Chapitre 2 : Pressentiment (partie 3)
– Mamie ! s'exclama Émelyn en se jetant au cou d'Elmira.
– Tout va bien petit trésor, ne t'inquiète pas comme ça, la rassura la femme en appuyant son front contre le sien.
Kalum reçut une solide accolade de la part de son oncle Cassildey qui venait également les accueillir. La petite famille rentrait de son séjour en Elmakan, sur demande du Roi. En effet, la tentative d'assassinat sur l'ancien couple royal n'avait été que le début d'une longue série visant les nobles les plus anciens de la Cour. Même la Directrice Oth'Ferim, à l'abri dans sa tour, avait retrouvé un assaillant à sa porte. Le pire étant que certains de ces crimes avaient réussi, plongeant plusieurs Maison dans le deuil.
– Prenez le temps de vous restaurer et de vous changer si besoin, la réunion au sommet peut attendre un peu, les convia le jeune Roi.
L'adolescent prit le temps de saluer sa grand-mère avant de se rendre dans ses appartements. La chaleur agréable et le léger bourdonnement dans la pièce lui apprirent que les magiciens avaient profité de son absence pour installer les tuyaux du système de chauffage dans le sol de sa chambre. À peine la porte close, il ôta bottes, chausses et pourpoint avec un soupir de soulagement.
– C'est insupportable à ce point ? se moqua Polgara, assis sur le dossier du canapé.
– Porte ça pendant une journée et on verra comment tu t'en sors, grogna son cousin en ramassant le linge.
Il mit ses vêtements sales au bout du lit, à la vue des serviteurs, ouvrit la penderie et attrapa un pantalon en velours sombre et un pourpoint plus clair qui, moins ajusté et bien plus court que ceux qu'il portait en Elmakan.
– Tu étais pourtant beau, en robe, ricana la jeune fille.
Kalum leva les yeux au ciel. De quelques mois sa cadette, la benjamine des deux enfants de Sollia avait été adopté en même temps que son frère ainé, Joffrey. Son teint basané et ses yeux noirs indiquaient clairement son métissage. La fratrie avait été adoptée dans des circonstances particulières, suite à une épidémie dans la région frontalière entre Colrith, Malatir et Elmakan. Rejetés par leur communauté à la mort de leurs parents du fait de leur sang-mêlé, les deux bambins, malades et affaiblis, eurent la chance de tomber sur Kalioska, missionnée par la Couronne pour gérer la crise. Le coup de foudre entre elle et Joffrey avait été immédiat, plus encore quand le petit garçon de trois ans lui avait montré le bébé de quelques semaines couché au fond d'une vieille ruine. Au risque d'attraper elle-même la fièvre qui décimait la région, la jeune femme avait pris soin d'eux. Quand Sollia l'avait rejointe quelques jours plus tard, elle était à son tour tombée sous leur charme. Quelques semaines après, les deux petits entraient officiellement dans la famille royale.
Le hasard avait voulu qu'ils soient d'âge avec Jayden et Kalum et les quatre cousins se considéraient plus comme des frères et sœur, malgré leur différence.
– Pourquoi, je ne suis pas beau comme ça ? s'indigna faussement son cousin.
Un fin sourire étira les traits fin de Polgara, creusant deux adorables fossettes sur ses joues.
– Disons que tu as moins l'air de sortir d'un vieux tableau, se moqua-t-elle.
– Hé ! s'indigna l'adolescent.
Il voulu l'attraper par la manche mais elle esquiva et leva les mains.
– Nous sommes convoqués à la réunion familiale, évitons de nous mettre en retard.
– Nous aussi ? s'étonna Kalum.
– Oui, le sujet est d'importance, constata sa cousine.
– Allons-y dans ce cas.
Les deux adolescents traversèrent l'étage jusqu'aux escaliers de la tour Sud, escortés par deux gardes royaux en armures complètes. Les mesures prises pour assurer la sécurité de la famille royale semblait un peu excessive à Kalum, surtout quand Polgara lui annonça qu'il aurait lui aussi droit à son escorte personnelle.
Arrivés au sommet, ils constatèrent qu'une demi-douzaine de soldats montait la garde devant la petite porte de chêne. Après un salut militaire impeccable et à l'unisson, ils purent entrer dans la salle de réunion.
Une table ronde massive autour de laquelle pouvait aisément s'assoir une vingtaine de personne trônait au centre de la pièce, entourée par d'élégants et confortables sièges. cinq fenêtres, une par pan de mur, ouvraient sur un étroit balcon duquel on pouvait apercevoir toute la cité. Pièce essentiellement défensive autrefois, elle avait été transformé en lieu de réunion privée de la famille régnante.
Le Roi et la Reine se trouvaient déjà là, entourés par Linaëlle et Adam, Xavier et Victoire ainsi qu'Énora et William. La directrice Oth'Ferim et le Duc Ol'Martal se tenaient à une fenêtre, discutant à voix basse.
– Asseyez-vous, les enfants, les invita Cassildey.
Kalum s'installa face à ses parents, Polgara près de lui. Leurs aînés arrivèrent peu de temps après, suivis par leur grands-parents. Tout le monde prit un siège et Prasina ouvrit la séance :
– Vous êtes tous au courant de la raison de cette réunion, je pense qu'il est inutile de revenir là-dessus. Néanmoins, il me semble que les Hauts Magiciens ont leur idée sur le pourquoi de ces assassinats.
– Effectivement, reprit le Duc. Vous n'ignorez pas que, tout comme Amalicia, j'ai été victime d'une tentative, heureusement avortée. Après avoir attentivement examiné la liste des noms, il nous est apparu que ce sont les membres des familles les plus anciennes qui sont visées, et particulièrement les descendants des Témoins du Pacte, et dans le cas de Malvius, le Gardien lui-même.
Un silence interloqué plana sur la tablée suite à cette annonce. Kalum leva les yeux juste à temps pour intercepter le regard inquiet que sa mère lança à la Directrice et l'infime hochement de tête de celle-ci. Il ignorait ce que les deux femmes cachaient, mais leur échange muet ne passa pas non plus inaperçu auprès d'Elmira. L'adolescent se rendit compte qu'elle les observait avec attention avant de finalement relancer la conversation :
– Qui à Malatir serait assez fou ou stupide pour s'en prendre aux Descendants ?
– Nous l'ignorons, mon petit, sinon les choses seraient beaucoup plus simple pour nous, souffla la magicienne. Mais les faits sont là : six sur les neuf familles ont été attaqué au moins une fois, et deux tentatives ont réussi, celle sur la Duchesse douairière Ol'Jamar et la seconde sur le Duc Ol'Almir.
Linaëlle émit un hoquet à cette annonce.
– Le père de Noah ? s'enquit-elle.
– Exactement, confirma la Directrice.
Sa mère grommela tout bas ce qui ressemblait fort à un juron, pendant que Kalum réfléchissait.
En plus de Noham, le premier Porteur du Sang, huit autres personnes étaient présentes au moment du Pacte avec les Dragons. Ces légendes avaient contribué à la reconstruction du Royaume et leurs familles portaient aujourd'hui encore leur prénom. Jamar, Almir, Martal, Rassil, Ferim, Daéva et Maovi, qui avaient donné les patronymes des huit plus anciennes familles nobles du pays, précédé de « Ol » pour les hommes et « Oth » pour les femmes, vieux mots se rapportant à une idée de lien, ou de parenté.
– Il y a quelque chose que je ne comprends pas, hésita Joffrey.
– Exprime-toi, Jof, l'encouragea Prasina.
– Pourquoi chercher à vous éliminer, vous, les générations précédentes ? demanda le jeune homme. Je veux dire, à part la Directrice, toutes les victimes ont des enfants, petits-enfants, voir même arrière-petits-enfants pour ceux qui sont Hauts Magiciens, et si je ne me trompe pas, vous avez des arrière-petits-neveux, poursuivit-il à l'adresse de la magicienne, qui hocha la tête.
– Tu veux dire que si le mobile était de faire disparaître des familles de Descendants, autant viser ceux qui en sont l'avenir, analysa Kalioska, sa mère.
– Oui, confirma Joffrey.
– C'est une bonne question, mais pour l'instant, hormis ce point commun entre les victimes, nous n'en savons pas plus que vous, se désola le Duc.
– Que pouvons-nous faire pour lutter contre eux alors ? interrogea Énora.
– Hormis avertir les concernés et essayer de capturer un assassin, pas grand-chose pour l'instant, constata le Roi. Nous pouvons éventuellement offrir la présence d'un détachement de gardes royaux pour assurer la sécurité, mais la garde ne possède pas des ressources illimités, et beaucoup de soldats veillent déjà sur nous.
– Visiblement, la seule chose à faire est d'attendre qu'ils se montrent, conclut Adam.
– Les mesures nécessaires vont être prises pour tenter de les stopper, affirma Cassildey. Les jeunes, vous pouvez disposer, la suite n'est pas suffisamment importante pour exiger votre présence. Soyez prudents et attendez les annonces officielles avant de parler de ça.
– Oui, mon oncle, sourit Polgara en se levant.
Les trois garçons et elle saluèrent l'assemblée avant de dévaler les escaliers, leurs escortes sur les talons, trop heureux d'échapper à la réunion. Jayden et Polgara filèrent vers l'Ecole, où ils devaient travailler leur magie, et Joffrey rejoignit un groupe de jeunes gens de son âge pour une partie de cartes. Cela convenait tout à fait à Kalum qui de toute façon avait l'intention de se rendre à la bibliothèque, consulter de vieux ouvrages sur la création de Malatir. Cette histoire d'assassinat sur les Descendants le troublait, sans qu'il sache mettre le doigt sur ce qui le gênait.
Bien moins importante que celle qui élevait ses tours près de l'École, la bibliothèque du palais comptait quand même un nombre impressionnant d'ouvrage, des archives du pays, jusqu'aux cartes les plus récentes des explorateurs. Seuls les plus beaux ouvrages avaient leur place ici, et ils restaient précieusement conservés. Kalum posa sa main sur la porte et sa paume le picota quelques seconde avant que le verrou magique ne le laisse entrer. En ce début de matinée, il n'y avait personne, et l'adolescent fureta donc à son aise dans les rayonnages.
Après avoir choisi quelques titres qui lui paraissaient prometteur, le jeune garçon s'installa sur un canapé sous une fenêtre, dans un coin qu'il savait tranquille, et commença ses recherches.
Malheureusement, quelques heures plus tard, il n'avait déniché aucun indice sur ce qu'il cherchait. Il apprit néanmoins qu'il devait y avoir neuf Témoins à l'origine, mais que seul huit avaient participé au rituel. Un peu déçu, il referma le livre qu'il consultait en s'apprêtant à rejoindre sa famille dans la salle à manger, quand une voix l'arrêta net.
– Qu'avez-vous fait promettre à Linaëlle pour qu'elle se comporte ainsi ? demandait sa grand-mère, de l'autre côté d'un rayonnage.
– Elle garde un secret que je lui ai confié, énonça calmement Amalicia.
– Un secret en rapport avec le fait que Jayden soit Haut Magicien ?
Un long silence suivit sa question. Kalum tendit l'oreille, curieux et inquiet d'en apprendre plus sur le don de son frère, qui n'aurait pas dû exister.
– Oh, ne me regardez pas comme ça, il y a longtemps que j'ai compris que le pouvoir de Jayden ne pouvait venir que de moi, continua Elmira. Vous connaissez mes parents, j'en ai la certitude. Je pense même qu'ils vous sont apparentés d'une quelconque manière. Ce que je me demande, c'est pourquoi avoir confié leur identité à Linaëlle, et ne pas l'avoir révélée à toute la famille. Ou même à moi, ne pensez-vous pas que j'ai le droit de savoir ?
Un nouveau silence s'étira. L'adolescent comprit que les deux femmes avaient dû s'assoir sur le banc de l'autre côté du rayon. Il pensa qu'elles s'étaient entourées d'un sort d'insonorisation et s'apprêtait à tourner les talons quand la Directrice prit la parole :
– À l'époque où j'ai révélé ce secret à votre fille, nous étions menacé par les Tfigunï. J'ignorais comment cela affecterai la relation que nous entretenons, et je ne pouvais me permettre de perdre votre oreille dans ces circonstances. J'ai alors fait jurer à Linaëlle de se taire. Plus tard, je n'ai pas vu l'utilité de changer la situation, bien qu'elle me l'a plusieurs fois demandé. Je n'ai peut être jamais trouvé le courage non plus de vous révéler qui je suis vraiment.
– Oh mes Dieux, c'est vous... Vous... Oh mes Dieux...
Kalum recula lentement avant de s'éloigner, laissant les deux femmes à leur intimité. Amalicia Oth'Ferim était son arrière grand-mère. La nouvelle ne le surprenait pas tant que ça, la femme faisant partie de ses proches depuis sa petite enfance. Mais dans les circonstances actuelles, cela risquait de tous les mettre en danger, si des oreilles mal avisée l'apprenaient.
*****
Elerinna sursauta, un long frisson glacé courut le long de sa colonne vertébrale.
– Maman ? appela-t-elle.
– Oui, mon cœur, je l'ai senti aussi.
– Qu'est-ce que c'est ?
– Je crains qu'il ne soit arrivé quelque chose à l'extérieur de la protection...
Gabrön déboula dans la pièce, les yeux brillants de larme
– C'est Vélinol, elle...
L'elfe ne put poursuivre et éclata en sanglot. Delthéa se leva et la prit dans ses bras, inquiète.
– Je crois que la fin de notre tranquillité a sonné, énonça Suprak, lugubre.
Delthé posa les yeux sur sa fille, dont le regard passait de l'un à l'autre.
– Oui, c'est la fin d'une époque.
TIN TINTIIIIN
Oui je sais, vous m'en voulez. Je vous aime quand même.
J'aime cette fin de chapitre. Ça commence à se mettre en place ^^.
Bref, des réactions ? XD
Aller, je vous fait un gros bisous, et à plus ! ^^.
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