Chapitre 28 : Liens familiaux (partie 3)
Linaëlle reprit difficilement conscience. Sa tête pulsait douloureusement et la première chose qu'elle constata fut l'absence de ses liens mentaux. Les souvenirs affluèrent en masse et elle ouvrit les yeux pour découvrir le sourire satisfait de Daniela.
- Elle est réveillé, annonça celle-ci en s'écartant.
- Bien.
Le sang de la jeune fille se figea un bref instant quand elle reconnut la personne à laquelle s'adressait sa cousine. Sourde aux protestations de son crâne, elle se redressa pour découvrir Kadsuan, enveloppée d'une robe aussi noire que son aura, confortablement installée dans un large fauteuil.
- T'ai-je manqué, Linaëlle ? l'interrogea-t-elle.
- Espèce de vieille chouette, vous ...
La gifle de Daniela la surpris et la renvoya au sol en faisant résonner brutalement sa tête.
- Comment oses-tu ...
- Daniela, il suffit ! la rabroua sa mère. Il est hors de question qu'elle ne soit pas en état pour ce qui va suivre.
- Mais, Mère...
- J'ai dit non ! Si tu n'es pas capable de te tenir, tu sors d'ici !
Résignée, Daniela s'éloigna et se posta dans un coin de la salle. Linaëlle se releva avec l'impression qu'un forgeron avait pris ses quartiers dans son crâne. Peu sûre sur ses jambes, elle prit sur elle pour pointer son bras en direction de Kadsuan, l'étoile incandescente sur son épaule.
- À ta place je ne ferais pas ça, petite fille, j'ai bien peur que sinon ils en payent le prix, annonça posément la femme en désignant du menton la salle dans son dos.
La jeune fille pivota et hoqueta de surprise. Fiona se trouvait enchaînée au mur par les poignets et surveillée par un Tfigun, lame au clair. Juste à côté, Jayden avait droit au même traitement, mais portait un baillon qui l'empêchait de s'exprimer et s'agitait en tout sens. Sa vassale croisa son regard et fit un infime mouvement de négation de la tête, la décourageant d'agir contre leurs gardiens.
- Tu vois, il me suffit d'un mot pour qu'ils meurent, souffla Kadsuan. Et si tu m'élimines, ils ont ordres de les tuer. Je n'avais pas prévu que ton frère s'en mêle, mais il a senti ta panique et t'a suivie quand tu as voulu secourir ta vassale.
Linaëlle souffla et se tint de profil par rapport à elle, gardant ainsi un œil sur l'ensemble de la scène, prête à saisir la moindre occasion.
- J'ignorais que les elfes avaient confié aux Dragons les paroles du chant de Dinath, et que ta Déesse t'avait accordé cette protection, lança-t-elle.
La jeune fille resta muette, mais la femme devina sans peine sa surprise.
- J'en sais des choses, n'est-ce pas ? poursuivit Kadsuan. Je sais également que de ce fait, nous ne pouvons pas te toucher, ni contaminer ceux qui sont chers à ton cœur, puisque tu t'es empressée de les protéger. Néanmoins les faire souffrir ne pose pas de problèmes.
Instantanément, elle se raidit, mais sa tante continua :
- Il ne leur sera fait aucun mal tant que tu feras ce que je te dit.
- Qu'est ce que vous me voulez ? Pourquoi faites-vous ça ? demanda enfin Linaëlle.
- Et toi, petite fille, pourquoi nous combats-tu ? riposta-t-elle.
La jeune fille eut un rire bref.
- Je pense que c'était évident ! Vous tuez les gens et voulez envahir notre monde ! Bien sûr que je me bats contre vous !
- En somme, tu défends ton peuple, enfin tes peuples, parce que tu veux qu'ils vivent heureux et en paix, analysa Kadsuan. N'as-tu jamais pensé que nous faisions exactement la même chose ?
- Cela n'a rien à voir ! protesta Linaëlle. Vous tuez des gens !
- Toi aussi.
- Je ne fais que me défendre et défendre les autres ! Vous voulez nous annihiler !
- C'est ta précieuse Déesse qui t'a raconté ce mensonge éhonté ? Ainsi que toutes les autres bêtises qui vont avec je suppose. Réfléchis deux minutes, Linaëlle, si je voulais te tuer, ne penses-tu pas que j'aurais déjà demandé à Daniela de le faire, pendant que tu étais inconsciente ?
- Je suppose que vous attendez de moi que je vous aide à récupérer votre couronne, grinça la jeune fille, notant au passage que Daniela n'était donc pas encore sous la coupe de son Tfigun, puisque elle pouvait la toucher.
- Plus tard, si besoin est, oui. Mais j'aimerais que tu m'aides de ton plein gré.
- Si vous croyez une seconde que je vais vous rejoindre, vous pouvez toujours courir !
- Tu te rangeras à notre côté quand tu comprendras que tu as été trompée depuis le début par ta soi-disant protectrice, exposa calmement la femme.
- Delthéa ne m'a jamais menti ! protesta Linaëlle.
- Vraiment ? insista Kadsuan. Pourtant, elle t'as caché de nombreuses choses, elle savait pour ta famille, elle savait pour ton rôle de Tis'shamar...
- De quoi ?
- Ah, elle n'a pas encore abordé le sujet avec toi... Je pensais que tu savais. Tu vois, encore une cachotterie, pour que tu ne te rebelles pas et que son soit disant Gardien t'emmènes où il veut.
- Non c'est faux...
- T'es-tu jamais demandée pourquoi elle s'est intéressée à toi ? Parmi tous les habitants de cette terre ? Elle sait ce que tu représentes réellement et elle te manipule pour que tu l'aides à couvrir leurs sales petits secrets.
- Mais... Je... Tis'shamar ? Ce mot n'a pas de sens ... Je ne sais même pas ce que ça veut dire... Pourquoi ne m'a-t-elle rien dit ?
- Je comprends que tu sois perdue, c'est difficile pour toi. Assied-toi là, je vais répondre à tes questions.
Linaëlle avait l'impression qu'un brouillard cotonneux entourait son esprit. Sans réfléchir, elle obéit à sa tante et s'installa sur un fauteuil près d'elle. Quelque part son instinct sonna l'alarme : un deuxième fauteuil ? Et depuis quand Kadsuan prenait-elle ce ton maternel avec elle ? Comment allait Jayden et Fiona ? Mais elle n'écoutait pas, concentrée sur les paroles de sa tante qui sonnaient tellement douces à son oreille.
- Les Tis'shamar sont des gens très spéciaux, mon petit, lui expliqua l'ancienne Impératrice. Ils modèlent le monde au gré de leurs envies, ils influencent les destins de nations entières parfois, il leur suffit de vouloir quelque chose. La grande majorité de ces gens ignorent leur talent, c'est pourquoi ils sont dangereux. C'est également pour cela que Delthéa te manipule, car elle sait qu'avec ta puissance, tu pourrais nous repousser dans la faille et la fermer.
- Je n'ai jamais eu ce pouvoir, fit Linaëlle en secouant la tête.
- Bien sûr que si, depuis que tu es petite, tu possèdes ce don. Enfant, tu voulais une famille, tu voulais que cette guerre qui t'avait pris ton père s'arrête, alors tu as agit sur la Reine, puis sur le reste de la famille royale et sur Iatus et il en est résulté ce que tu connais. Plus tard Delthéa a évoqué ta famille de sang, et bizarrement, tu l'as retrouvée... Et ta rencontre avec Adam vient de ta prise de conscience après que Noah t'ait avoué ces sentiments... lista Kadsuan.
- Mais ce n'est pas possible, tout ne tourne pas autour de moi...
- Pourtant si, tu es l'une des Tis'shamar les plus puissantes depuis Noham, et même inconsciemment, tu traces les routes de ceux qui t'entourent.
À nouveau la jeune fille secoua la tête, elle essayait de réfléchir, de repenser à ces souvenirs. Ce fameux tintement qu'elle entendait parfois avait-il un rapport avec ce que tentait de lui démontrer la femme qui se tenait près d'elle ?
- Si tout cela est vrai, prononça-t-elle finalement, pourquoi Delthéa ne me l'a pas dit ?
- Parce que tu aurais été bien plus dangereuse pour elle si tu l'avais su, tu aurais été plus méfiante également, et c'est un risque qu'elle ne veut pas courir pour réussir.
- Réussir quoi ?
- Tu sais que les Dieux n'existent que parce que les gens les aiment et les respectent n'est ce pas ?
- Évidemment.
- Sais-tu ce qui arriverait si les gens, au contraire, se mettaient à les haïr et les ignorer ? l'interrogea sa tante.
- Pas vraiment... Ils mourraient je suppose ?
- Seul un dieu peut en tuer un autre, mon enfant. Ils se contenteraient de se dissiper, de devenir de pâles reflets passif de ce monde, âmes errantes et torturées errant sans but à travers l'éther. Et cela, ils veulent l'éviter à tout prix. Même si ils doivent sacrifier une planète entière pour cela.
- Mais ils ne savaient pas que vous existiez quand ils ont bannis votre planète... se rappela Linaëlle.
- C'est Delthéa qui t'a raconté cela n'est-ce pas ?
La jeune fille acquiesça.
- Ils avaient conscience de notre existence, mais nous n'étions pas ce qu'ils voulaient, nous n'étions pas suffisamment bien pour eux ! s'énerva soudain la femme, l'aura noire s'épaississant autour d'elle. Ils nous ont envoyé là-bas, sans ressources, dans ce noir perpétuel où nous sommes condamnés à souffrir, à voir la majorité de nos petits mourir avant d'atteindre l'âge adultes, tout ça pour conforter leur égo !
Linaëlle en resta muette. La souffrance dans sa voix se répercutait directement sur son don et vrillait dans son esprit. Elle ne pouvait pas ignorer cette douleur qu'elle savait sincère. Malgré le brouillard dans son esprit et le coup reçu à la tête, elle tentait de réfléchir aux arguments que lui présentait l'ancienne Impératrice
- Delthéa n'aurait pas laissé faire ça... chuchota-t-elle enfin.
- Pourtant elle l'a fait, je ne peux pas te le montrer, puisque te toucher m'est interdit, mais si c'était possible, tu pourrais voir dans mes souvenirs l'endroit où ils nous ont abandonné. Nous ne cherchons qu'à nous échapper de cet enfer...
- En anéantissant cette planète.
- J'avoue que nous avons commis des erreurs, l'apaisa Kadsuan. Nous voulions nous venger de vous, protégés par ces Dieux qui nous ont trahis... Mais nous avons fini par comprendre qu'ils vous avaient menti en nous faisant passer pour les méchants. Ils se servent de vous pour nous anéantir tandis que vous mourrez en leurs noms et leur accordez du pouvoir... Alors que nous pourrions nous allier et vivre ensemble...
- C'est impossible... protesta faiblement la jeune fille en secouant la tête.
- Encore une fois, tu te bases sur ce que t'ont enseigné tes divinités, la repris la femme. Nous sommes adaptables mon petit, si notre hôte ne s'oppose pas à nous, nous pouvons cohabiter dans le même corps. Et au bout d'un certains temps, nous reprendrions notre indépendance quand nous aurions appris à supporter le feu, à parler vos langues... Et tu n'aurais pas à te sacrifier pour refermer la faille.
- Me sacrifier ? répéta Linaëlle.
- Allons tu n'es pas stupide, tu sais que l'énergie demandée par ce sort te tuera.
- Je le craignais en effet.
- Alors que tout cela est inutile, il suffit de nous laisser entrer librement dans ce monde... Nous sommes vingt fois moins nombreux que vous, il suffirait ...
- Qu'est ce qui me garantie que vous tiendrez parole ? interrogea la jeune fille. Que ce que vous me racontez n'est pas un tissu de mensonges ?
L'esprit de la jeune fille s'éclaircissait peu à peu, elle se demandait sérieusement ce que ce récit valait et où se situait la vérité. Sa dragonne rugissait de l'autre côté du brouillard et tentait de le traverser pour la rejoindre.
- Tu es méfiante, c'est normal. Malheureusement, je ne peux pas te prouver quoique ce soit sans te toucher.
- C'est trop facile...
- Parce que Delthéa t'a donné des preuves ? Nous pourrions vivre en paix, en sécurité, personne n'aurait à souffrir. Il n'y a que tes Dieux qui nous en empêchent, Linaëlle...
- Non ! Vous m'avez promis ! hurla soudain Daniela. Vous m'avez promis qu'elle souffrirais !
Avec grondement, la Dragonne dans son esprit traversa le brouillard et le dissipa à grands coups de griffes. Linaëlle hoqueta et se leva tandis que les paroles de sa cousine prenaient sens dans son esprit. Celle-ci se trouvait entre elle et les deux prisonniers, la colère brillant dans ses yeux et son aura.
- Daniela, tais-toi !
- Non ! Vous avez menti à l'une d'entre nous ! Et je refuse que ce soit encore moi ! Puisque je ne peux pas vous faire confiance, je le ferai moi-même !
Avant que quiconque ait pu réagir, elle pivota et planta un couteau sorti de sa manche droit dans la poitrine de Jayden.
Dans le quart de seconde suivant, elle était maîtrisée par les deux gardes avant de pouvoir s'en prendre à Fiona. Mais Linaëlle ne voyait que la tâche de sang qui s'étalait sur la chemise de son frère, soudain immobile. Elle hurla à l'unisson avec le formidable rugissement de sa partie animale. Leur colère balaya tout le reste et trois boules de feu se précipitèrent sur les Tfiguns. Les gardes éclatèrent sur le coup mais Kadsuan disparut avant d'être atteinte, ce qui augmenta leur colère tandis qu'elles se dirigeaient vers Daniela. Elles l'attrapèrent par le col et la propulsèrent contre le mur d'en face comme une poupée de chiffon. Un craquement leur indiqua que leur ennemie ne s'en sortirai pas intacte. La rage qui les habitait ne se satisfaisait pas de cela, mais quelque part, une voix leur hurlait de la détacher. Dans un éclair de conscience, elles arrachèrent les chaînes qui retenaient leur vassale au mur. À peine libérée, celle-ci leur envoya une formidable claque.
- Arrêtez-ça ! Ce n'est pas le moment !
Le voile rouge qui obscurcissait leur vision se dissipa légèrement, assez pour les empêcher de sauter à la gorge de Daniela pour l'instant. Cette dernière gisait au sol et elles se moquaient de son état. Si un regard avait pu tuer, leur cousine aurait été instantanément carbonisée. Elles restèrent là à la fixer, hésitantes sur la manière dont elle allaient la tuer.
- ... rien pu faire pour lui, je suis désolée, Lin'.
La voix de son amie doucha sa colère en une seconde. Il lui fallut néanmoins un temps pour comprendre la signification des phrases qu'elle venait de prononcer.
Son frère était mort.
La jeune fille pivota trop vite, chancela sous le coup de la nouvelle et tomba à genoux. Cela ne se pouvait pas.
- Non... articula-t-elle.
- Elle a touché le cœur, il était perdu au moment où le couteau l'a transpercé, murmura Fiona en s'asseyant près d'elle. J'ai essayé Lin', mais personne ne peut réparer cet organe.
Une part de l'esprit de la jeune fille nota le sang qui couvrait les mains et la robe de la magicienne, ainsi que ses yeux éteints et sa peau pâle. Elle avait fait son maximum, Linaëlle le savait. Fiona avait toujours été meilleure qu'elle en matière de magie, elle réussissait toujours.
Sauf aujourd'hui, car le corps sans vie de son frère se trouvait là, à quelques mètres.
- C'est pas vrai... c'est un cauchemar... souffla-t-elle. Je vais me réveiller et...
- Linaëlle, arrête, l'interrompit fermement son amie.
La magicienne lui encadra le visage des mains et l'obligea à la regarder dans les yeux.
- Aussi difficile que ce soit pour toi, reprit-elle plus doucement, il est parti. Malheureusement, rien ne pourra le faire revenir. Je sais que c'est très dur, mais il faut que tu prennes conscience de ça. Ne laisse pas ton imagination partir à la dérive... s'il te plaît.
La jeune fille se dégagea, baissa les yeux. Ses mains tremblaient, elle les referma et serra les poings.
Son frère était mort.
Les larmes lui piquetèrent les yeux, Fiona posa deux mains réconfortantes sur ses épaules. Le gémissement de Daniela derrière elles ramena le tourbillon de leur colère. Elles bondirent sur leurs pieds avec la ferme intention de finir ce qu'elles avaient commencé. Elle ne méritait pas de vivre alors qu'elle avait assassiné Jayden.
- Linaëlle non ! la retint sa vassale.
- Lâche-nous ! hurlèrent-elle. Nous allons lui faire payer !
- Non, je ne vous laisserais pas faire, désolée.
Vivement, elle posa ses mains sur les tempes de sa suzeraine et murmura quelques mots. Elles luttèrent contre ce qu'elles savaient être un sort pour les endormir, mais finirent par sombrer dans un sommeil sans rêves.
- Delthéa ! Qu'as-tu, ma sœur ?
- Elle m'en veut, Gabrön, elle est tellement en colère après moi...
- Eladriel se serait-il trompé ?
- Non, elle doit en passer par là... Ah ! J'avais oublié à quel point c'était douloureux...
- J'espère pour toi que cela en vaut la peine.
- Je l'espère aussi.
... Plop ! Prière de ne pas essayer d'assassiner l'auteure, merci. Bon maintenant vous savez pourquoi Daniela est le personnage que j'aime le moins.
Mais il fallait bien que quelque chose finisse par leur tomber sur le coin du nez, je vous avais prévenu(e)s ... Et puis Kadsuan a quand même raconté pas mal de choses à Linaëlle, le tout est de savoir ce qui est vrai ou pas...
Cette partie est la dernière que j'ai écrite avant la pause et honnêtement je crois que mon stress à déteint un peu sur ma manière d'écrire mais bon, elle est bien comme ça je pense.
La suite la semaine prochaine si personne n'a réussit à me tuez d'ici là ^^. Bisous à tous !
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