Chapitre 10 : Nouveau départ (partie 1)
– Debra !
Panique, terreur, douleur revinrent comme les souvenirs s'accumulèrent. La poitrine oppressée, la tête bourdonnante, tremblante de la tête aux pieds, Elerinna ne voyait et n'entendait rien d'autre que son amie en train de s'écrouler, trois traits dans le dos.
Quelqu'un posa une main sur son épaule et se fit violemment repoussé par la magie de la petite Déesse. Un choc sourd lui parvint aux oreilles, mais elle n'y prêta pas attention. Elle se noyait dans sa détresse, le souvenir de la mort de Debra gravé sur ses rétines.
Une voix d'abord. Elle murmurait des cajoleries, chantonnait un air très doux. Une odeur ensuite, fraîche, un peu piquante. Un mélange familier et étranger à la fois qui tira la petite fille de l'abysse où elle s'était perdue. Ses muscle se détendirent peu à peu, son cœur ralentit, elle prit une profonde inspiration, expira, recommença. Ses mains se détachèrent de sa tête, ses jambes s'étendirent entre les draps tièdes. La voix fredonnait toujours. Elle attendait, patiente.
Elerinna ouvrit les yeux. Deux prunelles d'un bleu très clair rencontrèrent les siennes. Son regard tomba sur la bouche qui s'agitait encore, le menton volontaire, les traits taillés à la hache, les cheveux très courts, très noirs, exceptée une longue mèche derrière l'oreille. Une cicatrice barrait la joue gauche.
L'enfant et l'homme s'observèrent un long moment. Il finit par lever une main immense pour effleurer une joue encore humide de larmes.
– Bonjour, toi.
Il avait la voix grave, plus que tout ce que la petite Déesse avait jamais entendu.
– Tu chantes bien, souffla la petite fille.
L'homme émit un bruit amusé, effleura son nez du bout du doigt avant de s'installer au fond de la chaise à son chevet.
– J'ai remarqué que ça te calmait.
– On est dans le sanctuaire ? demanda Elerinna.
Il hocha la tête. Elle s'assit dans le lit, posa ses mains sur ses cuisses. La chambre était confortable. Un lit, une chaise, une armoire massive et une petite coiffeuse, constituait un mobilier simple et élégant. Une belle porte fenêtre perçait le mur en face, donnant sur l'extérieur, et apportait une belle lumière à la pièce. Une seconde porte, en bois, devait donner sur le reste du bâtiment.
– Tu es un gardien ? interrogea l'enfant.
Nouveau hochement de tête.
– Tu sais ce qui est arrivé... murmura la petite Déesse avant de s'interrompre.
– La jeune femme qui t'accompagnait est morte, elle l'était déjà quand je suis sortie te chercher. Quand vos poursuivants sont partis, des membres de la fratrie ont ramené et brûlé son corps.
– Elle est morte à cause de moi, souffla Elerinna, les yeux larmoyants.
– Elle est morte parce qu'elle a fait un choix, corrigea l'homme. Celui de te protéger.
La petite fille ramena ses genoux contre sa poitrine et posa son menton dessus. La tristesse dans son esprit se disputait avec les questions qu'elle aurait voulu poser.
– Tu sais qui je suis ? demanda-t-elle finalement.
– Ça aurait été difficile à ignorer vu la réaction de protection du sanctuaire et les émotions que tu projetais en pagaille. Aucun frère ou sœur n'a pu supporter de t'approcher, j'ai dû jouer les gardes-malade après qu'ils aient soigné ta jambe. Et à ton réveil, tu en a assommé un.
– Je n'ai pas fait exprès...
– Je le sais bien, je leur ai dit de faire attention, mais ils ont tous l'air très pressé de se jeter à tes pieds. Enfin, puisque tu es réveillée et que tu ne risques plus de les propulser contre le mur, je vais aller les avertir.
Il se leva et l'enfant prit toute la mesure de sa taille. Il devait dépasser les deux mètres, et sa carrure l'empêchait de passer la porte de front.
– Attends, je ne sais pas comment tu t'appelles ! s'exclama la petite Déesse.
– Eudes, gardien du sanctuaire, pour vous servir, sourit-il avant de disparaître et de laisser la porte entrouverte.
L'enfant ne resta pas longtemps seule. Quelques minutes après le départ de l'homme, plusieurs bruits de pas précipités et des chuchotements parvinrent à son oreille. Son estomac gronda soudain et elle espéra que ses visiteurs lui ramènent de quoi se nourrir.
Un commandement autoritaire fit taire les chuchotis, et la porte s'ouvrit sur une femme d'âge mûr, ses cheveux noirs remontés en un chignon strict et ses yeux foncés. Elle paraissait toute petite après l'immense gardien. Un plateau à la main, elle sourit à la petite Déesse, qui d'instinct déploya sa magie d'aura. Elle sentit un peu de curiosité, beaucoup de fierté, et un sentiment de supériorité. Mais son don lui rappela aussi le trou béant laissé par le lien arraché qu'elle partageait, sans en avoir conscience, avec Debra.
L'enfant ferma les yeux, se concentra pour mettre de côté sa douleur, mais c'était pire que le manque qu'elle avait de ses mamans. Debra ne reviendrait pas, elle était perdue pour toujours. Elle pressa un poing contre son cœur, la poitrine comprimée à nouveau. Les larmes jaillirent de ses yeux sans prévenir et elle hoqueta. Il fallait qu'elle évacue toute sa peine. Elle retomba dans le lit et pleura, pleura sans s'arrêter, complètement fermée à son environnement.
Quand elle n'eut plus de larmes et que les sanglots arrêtèrent de la secouer, elle laissa la berceuse finir de l'apaiser. Eude était revenu et sa voix grave inépuisable calmait le cœur de la petite Déesse. Elle grimpa soudain sur ses genoux et se blottit contre son torse. La chanson ne s'arrêta pas, trembla à peine de surprise. Le géant referma ses bras sur elle, lui fournissant un cocon indestructible où rien ne pouvait l'atteindre. Le temps passa, la peine s'adoucit, ses éclats tranchants polis par les larmes et la mélodie sans fin.
Elerinna s'agita et Eudes la libéra. Elle leva les yeux sur lui, ses yeux pleins de question.
– En tant que gardien, je suis le seul à pouvoir supporter ton don d'aura quand tu es dans cet état. Les membres de la fratrie doivent s'éloigner et monter leurs défenses mentales au maximum de leur capacité, murmura le gardien.
– Je suis désolée pour eux, je voulais pas... souffla l'enfant.
– Ne t'inquiète pas trop, ils t'adorent trop pour pouvoir t'en tenir rancune.
– Je ne sais pas si j'ai envie de ça...
– Malheureusement, tu n'as pas trop le choix. Les premier jours ne seront pas évident, mais ça devrait aller mieux une fois qu'ils seront habitués. Et puis, ils trouveront vite ennuyeux et douloureux de se prosterner à chaque fois que tu t'approcheras d'eux.
– Tu resteras avec moi ? demanda la petite Déesse.
– J'ai fait le vœu de protéger ce sanctuaire et ses habitants. Tant que tu restes ici, je serais avec toi et je te protègerais, même si tes ennemis du moment sont intangibles.
– Merci, Eudes.
Le géant lui tapota la tête et réussit à lui arracher un sourire timide. Il la souleva, la reposa sur le lit et se retourna pour s'emparer d'un plateau sur la coiffeuse.
– Tiens, l'une des sœurs a abandonné ça pour toi, je suppose que tu dois avoir faim.
– Qu'est ce que c'est ? interrogea l'enfant.
Le contenu de l'assiette lui était inconnu. C'était mou et d'une drôle de couleur malgré l'odeur plutôt agréable.
– Purée. La serre nous permet de ne jamais manquer de légumes. Je ne connais pas exactement tous les ingrédient de celle-ci, par contre.
Elle prit une cuillerée. Le goût n'était pas formidable et la portion froide depuis longtemps, mais Elerinna avait trop faim pour protester. Elle avala son assiette et bu à la gourde que lui présenta Eudes.
Rassasié, elle posa un œil sur sa jambe. De la cheville au genou, un bandage blanc camouflait la morsure du chien.
– Le frère qui t'a soigné dit que c'est presque guéri. Il a fait au mieux, mais selon lui, tu vas garder une cicatrice.
– J'ai dormi longtemps ?
– Deux jours. Tu as fait un peu de fièvre, mais rien de grave.
– De la fièvre ? C'est quoi ?
Le gardien lui lança un regard, sourcil levé, avant de se reprendre.
– Eh, je suppose que tu n'as jamais été malade. La fièvre, c'est ton corps qui chauffe quand tu es malade, où qu'une blessure s'infecte. C'est pas bon signe d'en avoir. Heureusement, on a tout ce qu'il faut ici pour soigner les gens, et ta blessure a été proprement désinfectée.
La petite fille réfléchit un moment avant de répondre :
– D'accord. Je crois que je comprends.
Elle dirigea son regard vers la fenêtre. Le soleil lui indiqua que la mi-journée était passée. Quand elle reporta son attention sur Eudes, les yeux dans le vague, il semblait écouter quelque chose.
– Qu'est ce qu'il y a ? demanda Elerinna.
– Hm, j'écoute ce que dise les membres de la fraternité. Il doit y avoir des volontaires pour s'occuper de toi, maintenant que tu te contrôles.
Il leva un sourcil en finissant sa phrase et elle répondit à sa question sous-entendu par un hochement de tête.
– Ça va aller, promis.
Le gardien esquissa un sourire et lui tapota la tête à nouveau.
– C'est normal d'avoir de la peine. Ne soit pas gêné de l'exprimer, il vaut mieux la sortir à petite dose, plutôt que d'exploser. Ça les rendra peut être moroses, mais il vaut mieux ça que de les attaquer comme tu viens de le faire.
La petite Déesse hocha la tête. Un bruit les fit tous les deux se tourner vers la porte. Eude se leva et entrouvrit le battant. Il échangea quelques mots avec la personne qui se trouvait de l'autre côté avant d'ouvrir largement la porte. La femme qui entra lui sembla plus jeune que celle qui avait tenté de lui apporter son repas et ses yeux étaient plus clairs. Ses cheveux, en revanche, demeurait aussi foncés, tout comme ceux du gardien, d'ailleurs.
– Je te laisse entre de bonnes mains, sourit le gardien.
L'enfant le regarda partir, un peu nerveuse, avant de reporter son attention sur la femme. Sa magie lui annonça surtout beaucoup de curiosité, un peu d'appréhension et une envie de plaire et de faire ses preuves. Elle la laissa approcher, mais ne cacha pas son étonnement quand elle s'agenouilla devant elle et posa son front sur le sol.
– C'est un grand honneur de pouvoir Vous servir, votre Grandeur. Je me propose de vous accompagner dans Votre rétablissement, si telle est Votre volonté.
Sa soudaine vénération donna le tournis à la petite Déesse. Une sensation étrange qu'elle rejeta d'instinct en verrouillant sa magie d'aura. C'était la première fois qu'elle expérimentait ce phénomène. Sa mère divine lui avait touché deux mots sur l'effet que pouvait avoir les prières des mortels sur elle. De fait, elle pouvait presque voir l'énergie qui émanait de la femme et se fondait dans son corps. Il ne lui fallut pas longtemps pour sentir la magie en elle vibrer de satisfaction. Néanmoins, cette adoration ne lui plaisait pas, elle ne se sentait pas à l'aise avec le fait qu'une personne se prosterne ainsi à ses pieds et ne savait absolument pas comment réagir.
– Merci, souffla l'enfant.
Son admiratrice se redressa mais demeura à genoux, de l'étonnement au fond des yeux.
– C'est moi qui vous remercie, votre Grandeur, de nous gratifier de Votre présence et de...
– Ne dit pas de mensonges, l'interrompit Elerinna. Ma présence ici vous a fait plus de mal que de bien, jusqu'à présent.
La femme la regarda, un début de peur dans le regard.
– Nous ne sommes pas habitués à Votre puissance, Votre Grandeur, mais je Vous assure que nous sommes pleinement conscients de notre faiblesse et que nous remédierons dans les plus brefs délais à ce défaut !
L'enfant resta à l'observer quelques secondes. Le ton et la façon dont elle s'adressait à elle la gênaient plus qu'autre chose.
– Comment t'appelles-tu ? demanda la petite Déesse.
Déstabilisée, son interlocutrice mit un temps avant de répondre :
– Aude, Votre Grandeur.
– Pourrais-tu arrêter de me parler comme ça ?
– Si vous êtes offensée par ma façon de m'adresser, à Vous, j'en suis désolée Votre Grandeur, je ne...
La main d'Elerinna sur sa bouche la fit taire. La stupéfaction et la peur se disputait son aura quand la petite Déesse soupira.
– Écoute, Aude, j'aimerais que tu t'exprimes normalement quand tu t'adresses à moi. Tu as sans doute le triple de mon âge et des connaissances sur ce monde qui dépassent de loin les miennes, alors, s'il te plaît, arrête de t'agenouiller devant moi. Toutes ces... Ces choses, je n'ai aucune idée de comment y répondre, je n'ai pas appris ça. Alors si tu pouvais te comporter comme tu le fais d'habitude, ça m'aiderait. Tu veux bien faire ça ?
Elle vit le regard de la femme changer, ses émotions fluctuer et changer. La compréhension et la bonté qui habitèrent vite son aura confortèrent l'enfant dans sa décision et elle ôta sa main.
– Très bien, je suppose que je peux faire ça, sourit Aude en s'asseyant sur le lit. Vous... Tu es un peu perdue, ici, n'est-ce pas ?
Elerinna hocha la tête avec énergie.
– Alors on va essayer de remédier à ce problème. Pour l'instant, un bain et des vêtements propres semblent un bon début, qu'en penses-tu ?
Nouveau hochement de tête approbateur qui agrandit le sourire sur le visage d'Aude. Elle se leva et lui tendit la main. Avec précaution, l'enfant se leva. Sa jambe blessée protesta mais accepta de la porter. Elle prit la main tendue avec confiance et suivit la femme dans les couloirs du bâtiment.
Plop vous ! Eh non, je ne suis pas morte ! J'avais juste pleiiins de choses à faire et peu de temps pour écrire, malgré le confinement. (La sortie d'Animal Crossing n'arrange rien, mais je vais essayer de faire un effort.)
Voilà deux nouveaux personnages du côté d'Elerinna, qui est enfin à l'abri. On embraye sur la deuxième partie de l'histoire avec ce chapitre, les choses sérieuses vont pouvoir enfin commencer !
Je ne vous fait pas de bisous, c'est pas conseillé, mais le coeur y est ^^.
PS : Oui je sais, on est pas vendredi, mais je me dis que ça vous distraira 5 minutes ;).
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