartements pour récupérer une tenue propre et plus habillée et descendit aux bains. Il s'étonna de trouver l'eau moins chaude, probablement un contrecoup du début d'hiver rigoureux qu'ils subissaient. Néanmoins, il ne s'interrogea pas davantage sur le phénomène et se dépêcha plutôt de faire sa toilette.

Quand il remonta à l'étage royal, il manqua de peu d'entrer en collision avec la porte qui donnait sur les appartements de Joffrey et Polgara. Cette dernière en sortit furieuse, les cheveux aux vents et à moitié habillée. Elle pestait après son frère en Colrithien et même s'il ne comprenait pas parfaitement cette langue, son cousin n'eut aucun mal à imaginer le vocabulaire qu'elle employait.

– Kalum, aide-moi à la raisonner, elle ne veut rien comprendre ! s'agaça Joffrey en déboulant à son tour dans le couloir.

– Qu'est-ce qu'elle a ?

– Je ne sais pas, moi, depuis ce matin on croirait que je suis responsable de tous les problèmes du monde... grogna le plus vieux.

– Hmmm, je vais voir ce que je peux faire, le rassura son cousin.

Sans se presser, il remonta le couloir. Il savait exactement où la jeune fille se rendait. La porte entrouverte lui confirma son idée, même s'il n'en doutait pas. Il poussa le battant et referma derrière lui. La pièce inoccupée tenait lieu de garde-meuble. Les domestiques y entreposaient étagères, coiffeuses, sommiers, chaises et autres qui attendaient, parfois de longues années, de retrouver une place après un dépoussiérage.

– Pol' ? T'es là ? demanda-t-il.

– Mon frère ne comprend jamais rien, renifla sa cousine en surgissant de derrière une vieille armoire pour se jeter dans ses bras.

– Eh, mais non, ça va aller, l'apaisa Kalum.

Il la serra dans ses bras quelques secondes avant de poursuivre :

– Bon, qui c'est ? Que je puisse lui mettre mon poing dans la figure ?

– Heureusement que tu es là, gloussa la jeune femme. Il s'appelle Faustin. Il n'a pas supporté d'apprendre que j'étais princesse royale. C'est toujours la même chose, soit ils deviennent obséquieux, soit ils ont la trouille. Mais celui-là m'a quand même posé deux lapins d'affilés.

– Ah oui, c'est du sérieux, il faudrait que j'aille chercher une épée pour le découper en rondelles, réfléchit Kalum.

– Pense à faire ça à l'extérieur, le sang, ça tache, répliqua tout aussi sérieusement Polgara.

Les deux adolescents éclatèrent de rire. En digne fille de sa mère, la jeune femme était une séductrice invétérée. Malheureusement, les prétendants se défilaient dès qu'ils apprenaient son identité. Kalum compatissait. Il n'avait jamais été victime du « phénomène royauté » dans ses relations amoureuses, vu qu'elles n'existaient pour ainsi dire pas. Pour le reste, il y avait eu droit plus souvent qu'à son tour.

L'adolescent embrassa sa cousine sur le front et sécha les traces de larmes sur ses joues.

– Tu m'aides à lacer ma robe ? Ma domestique a dû abandonner l'idée de rester lors d'un affrontement entre Jof et moi.

– Entre toi et Emelyn, je vais devenir un professionnel en matière de vêtements de fille, rigola-t-il tandis qu'elle pivotait.

– Tu seras au point le jour où l'occasion se présentera, se moqua gentiment Polgara en lui jetant un regard par dessus son épaule.

– Si tu le dis... souffla-t-il en s'appliquant sur le nœud.

– J'en suis sûre, cousin, crois-moi, j'ai le nez pour ça. Pour toi, ce sera le grand amour, peut être même le coup de foudre sans prévenir.

– Hm, marmonna le concerné. Voilà tu es présentable.

– Merci, t'es trop gentil, le remercia l'adolescente.

Elle lui colla un baiser sur la joue et quitta la pièce, probablement pour aller engloutir un nombre déraisonnable de pâtisseries. Kalum se passa une main dans les cheveux, soudain pensif. Il devait faire quelque chose d'important ce matin. Une vague de tristesse et de culpabilité s'abattit sur lui et il comprit.

– Amalicia... soupira-t-il.

Il se souvint de sa mère l'embrassant sur le front dans la salle à manger. Elle avait probablement utilisé son don pour qu'il oublie. La Haute Magicienne devait vraiment se trouver au plus mal pour pousser sa mère à de telles extrémités.

Il ouvrit son esprit et chercha celui de Linaëlle. Il la trouva sans difficultés et grogna son mécontentent à la porte de ses pensées.

« Je n'ai plus huit ans, Maman ! »

« Je le constate en effet, tu contournes de plus en plus ma magie. »

« Je viens la voir. »

La mage d'auras retint une interdiction autoritaire. Oui, il n'avait plus huit ans. Et de toute manière, elle ne devrait pas tarder à appeler le reste de la famille. Plus blanche que les draps, ses cheveux ternis et sa peau ridée, la Directrice dépérissait a vu d'œil. De l'autre côté du lit, Vélinol tenait la main de la magicienne. Avec ses cheveux ras et son corps encore amaigri, la Déesse déchue paraissait sortir du fond d'une mine de sel.

Kalum entra sans bruit et sa mère ne l'aurait pas remarqué s'il ne s'était pas assis au bord du lit devant elle. Deux mains posées sur ses épaules la firent sursauter. Elmira s'était glissée dans la chambre derrière son petit-fils.

– Je la soulage mais elle m'échappe inexorablement, murmura Linaëlle.

– Je le sais bien, répondit sa mère sur le même ton.

Le bruit pourtant ténu attira l'attention de la mourante qui ouvrit péniblement les yeux. Malgré la douleur qu'ils exprimaient, ils restaient clairs et perçants et trouvèrent immédiatement ceux d'Elmira. Amalicia tourna sa main libre vers elle et elle contourna Linaëlle pour se poser sur le lit.

Leur dialogue silencieux se prolongea, quelquessecondes d'éternité pour se dire ce qu'elles n'avaient pu exprimer pendanttoute une vie.


*Ferme la porte du bunker*

Non ! On ne frappe pas les auteurs je l'ai déjà dit !

Aller, moi aussi je vous aime, bisous !



PS : Oui j'ai pas dit Plop !


PPS : Oui c'est juste pour vous perturber ! XD

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