Chapitre 25 : Espoirs du futur, fantômes du passé (partie 1)
« Linaëlle ! J'ai réussi ! » hurla une voix d'enfant dans sa tête.
« Félicitation Léane, mais si tu pouvais éviter de hurler dans mon esprit, ce serait encore mieux. » s'amusa Linaëlle.
« Oups, pardon. » s'excusa la petite tout aussi fort.
« On travaillera ça aujourd'hui. » annonça la jeune fille, provoquant un débordement d'enthousiasme de la part de la fillette.
Un grand sourire aux lèvres, la jeune Princesse Héritière ouvrit les yeux et commença à se préparer. Elle était rentrée à Dopalis depuis une semaine, et Hilarith aurait pu lui paraître un rêve lointain sans le lien qui l'unissait à sa mère de sang, et ses consultations des Mémoires des Dragons. Elle devait d'ailleurs espacer ses visites auprès de celles-ci, car elles demeuraient éprouvantes.
Léane était la dernière à ouvrir son esprit à la télépathie, à son grand désappointement, et Linaëlle guettait maintenant chez ses élèves des manifestations de dons différents. Lukas avait déjà une affinité avec l'eau, rien d'étonnant pour ce fils de marin, et Victor démontrait une facilité déconcertante pour l'apprentissage des runes. Mais Rémi était celui qui inquiétait le plus Linaëlle. La jeune fille avait perçu dès le premier jour son don de métamorphose et malgré son assurance face à son père, elle craignait que son premier contact avec sa partie animale se passe difficilement. Une part de son esprit surveillait en permanence le jeune garçon, prêt à réagir à la moindre alerte.
Après un petit déjeuner familial, la jeune fille pénétra dans la salle de classe, où les six enfants et Quentin se trouvaient déjà. Assis en cercle, ils travaillèrent la communication mentale pendant une bonne heure, collectivement ou par duo. Puis Linaëlle la sentit. Cette pulsation d'énergie, la même que le jour où elle avait manqué d'incendier l'aile Est du palais. Sauf qu'elle ne venait pas d'elle. Son regard glissa aussitôt sur Rémi, qui avait posé les deux mains sur sa poitrine. Elle s'approcha et mit un genoux en terre pour être à la hauteur du garçon, attirant l'attention sur leur duo.
- Il y a quelque chose qui a bougé, chuchota l'enfant, effrayé.
- Rémi, regarde-moi, souffla-t-elle en posant ses yeux dans les siens.
L'enfant obéit et elle poursuivit :
- Tu te souviens de ce dont je t'ai parlé à propos de ton don de métamorphose ?
Le garçonnet hoche la tête affirmativement.
- Maintenant qu'il est éveillé, tu vas te transformer. Il ne faut pas avoir peur, d'accord ? Je vais rester avec toi et ça va bien se passer.
Elle le prit dans ses bras, se releva et annonça aux autres enfants :
- Rémi et moi devons aller à l'Ecole, vous allez rester ici avec Quentin. Surtout, n'essayez pas de communiquer mentalement avec nous.
- Pourquoi ? demanda Lukas.
- Parce que Rémi va devoir se transformer et cela peut être dangereux pour vous, expliqua Linaëlle.
- Il va se transformer en dragon comme toi ? interrogea Marie.
- Non, il...
La jeune fille s'interrompit comme une nouvelle vague d'énergie traversait le corps de son protégé qui se crispa. Elle lança un regard à Quentin qui comprit aussitôt.
- Les loupiots, il faut laisser Linaëlle s'en aller, je vais répondre à toutes vos questions, et après, on commencera à apprendre quelques sorts, qu'en dites-vous ? proposa-t-il d'un ton enjoué.
Linaëlle profita de la diversion pour sortir de la salle. Quentin préviendrait ses proches, aussi verrouilla-t-elle l'accès à son esprit pour tous sauf Rémi, toujours blotti dans ses bras. Elle déploya ses ailes et décolla du premier balcon qu'elle trouva, pour se rendre à l'Ecole le plus vite possible. Les grandes portes étaient déjà entrouvertes, et la jeune fille atterrit directement dans le hall. La Directrice l'attendait visiblement et vint à leur rencontre.
- Ton approximation était presque exact, à deux jours près, impressionnant, fit-elle en l'accompagnant dans les escaliers que Linaëlle gravissait aussi rapidement que possible. Les trois salles de métamorphose sont libres, et il n'y a normalement aucun risque que quelqu'un les occupent. Une idée sur sa forme animale ?
- Aucune, répondit la jeune fille en sentant une nouvelle vague d'énergie émaner de son passager.
- N'hésite pas à demander de l'aide si besoin, lui recommanda la magicienne sur le seuil de la porte.
Linaëlle hocha la tête en réponse et referma la porte. Elle s'avança au centre de la pièce et déposa l'enfant sur un confortable matelas. Les yeux grands ouverts, celui-ci promena son regard autour de lui. Voyant que la jeune fille s'éloignait, il se raidit et elle s'empressa de le rassurer :
- Je vérifie que tout est en place, ne bouge pas.
La salle de métamorphose était magiquement isolée des autres afin de ne pas déranger les jeunes élèves. Hormis le matelas sur lequel Rémi était installé, il n'y avait aucun meuble. Deux grands bassin creusé au sol, l'un d'eau douce et l'autre d'eau salée, occupait un des côtés de la salle et les fenêtres étaient ensorcelées pour filtrer la lumière du Soleil si besoin. N'ayant aucune idée de la forme future de son élève, Linaëlle avait choisit la salle la plus polyvalente. Elle s'assura du fonctionnement des sortilèges et s'assit près de Rémi. Elle percevait l'anxiété du garçon et tentait de ne pas montrer la sienne. Une nouvelle pulsation naquit dans la poitrine de l'enfant et il hoqueta de douleur.
- Ça va vraiment faire très mal ? murmura-t-il.
Linaëlle soupira et l'attira dos à elle, entre ses jambes.
- Ça fait très mal la première fois, expliqua-t-elle. Tous les métamorphes doivent en passer par là lors de l'éveil de leurs pouvoirs. Ta partie animale veut s'exprimer, elle veut sortir de toi. Seulement, vous n'avez qu'un seul corps pour deux, donc elle doit le modifier. Et comme ton corps n'a pas l'habitude, il se bat contre elle, c'est ça qui te fait mal. Une fois métamophosé, effectuer le processus inverse est beaucoup plus simple et plus naturel pour lui.
- Mon corps est stupide, bougonna le garçonnet.
- Non, il essaye de te protéger. Pour lui, c'est comme si tu étais malade.
L'enfant soupira puis se crispa violemment comme la magie balayait de nouveau son corps. Il gémit et Linaëlle serra les dents en retour. Elle détestait le voir souffrir. Elle connecta son esprit au sien et usa de sa magie d'auras pour le détendre un peu.
- En quoi je vais me transformer ? questionna Rémi.
- Je ne sais pas, comme tes parents ne sont pas métamorphes, on ne peut pas prévoir. Tu as une préférence ?
- J'aimerais bien pouvoir voler...
- Alors tu voleras sûrement, le rassura la jeune fille en embrassant ses boucles rousses.
Un spasme secoua le jeune garçon et il se recroquevilla contre elle, les larmes aux yeux.
- Ça fait vraiment mal, hoqueta-t-il.
- Je sais, souffla Linaëlle.
Au fur et à mesure du temps, les spasmes se rapprochaient et augmentaient en intensité. En nage, l'enfant pleurait et criait à chaque fois que la magie parcourait son corps. Linaëlle lui ôta sa tunique et son pantalon, l'allongeant sur le matelas frais. Son don d'auras apaisait légèrement la douleur du garçon entre deux vagues, mais elle ne pouvait rien faire face à la magie brute qui déferlait de plus en plus vite. La tête du garçonnet sur les genoux, elle caressait doucement ses cheveux trempés de sueur.
- Je veux... que ça... s'arrête, sanglota Rémi.
- Bientôt, promis, chuchota Linaëlle. Encore un peu de courage, c'est presque terminé.
Une nouvelle vague d'énergie le fit hurler et un craquement d'os accompagna son cri. C'était le signal que la jeune fille attendait pour plonger dans l'esprit de l'enfant et appeler sa dragonne. Sa partie animale geignait depuis un moment face à la souffrance du petit.
« Appelle-le... Fait le sortir... »
Elles parcoururent l'esprit du jeune garçon, cherchant sa conscience animale. La dragonne tendit soudain le cou et attrapa délicatement une forme encore floue qui s'agita entre ses dents. Elles l'entourèrent, la nourrirent d'énergie, de confiance, pour peu à peu l'amener à sortir de sa cachette. Dans un déferlement d'énergie, elles réintégrèrent brutalement leur propre corps.
Linaëlle ouvrit les yeux et sourit. Un aiglon, les ailes ouvertes et les yeux fermés, était posé sur ses genoux. La jeune fille saisit délicatement le jeune rapace épuisé et lui referma doucement les ailes avant de lui caresser la tête.
« Tout va bien, Rémi ? » interrogea la jeune femme.
« Je me sens bizarre... » hésita l'enfant.
« Tu as mal quelque part ? » s'inquiéta-t-elle aussitôt
« Non, plus maintenant, mais je suis fatigué... »
« C'est normal, tu as dépensé beaucoup d'énergie. »
« Je suis comment ? Et je me transforme en quoi ? »
La curiosité du garçon fit sourire Linaëlle qui lui envoya une image mentale d'un aiglon au plumage encore blanc.
« Tu es un grand aigle, les mêmes que les Elmakais dressent pour la chasse. »
« Mais les aigles ont des plumes marrons ! » protesta l'enfant.
« C'est parce que tu es encore jeune, ton plumage va changer de couleur quand tu seras plus grand. » lui expliqua la jeune fille. « Et après tu seras tout beau et tu pourras voler. »
« J'espère que ce sera bientôt ! » s'enthousiasma-t-il.
Linaëlle rit avant de l'aider à se métamorphoser à nouveau. Doucement, sa dragonne repoussa l'aigle dans un coin de la conscience du petit, le laissant s'installer à sa place. Le processus ne fut pas douloureux, mais perturbant pour le garçon qui n'avait pas l'habitude. À nouveau humain et vêtu, il porta la main à son cœur et posa un regard fasciné sur Linaëlle.
- Je le sens !
- Oui, il sera toujours là maintenant.
Linaëlle déverrouilla la porte et annula les sorts qui les isolaient du reste du monde. Aussitôt, un homme d'une trentaine d'années entra pour examiner le nouveau métamorphe. Il assura que tout était normal, encouragea Linaëlle à l'inscrire au plus vite sur les registres et préconisa du repos pour l'enfant. La jeune fille résolue d'effectuer la corvée administrative dans la foulée. De toutes manières, Amalicia ne la laisserait pas quitter le château sans s'assurer que son petit prodige se portait bien.
-Viens, nous devons aller voir la Directrice, dit-elle au garçon.
Main dans la main, ils sortirent de la salle de métamorphose. Linaëlle ne s'était pas rendu compte du temps qui s'était écoulé, mais en parcourant le château où les élèves se pressaient de rejoindre la salle à manger, elle s'aperçut qu'il était presque l'heure de déjeuner. Elle prit Rémi dans ses bras pour gravir les marches de la tour menant au bureau de la Directrice. L'enfant, fatigué par son éveil, dormait debout, et s'endormit rapidement une fois blotti contre elle.
La porte du bureau s'ouvrit au moment où la jeune fille parvint en haut de l'escalier. Un sourire aux lèvres, Linaëlle entra et le battant se referma sous une impulsion magique de la Directrice. Celle-ci s'approcha aussitôt et posa une main sur le front de l'enfant.
- Il va bien, ne vous inquiétez pas tant, murmura Linaëlle.
- En quoi s'est-il transformé ?
- En aigle, un grand aigle qui vit dans les Pics du Dragon, annonça Linaëlle.
- Oui, je vois, fit la femme. Tu étais seule pour l'éveil ?
- Tout à fait, confirma la jeune fille.
Sur le bureau, une plume écrivait toutes les informations nécessaires sur un parchemin vierge.
- J'ai justement un aigle-métamorphe sous la main, il vient de s'installer à la capitale, tu pourras lui confier son apprentissage dans ce domaine.
- Je peux le faire moi-même, protesta Linaëlle.
- Ma chère, tu te métamorphoses en Dragon, ton cas est très particulier. Il vaut mieux que ce soit quelqu'un d'autre qui s'occupe du petit.
- Très bien, mais je veux le rencontrer avant, exigea la jeune fille.
- Tu n'as pas confiance dans mon jugement, s'offusqua la Directrice.
- Bien sûr que si, je veux juste être certaine qu'il est bien ce qu'il prétend et qu'il sache s'occuper d'un enfant de l'âge de Rémi.
- Tu peux dire de ton père, ironisa la femme, tu es aussi protectrice que lui.
- Eh bien je préfère ça plutôt que le confier à n'importe qui et de le regretter ensuite !
- Il est inutile de t'énerver, je suis sûre qu'il accédera à ta requête. Mais je t'assure qu'il est très capable.
- Si c'est le cas, il n'y aura pas de problèmes, assura Linaëlle. Maintenant, si vous permettez, je vais le ramener à ses parents.
- Avant que tu ne t'en ailles, j'ai lancé un mot pour les magiciens afin de savoir si l'un d'entre eux connaissait la signification de Nassamdoraki, j'attends les retours éventuels.
- Merci pour votre aide, Directrice.
- Je t'en prie.
Linaëlle ramena donc son protégé toujours endormi dans le quartier Nord de la cité, où sa famille avait élu domicile après avoir séjourné au palais et tenait un commerce prospère. La mère s'inquiétait déjà de ne pas le voir revenir et devint toute blanche en voyant la Princesse Héritière atterrir dans sa cour avec son benjamin dans les bras. Après quelques explications, la jeune fille fut remerciée avec effusions avant de redécoller, ouvrant son esprit pour reprendre contact avec ses proches.
« Je devine à ton humeur victorieuse que tout s'est bien passé. » la félicita son père.
« Oui ! » s'écria Linaëlle.
L'angoisse retombait et elle se sentait presque euphorique. Elle se posa sur le balcon des appartements de ses parents et bondit dans les bras de sa mère dès que celle-ci eut ouvert la porte.
- Eh bien, trésor, qu'est ce qui me vaut un tel débordement d'affection ?
- Comment as-tu fais pour nous élever tous les cinq et survivre ? l'interrogea Linaëlle blottie dans son cou.
Sa mère éclata de rire et la serra dans ses bras.
- C'est incroyablement angoissant et épuisant, insista la jeune fille.
- Et pense que tu n'as pas à gérer les vêtements, la nourriture, les maladies, les disputes...
Linaëlle poussa un gémissement découragé.
- Je crois que je n'y arriverais jamais...
Elmira s'écarta légèrement pour la regarder dans les yeux :
- Mais si, tu verras. Je ne prétendrais pas qu'être mère est facile, trésor. Néanmoins, c'est plein de moments de bonheur à vivre, des centaines de premières fois, d'éclats de rire, de réussites à fêter. Alors oui, il y a des jours où rien ne va, où il y a des cris et des larmes, des erreurs et des peurs... Mais pour tous les jours pluvieux, il y a des jours ensoleillés. Et ces jours-là seront les plus beaux de ta vie.
Elle conclut son discours en frottant son nez contre le sien et la serra contre elle.
- Je crois que si nous ne voulons pas qu'il pleuve aujourd'hui, nous avons intérêt à rejoindre les hommes pour le déjeuner, plaisanta Linaëlle au bout d'un moment.
- Tu as raison, ils sont grognons si on les prive de nourriture trop longtemps.
Plop ! Début du chapitre 25 ! Un reprise un peu difficile pour Linaëlle, et un nouvel atout dans sa manche.
Sinon, Amalicia ne fait pas d'effort, elle n'a toujours pas trouvé la traduction du mot magique ! Vous non plus d'ailleurs ! Je crois qu'il va lui falloir un peu d'aide, qu'en pensez-vous ?
Un bisous à tous et à la semaine prochaine ^^.
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