Chapitre 28 : Liens familiaux (partie 1)


- Linaëlle, je peux entrer ?

- Bien sûr, viens !

Azra poussa la porte des appartements de son aînée, proches de ceux du reste de la famille. Elle trouva la jeune fille en pleine contemplation d'une peinture accrochée au dessus de la cheminée et s'approcha, un demi-sourire aux lèvres.

- C'est l'un des rares tableaux sur lequel vous êtes tous les quatre ensemble, Maman l'a ramené d'Olmetho quand nous sommes venus nous installer ici, répondit l'enfant à ses interrogations muettes.

La jeune fille hocha la tête sans s'interrompre dans son observation. L'Archiduchesse, plus jeune, se tenait assise sur une chaise avec un enfant qu'elle supposait être Jayden à côté d'elle et Linaëlle sur les genoux. Ce qui retenait réellement son attention, c'était l'homme derrière eux.

- Tout le monde me répète que je lui ressemble beaucoup, je comprends pourquoi maintenant, souffla Linaëlle.

L'homme qui souriait sur le portrait, avait le même blond, les même yeux verts, le même nez que Linaëlle. Si ses traits demeuraient moins fins que ceux de la jeune fille, elle se retrouvait en lui bien plus qu'en sa mère de sang. D'ailleurs, la version miniature de Linaëlle montrait déjà cette ressemblance. À bien y regarder, Jayden avait des points communs avec lui, et Azra également, mais indéniablement, elle tenait plus de lui que les autres.

La peinture ne lui rappelait rien, elle devait être trop jeune quand elle avait été réalisée. En revanche, elle provoquait un profond sentiment de nostalgie chez la jeune fille. Elle secoua la tête et se détourna du tableau, se concentrant sur la raison pour laquelle elle avait demandé à sa sœur de la rejoindre.

- Viens t'assoir avec moi, lui proposa-t-elle.

Elle s'installèrent sur un riche canapé de velours bleu, et la plus jeune demanda :

- Pourquoi voulais-tu que je vienne ?

- J'aurais préféré attendre demain, après la fête, mais il vaut mieux agir au plus vite, soupira Linaëlle.

- Pourquoi dis-tu ça ? s'inquiéta Azra.

- Écoute, petit cœur, l'Impératrice t'a jeté un mauvais sort quand elle t'a emmenée avec elle, il faut que je le brise avant qu'il n'agisse, expliqua calmement la jeune fille. C'est ... ça finira par te tuer si on ne fait rien rapidement.

- Tu es sûre ? dit-elle d'une petite voix.

- Certaine.

- Ça fait mal ?

- Je ne peux rien te promettre, souffla l'aînée.

La petite déglutit et se crispa quand Linaëlle posa une main sur son épaule.

- Tu n'as rien dit à Maman, n'est ce pas ? chuchota-t-elle.

- Non, elle a assez de sujets d'inquiétude. Viens.

La jeune fille attira l'enfant sur ses genoux et elle se lova contre elle. Usant de sa magie d'auras, Linaëlle apaisa sa peur et l'aida à se détendre. Si elle connaissait le chant, écrit en lettres de feu dans son esprit, elle ignorait tout de ses possibles effets secondaires. Intérieurement, elle était aussi effrayée qu'Azra, mais elle ne devait rien laisser paraître. Par mesure de sûreté, elle connecta son esprit à celui de sa sœur, interrompant brièvement les autres liens. Sa Dragonne gronda, aux aguets. Fermant les yeux, la jeune fille inspira et se mit à psalmodier.

Azra frémit dans ses bras et se prit la tête à deux mains dans un hoquet. Linaëlle resserra son étreinte et continua, observant l'esprit de l'enfant qui semblait se flouter. Dans un sursaut, ce dernier se divisa en deux, une partie tentant de se raccrocher à l'autre. Avec un rugissement, la Dragonne s'élança dans l'esprit de la petite pour attaquer cette partie tenace qui s'assombrissait de seconde en seconde. Laissant sa partie animale agir mais sans cesser de chanter, Linaëlle ouvrit les yeux. Une brume noire sortait lentement du corps de l'enfant recroquevillée contre elle, encore rattachée par quelques lambeaux.

La jeune fille sentit le tatouage sur son épaule se mettre à pulser. À l'instant où le brouillard noir se décrocha, Azra hurla et Linaëlle, appelant la puissance de son étoile, tira presque à bout portant sur le Tfigun qui s'évapora dans un crissement.

Elle reporta son attention sur Azra, évanouie dans ses bras. Elle enroula son esprit autour du sien, la protégeant des attaques éventuelles. Sa Dragonne émit un grondement satisfait en revenant dans son esprit tandis que la jeune fille en profitait pour transmettre à la petite la bénédiction de sa Déesse. Ceci fait, elle se permit un soupir de soulagement. Le chant avait fonctionné.

Fiona se manifesta aussitôt qu'elle rouvrit les liens.

« Tu l'as eu, on dirait. » se réjouit-elle

« Oui, il est parti et j'ai fait en sorte qu'il ne revienne pas. » confirma Linaëlle.

« Une autre bonne nouvelle. Voilà qui doit te rassurer. »

« Tu n'imagines pas à quel point. »

« Bien sûr que si, le lien vassalique ne me hurle plus ton inquiétude dans les oreilles. » s'amusa Fiona. « Tu veux que je l'examine pour s'assurer qu'elle n'a rien ? » reprit-elle plus sérieusement.

« De ce que je détecte, elle n'a rien, mais tu es plus douée que moi dans ce domaine. »

« J'arrive. »

Après examen, la magicienne confirma que tout allait bien. Linaëlle se soulagea enfin du poids qui pesait sur ses épaules depuis que Delthéa lui avait appris la présence du Tfigun. Fiona s'installa dans un fauteuil pour lire un des livres de magie qu'elle avait emporté tandis que Linaëlle restait sur le canapé, la tête de sa sœur sur les genoux, attendant qu'elle reprenne conscience.

La petite finit par ouvrir les yeux et l'observa d'un air inquiet.

- Tu n'as rien à craindre, c'est fini, l'apaisa sa sœur en caressant ses cheveux.

- Cette ... chose dans ma tête... Juste avant de partir elle a dit que les Liés étaient revenus...

Linaëlle ne put retenir une grimace. Si ces ennemis ignoraient encore son statut, elle venait de perdre cette avantage en sauvant Azra. Mais elle ne regrettait pas de l'avoir fait. Devant l'air perplexe de l'enfant, elle mentit :

- Ne t'inquiète pas, Énora aussi entendait des paroles étranges. C'est simplement pour vous faire peur.

Rassurée, la petite hocha la tête. Elle s'assit sous l'œil attentif de sa sœur, avant de la regarder.

- Je vais bien, ne t'en fait pas.

Un mince sourire étira les lèvres de Linaëlle, sous son air innocent et timide, elle était bien plus mature qu'elle ne le laissait paraître.

- Je sais, mais je serais une mauvaise grande sœur si je ne m'inquiétais pas pour toi.

- J'ai l'habitude de me débrouiller toute seule, tu sais, souffla-t-elle en détournant les yeux.

La jeune fille fronça les sourcils, sa magie venait de lui transmettre la peur sous-jacente dans cette phrase. Un bref regard vers Fiona qui se faisait discrète de l'autre côté de la pièce lui confirma que quelque chose clochait.

- Tant que je suis là, nous pourrons passer plein de temps ensemble, lui déclara Linaëlle en glissant un doigt sous son menton pour l'obliger à la regarder. Et tu sais que tu n'a rien à craindre avec moi.

- Évidemment que je le sais.

- Mais je sens quand même ta peur, révéla son aînée.

Le visage de la petite se ferma brusquement et elle se détourna.

- Azra ? insista la jeune fille.

- J'aimerais juste... que tous les membres de notre famille soit comme toi... chuchota-t-elle très vite.

- Qui ? Daniela ?

Azra hocha la tête, sa peur arrivant par vagues percuter la magie de sa sœur.

- Qu'est-ce qu'elle t'a fait ? s'alarma Linaëlle en se levant pour s'agenouiller devant elle.

- Rien, protesta-t-elle trop vite.

La petite tenta de s'esquiver, mais l'aînée avait prévu le coup et l'attrapa par les épaules. Toujours à genoux, la jeune fille prit délicatement la tête d'Azra entre ses mains et arrima son regard au sien.

- Petit cœur, si elle t'a blessée, ou si elle t'a contrainte à quoi que ce soit, tu dois m'en parler, murmura-t-elle. Elle n'a aucun droit sur toi, tu comprends ?

L'enfant prit une inspiration tremblante et ferma les yeux en posant ses mains sur celles de sa sœur, qui commençait à imaginer des scénarios plus déplaisants les uns que les autres. Elle la libéra et les paumes de la petite vinrent aussitôt chercher les siennes, auxquelles elles s'agrippèrent. Linaëlle lui transmit une vague de calme et s'obligea elle-même à cet état d'esprit, même si son cerveau fonctionnait à toute allure.

- Je voulais juste lui proposer un jeu, murmura Azra d'une voix tremblante. Elle m'a giflée et elle a commencé à hurler après Maman, après toi... Elle vous en veut d'avoir déchu sa mère, elle veut vous faire souffrir autant qu'elle a souffert... Elle voulait que je l'aide... Je n'ai pas voulu et... elle... son collier...

L'enfant éclata en sanglots trop longtemps contenus. Sa sœur la prit immédiatement dans ses bras. Assise au sol, elle la cajola, la berça, laissant s'écouler ses larmes sans user de magie. Elle devait se calmer naturellement pour évacuer les mauvais souvenirs associés à ces pleurs. Fiona les rejoignit, s'assit également sur le tapis importé de Colrith, présence muette et apaisante pour Linaëlle qui bouillonnait intérieurement. De tous les membres de sa famille elmakaise, Daniela lui était clairement la plus antipathique, et son comportement inquiétait la jeune fille quant à sa possible possession. Cependant, elle réglerait ses comptes avec elle plus tard. Pour l'instant, elle devait rester concentrée sur la petite qui pleurait, lovée contre elle. Elle lui caressait doucement les cheveux, attendant que les vagues d'angoisse émanant d'elle se dissipent.

- Quel collier, petit cœur ? chuchota Linaëlle quand elle la sentit plus calme.

- Il brille... Il brille et ça brûle... sans laisser de traces, renifla Azra.

- Elle va m'entendre, crois-moi, gronda Linaëlle.

- Ne lui dit pas ! Elle va recommencer ! s'écria-t-elle, terrorisée.

- Azra, tu ne dois pas te laisser faire comme ça ! Elle n'a pas le droit de te faire subir ça ! Personne n'a le droit de faire souffrir volontairement les autres !

- Mais elle va te faire mal à toi aussi, elle me l'a dit... gémit l'enfant.

- Elle ne me fera rien, la rassura son aînée. Et elle ne te touchera plus, c'est promis.

La petite renifla à nouveau et Fiona, serviable, lui tendit un mouchoir. Elle l'accepta machinalement avant d'écarquiller les yeux, se rendant compte de la présence de la magicienne. La jeune vassale lui sourit gentiment avant de relever les yeux sur sa suzeraine.

« Tu veux que je me renseigne ? »

« N'en fait rien, j'aurais une explication avec elle dès demain. » grogna Linaëlle.

« Demain ? Apprendrais-tu donc la patience ? » s'amusa Fiona.

« Je ne veux pas gâcher la fête de ce soir, surtout si je dois la tuer. »

« Effectivement, ça ferais désordre... » ironisa Fiona. « Tu la soupçonnes d'être du côté des ombres ? »

« Tu vois une autre explication ? »

« Je ne sais pas... Cela n'a pas de sens qu'elle s'en prenne à Azra en sachant que si elle avait attendu quelques mois, la petite serait devenue une alliée... » souligna la magicienne.

« Nous verrons... pour l'instant je vais rester avec elle, elle a besoin de se changer les idées. »

« Très bien, je vais voir pour ce soir et je te fais un rapport dès que possible. »

« Merci, Fio. »

La vassale s'éclipsa, laissant Azra se remettre de ses émotions. Nichée dans l'étreinte de sa sœur, celle-ci se détendait enfin, tandis que son aînée s'interrogeait sur le fait que Jayden n'ait pas senti la peur de la benjamine. Quelque chose clochait dans toute cette histoire. Avec le nombre de mages d'auras dans les alentours, Daniela n'aurait pas dû pouvoir s'en prendre impunément à la petite.

- Linaëlle ? chuchota l'enfant, la tirant de ses pensées.

- Oui, petit cœur ?

- Tu ne feras pas de mal à Daniela ?

- Il faut l'empêcher d'agir contre nous et de recommencer ce qu'elle a fait, Azra. Je ne veux pas la blesser, mais l'amener à s'expliquer et demander à... Sadima de prendre des mesures si nécessaire... Alors non je ne lui ferais pas mal, sauf si elle m'y oblige.

Le soulagement de sa sœur déclencha un pincement dans le cœur de Linaëlle. Si elle était amenée à tuer Daniela... Une nouvelle question interrompit ses réflexions.

- Que veut dire « Sadima » ?

- Ça signifie Maman, expliqua Linaëlle.

Un grand sourire se dessina sur le visage d'Azra et illumina ses yeux encore rougis par les larmes.

- Et comment on dit grande sœur ?

- Farima, lui apprit la jeune fille en répondant à son sourire.

- Farima, répéta-t-elle avec application, goûtant à ce mot tout neuf. Je peux t'appeler comme ça ?

- Bien sûr, petit cœur, lui affirma Linaëlle en l'embrassant sur le front.

L'enfant se blottie contre elle en soupirant d'aise, et Linaëlle lui caressa les cheveux, amusée malgré tout. Si elle en avait été capable, Azra aurait probablement ronronné. Son aînée releva les yeux pour croiser le regard éclatant de son père sur le portrait. Un bref instant, il lui sembla qu'il y avait une lueur d'approbation dans ses yeux. Mais elle secoua la tête, elle se faisait des idées.


Plop ! Je suis de retour avec ce nouveau chapitre ! Alors qu'en pensez vous ? Des avis sur Daniela ? (Sinon en relisant ce chapitre j'ai trouvé Azra et Linaëlle trop mignonnes ! Oui je fangirl sur mes propres personnages XD)

Bref ! On reprend un rythme régulier d'une partie par semaine jusqu'à nouvel ordre ^^, Gros bisous à tous et à la semaine prochaine.

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