Chapitre 10 : Nouveau départ (partie 3)

La statuette ne ramena pas Elerinna dans la chapelle. Quand le décor cessa de tourner, elle se trouvait dans une nouvelle pièce toute en bois avec une fenêtre ronde. Le sol bougeait sous ses pieds. La petite Déesse observa son environnement, notant les deux lit étroits fixés aux murs ainsi que le coffre qui semblait fixés sur le sol. Quelques pas mal assurés et un regard par la fenêtre lui apprirent qu'il y avait de l'eau sous le plancher et un paysage de collines verdoyantes. Le lien se fit brusquement dans l'esprit de l'enfant. Elle se trouvait sur un bateau qui descendait un fleuve.

Un bruit de conversation attira l'attention de la petite fille vers le panneau qui tenait lieu de porte. Deux... Non, trois voix, dont l'une lui rappelait quelque chose. Avant qu'elle ne prenne une décision, le panneau coulissa et Elerinna comprit pourquoi la statuette l'avait amené ici.

Kalum avait les cheveux aussi blonds que leur mère, et ses yeux mauves que la petite Déesse avait adoré à la première seconde de leur rencontre la regardaient avec un étonnement palpable.

– Elerinna ? tenta-t-il.

L'enfant hocha la tête et se précipita vers lui. L'adolescent n'eut que le temps de lui tendre les bras qu'elle se nichait déjà contre son torse.

– Kalum... souffla-t-elle.

Le mot sonnait inconnu et familier sur sa langue. Le nombre de fois que Linaëlle lui avait parlé de ses frères et sœur et pourtant, c'était l'une des premières fois qu'elle prononçait son prénom.

– Comment as-tu fait pour parvenir jusque ici ? l'interrogea le jeune garçon.

– La relique du sanctuaire où je suis me permets d'amplifier et de concentrer mes pouvoirs pour vous contacter. Je n'ai pas tout à fait réussi puisque je cherchais Maman.

– Donc tu n'es pas réellement là, hm ?

– Non, et le pouvoir de la relique n'est pas sans limite, je ne sais pas combien de temps je peux rester.

– Où est ce sanctuaire dont tu parles ? demanda vivement Kalum.

– Sur une colline au-dessus de la Fimarsys, là où elle se jette dans l'Arfydel, expliqua Elerinna. Il faut que tu le dises à Maman, pour qu'elle puisse venir me chercher.

L'adolescent secoua la tête et l'écarta d'une longueur de bras.

– Elle ne peut pas venir, Elerinna.

– Oh...

Avant que la vague d'émotions qui menaçait de la submerger ne s'abatte, Kalum ajouta :

– C'est pour ça qu'elle m'a envoyé, moi.

– Ah ?

Comme les conséquences de cette annonce percutaient pleinement l'esprit de la petite Déesse, elle sentit l'inquiétude monter en elle.

– Mais c'est dangereux ! Il faut que tu fasses attention !

– Eh, ne t'inquiète pas, je ne suis pas tout seul, j'ai des amis pour m'aider et on veille les uns sur les autres, on sera à la maison avant même que tu n'ais le temps de t'ennuyer.

La petite Déesse soupira, se nicha à nouveau dans les bras du jeune garçon. La projection lui permettait le contact physique, mais les émotions lui parvenaient étouffées et les odeurs demeuraient absentes. Néanmoins, pouvoir se blottir dans les bras de quelqu'un de familier lui apportait un immense réconfort. Surtout quand ce quelqu'un exsudait l'amour et l'affection. Comme s'il devinait son besoin, l'adolescent la souleva et s'assis sur une des couchette. Il l'installa sur ses genoux, les jambes en travers des siennes et la serra contre lui.

– Il ne faut plus avoir peur, Elerinna, je serais bientôt là pour te protéger et te ramener à la maison. Emelyn a hâte de te rencontrer. Jayden aussi, même si il ne veut pas le dire.

– Et le reste ?

– Quoi ?

– Le reste de ta famille ?

L'adolescent prit une grande respiration, prit le visage de la petite fille en coupe pour le relever et planter ses yeux dans les siens.

– Écoute-moi bien, Elerinna. Ma famille est ta famille. Tu es ma petite sœur. Je me fiche de savoir le comment du pourquoi tu es née. Je me fiche de ce que pensent ou disent les autres. Je me fiche que tu sois une Déesse ou pas. Tu es ma petite sœur et je suis ton grand-frère. Je t'aime et je te protégerais quoi qu'il arrive.

La petite Déesse noua les bras autour de son cou et nicha son visage dans le creux de son épaule. Elle tremblait, dépassée par ses émotions. Elle avait un frère, un frère qui l'aimait et elle ne savait pas si elle devait en rire ou en pleurer.

– Kalum, chuchota-t-elle.

– Je suis là, souffla-t-il.

Une de ses mains entreprit de caresser ses cheveux et la petite fille en soupira de contentement. Elle laissa l'affection de son frère saturer son don, emporter la peur et le chagrin et apaiser son cœur. Le silence entre eux était confortable, familier, juste ce dont elle avait besoin pour refaire ses forces. Elle aurait voulu souder le lien entre eux, mais manquait de temps. Elle tenait toujours la relique et elle sentait la statuette refroidir, signe que l'énergie contenue à l'intérieur s'épuisait.

– Il faut que je m'en aille, murmura-t-elle.

Malgré son affirmation, elle ne bougea pas des genoux de l'adolescent qui dut la repousser en douceur.

– Vas-y et reste en sécurité là-bas. Maintenant que je sais où-tu es, il vaut mieux que tu ne bouges plus. Je vais venir te chercher aussi vite que possible, d'accord ?

L'enfant hocha la tête et il se leva, la reposant sur ses pieds dans le même mouvement.

– Fais attention à toi, hein ? sourit-il.

– Oui, toi aussi, répondit la petite Déesse.

Elerinna se concentra sur la relique et invoqua sa magie. La dernière image nette fut celle son frère qui lui souriait. L'instant d'après, les couleurs se mélangèrent et tourbillonnèrent jusqu'à ce que la petite fille se trouve à nouveau face à l'autel. Elle reposa la statuette dessus avant de reculer et de s'échouer sur le premier banc. Tout son corps protestait de l'usage intensif et prolongé de sa magie et son esprit tentait encore d'ordonner les sensations de sa rencontre avec Nyméïs d'abord, puis avec Kalum.

Son frère... la petite fille peinait encore à penser les deux mots ensemble. Elle avait un grand frère et c'était la sensation la plus merveilleuse au monde. Il lui avait transmis tellement d'amour et de soutien durant leurs quelques minutes ensemble qu'il compensait presque l'absence de ses mamans. Quant à Nyméïs... Ses sentiments restaient plus mitigés. D'une façon ou d'une autre, la jeune femme arborait une marque qui ne devrait pas exister, qu'Elerinna elle-même n'avait encore jamais vu jusqu'à aujourd'hui. Pourtant, impossible de se tromper. La petite Déesse savait, du plus profond de son être, que ce symbole était le sien. La question était, pourquoi la marque étaient apparue sur la peau d'une inconnue ? 

La petite Déesse soupira. Se torturer l'esprit avec ce mystère ne l'aiderait pas. Elle n'avait ni les connaissances, ni les moyens de répondre à ces questions pour le moment. Elle rassembla ce qui lui restait de force et s'apprêtait à se lever quand un bruit retint son attention. Une silhouette se faufila par une petite porte tout au fond de la chapelle. L'intrus regardait derrière lui et c'est seulement arrivé à quelques mètre de l'enfant qu'il se retourna et se figea.

– Oh... Euh... Je pensais pas qu'il y aurait quelqu'un ici, balbutia-t-il.

– Ce n'est pas grave, tu ne me déranges pas, affirma Elerinna.

Elle fronça les sourcils en l'observant plus attentivement. Sa magie et son instinct lui indiquaient un garçon et pourtant ses yeux lui montraient une fille. Cette contradiction perturbaient ses sens et elle se détourna, une sensation désagréable dans la bouche.

– Hm, je vois bien que je dérange, je vais m'en aller.

– Non, attends !

Elerinna se leva et sans lui laisser le temps de réagir, agrippa son poignet. Le contact lui permit de confirmer ce que sa magie lui murmurait à l'oreille. Sa mère lui avait déjà parlé des gens comme lui.

– Hé !

Il dégagea sa main et elle ne chercha pas à le retenir.

– Qu'est ce que tu veux ?

– Rien... Désolée, je te laisse tranquille.

L'enfant se détourna et se dirigea vers la sortie. Elle n'avait pas fait trois pas qu'une douleur jaillit de sa blessure et la fit chuter au sol. La petite fille poussa un cri de douleur en ramenant sa jambe contre elle.

– Hé, ça va ?

Il la rejoignit tandis qu'elle se redressait en position assise.

– C'est ma jambe, j'ai probablement trop dépensé d'énergie, souffla Elerinna.

Il la regarda et un éclair de compréhension passa dans ses yeux.

– Attends, c'est toi... Je veux dire... Vous êtes la nouvelle Déesse ?

– Effectivement.

Il balbutia pendant plusieurs secondes sans réussir à se faire comprendre avant que l'enfant ne l'interrompe.

– Tu sais, ça se passait très bien quand tu me parlais comme à une personne normale.

– Mais... Vous... Enfin... Vous êtes pas normale. Je veux dire... Vous avez le pouvoir de créer des mondes et...

– Pour l'instant j'ai douze ans, je n'ai créé aucun monde et je peux pas marcher, répliqua la petite fille.

Il la dévisagea un instant avant de passer une main sur sa nuque.

– Je suppose que vu comme ça.

Un moment passa et Elerinna essaya de se redresser. Sa blessure la brûla et elle grimaça. Elle releva sa jambe de pantalon. Le bandage rougi la fit soupirer. Il n'y avait pas beaucoup de sang, mais elle avait dû trop forcer.

– Attends, je vais t'aider, proposa-t-il.

Il la releva et l'assit sur le banc le plus proche.

– Merci... C'est quoi ton prénom ?

Il hésita un instant avant de répondre :

– Camélia.

Elle haussa un sourcil.

– Vraiment ?

Il recula et croisa les bras.

– Quoi ?

– C'est un prénom plutôt féminin.

– Et alors ?

– Je sais ce que tu es.

– Donc tu es venu me juger et délivrer ton châtiment divin ? cria-t-il.

– Hein ?

– Bah oui, c'est pas ce que promettent vos prêtres à des gens comme moi ? Une mort douloureuse et la perdition de l'âme ? Nous, les erreurs de la nature qui ne méritent pas de vivre !

Elerinna en resta muette de stupéfaction et décrocha de sa tirade. Il y avait trop de haine et de colère dans ce discours pour que le sens des mots atteigne son esprit. Ça n'avait aucun sens, ça allait à l'encontre de tout ce qu'elle savait.

– Mais réponds ! Réponds-moi ! s'exclama-t-il, exaspéré.

Elle secoua la tête et le regarda.

– Ça n'a aucun sens, murmura-t-elle.

– Quoi ?

– Ce que tu dis... Bien sûr que vous êtes des erreurs, c'est normal.

– Tu te moques de moi !

– Non ! cria-t-elle à son tour en se levant. Aucune chose qui existe dans cet univers n'est parfaite ! Il y a toujours des erreurs ! Sinon les arbres pousseraient tous droits, les nuages auraient tous la même forme et tous les humains auraient la même apparence ! Des fois, l'Ether faiblit et il apparie une âme avec le mauvais corps. Franchement, tu viens de dire que les Dieux pouvaient créer des mondes. Tu penses pas qu'on vous aurait déjà éradiqué de la surface de la planète si on voulait pas que vous existiez ?

Sa phrase aussitôt terminée, elle retomba, les dernières parcelles de son énergie investies dans l'espoir de souffler sa colère.

– Uh... bafouilla-t-il.

– Franchement ce continent a un problème, grogna Elerinna. Je sais pas ce qu'il s'est passé, mais c'est ridicule à quel point vous vous êtes éloignés de ce que ma mère et mes oncles vous ont appris...

– Mais... Les prêtres...

– Racontent des bêtises.

– Alors, on est pas des erreurs ?

– Si, mais non. « Erreurs » n'est pas vraiment le bon terme... « Défaut » plutôt... Ou « variation » ? Je ne sais pas. Mais vous n'êtes pas des erreurs dans le sens où tu le dis. Vous avez le droit d'exister comme tout le monde. Enfin, c'est ce que ma mère m'a appris et ce qu'elle a transmis à ses disciples. Je ne sais pas pourquoi maintenant ils pensent le contraire.

L'enfant se tut. Il s'assit à côté d'elle, pensif. Perdue dans ses réflexions, elle sursauta quand il prononça :

– Je n'ai pas encore choisi.

– De quoi ?

– Mon prénom.

– Hm. C'est quelque chose d'important, prends-ton temps pour le choisir. 

– Merci.

Il soupira et exhala un rire qui étonna la petite Déesse.

– Tu sais, j'avais peur de te rencontrer et que tu me fasses du mal.

– Comme les autres ?

– Hm.

– Ils n'ont pas le droit, tu sais.

– Je ne sais pas. Il faut que je réfléchisse. Pour l'instant je suis un peu perdu. Je pourrai revenir te voir ?

– Quand tu veux, mais pour l'instant je pense qu'il faut que j'aille rejoindre Aude.

– Tu veux de l'aide ?

– Oui, s'il te plait.



Plop vous ! Ce chapitre n'est-il pas absolument adorable ? Uh ! Cette scène avec Kalum retourne mon petit coeur d'auteur. (Oui oui, il tient de sa maman ce petit !)

A propos du nouvel ami d'Elerinna, sachez que j'essaye de faire attention à ce que j'écris, si néanmoins j'ai froissé des personnes concernées, vous êtes libre de me le dire, gentiment, et de me signaler ce qu'il faudrait que je corrige.

Sur ce je vous fait des bisous de loin, et je vous dit à la prochaine pour de nouvelles aventures !

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