Chapitre 5 : De feu et de foudre (partie 1)
– Aller ! Dépêchez-vous ! Dépêchez-vous !
Entouré d'un bouclier de runes, Kalum dévalait un escalier, entouré par des élèves de premier cycle. Le feu se propageait à une vitesse folle, la magie courant dans les murs aidant malgré elle à sa propagation, et contraignant les mages a user de magie runique pour circuler autour et dans le bâtiment. Il fallait évacuer les élèves, les professeurs et tenter de protéger les artefacts et les livres d'une valeur inestimable qui remplissaient les lieux.
Une petite fille trébucha. Avec un cri de douleur, elle tomba et l'adolescent arrêta le groupe pour la relever. Au gémissement qu'elle poussa quand il la remit sur ses pieds, il comprit qu'elle avait dû se tordre la cheville. Avec un grognement, il la hissa sur son dos.
– Aller ! La sortie n'est plus très loin ! encouragea-t-il le reste de sa petite troupe.
Dans l'immense hall d'entrée, la chaleur devenait plus soutenable. Encore quelques secondes et ils sortirent du bâtiment. D'autres mages prirent en charge les enfants et un guérisseur décrocha la blessée de son dos. Les visages étaient tendus.
Dehors, le jeune garçon sentait l'effet de Laguz, la rune de l'eau, qui appelait la pluie et déviait le cours du fleuve pour que les mages puissent empêcher la progression de l'incendie. Invoquée par autant de mages, elle tiraillait sur la conscience de l'adolescent qui luttait contre l'envie de l'appeler à son tour.
Kalum sentit un appel d'air dans son dos et pivota. Au milieu du va-et-vient de toutes les personnes qui se trouvaient sur la place, la Conseillère Brünhild venait d'apparaître. Cheveux blanc impeccablement tirés en chignon, en tenue complète d'invocation et avec sa longue cape blanche derrière elle, elle détonnait au milieu des magiciens tirés de leurs lits par les alertes de leurs collègues, vêtus à la va-vite.
Le jeune garçon, curieux, pris le temps de détailler sa tenue. La chemise blanche et ample dont les manches s'arrêtaient aux coudes était brodée du bouclier d'Elhaz, répétée six fois. Le pantalon sombre, lui, se serrait à la taille et sur les mollets et se couvrait de symboles et de combinaisons encore indéchiffrables pour lui. À cela s'ajoutaient des bracelets de perles de différents matériaux et des bottines élégantes en cuir.
En deux temps, trois mouvements, la Haute Magicienne fut entouré d'un anneau complet de runes tournant lentement. Laguz s'en détacha, grandit jusqu'à faire aisément trois fois la taille du garçon et s'imprima sur le sol au pied de la bâtisse en proie aux flammes. Toutes les runes semblables dans le périmètre se détachèrent de leurs invocateurs et se mirent à flotter au-dessus de leur immense sœur, apportant encore plus de puissance au sortilège. L'adolescent pouvait presque sentir l'humidité s'accumuler dans l'air.
« Un peu d'organisation, tout le monde, il faut sauver ce qui peut encore l'être ! » interpella la voix de la magicienne. « Et que quelqu'un me trouve Amalicia et Damien, nom d'un chien ! »
« C'est bien là le problème, Conseillère, impossible de trouver la Directrice, elle ne répond pas à nos appels. » répondit respectueusement le Duc en rejoignant Brünhild.
La Haute Magicienne digéra l'information, impassible. Ses yeux noirs tombèrent sur Kalum qui l'observait et elle marcha droit sur lui.
– Ta place n'est pas ici, mon petit, le rabroua-t-elle.
– Sauf votre respect, Til'Brünhild, ma place est là où on a besoin de moi, répliqua l'adolescent. Et derrière les murs du palais, je ne peux rien apporter à la gestion de cette crise. En tant que mage capable d'utiliser la magie runique, j'ai été convoqué au même titre que les autres.
La magicienne qui avait déjà commencé à se détourner l'examina des pieds à la tête, l'air de se demander à quoi elle avait à faire. Puis elle secoua la tête en soufflant :
– La peste soit du fichu caractère des Ol'Darith et de leur fierté. Très bien, reste ici, mais je ne veux pas te voir à l'intérieur de ce brasier.
– Mais, Conseillère...
– J'ai dit non ! s'exclama la femme en le foudroyant du regard. Ou je t'expédie au palais avant que tu n'es le temps de me réciter le premier aett.
Kalum se tut et la Haute Magicienne s'éloigna vers les portes sans plus se préoccuper de lui.
Le jeune garçon soupira et décida de joindre ses efforts à ceux qui évacuaient les artéfacts. Il fallait les protéger et les empaqueter pour les mettre en sécurité ailleurs. Néanmoins, il préféra se joindre à ceux qui se relayaient pour les transporter de la sortie jusqu'à l'endroit de la place où l'emballage avait lieu. Marcher, voir courir quand il avait les mains vides, l'empêchait de s'inquiéter.
Bientôt, la pluie se mit à tomber. Au début faible crachin, elle ne tarda pas à tomber à grosses gouttes. Si son arrivée arrangea ceux qui tentait d'empêcher le feu de se propager, elle compliqua en revanche la tâche des conservateurs qui devait abriter les précieux objets de l'eau, en particulier les livres.
Absorbé par sa mission, Kalum travaillait sans rien voir ou entendre d'autre que ce qui lui était nécessaire. Il ignorait complètement depuis combien de temps il travaillait quand il s'aperçut que quelqu'un jouait de l'ocarina.
Étonné d'entendre le bruit autant que par le fait que le musicien préfère jouer que donner un coup de main, il pila net et leva les yeux des pavés glissant, tentant d'identifier la source de la mélodie.
Il lui fallut plusieurs minutes, durant lesquelles on le secoua pour qu'il se remette à sa tâche, pour s'apercevoir que la musique n'émanait de nulle part, elle se jouait directement dans son esprit. À l'ocarina s'ajouta une voix, qui fredonnait doucement.
L'adolescent agita la tête et tenta d'ignorer le bruit. Même pour un mage, entendre un air de musique à l'intérieur de son crâne indiquait une certaine folie.
Mais la mélodie d'abord paisible se faisait de plus en plus pressante. Des tambours rejoignirent la danse, provoquant une migraine sourde au jeune garçon qui dut à nouveau s'interrompre dans sa tâche.
La voix augmenta en intensité mais les paroles demeurèrent incompréhensibles à l'oreille de Kalum. L'ocarina s'était tu, seuls les tambours continuaient de battre leur rythme infernal, plus vite, toujours plus vite.
L'adolescent se prit la tête à deux mains et ferma les yeux. Des images s'imprimèrent aussitôt sur sa rétine. Une nuée de pégases, une petite silhouette découpé dans la lumière de la Lune, puis un croissant s'en détacha et percuta une étoile à huit branches qui vola en éclats tranchants, faisant couler le sang des chevaux ailés. Puis le feu s'éveilla et annihila les survivants. Et derrière les flammes, ce croissant de Lune menaçant prenait des reflets rouges du sang qui s'écoulait du corps d'une femme qu'il reconnut dans un sursaut.
– Amalicia, s'étrangla-t-il en ouvrant les yeux.
Il reprit brutalement pied dans la réalité. La pluie continuait de tomber, le feu de brûler. La chaleur du brasier mêlée à l'eau qui trempait ses vêtements et l'odeur de fumée percutèrent ses sens. Les tambours et la voix avaient disparu, en revanche, le sentiment de panique demeurait présent.
Un petit objet lumineux tomba devant lui. Dans un premier temps, il n'y prêta pas attention, croyant à une braise échappée du bâtiment. Il cherchait à contacter la Directrice. Malheureusement, le feu consumait les filins de magie incorporés dans la structure du bâtiment et ceux-ci provoquaient des interférence magiques, empêchant la magie ordinaire et la télépathie d'agir, sauf sur de faibles distances.
Son pied commença à le gratter furieusement. Il recula, s'apercevant que la lumière avait fondu sa semelle et s'attaquait à sa peau. Quand il approcha une main dans le but de l'examiner avec ses sens magiques, l'artefact s'éteignit et Kalum le reconnut.
Il s'agissait d'une pierre colorée qu'il avait ramassé un jour au détour d'une promenade avec sa mère, il ne se souvenait même plus où et quand exactement. Différente nuances de rouge créaient des formes étranges, dont une qui ressemblait à un Dragon pour le petit garçon qu'il était à l'époque. Plus jeune, il avait trimballé ce caillou partout avec lui, pendu à un lien en cuir, comme un porte-bonheur. Par contre, le jeune garçon ne se souvenait pas que le galet ait déjà émis de la lumière.
Il avait à peine saisi le lien usé que la pierre exerça une violente traction dessus, manquant de le faire tomber.
– Fichus cendres, jura l'adolescent en se rattrapant.
Le phénomène recommença plusieurs fois, traînant Kalum en direction de l'École dont l'incendie diminuait lentement, en même temps que le sentiment d'urgence dans sa poitrine se manifestait toujours plus fort. Se remémorant sa vision, il se demanda si la Haute Magicienne n'appelait pas à l'aide grâce à un enchantement quelconque.
Écoutant son instinct – et le porte-bonheur – il se dirigea vers les portes du bâtiment.
Il montait les marches du parvis quand il se heurta au regard d'onyx de la Haute Magicienne. Toujours impeccable malgré la pluie et la proximité de l'incendie, elle foudroya l'adolescent du regard.
– Je croyais avoir été claire, mon garçon, l'interpella-t-elle tandis que les autres magiciens s'affairaient.
– J'ai très bien compris que vous ne vouliez pas que je m'expose au danger, mais un enchantement agite mon pendentif et je crois qu'il vient de la Directrice, s'expliqua rapidement Kalum en levant son poing serré autour de la lanière vers elle.
Comme pour souligner ses propos, la pierre tira sur son lien, droit vers la fournaise.
Brünhild pinça les lèvres.
– Amalicia ne répond pas à nos appels, nous avons cherché dans tous les coins du bâtiment où nous pouvions nous rendre. Soit elle n'est pas là, ce qui me paraît peu probable, soit elle est morte. Maintenant, il reste des dizaines de reliques et d'artéfacts à essayer de sauver, éloigne-toi de là.
Le jeune garçon ouvrit la bouche pour protester mais se retint. Il ne servait à rien d'essayer de négocier avec cette femme implacable.
Il redescendit les quelques marches qu'il avait gravi en réfléchissant. Il se souvenait que son frère lui parlait d'une entrée de service qui servait à ceux ne faisant pas partie des élèves ou des enseignants. C'était par là que transitait les vivres, le linge et d'autres choses encore. L'enchantement le tracta violemment en arrière, et il lâcha la cordelette en cuir.
Avec une grimace, il massa son épaule endolorie et récupéra la pierre.
– Deux minutes, râla-t-il, laissez-moi le temps de trouver une solution pour entrer...
Il regarda autour de lui, mais tout le monde paraissait occupé. Les uns soignaient les blessés, les autres se relayaient et entretenaient les runes pour maintenir la pluie... Dans ce chaos, il ne lui fut pas très difficile de s'éloigner de l'avant du bâtiment et d'entreprendre d'en faire le tour.
Il aurait probablement manqué ce qu'il cherchait si son porte-bonheur ne s'était pas manifesté et lui avait soudainement indiqué où regarder. La porte se dissimulait derrière une arcade, sur le côté d'un renfoncement.
Évidemment, elle était verrouillée.
L'adolescent pesta. Il jeta un regard alentours, vérifia qu'il n'y avait personne. Il prit son élan et donna un solide coup de pied dans le battant de bois, sans effet. Il recommença plusieurs fois mais dut se rendre à l'évidence, la porte ne céderais pas facilement. Elle devait probablement être protégée par de puissants enchantements.
Le pendentif dans sa main le tira vers le haut. Kalum leva les yeux mais ne vit que la voûte en pierre. Il recula de quelques pas, sortit de sous l'arcade et finit par apercevoir une fenêtre ouverte plusieurs mètres au-dessus du sol.
– D'accord... souffla le jeune garçon.
Il porta la main à la bourse à sa ceinture, s'interrompit. Pourquoi s'entêtait-il à tenter de rentrer dans un bâtiment en flamme, guidé par un souvenir d'enfance victime d'un sort ? À cause d'une vision incompréhensible ? C'était ridicule.
Peut-être, mais si elle a besoin de toi ?
L'adolescent sursauta, pivota, mais il n'y avait personne autour de lui. Il passa une main dans ses cheveux détrempés et jeta un nouveau regard à la fenêtre.
« Qui es-tu ? » demanda-t-il, projetant sa pensée un peu au hasard.
Aucune réponse. Il grogna, le regard irrésistiblement attiré par l'ouverture sombre. L'urgence qui comprimait sa poitrine continuait de faire battre son cœur plus vite.
Il appela la magie qui courrait sous ses pieds et glissa sa main dans sa bourse. Appelée par la magie tellurique, la rune qu'il cherchait se manifesta aussitôt sous ses doigts et il s'en saisit.
Le jeune garçon respira profondément. Il allait faire appel à Ansuz, la quatrième rune, pour une de ses utilisations de base, celle d'invoquer l'air. Son objectif consistait à se propulser grâce à une violente bourrasque jusqu'à la hauteur de la fenêtre. Il transféra la puissance magique dans le jeton qui s'illumina d'une lumière pourpre.
– Ansuz ! prononça-t-il fermement.
Un vent violent se leva et ses pieds quittèrent le sol. La pierre défila sous ses yeux et il comprit vite qu'il avait employé beaucoup trop de puissance. Quand le sort s'acheva, il se retrouva à plus d'une trentaine de mètres de haut.
Dans l'infime seconde qui précéda sa chute, son instinct, dans un éclair de lucidité, le fit se rattraper à un rebord en pierre décoratif. La rune cessa de le soutenir et il s'écrasa contre le mur, le souffle coupé et les doigts tétanisés sur l'étroite corniche.
*Rire sadique*
Plop tout le monde ! Oui je vous embête hein ! Figurez-vous que ce tome me permet de faire encore plus souvent ce genre de fin que l'autre héhé...
Bon, voilà Kalum dans une bien mauvaise posture, espérons qu'il va s'en sortir ! *regard angélique*
Enfin bref, je vous fais (quand même) un bisous, et je vous dit à plus tard, ici ou ailleurs !
PS : Pour ceux qui ne l'auraient pas encore fait, n'hésitez pas à aller voter sur le premier tome pour le bonus des 40k ! (la partie s'intitule "Bouh !")
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