Chapitre 29 : Trouver son chemin (partie 2)

       

- Aujourd'hui nous disons adieu à un frère, un fils et un ami. Nous disons adieu à un homme en devenir, généreux et altruiste. Les Dieux l'ont rappelé auprès d'eux, et nous prions pour que son âme trouve le repos éternel. Droga.

- Droga, répétèrent les quelques personnes présentes.

Dans la crypte du palais, la cérémonie qui se terminait ne se déroulait que pour la famille proche et quelques privilégiés. Le matin même, une grande célébration dans le temple avait réuni l'ensemble de la Cour et une grande partie de la haute bourgeoisie. Linaëlle avait pu observer que même un jour de deuil comme celui-ci, les manœuvres politiques continuaient. Elle n'y avait pas prêté attention, soutenant sa mère et sa sœur aux bords des larmes.

Le lourd couvercle de pierre fut placé magiquement et le caveau familial refermé. Un à un les personnes présentes s'en allèrent, laissant seules la Régente et sa fille aînée. Maintenant que personne ne la voyait, la femme laissa couler les larmes qu'elle retenait depuis le matin.

- Il est avec ton père à présent, souffla-t-elle.

La jeune fille lui prit la main et appuya sa tête sur son épaule. Elles contemplaient la lourde porte sur laquelle un nouveau nom venait d'être gravé.

- Crois-tu qu'ils nous attendront ? demanda soudain Meriem.

- J'en suis certaine, la rassura Linaëlle.

- Ils me manquent tellement tous les deux...

Sa fille allait répondre quand la lueur d'un flambeau se rapprochant l'interrompit. La Régente essuya vivement ses larmes et se moucha avant de se tourner vers le domestique qui approchait.

- Toutes mes excuses, Votre Excellence, mais vous avez demandé à être prévenue dès que votre nièce reprendrait conscience, prononça l'homme en s'inclinant, faisant mine de ne pas remarquer les yeux rougis de l'Archiduchesse.

- En effet, elle doit répondre à certaines questions. Vous pouvez disposez, je vous rejoins.

- Sadima, non, n'y allez pas en personne ! s'affola Linaëlle comme le messager tournait les talons.

- Il le faut. Et avant que tu ne me le demandes, tu ne m'accompagneras pas.

- Mais...

- La haine que tu entretiens à son égard t'empêche de raisonner clairement, et elle sera bien moins coopérative en ta présence. Vous maintenir éloignées l'une de l'autre est la meilleure chose à faire pour le moment. Rassure-toi, j'ai demandé à ce que l'on prenne toutes les mesures de prudence nécessaires.

- Je suppose qu'il ne sert à rien d'essayer de vous faire changer d'avis, murmura la jeune fille.

- Effectivement.

Avec un soupir, Linaëlle appuya son front contre celui de sa mère. Celle-ci maintint un bref instant le contact avant de poser un baiser sur sa joue et de s'éloigner pour rejoindre les gardes à l'entrée de la crypte. La jeune fille s'attarda encore un moment devant le caveau. Elle posa sa main sur la pierre froide et chuchota :

- Je les protègerais, mon frère, je te le jure.

Sur ces mots, elle ravala ses larmes et rebroussa chemin. Les deux gardes du corps que sa mère lui avait assigné vinrent l'encadrer à la sortie de la crypte et elle se dirigea rapidement vers les escaliers. Elle avait besoin d'air frais après cette journée éprouvante.

Une vague de peur et d'inquiétude la frappa de plein fouet et elle tituba, manquant une marche. L'un des hommes la rattrapa avant qu'elle ne chute.

- Ma Dame, vous allez bien ? s'inquiéta-t-il.

- Je... Oui, je vais bien, merci, répondit distraitement Linaëlle en essayant de localiser la source de ces émotions.

Elle fit le tour de toutes les personnes auxquelles elle était liée mais sans succès. Pourtant les sensations continuaient de lui nouer la gorge. Laissant son esprit partir à la recherche de la personne qi provoquait cette réaction, elle finit par la localiser sous ses pieds. Rouvrant les yeux, elle demanda aux soldats :

- Qu'y a-t-il en dessous de nous ?

- Les cachots, Ma Dame, l'éclaira l'un de ses gardiens.

- Ils servent souvent ?

- Régulièrement, Ma Dame. On y retiens des criminels plus ou moins dangereux en attendant leur jugement ou leur sentence.

- Je vois. Comment s'y rend-t-on ? interrogea Linaëlle.

- Ce n'est pas un endroit pour quelqu'un de votre rang, Ma Dame, protesta le second.

- Néanmoins, je désire m'y rendre, et je vous ordonne de m'y conduire.

- Bien, Ma Dame, se résigna-t-il. Si vous voulez bien nous suivre.

La jeune fille se laissa donc guider dans des couloirs de plus en plus sombres et humides et dont l'odeur laissait de plus en plus à désirer. Sa sensibilité lui apprit qu'elle allait dans la bonne direction, la source se rapprochait. Deux soldats en faction devant une lourde porte de bois massif ne cachèrent pas leur surprise en la voyant arriver.

- Ma Dame, saluèrent-ils en s'inclinant.

Linaëlle répondit à leur salut d'un mouvement de tête et enchaina :

- Puis-je entrer ?

Les deux hommes se regardèrent d'un air circonspect, lancèrent un regard sans réponse à leurs collègues avant que le plus âgée ne prennent la parole.

- Je ne pense pas que cela soit raisonnable, Ma Dame, le geôlier est en plein interrogatoire ...

- Interrogatoire ? répéta-t-elle en haussant un sourcil.

- Rien de répréhensible pour l'instant, Ma Dame, mais nous avons capturé ce matin deux femmes avec des dons magiques qui n'ont pas d'autorisations, dont l'une prétend être une elfe...

- Je veux les voir, annonça la jeune fille.

- Mais, Ma Dame...

- C'est un ordre, caporal, pas une suggestion, répliqua sèchement Linaëlle.

- Comme vous le désirez, Ma Dame.

L'homme détacha la clé du mur et déverrouilla la porte qui pivota dans un grincement sourd. Toujours encadrée de son escorte, la jeune fille pénétra dans un corridor sombre dont les deux murs révélaient des cellules vides. D'un mouvement de la main, elle invoqua une boule lumineuse qui se plaça au dessus de son épaule gauche, éclairant son chemin.  Se laissant guider par les éclats d'une voix qu'elle entendait et la cascade de peur qu'elle percevait toujours, elle déboucha sur une pièce qui la fit frissonner.

Les multiples instruments de torture alignés le long des murs semblaient murmurer des promesses de douleurs atroces à quiconque se trouvait dans cet endroit. Au centre, un homme barbu à la carrure massive tournait en rond autour d'une jeune femme, attachée à une chaise. La prisonnière demeurait muette malgré les menaces du geôlier et la terreur que la jeune fille percevait. Comme mû par une intuition subite, elle releva la tête et son regard doré cloua Linaëlle sur place, tout comme elle se figea sur sa chaise. Un instant, la jeune fille sentit la force puissante qui les poussaient l'une vers l'autre puis le geôlier passa entre elles, brisant l'échange de regards.

Linaëlle secoua la tête pour reprendre ses esprits et chercha à répondre à l'homme qui venait de s'arrêter devant elle.

- ... pas être là, Ma Dame.

- Je vais où il me plaît d'aller, répondit Linaëlle. Laissez-nous, je veux parler à la prisonnière.

Gardes et geôlier voulurent protester mais la jeune fille les foudroya du regard et ils s'empressèrent de quitter la pièce.

- Je savais que tu finirais par me trouver.

Linaëlle dévisagea la jeune femme dont l'accent ne lui disait rien du tout. Ses longs cheveux noir de jais, sales et emmêlés, encadraient un visage aux traits fins et nobles malgré le teint pâle et les larges cernes qui cerclaient ses yeux. S'arrachant à sa contemplation, elle s'aperçut que pour couronner le tout, la prisonnière était enceinte.

- Qui-es tu ?

- Quelqu'un qui a besoin de ton aide.

Linaëlle pencha légèrement la tête sur le côté. Elle se méfiait, et elle aussi.

- Les soldats m'ont dit que vous étiez deux.

- Ils ont assommé mon... amie, elle a essayé de les attaquer avec de la magie, avoua la jeune femme.

- Tu sais pourtant que ça peut vous attirez de gros ennuis, ici.

- Je l'ignorais, sinon nous aurions été plus prudente...

- Même le plus isolé des paysans du continent connaît cette loi.

- Je viens de très loin. S'il te plaît, ne nous laisse pas, supplia-t-elle.

Linaëlle détourna le regard. Elle savait ce qui les attendait et également qu'elle ne le supporterais pas.

- Pourquoi as-tu dis que je te trouverais ? l'interrogea-t-elle.

- Cela fait des mois que je rêve de toi, soupira l'étrangère. J'ignore pourquoi, mais nous devions nous rencontrer.

La jeune fille fronça les sourcils, méditant sur cette déclaration. Sa magie lui chuchotait qu'elle disait la vérité,  et la force qui la poussait vers cette jeune femme, qui paraissait avoir son âge, était clairement magique. Il restait néanmoins un dernier détail à élucider.

- Quel est ton nom et que fuyez-vous, toutes les deux ?

La prisonnière hésita. Linaëlle la sentait déchirée entre la confiance soufflée par la magie et sa prudence. Après un temps de réflexion, elle répondit platement :

- Je m'appelle Gwendolyne de Mercanth, née duchesse de Rimath. Je fuis un mariage forcé et plusieurs tentatives d'assassinat. Mon amie était esclave, elle s'est enfuie avec moi. Nous cherchons un endroit suffisamment loin de la colère de mon père et de mon époux pour commencer une nouvelle vie...

La douleur qui apparaissait à travers ses paroles, pourtant prononcées d'un ton neutre, convainquit la jeune fille sur la véracité de ces mots. Elle leva une main qu'elle posa sur l'épaule de la prisonnière. Celle-ci se raidit un instant avant de se détendre lentement. Usant de sa magie, elle manipula les fermoirs des chaînes. Dans un bruit métallique, les fers tintèrent sur le sol en tombant, rendant ainsi sa liberté et l'usage de sa magie à la jeune femme qui lui lança un regard éperdu de reconnaissance.

- Je vais vous aider, ne t'inquiète pas, souffla Linaëlle. Mais il faudra suivre mes ordres si toi et ton amie voulez vous en sortir. Sommes-nous d'accord ?

- Oui.

La jeune fille l'aida à se mettre debout. Elle tremblait et Linaëlle n'aurait pas pu dire quel en était la cause entre le soulagement, le froid ou la fatigue. Appuyée contre elle, un bras autour de ses épaules, l'étrangère ferma un instant les paupières en soupirant. Sa sauveuse comprit rapidement qu'elle n'était pas en état de remonter à la surface sans aide.

« Fio, tu peux me rejoindre dans les cachots ? »

« J'y serais déjà si ces bougres d'imbéciles ne m'empêchaient pas d'entrer ! » râla sa vassale.

« Dit-leur que je t'attend et que si ils n'obéissent pas, la Régente en entendra parler, ça devrait les rendre plus coopératifs. »

Il y eut quelques secondes de silence avant que Linaëlle n'entende la lourde porte du couloir s'ouvrir et plusieurs paires de pieds approcher d'un pas vif. Gwendolyne leva un regard inquiet vers elle et elle la rassura d'un sourire.

Fiona arriva la première. Sans poser de questions, la magicienne se posta de l'autre côté de la prisonnière pour la soutenir tandis que sa suzeraine se dégageait pour faire face aux hommes qui arrivaient.

- Ma D-Dame, balbutia le geôlier, mais... q-que...

- Il y a eu erreur sur la personne, les deux femmes que vous avez emprisonnée font partie de mes amies, l'interrompit fermement Linaëlle. Je me suis donc permis de les libérer et j'entend qu'on les traite avec le plus grand respect. Que l'un d'entre vous aille prévenir que je souhaite qu'elles occupent des appartements voisins du mien et qu'on leur prépare un repas et un bain chaud ainsi que des vêtements propres.

Comme tous les cinq la regardaient, stupéfaits, elle frappa dans ses mains en ajoutant :

- Exécution !

L'un des hommes de sa garde quitta les lieux au pas de course. Avec un clin d'œil pour Fiona qui retenait une crise de fou rire, la jeune fille continua sur sa lancée en se tournant vers le geôlier.

- Emmenez-moi à la cellule de l'autre prisonnière.

- B-bien, Ma Dame, suivez-moi, je vous prie.

L'homme l'escorta avec diligence une dizaine de mètres plus loin dans le couloir. Sous son ordre, il ouvrit la porte.

Une deuxième jeune femme, solidement enchaînée par des fers empêchant tout usage de magie, était suspendu au mur de l'étroite pièce, inconsciente. Linaëlle s'approcha, remarquant tout de suite les oreilles pointues qui dépassaient des cheveux, visiblement teints en noir. Elle paraissait aussi épuisée que sa compagne de route, les traits tirés et la silhouette amaigrie. Faisait-elle réellement partie du peuple sylvestre ? Y avait-il encore des gens comme elle sur cette terre ? Les questions se bousculaient dans la tête de la jeune fille, fascinée par cette étrange jeune femme tout droit sortie des histoires pour enfant. Secouant doucement la tête, Linaëlle se reconcentra sur son objectif. Elle devait avant tout les sortir de prison.

Comme précédemment, la jeune fille manipula mentalement les fermoirs qui s'ouvrirent, libérant le corps de l'elfe qu'elle réceptionna et allongea au sol. Elle connecta prudemment son esprit au sien. La réponse ne se fit pas attendre et la prisonnière ouvrit les yeux. Ses iris presque blanches surprirent Linaëlle, assez longtemps pour que l'autre se débatte, essayant d'échapper à son contact tant physique que mental. 

« Arrête ça, tu vas t'attirer des ennuis. » la prévint Linaëlle.

« Sors de ma tête. » cria l'autre en tentant de l'attaquer.

La pique mentale fut balayée par la Dragonne qui s'interposa entre elles en grondant. L'elfe écarquilla les yeux et cessa un bref instant de respirer.

« Mais... serions-nous arrivés chez les Ol'Darith ? » s'étonna-t-elle.

« Tu connais mon nom ? »

« Tout le monde connaît le nom des Gardiens des Dragons, petite sœur. » s'adoucit la prisonnière.

Linaëlle aurait voulu lui poser des dizaines de questions, mais elle n'était pas en état d'y répondre, mettant de côté sa curiosité et sa partie animale, elle expliqua :

« Vous n'êtes pas chez les Ol'Darith, c'est une longue histoire que je ne raconterais pas ici. J'ai dit à ton amie que je vous aiderais et c'est ce que je compte faire, nous discuterons de tout cela plus tard. Es-tu en état de marcher ? »

« Je pense que oui. »

« Comment t'appelles-tu ? »

« Illiana. Et toi ? »

« Linaëlle. Allons-y »

La jeune fille l'aida à se redresser et l'elfe s'étira avant de bouger doucement la tête, chassant les raideurs de son cou. Ignorant totalement le geôlier, les deux femmes rejoignirent Fiona qui soutenait toujours Gwendolyne. Linaëlle vit clairement l'elfe réprimer son élan pour se précipiter vers son amie, restant à ses côtés jusqu'à pouvoir glisser sa main dans celle de sa compagne. La jeune fille croisa le regard de Fiona qui confirma ses soupçons. Il y avait bien quelque chose entre ces deux là.

Presque deux heures plus tard, Linaëlle rejoignit les appartements qui avait été attribués aux deux femmes. Elle avait bataillé ferme avec l'intendant pour les placer sous sa protection, avec un statut similaire à celui de Fiona. Se remémorant la conversation pour s'assurer qu'elle n'avait rien oublié, elle entra sans frapper et découvrit ses deux invitées en train d'échanger de langoureux baisers sur un divan. Elle ferma la porte en se raclant la gorge, signalant ainsi sa présence. Aussitôt, Illiana bondit du canapé, se détachant de sa compagne. Écarlate, Gwendolyne s'exclama :

- Ce n'est pas du tout ce que tu crois !

- Vous devriez faire attention, si j'avais été un domestique, vous seriez déjà la cible de tous les nobles conservateurs de la Cour, les avertit Linaëlle. Certains ici ont des idées très arrêtées sur l'homosexualité.

- Et toi ? lança l'elfe.

- Ma sœur va bientôt se marier avec la Princesse de Colrith et je n'ai aucun soucis avec ça.

Constatant que son discours passait pour incohérent aux yeux des deux étrangères, la jeune fille prit place dans un fauteuil en face d'elles.

- Nous avons environ une heure et demie avant que ma mère n'arrive en demandant des explications, je vais essayer de vous expliquer qui je suis et sur quel continent vous avez débarqué. N'hésitez pas à m'interrompre parce que c'est un peu compliqué... Pour votre histoire, nous verrons plus tard.

Plop ! Non non je ne suis pas du tout en retard ^^' ! Bon pour excuse c'était le gala de danse vendredi et samedi soir, et du coup j'ai complètement zappé, milles excuses !

Sinon à part ça, pour celles et ceux qui les ont reconnues, content(e)s de voir Illiana et Gwendolyne ? Il leur est arrivé des tas de choses depuis que nous les avons laissées, d'ailleurs il va falloir que j'écrive un peu la suite  ^^'.

Bref ! De gros bisous à vous et à la semaine prochaine pour la fin de ce chapitre et quelques réponses intéressantes ;).

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