Chapitre 4 : Échos du chaos (partie 3)
– Tu es quelqu'un de bon, Kalum, fit soudain la Déesse, rappelant soudain sa présence au jeune garçon.
Il pivota, adressa un mince sourire à la convalescente en s'asseyant près d'elle et reprit sa tasse abandonnée.
– Il paraît que je fais parti des gentils.
– Je n'aime pas le sens que tu donnes à ce mot, se renfrogna Vélinol.
– Pourtant c'est ainsi qu'on me voit, le neveu un peu naïf et inutile du Roi, dont on peut se servir pour se rapprocher de la famille royale.
– Tu es tout sauf inutile selon moi. Je te dois la vie, Kalum, c'est une dette que je doute pouvoir rembourser un jour, admit la Déesse en prenant une gorgée de thé.
– N'importe qui aurait pu faire pareil, souffla l'adolescent.
– Tu es beaucoup moins ordinaire que tu ne le penses, insista la jeune femme. Certains talents sont mieux dissimulés que d'autres, voilà tout.
– Vous me tenez le même discours que ma mère, ironisa le jeune garçon.
– Elle est sage et elle déduis et apprends vite, c'est grâce à cela qu'elle a survécu à ...
Vélinol se mordit la lèvre et corrigea très vite :
– ... Aussi longtemps.
– Ce n'est pas ce que vous alliez dire, remarqua l'adolescent en levant un sourcil.
La Déesse plongea le nez dans sa tasse, prit son temps pour avaler une lampée au risque de se brûler. Elle ne put échapper au regard scrutateur de Kalum qui exigeait une réponse.
– Ce que tu demandes, je ne peux te le donner, avoua-t-elle. Ce sont des secrets qui ne m'appartiennent pas et ne concernent pas uniquement Linaëlle. Elle tient à vous garder à l'abri de tout cela et elle a raison, crois-moi.
– Elle ne peut pas toujours tout affronter seule, s'exaspéra le jeune garçon en reposant brutalement sa boisson pour se lever. C'est déjà ce qu'elle a fait contre les Tfigunï et elle l'a payé de sa vie ! Elle n'aura pas de deuxième chance cette fois-ci !
Inquiet, il faisait les cents pas, mains croisées dans le dos.
– Tu prêches une convaincue, l'apaisa Vélinol. Néanmoins, je ne connais aucune autre personne au monde qui puisse l'aider. À moins que...
– À moins que ?
– Non, c'est une très mauvaise idée... s'abstint la Déesse.
Il prit place près d'elle, lui enleva la tasse des mains pour les saisir dans les siennes.
– S'il existe un moyen, vous devez m'en parler, réclama-t-il. Elle ne veut inquiéter personne, mais je ne suis pas dupe, je sais qu'elle court un danger bien plus grand que ce qu'elle voudra jamais nous avouer.
– Je ne peux rien te dire, murmura la jeune femme en dégageant doucement ses mains. En revanche, si tu venais, par quelques moyens que ce soit, à apprendre quelque chose sur le sujet, ne fait rien sans en parler à Linaëlle. Ou à moi.
Elerinna sursauta et tendit l'oreille. Elle relâcha sa respiration en identifiant le bruit comme le claquement de la porte d'entrée. Sa tante revenait. Elle bondit hors de son lit et dévala les marches.
– Heureusement pour nous, Dagmar ne connaît pas toutes les sources d'eau divine de cet univers.
– Tu en as trouvé ? s'informa l'enfant.
Gabrön lui désigna le seau qu'elle avait posé sur la table, plein à ras bord. La pompe à l'extérieur de la maison avait cesser d'amener le précieux liquide le lendemain de leur arrivée, et l'elfe soupçonnait son époux d'en avoir coupé l'alimentation pour les empêcher de trouver refuge dans le bâtiment.
Si les divinités pouvaient se passer de nourriture, elles avaient en revanche besoin de consommer régulièrement l'Aok'Adelz, comme l'appelait les elfes. Cette eau divine n'était ni plus ni moins que de la magie liquide et était aussi vitale aux Dieux que le fait de respirer pour les mortels. Une Déesse blessée et une seconde en pleine croissance en buvaient énormément. Malheureusement, elles devaient se rationner et la plus âgée se risquer tous les jours hors de leur cachette pour en trouver.
Avec précaution, pour ne pas en perdre une goutte, Gäbron servit Elerinna dans un grand verre dénichée dans un placard. L'enfant vida le récipient en un temps record puis plus lentement les deux fois suivantes. Malgré cela, son corps réclamait encore qu'on lui fournisse ce dont il avait besoin.
– Désolée, Pium, je ne peux pas en ramener plus à la fois, les créatures risquent de me flairer si je m'attarde trop et informer Dagmar de où nous nous cachons.
– Je sais, Jadima, mais ça me fait mal là, se plaignit l'enfant en désignant son ventre.
– Quand ta mère reviendra, ça ira mieux, Pium, c'est promis.
– Tu crois qu'elle va nous trouver ?
– J'en suis sûre, il n'y a rien dans l'univers qui puisse l'empêcher de te trouver.
Elerinna soupira avant de se redresser brusquement et de se précipiter vers la porte qui s'ouvrit sur Linaëlle. La femme la cueillit et la serra dans ses bras.
– Comment vas-tu, ma chérie ? chuchota sa mère.
– Mieux maintenant, sourit l'enfant en appuyant son front contre le sien.
Linaëlle la garda un long moment contre elle avant de la reposer en douceur sur ses pieds. Elle leva les yeux sur Gabrön qui répondit aussitôt à sa question muette :
– Je vais beaucoup mieux et il n'y a pas de trace de poison. Mais l'Aok'Aldez nous pose toujours problème.
– Je pourrais aller vous en chercher...
– Non, la coupa Gabrön. Tant que nous n'en savons pas plus sur les capacités de ses bestioles, il ne vaut mieux pas. Si ils peuvent suivre la trace d'un Dieu dans l'Ether, suivre un humain leur sera encore plus facile et tu risques de les conduire directement ici.
L'humaine en question expira, légèrement agacée. Pas contre elle ou Gabrön, Elerinna le savait, mais contre leur situation. Elle captait surtout la colère sourde que sa mère entretenait contre ses oncles et son inquiétude pour Delthéa.
Linaëlle baissa les yeux sur sa fille et l'enfant sentit aussitôt les sentiments de sa mère refluer loin de sa perception.
– Tu n'es pas obligée de le faire, tu sais, souffla Elerinna.
– Mais tu n'es pas non plus obligée de supporter mes états d'âme, répondit la femme.
Elle releva le regard sur l'elfe et d'un mouvement du menton, ordonna :
– Asseyez-vous, je vais jeter un œil à vos blessures.
La Déesse s'exécute pendant que sa nièce s'installe près d'elle. Linaëlle dénoue les pansements, passe ses mains au-dessus des plaies en voie de cicatrisation. Elles sont propres et nettes, à son grand soulagement. Un rapide nettoyage et des bandes neuves plus tard, l'elfe se rhabille sans son aide.
– Je ne sais pas à quelle vitesse guérisse les Dieux, mais vous êtes en bonne voie, constata la femme.
– C'est plus rapide que ce à quoi je m'attendais, même avec le rationnement d'eau divine, souffla sa patiente. J'ai eu beaucoup de chance de pouvoir éliminer ces créatures avant qu'ils ne terminent le travail.
– Comment vous-y êtes vous pris, d'ailleurs ? s'intéressa l'humaine.
– Comme la majorité des êtres vivants, ils craignent le feu, tu as dû t'en rendre compte.
– En réalité, on ne leur a pas vraiment donné le temps d'avoir peur, ricana la métamorphe.
L'elfe lui servit un petit sourire ironique qui trouva écho sur le visage de l'humaine. Sa fille s'approcha et posa sa tête sur sa poitrine. Linaëlle l'enlaça et lui caressa les cheveux. Gabrön sortit de la pièce sans bruit, les laissant à leur intimité.
– J'aimerais tellement qu'elle soit avec nous, geignit Elerinna.
– Je sais, mon cœur.
La main de l'enfant monta jusqu'à l'épaule de sa mère, trouva le tatouage chaud et soupira.
– Ton étoile pourrait se tromper ? s'inquiéta-t-elle.
– Elle ne se trompe jamais. Théa est en colère, inquiète, mais elle va bien. Je suis certaine qu'elle va te trouver bientôt.
– Et qu'est ce qu'on fera après ?
– Te mettre en sécurité.
– Mais on va laisser Dagmar et Ulcanth faire ce qu'ils veulent ? s'horrifia la petite fille.
– Non, mais la priorité c'est de te mettre à l'abri. Ensuite, Théa, les autres et moi, nous occuperons de tes oncles.
– Mais je veux vous aider !
– Certainement pas ! la réprimanda fermement sa mère. Tu es trop jeune pour participer à cela. Eli, c'est pour ton bien, reprit-elle plus doucement comme l'enfant avait les larmes aux yeux.
– Mais je veux vous aider, protesta Elerinna.
– Tu nous aideras en restant loin des possibles affrontements. En te sachant protégée, nous pourrons nous concentrer sur le reste.
– Mais si... Il vous arrive quelque chose... s'effraya l'enfant.
– Il ne nous arrivera rien, la rassura Linaëlle.
Sa fille ne répondit pas et préféra se blottir dans ses bras. La femme l'attira jusqu'au canapé et la prit sur ses genoux. Elle laissa filtrer toute l'affection qu'elle avait pour Elerinna, l'entoura d'un cocon rassurant qui apaisa doucement ses peurs et ses doutes. La Dragonne à l'affût dans son esprit capta d'étranges vibrations quelques secondes avant que Gabrön ne déboule dans la pièce.
– Il y a quelque chose qui approche, s'exclama-t-elle.
Elerinna bondit sur ses pieds, effrayée, tandis que sa mère se levait, silencieuse, écoutant des choses qui échappaient aux sens des deux divinités.
– Quatre... Non, cinq qui arrivent, murmura-t-elle au bout de quelques secondes.
– Amis ou ennemis ? s'informa Gabrön.
– Les deux, je crois, je ne peux pas en être certaine.
Une violente secousse agita toute la maison et les murs dégagèrent une lumière blanche, signe que la magie protectrice de la bâtisse repoussait quelque chose.
– Reste près de moi, ordonna Linaëlle à sa fille.
Elerinna talonna sa mère comme celle-ci s'élançait vers la sortie. Gabrön les suivit, prête à participer malgré son état.
À l'extérieur, les limites du domaine étaient parcourues d'éclairs colorés. L'atmosphère lourde comme avant un orage hérissait tous les poils de l'enfant. Collée contre sa mère, la petite Déesse observait ce décor inquiétant. Elle sentait la Dragonne, qui partageait le corps de sa mère, gronder de défi. La main que Linaëlle posa sur son épaule portait de petites écailles vertes rugueuse.
La femme et sa compagne à écailles étaient rarement autant en harmonie que dans le monde des Dieux. Dans cette situation, leurs émotions identiques laissaient affleurer Anil à la surface de leur corps.
Les mains de Gabrön s'illuminèrent d'une lumière menaçante couleur sang. Ce fut la dernière image que vit Elerinna.
L'instant d'après, un immense bruit retentit.
Puis tout devint noir.
Kalum se réveilla brutalement. Un tonnerre assourdissant résonnait au-dessus de la cité, faisait trembler les sphères enchantées dans leur support. Le jeune garçon se redressa lentement dans son lit, son esprit se remettant en marche. Un orage en plein hiver était plus qu'anormal. D'autant plus que le grondement continuait sans interruption. L'adolescent se leva, se rendit dans le salon et se précipita vers la baie vitrée dont les volets n'avaient pas été fermés.
Il resta bouche bée devant le spectacle qui s'offrait à lui. Des éclairs multicolores traversaient l'espace dans tous les sens et peinaient à éclairer un ciel noir obsidienne complètement opaque. Haut sous la voûte céleste, deux silhouettes baignés de lumière s'affrontaient sans merci, se saisissant des éclairs pour les utiliser comme armes. Figé devant l'affrontement, Kalum resta à l'observer tandis que les adversaires devenaient de plus en plus violent, n'hésitant pas à aller jusqu'au contact. Un choc entre deux trait de foudre provoqua un violent éclat de lumière qui aveugla l'adolescent pendant de longues secondes. Quand il récupéra tous ses sens, le combat était fini.
Mais l'École brûlait.
Tadaaaa ! Oui je sais je termine avec un double cliffhanger je suis trop sadique XD.
Sinon, Plop vous ! Comment allez-vous en cette belle journée ?
Bref, cette fin de chapitre promet du mouvement dans la suite, des hypothèses ?
Je vous fait un gros bisous à tous, et à bientôt !
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