Chapitre 10 : Nouveau départ (partie 2)

Sur le trajet, la curiosité naturelle de la petite fille reprit le dessus. Elle observa avec attention les murs en briques peintes, le verre coloré qui décorait les fenêtres, le parquet sous ses pieds et les nombreuses décorations attachées sur les murs.

Aude la guida vers un escalier et l'aida à descendre vers le sous-sol. La chaleur et l'humidité de l'air apprirent à l'enfant que le sanctuaire devait probablement bénéficier d'eau chaude. Cela ne l'étonna pas, le courant magique qui vibrait sous ses pieds devait fournir beaucoup d'énergie et permettre aux habitants du sanctuaire de chauffer l'eau.

Un bain plus tard, Elerinna, habillée d'un pantalon et une tunique semblable à celle de la sœur, entreprit d'explorer les lieux, sa gardienne sur les talons. Elle fit de son mieux pour ignorer les autres membres de la fratrie qui se prosternaient sur sa route et se concentrer sur son environnement. Bâti sur une colline, le sanctuaire comportait plusieurs bâtiments. Celui d'où elle venait servaient de dortoirs aux membres de la fratrie avec la cuisine et les bains communs. Une large serre où se dessinaient des runes magiques fournissait l'alimentation de bases des habitants. Un autre bâtiment accueillait les voyageurs et un dernier, au sommet, semblait être l'endroit dédié aux célébrations religieuses. Des chemins en terre et des champs ou jardins comblait l'espace restant.

D'instinct, les pas de l'enfant la dirigèrent vers ce qu'Aude avait nommé comme la chapelle. Les premiers instants de gêne et de surprise passés, la sœur semblait s'habituer au caractère curieux et enjoué de la petite Déesse. Elerinna ressemblait à une enfant ordinaire même si elle manquait cruellement de certaines connaissances sur les sujets les plus simples.

– Je ne sais pas si il est sage de marcher jusqu'en haut avec ta blessure, avança Aude quand elle la vit commencer l'ascension.

– Ma jambe va bien, et puis, il faut que j'aille là-haut, protesta la petite fille.

– Pourquoi donc ?

– Je veux essayer de parler à mes mamans.

– Tes mamans ? s'étonna la sœur, toujours en retrait derrière elle.

– Pourquoi est-ce que tout le monde est si surpris quand je dis ça ? s'agaça l'enfant.

Elle s'arrêta et pivota pour fixer la femme, retenant une grimace de douleur. Malgré son affirmation, sa blessure devenait de plus en plus douloureuse. Aude se figea un moment avant de répondre :

– Je suppose que c'est quelque chose d'inhabituel pour nous. Tu as vécu dans cette situation toute ta vie, pour toi, tout ceci est normal. Mais ici, en particulier à Kalar, avoir deux mamans est proche de l'impossible.

Elerinna détourna les yeux, réfléchit aux paroles de la femme. Elle se souvenait des histoires de Linaëlle à propos de sa sœur et de Kalioska, de la haine des gens de Colrith pour l'amour entre personne de même sexe. La petite Déesse ne comprenait pas cette manière de pensée.

– Vous êtes comme les Colrithiens, souffla-t-elle.

– Je te demande pardon ? l'interrogea Aude, perdue.

– Vous n'aimez pas les personnes de même sexe qui s'aiment, précisa l'enfant.

– Si ce n'était que ça, ce serait bien.

La sœur secoua la tête, désabusée, ramenant l'attention de sa protégée sur elle.

– Comment ça ?

– Hm, ce n'est pas une conversation agréable, et du genre que nous ne devrions pas tenir au milieu d'une allée, esquiva Aude. Veux-tu vraiment monter là-haut ?

L'attention à nouveau fixée sur son but, Elerinna hocha la tête. Avant qu'elle ne commence à gravir la pente, la sœur la saisit à la taille et sous les genoux et la souleva. L'enfant poussa un petit cri de surprise avant de s'accrocher d'instinct au cou de la femme.

– Si tu aggraves ta blessure à la jambe, les guérisseurs auront ma peau, alors je vais te porter là-haut, hm ?

– Ce n'est pas comme si j'avais le choix, maintenant, grogna l'enfant.

Plus forte qu'elle n'y paraissait, la sœur la porta sans difficultés jusqu'au seuil de la chapelle. Elle reposa avec délicatesse la petite Déesse sur ses pieds et se proposa d'attendre à l'extérieur pour ne pas la déranger. Elerinna hocha la tête, distraite par le pouvoir qu'elle sentait résonner dans ses os.

Elle entra, remarqua à peine les bancs disposés à intervalles régulier, les pierres taillées et gravées, les peintures, statues et vitraux. Seule la statuette en bois posée au centre de l'autel retint son attention. Patinée par les siècles, entretenue par la magie déposée sur elle par sa mère, elle vibrait de puissance en harmonie avec le pouvoir sous ses pieds et celui contenu dans la structure même du bâtiment qui recueillait depuis des lustres les prières des fidèles. Toute cette magie chantait dans ses oreilles, n'attendait qu'un souhait de sa part pour se libérer et l'exhaucer.

Elerinna prit une grande inspiration et posa sa main sur la relique. Avant même de pouvoir se concentrer sur quelques chose, elle sentit un appel résonner à travers l'éther. Le décor tourna autour d'elle. Quand il se stabilisa, il avait complètement changé.

Elle se trouvait dans une toute petite pièce, avec un matelas au sol, une coiffeuse et une armoire montée de guingois. Le sol de bois craquelé, les murs abîmés et la fenêtre brisée dissimulée par un rideau troué criait la pauvreté du lieu.

L'enfant avait encore la statuette dans la main, qu'elle serra d'instinct contre elle, seul point de repère dans cet environnement inconnu. Dans son dos, des bruits de pas la firent pivoter et elle n'eut que le temps de reculer quand la porte s'ouvrit avec un grincement plaintif.

Deux yeux clairs la dévisagèrent avec une surprise égale à la sienne. Un moment suspendu qui dura une seconde, ou peut-être une éternité. Elerinna fit un pas en arrière, faisant sursauter la jeune femme qui la dévisageait. Celle-ci referma la porte avant d'avancer vers la petite Déesse, qui recula à nouveau. L'inconnue s'arrêta, se frotta les yeux, pinça son bras avant de murmurer.

– Je... Tu... Existes ?

L'enfant resta silencieuse, inquiète. L'aura de la jeune femme tourbillonnait dans tous les sens, ses émotions en bataille difficile à lire pour la petite fille qui peinait elle-même avec ses propres sentiments. Elle était certaine de ne jamais l'avoir rencontré et pourtant quelque chose en elle la reconnaissait.

– Je crois que tu m'as appelée, annonça-t-elle.

La jeune femme eut un mouvement de recul et la peur domina son aura un bref instant.

– Je crois que je deviens folle... murmura l'inconnue.

– Je ne pense pas, répondit Elerinna.

Elle s'approcha d'un pas et son interlocutrice recula. Elle avança jusqu'à ce que la jeune femme soit dos à la porte, assez près pour lui tendre la main. L'inconnue la regarda, à mi-chemin entre la peur et la surprise. La petite fille ne dit rien, se contenta d'attendre ce que son instinct lui criait être inévitable.

À l'instant où la jeune femme prit sa main, un courant puissant passa de la petite Déesse à Nyméïs qui se laissa glisser le long du battant.

– Qu... Tu... Mais... bafouilla la jeune femme, déboussolée. Qu'est ce qu'il se passe ?

– Je ne sais pas vraiment, avoua la plus jeune. Ce que je sais, c'est que tu es importante pour moi.

– Ça ne peut pas être vrai, je ne suis personne.

– Jusqu'à ce que je te trouve, peut-être.

– Ce genre de choses n'arrivent que dans les contes et les légendes, pas vrai ?

La petite Déesse pencha la tête sur le côté :

– Je ne comprends pas.

– Je veux dire... tu es une espèce de fée, ou d'esprit, ou je ne sais quoi venu m'apporter un cadeau pour...

Elerinna secoua la tête, interrompant Nyméïs. Ce prénom lui plaisait beaucoup. Il s'était inscrit dans son esprit au moment où leurs mains s'étaient liées. Elles l'étaient toujours, et la petite Déesse en profita pour s'assoir près de la jeune femme.

– Est-ce que tu sais comment je m'appelle ?

– Elerinna, répondit-elle sans la moindre hésitation. Mais tu ne me l'as pas dit donc... Tout ça... C'est magique n'est-ce pas ? Est-ce que c'est vraiment réel ?

– C'est réel et magique, confirma l'enfant.

– Les rêves aussi ?

– Quels rêves ?

– Je... J'ai rêvé de toi. Quand tu es tombée du ciel et quand tu t'es enfuie. Oh ! Le chien ! Il t'as mordu !

Devant son inquiétude, l'enfant releva sa jambe de pantalon, révélant son mollet bandé.

– Ce sera bientôt guéri.

Le soulagement de Nyméïs la fit sourire. Une hypothèse commençait à se former dans l'esprit de la petite Déesse, basée sur les souvenirs de certaines conversations avec sa mère divine. Elle allait poser une question quand la jeune femme la devança :

– Le tatouage, c'est de ta faute aussi ?

– Quel tatouage ?

– Je... Celui qui est apparu quand tu es tombée.

– Montre-moi.

La plus âgée hésita mais dénoua le haut de sa robe et le laissa tomber. À la seconde où Elerinna vit les trois cercles entrelacés sous sa poitrine, elle sut ce que cela représentait.

– C'est ma marque... souffla-t-elle. C'est... Ça ne devrait pas être possible.

Sans même s'en apercevoir, elle posa les doigts sur le symbole. Nyméïs émit un hoquet et elle retira aussitôt sa main.

– Je suis désolée ! Je n'aurais pas dû...

La jeune femme l'interrompit d'un doigt devant les lèvres.

– Ce n'est rien, l'apaisa-t-elle. J'ai été surprise. Mais ne parle pas aussi fort, je t'en prie. Personne d'autre ne doit savoir que tu es là.

L'enfant hocha la tête.

– Je ne t'ai pas fait mal ? s'inquiéta-t-elle.

Nyméïs secoua la tête en signe de négation.

– Non, ce n'était pas douloureux, juste... étrange. Pourquoi ça ne devrait pas être possible ?

– Uh... D'après ce que ma mère m'a appris, il aurait fallu que je te touche pour mettre ma marque. Mais c'est la première fois que je te vois... Je ne t'ai pas touché dans tes rêves ?

La jeune femme secoua à nouveau la tête.

– Tu pourrais... l'enlever ? hésita-t-elle.

– Je ne peux pas, une fois qu'une marque est appliquée, c'est pour toute la vie... Pourquoi ?

– Je n'ai rien contre toi. C'est juste que ça pourrait m'attirer de gros ennuis si quelqu'un la voyait.

– Je peux peut-être faire quelque chose contre ça, réfléchit la petite Déesse. Je peux te toucher ?

Nyméïs approuva du menton. Elerinna s'assit sur ses talons et posa la main à plat sur la marque. Elle se concentra et laissa courir sa magie le long de son bras jusqu'au symbole. La jeune femme expira lentement à côté d'elle. La petite Déesse termina son sort et releva sa main.

– On la voit toujours, constata Nyméïs.

– Nous oui, les autre ne savent pas qu'elle est là et ils ne la verront pas. Va voir dans le miroir.

La jeune femme se leva, et se posta devant la coiffeuse. Dans le reflet, la marque ne se voyait pas. Elle baissa les yeux, mais le tatouage apparaissait toujours sur sa peau.

– C'est magique ? demanda-t-elle, éberluée.

L'enfant laissa échapper un petit rire.

– Oui, confirma-t-elle.

– Qu'est-ce que tu es, exactement ?

– Je...

Avant qu'Elerinna ai le temps de répondre, on toqua à la porte. Elles se regardèrent, la plus âgée paniquée, l'autre déçue.

– Nyméïs ? T'es là ? Le maître veut nous voir.

– Il faut que tu te caches, murmura la jeune femme.

La petite Déesse secoua la tête, saisit sa main et la regarda droit dans les yeux.

– Je suis ton futur, Nyméïs et tu es le mien. Je pense... Je sais qu'on se reverra.

Avant qu'elle ne puisse formuler une réponse, la petite fille la lâcha, la statuette dans sa main s'illumina et elle disparut.

Nyméïs fixait encore le vide quand la porte s'ouvrit brusquement.

– T'es là ? Mais qu'est ce que tu fous ? T'es devenu sourde ! s'exclama Ulicia.

La jeune femme sursauta, passa une main dans ses cheveux trop courts, réflexe d'une autre vie.

– Quel genre de créatures magiques pourrait tomber du Ciel ? interrogea-t-elle.

– Mais qu'est ce que j'en sais, moi ! pesta la plus âgée. Habille-toi et ramène tes jolies fesses, il manquerait plus que je me fasse empointer parce que tu rêvasses.

Ulicia quitta la pièce en laissant la porte ouverte et en grommelant.

– Elerinna... murmura Nyméïs. J'aimerais tellement que tu sois plus que le rêve d'une fille désespérée.

Et TADAAAA !!! Nom d'un chien ça fait une petite éternité qu'on ne s'est pas vu vous et moi ! Comment ça se passe de votre côté du monde ? Pour moi, je vous invite à jetez un œil à la partie précédente. Ajoutez à ça l'hospitalisation d'un membre de ma famille et vous obtenez une auteur absolument pas disponible et/ou motivée pour écrire.

Mais me revoilà et c'est ça le plus important. Je compte reprendre un rythme de croisière ici et essayer d'alterner avec mon autre roman tout neuf spécial confinement.

Bref ! Rencontre Nyméïs et Elerinna, un truc que j'attendais de vous raconter ! La relation entre ces deux-là est vraiment spéciale et je me suis presque autant investit dedans que celle entre Linaëlle et Elmira ! J'espère que ça vous plaira.

Sinon Eli continue de découvrir que le monde est pas tout rose et elle est en train de se faire à l'idée qu'elle va devoir tout repeindre en bleu à paillette ! (Rigole bêtement).

Je plaisante, bien sûr. Mais c'est pas très facile pour elle.

Sur ce, des bisous (de loin et avec le masque). Je vous aime, à la prochaine fois !

PS : Oui Choukette je n'ai pas dit Plop, c'est rien que pour t'embêter !

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