Chapitre 11 : Échos du passé (partie 1)
Pour la énième fois depuis le décès de sa mère, Elmira se tenait au milieu d'un empilement invraisemblable de livres, meubles et autres objets et artéfacts magiques indéfinissables. Et pour la énième fois, elle tentait de rassembler le courage de se plonger dans les affaires de la Haute Magicienne. Les sauveteurs avaient rassemblés tout ce qu'ils avaient pu trouver dans l'effondrement et lui avait apporté, après avoir vérifié qu'aucun artéfact n'était dangereux. Elle avait fait stocker l'ensemble dans une pièce vide du palais, près de ses appartements, et repoussait à chaque fois sa décision de se plonger dans les affaires d'Amalicia. De sa mère. Sans compter la résidence des Oth'Ferim, qui se trouvait quelques part dans les terres du Sud et qui lui revenait également.
Par où commencer ? En soupirant, Elmira commença par déplacer les meubles de manière à ce qu'elle puisse avoir accès à tous les objets de la pièce. Elle empila les livres par sujet, ceux en langue ancienne séparés des autres. Elle tomba alors sur un carnet à la reliure fatiguée, à la couverture écornée, puis un second, un troisième... Il y en avait plusieurs dizaines en tout, là, près des restes d'une bibliothèque dont les dorures encore visibles indiquaient qu'elle avait probablement valu une belle somme.
Elle en prit un au hasard, l'ouvrit. Sur la page de garde était simplement noté une année : trois mille trente-deux, assortie de deux petites étoiles. À la page suivante, une date, avec quelques mots :
« C'est l'anniversaire de Jayden, aujourd'hui. Il a déjà quatorze ans. Je vois déjà tout le potentiel en lui. Ce sera un excellent héritier, quand le temps sera venu. »
En dessous figurait le croquis d'un portrait, d'une exactitude surprenante, de Jayden, cinq ans plus tôt.
Elmira feuilleta la suite, remplie d'annotations et de croquis similaires. Des anniversaires, des réceptions, des réunions de magiciens, de la politique, les progrès de ses élèves, les ennuis d'un couple rencontrés au hasard dans la rue... Tout et rien, comme un véritable journal. La femme reposa le carnet sur le côté, en ouvrit un autre. Trois mille vingt-et-un, la première page racontait la naissance de Kalum. Le suivant, trois mille vingt-cinq, s'ouvrait sur la fête de l'Unification... Des années et des années de souvenirs se trouvaient entassées là, sous ses yeux. Celui qu'elle avait donc trouvé en évidence sur le bureau n'était donc pas le seul.
Un par un, Elmira les classa, remonta dans le temps. Certaines années étaient couvertes par plusieurs carnets, la plupart en réalité. Néanmoins, elle ne dépassa jamais deux mille neuf cent quatre-vingts treize. L'année où Amalicia avait repris ses fonctions de Dame de la Haute Tour. Avant cela, il y avait eu la rébellion des magiciens, et encore avant, ses longues années d'exil, où on l'avait cru morte. Mais aucun signe de carnet appartenant à cette époque, même après qu'elle eu cherché dans le reste de la pièce.
Elmira eu une moue déçue. Elle aurait voulu trouver... Peut-être une trace de sa naissance, des informations supplémentaires sur ce qu'elle avait fait, pendant toutes ces années, alors que sa fille grandissait dans un orphelinat. Elle n'en voulait pas à la magicienne, à sa mère. Sans être toute rose, son enfance était loin d'être malheureuse, mais aujourd'hui, se retrouvait devant un champ de possibilités détruites. Que se serait-il passé, si elle avait grandi aux côtés d'Amalicia ? Quel genre d'aventures auraient-elles vécues ? À quel point sa vie serait-elle différente de celle d'aujourd'hui ? Autant de questions dont elle n'aurait jamais les réponses.
Elmira se redressa, se tourna vers le seul meuble complètement intact de la pièce, un bureau en chêne massif, verni, poli par l'usage et les années. La plupart des tiroirs en était solidement cadenassé, par la magie. C'était d'ailleurs la raison pour laquelle le meuble avait été préservé durant la catastrophe. Bardé de protections magiques, ni le feu, ni les tonnes de pierre n'avait pu l'altérer. Pourtant, un détail attira son attention. L'un des côtés semblait moins abîmé que l'autre. À vrai dire, il aurait encore pu se trouver au milieu des appartements de la magicienne tant il paraissait inaffecté.
La Reine mère se mit à genoux, passa ses mains sur le flanc du bureau, guidée par une intuition subite. Elle trouva sans peine ce qu'elle cherchait, une simple rune de verrouillage avec une tête de loup inscrite dans une spirale en dessous, imperceptibles quand on n'était pas destiné à les voir. Curieuse, Elmira pressa ses doigts dessus. Une vive douleur lui saisit la main qu'elle ramena contre elle. Néanmoins, elle avait réussi. Dans un cliquetis, un pan de bois sortit de son emplacement, révélant un interstice. La femme poussa et dans un glissement doux, il coulissa pour révéler une étagère remplie d'autres carnets, soigneusement rangés dans un emplacement fait sur mesure. Ceux-là apparaissaient plus abîmés encore, les reliures étaient parfois tachées, voire déchirées.
En dessous, un emplacement plus petit encore, où brillait plusieurs gemmes. Une en particulier attira l'attention d'Elmira, taillée en forme de fleur, accrochée à un lien qui permettait sûrement de la porter autour du cou. Elle l'effleura du bout des doigts.
La nuit, la certitude d'une paume de main dans la sienne. Une tour en ruine, obstacle facilement surmonté grâce à leur coordination. Au sommet, un endroit où elles peuvent s'asseoir, admirer le spectacle qui s'offre à elles. Mille couleurs teintent le ciel, faisant presque disparaître les étoiles. Deux chevelures rousses, l'une appuyée sur l'épaule de l'autre. Le goût des confidences murmurées, les bruits d'une cité qui dort, un parfum familier et la chaleur d'une famille trouvée. Deux iris de la teinte des glaciers la regardent, soulignées par un sourire qui cache autant de sagesse que d'affection.
Elmira cligna des paupières, et l'illusion se dissipa. Non, le souvenir. C'était un souvenir, net, précis, qui s'était gravé sur ses rétines durant un bref instant. Cette femme... Elle avait beaucoup compté pour Amalicia. La Reine mère secoua la tête, saisit le carnet le plus à gauche. Pas de date pour entamer celui-ci, simplement un dessin. Trois jeunes garçons et la femme du souvenir souriaient et se régalaient d'un pique-nique au bord d'un lac. Les pages suivantes contiennent d'autres textes, des illustrations... Une jeune fille éborgnée avec un sourire éclatant, cette femme encore, plusieurs fois. Les garçons, et d'autres encore. Les noms, écrits parfois. Rouge, Éraïs, Lyelle... Autant de gens qui ne paraissaient pas d'ici. Certaines choses ne trouvaient aucun sens dans les connaissances de la femme. Des Mystiriades ? Novacyn ?
Ses yeux s'arrêtèrent brusquement sur un prénom, le sien.
« Elmira... Si le décompte que j'ai fait est exact, tu as cinq ans aujourd'hui. Ma fille, j'espère qu'un jour je pourrais te raconter mes mésaventures en ce monde. J'espère que tu auras ce carnet entre les mains. Sache que tu as une famille qui t'aime. Je veillerai sur toi, toujours. »
La Reine mère sentit sa gorge se nouer. Toutes ces années dans l'ombre, pour ne pas ternir le présent et le futur que sa fille avait forgés. Et pourtant, jamais elle n'avait cessé de l'aimer et de s'inquiéter à son sujet.
— Maman... Pourquoi ? murmura-t-elle.
Seul le silence lui répondit, teinté du mystère dont elle venait à peine de mesurer l'étendue. Celui de la vie d'une femme unique, imbibée de magie.
Assise en tailleur sur le balcon, insensible au vent glacé et à la neige qui commençait à tomber, Linaëlle avait les yeux clos. Derrière ses paupières défilaient les souvenirs des Dragons, les mémoires qu'elle avait visionné il y a si longtemps. Pourtant les images lui revenaient aussi nettes et précises que le jour où elle les avait vu la première fois. Elle en tirait quelque chose de nouveau à chaque fois qu'elle les rappelai. Un détail, une information manquée. Mais à cet instant, elle cherchait quelque chose de précis. Tout ce qui aurait pu la renseigner sur la prétendue prophétie qui la maintenait ici.
Malheureusement, elle n'avait pour le moment retrouvé que le texte original, en ancienne langue. Elle l'avait écrit au propre, mais elle n'espérait pas en tirer grand chose. Elle rouvrit les yeux, dépitée. Elle ne pouvait se permettre de passer trop de temps dans les souvenirs agités des Dragons, sous peine d'effets secondaires désagréables.
Elle se leva et retourna à l'intérieur de ses appartements, aussi vides que le ciel dehors se remplissait de promesse de neige. Jayden passait de plus en plus de temps à l'extérieur pour sa formation, Kalum était parti, Adam ne montrait aucune volonté de rentrer et Émelyn préférait passer du temps avec ses cousins pour fuir les pièces désertées. Linaëlle soupira. Il y a avait à peine deux semaines, ce salon vibrait de vie. Aujourd'hui, elle était seule, enchaînée à cette cité tandis que son plus jeune fils risquait sa vie pour secourir sa sœur.
Pour la dixième fois depuis que le soleil s'était levé, elle envisagea d'écrire une lettre à Adam. Pour lui expliquer, pour s'excuser aussi, des secrets qu'elle avait gardé. Mais elle doutait qu'il l'a lise. Trop fier, trop blessé, il n'y accorderait pas la moindre attention.
Elle avait cru qu'il comprendrait. Une part d'elle-même s'était accrochée à cet espoir, qu'il aurait comme toujours le talent de lire entre les mots prononcés, d'analyser les subtilités et les sous-entendus d'un discours policé. L'inverse avait eu lieu. Il n'avait pas su regarder plus loin que son orgueil blessé. De savoir qu'elle lui avait caché une amante, une fille et une vie avec elles, lui avait fait perdre son bon sens. Si seulement il savait combien de fois elle aurait voulu lui dire. Elle n'avait rien dissimulé à son avantage, elle l'avait fait pour Elerinna, qui devait grandir et devenir capable de tenir tête à ses oncles. Elle l'avait fait pour Delthéa, qui devait se cacher et craindre chaque jour pour la vie de leur fille et la sienne. Elle l'avait fait enfin, pour Jayden, Kalum, Émelyn et lui, pour qu'ils n'aient pas à se soucier d'une menace divine ni de l'adoration absurde des gens.
Il reviendra
Crois-tu ?
Il t'aime, et il aime les petits. Il finira par digérer sa fierté. Ou alors c'est qu'il est aussi intelligent qu'un mouton et que je me suis gravement trompée à son sujet.
La réflexion tira un sourire à Linaëlle. Sa part draconienne finissait toujours par lui remonter le moral.
Tu ne sais rien à propos du danger qui nous menace, n'est-ce pas ?
Tu serais déjà au courant, si c'était le cas.
La femme hocha la tête. Il leur faudrait continuer les recherches demain. Mais pour l'instant, elle avait besoin de se changer les idées. Elle sortit de ses appartements et tendit l'oreille. Il ne lui fallut pas longtemps pour repérer les bruits qu'elle cherchait. Dans le grand salon, Émelyn jouait avec ses deux cousines les plus proches en âge. Les rires et les éclats joyeux s'entendaient depuis l'autre bout du couloir pour ses oreilles fines. Elle se dirigea donc vers les sons.
Linaëlle s'arrêta à l'encadrement de la porte. Les petites avaient transformé toute une partie de la pièce en une tente immense à l'aide de draps et de couvertures accrochés ensemble à l'aide de noeuds plus ou moins réussis. Une petite armée de peluches et poupées en tout genre y avait élu domicile et assistait vraisemblablement à un duel entre un dragon et un Argrim, manipulés par les deux plus âgées sous les encouragements sonores de la plus jeune. À l'opposé de la bataille, Malvius buvait calmement une tasse de thé, un livre à la main.
Plop ! Amis lecteurices, me revoilà ! Eh oui, après... dix mois de pause, c'est la réapparition de Kalum et de ses aventures. J'espère que vous serez toujours au rendez-vous et que vous apprécierez ce que je vous réserve. Mais pourquoi cette longue pause, me demandez-vous ? Eh bien, si vous n'avez pas eu de nouvelles des Chroniques, moi, j'ai passé beaucoup de temps à Arkholis.
J'ai fait du tri dans mes feuilles volantes, scanné les plus importantes, pour me constituer un début d'encyclopédie de référence qui me permettra d'éviter de perdre du temps à chaque fois que je cherche un élément de l'univers.
J'ai également fait beaucoup de JDR, chose que je pratiquais déjà plus jeune mais que j'avais mis en pause depuis longtemps. Et j'ai eu la merveilleuse idée d'utiliser des personnages des Chroniques, me donnant l'occasion de les exploiter à fond et donc d'explorer et de mettre au point de nouvelles parties du monde.
J'ai réécrit... beaucoup de fois le scénario, pour coller à ce que je voulais, ce que les personnages voulaient, tout en restant dans la logique de l'univers et en allant vers la destination que j'envisage pour ce monde. Chose pas évidente du tout.
Avec tout ça, j'ai également passé une trèèès longue année scolaire de cours à distance. Globalement, je fais partie des chanceux qui n'ont pas trop accusé le coup, car j'étais entourée de ma famille, mais j'avoue qu'après avoir passé 8 à 10h derrière un écran pour les cours, j'avais très peu envie de retourner m'y mettre pour écrire. (même si j'ai réussi à avancer mon autre roman, l'Âme du Cavalier Rouge.)
Bref, tout cela a fait que les Chroniques ont pris une longue pause. Mais c'est tant mieux, car elles en avaient besoin. Je l'avais dit, ce tome est bien plus récent dans ma tête que le précédent, et comme je veux faire les choses bien, ça nécessite parfois de réfléchir longuement. Mais je suis de retour, et si je ne garanti pas des updates tous les quinze jours comme j'ai pu le faire, j'essaierai de reprendre un rythme régulier.
Merci à vous d'être là depuis le début de l'aventure, je vous fait un check de coude, puisqu'il paraît que c'est à la mode. Et je vous dit, à la prochaine !
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