Chapitre 24 : Changement de cap (partie 1)
Linaëlle rejoignit l'inter-monde sans difficulté et réussit à négocier l'atterrissage pour ne pas se retrouver au sol.
- Tu fais des progrès, la félicita Delthéa, dans son dos.
- Pourquoi Meriem et pas Énora ? l'interrogea aussitôt sa marquée en pivotant.
- Quel est le principe de base de la magie d'aura ? contre-attaqua la déesse.
- Je ne vois pas le rapport !
- Réfléchis, Linaëlle, insista sa protectrice. Comment as-tu combattu le sort qui étouffait ta sœur ?
Linaëlle resta silencieuse un instant, le temps de remettre de l'ordre dans ses pensées.
- Avec mon amour pour elle, les souvenirs heureux que nous avions partagées... murmura-t-elle.
- Exactement. Aurais-tu pu en faire autant avec l'Archiduchesse ?
- Non... avoua la jeune fille dans un souffle. Mais Jayden ...
- Jayden a reçu une formation différente, plus subtile que la tienne. Et il s'est servi de son amour pour toi et de celui que tu nourris pour ta petite sœur, l'éclaira la Déesse.
Linaëlle passa une main sur son épaule en soupirant. Delthéa ne dit rien et s'assit, elle savait que la jeune fille avait des questions à lui poser.
- Azra ... hésita celle-ci.
- Elle est contaminée, l'informa sa protectrice. Il te faudra trouver le sort qui permette de la séparer de son Tfigun...
- Tfigun ? répéta Linaëlle.
- C'est le nom que les elfes leur ont donné durant la première invasion, confirma la Déesse.
Sa marquée se laissa tomber dans le divan à côté d'elle et appuya sa tête sur son épaule.
- Et le feu de mon étoile ?
- C'est une protection qui se développe en fonction du lien qui unit le Dieu et le marqué... Je peux t'apprendre à le maîtriser, mais en dehors de ce lieu, il ne s'activera que contre ceux que tu as combattu.
- Tant que ton cœur m'appartient, il ne peut rien t'arriver de mal... Vous me répétiez cela quand j'étais enfant. Ce sont eux, le mal ?
Delthéa confirma d'un hochement de tête, ravie de sa vivacité d'esprit. Désirant lui changer les idées, elle se leva et l'entraîna dans une séance d'entraînement de ce nouveau pouvoir. Linaëlle bondit sur l'occasion d'accueillir une arme en plus dans son arsenal contre les Tfigunï
- Aller, Afrymia, montre-moi cette magie qui dort en toi.
Elle frôla l'épaule droite de sa marquée et l'étoile se mit à briller comme la veille. D'un geste de la main, la Déesse fit apparaître, à une dizaine de mètres, une cible qui ressemblait à celle dont se servaient les archers : délimitée en trois zones circulaire, blanche sur l'extérieur, jaune ensuite et rouge au centre.
Lentement, Linaëlle leva la main, se concentra et un trait de feu fusa vers la cible, transperça de part en part l'intérieur de la zone jaune et se dissipa quelques mètres plus loin. À sa grande surprise, le feu lui brûla la peau et elle eut un hoquet de douleur. Aussitôt Delthéa intervint et laissa glisser ses doigts le long de son bras, guérissant la peau à vif.
- Pourquoi ça me brûle même ici ? demanda la jeune fille.
- Les Tfigunï sont des créatures éthérée avant de s'incarner dans un corps, les armes qui les combattent doivent aussi l'être, d'où le fait que cela te blesse et l'importance de maîtriser ce don.
- Mais le feu et les armes ...
- Ce sont les seules choses dont ils ne peuvent protéger leurs corps physiques, l'éclaira sa protectrice. Le feu car ils n'en possèdent pas, leur planète est plongée dans une obscurité perpétuelle. Et tu sais sans doute qu'il faut les décapiter avec une lame, car ils éprouvent une difficulté à concentrer leur aura sur le cou de leurs victimes. Le reste n'aura aucun effet sur eux. Éventuellement, une flèche dans ce point sensible pourra les neutraliser brièvement.
Linaëlle mémorisait soigneusement ces informations sur ses ennemis. Delthéa se plaça ensuite face à elle, ses mains à hauteur de poitrine.
- Tu n'as aucun problème de puissance, et la précision viendra avec l'entraînement, expliqua la Déesse. Ce qu'il te faut, c'est savoir canaliser l'énergie afin de la rendre inoffensive pour toi, comme ceci.
Joignant le geste à la parole, elle appela d'un mouvement du poignet un serpentin d'énergie qui vint s'enrouler presque paresseusement autour de son avant-bras. Puis elle se retourna vivement et le tir partit trop vite pour que Linaëlle le suive des yeux. L'énergie éclata la cible en morceaux et se perdit dans le lointain.
- J'y suis peut être allée un peu fort, commenta Delthéa en inclinant légèrement la tête sur le côté.
Linaëlle laissa échapper un gloussement avant de dire :
- Je ne pourrais jamais faire aussi bien !
- Certes, tu es loin d'avoir la puissance nécessaire, mais même à faible dose, cette magie est mortelle pour eux.Maintenant, essaie.
Il fallut plusieurs essais douloureux à Linaëlle pour apprivoiser l'énergie qui s'échappait de son épaule. Il s'agissait réellement d'apprendre à dompter cette puissance sauvage qui pouvait tout détruire sans contrôle. Sa protectrice se révéla être une professeure patiente, se réjouissant de chacun de ses progrès. Quand la jeune fille arriva à garder les serpents d'énergie enroulés autour de son bras sans dommage, elle décréta que cela suffisait pour aujourd'hui.
- Le reste n'est qu'une question de technique et de pratique, affirma-t-elle en éteignant du bout des doigts le tatouage qui reprit sa couleur ordinaire. Nous nous entraînerons quand tu viendras ici.
La jeune fille approuva d'un hochement de tête tandis qu'une lumière chaleureuse s'échappait de la main de Delthéa et soignait son bras douloureux.
- Va à présent, murmura la Déesse. Et ne néglige pas ta sœur, elle a besoin de tout l'amour que vous pouvez lui donner en ce moment.
- C'est tellement difficile de la voir comme ça...
- Je sais, mais elle ne s'en sortira qu'ainsi...
La jeune fille soupira et sa protectrice l'embrassa sur le front avant de la repousser doucement. Linaëlle ferma les yeux, une détermination nouvelle s'était allumée dans son cœur.
Le soleil trouva Linaëlle en train d'exécuter un ballet mortel avec sa Risthero dans le bosquet que Jayden lui avait fait redécouvrir. Parade, fente, feinte, coup de pieds, les lames sifflaient en contrepoint de sa respiration et de ses cris. Elle avait besoin de se défouler. Après sa visite à Delthéa, la jeune fille n'avait pas réussi à trouver le sommeil puis avait enchainé les cauchemars. Le contrecoup du sort lancé par l'Archiduc... Ou Iatus ? Linaëlle ne savait comment le nommer.
Si la jeune fille avait écopé de ses effets, Énora les subissait de plein fouet. Les visions d'horreur la poursuivaient jusque dans les bras de ses proches et une terreur permanente brillait au fond de ses yeux. Seul le temps lui permettrait de se débarrasser du sortilège, la magie de Linaëlle ne pouvant qu'apaiser les crises de larmes de sa jeune sœur. Voir la petite fille habituellement si joyeuse dans un tel état bouleversait tout le monde, et faisait gronder la dragonne dans sa poitrine, qui lui fournissait d'instinct un surplus de force et de colère. C'était pour cette raison que Linaëlle s'entrainait seule. Dans son état, elle aurait été capable de tuer quelqu'un sans s'en apercevoir.
Avec un hurlement rageur, la jeune fille pivota sur elle-même et frappa d'estoc, plantant par accident sa lame dans un arbre. Stoppée net dans son mouvement, elle sortit brutalement de ses pensées et son front manqua de peu la rencontre avec le tronc. Haletante, Linaëlle dégagea tant bien que mal son arme profondément enfoncée dans le bois. Ceci fait, elle examina la lame et fit la grimace : le tranchant n'avait pas apprécié d'être maltraité ainsi, il lui faudrait l'aiguiser prochainement. Elle s'agenouilla près du ruisseau et but avec ses mains en coupe.
- Je croyais que tu devais nous prévenir quand tu t'éloignais seule, la rabroua une voix dans son dos.
La jeune fille pivota pour observer Noah qui approchait, son épée au côté, en tenue pratique tout comme elle.
- Tiens, tu ne me vouvoies plus ? ironisa la jeune fille.
Il s'assit près d'elle et planta ses yeux dans les siens.
- Linaëlle, je t'aime, dit-il.
La jeune fille soupira.
- Noah que tu le dises ou non ne change rien, ce n'est pas une formule magique ! Je ne partage pas tes sentiments et ça ne changera pas ! Il faut que tu te fasses une raison !
- Mais pourquoi ? Explique-moi pourquoi !
- Mais comment veux-tu que je t'explique, s'énerva Linaëlle. Je ne suis pas attirée par toi ! Je suis désolée que tu en fasses l'expérience, et encore plus que se soit avec moi, mais il arrive que l'amour ne soit pas réciproque ! Alors oublie-moi !
En prononçant sa tirade, la jeune fille s'est relevée. Le jeune homme lui fait face, il a l'air étrangement calme. Il se lève à son tour et murmure :
- Alors il vaut mieux que je m'éloigne de toi... Je te réclame ma liberté.
Linaëlle a un mouvement de recul et écarquille les yeux.
- Noah tu... Mais qu'est ce que tu fabriques ? balbutie-t-elle.
- Tu as très bien entendu ! réplique le jeune homme. Je ne veux plus, je ne peux plus te servir ! Pas dans ses circonstances. Je reprends mon serment de fidélité.
- Mais...
- N'essaye pas de me retenir, Linaëlle ! Si tu as un peu de considération pour moi, fais-le ! Je serais incapable de t'oublier si je te vois sourire, si je t'entends rire et chanter tous les jours. C'est au-dessus de mes forces. Je veux m'éloigner avant de faire une connerie... S'il-te-plaît.
- Tu sais que c'est définitif ? le prévint-elle. Tu ne pourras jamais revenir en arrière, Noah ! Tu ne seras plus jamais mon vassal !
- Je sais, mais je vais devenir fou si on continue ainsi.
La jeune fille le dévisagea, abasourdie. Elle n'aurait jamais imaginé que ses sentiments pour elle soit si profonds. Maintenant qu'il ne lui cachait plus, elle les voyait, il irradiait de ce trop-plein d'émotions... Égoïstement, elle envisagea de lui ordonner de rester. Il était son protecteur, celui qui savait la faire rire quand ses devoirs pesaient lourdement sur ses épaules... Linaëlle planta ses iris indécises dans les siennes, implorantes. Elle ne voulait pas le perdre. Mais pour cela, il fallait peut-être accepter qu'il s'éloigne.
Prenant une grande inspiration, elle hocha la tête.
- Si c'est ce que tu veux, mets-toi à genoux.
Il acquiesça et s'exécuta. Un genoux en terre, le poing au sol, il attendait qu'elle agisse. Linaëlle ferma les poings pour empêcher ses mains de trembler. Tout son être se révoltait à l'idée de ce qu'elle s'apprêtait à faire. Elle dût se faire violence pour poser une main sur son épaule. Les phrases rituelles tourbillonnaient dans sa tête, mais elle décida de balayer tout ce protocole inutile dans leur situation.
- Noah Éol'Almir, aujourd'hui et en ce lieu, je te délie de ton serment, psalmodia-t-elle simplement. Que les Dieux veillent sur toi sur le nouveau chemin que tu empruntes. Malrim Lovsa, mo téa niaram téo liakao.
Aussitôt sa phrase prononcée, elle sentit le lien qui la reliait au jeune homme se déliter et la partie de son esprit qui avait conscience de lui s'éteignit, comme une chandelle que l'on souffle. Fiona se manifesta aussitôt, mais elle la repoussa mentalement. La douleur lui broyait le cœur. Elle eut l'impression qu'on lui arrachait un morceau d'elle-même.
- Merci Linaëlle, souffla le jeune homme en se redressant, un sourire aux lèvres.
- Où comptes-tu aller ? demanda la jeune fille en se détournant.
- Je ne sais pas... Là où le vent me portera, dit-il dans une vaine tentative pour la faire sourire.
Elle l'ignora et s'assit sur une pierre au bord du cours d'eau, il reprit :
- Lin', je...
- Va-t'en, Noah. Tu peux suivre le vent, les étoiles ou les pégases, je m'en fiche, mais va-t'en d'ici.
- Pourquoi tu te comportes comme ça ? Tu étais d'accord ! s'exaspéra-t-il.
- Parce que tu ne peux pas comprendre ! s'écria-t-elle en bondissant sur ses pieds. As-tu la moindre idée de combien cela fait mal de briser un lien comme celui-ci ? Je l'ai fait pour toi, et je le regrette déjà, alors pars !
- Alors adieu, Princesse Héritière.
Il s'inclina et disparu à sa vue. Des larmes pleins les yeux, Linaëlle écoutait sa dragonne geindre.
Déserteur, il s'enfuit, il est lâche...
C'est moi qui l'ait laissé partir.
Tu n'aurais pas dû... Ça fait mal...
Je sais.
- Linaëlle !
La jeune fille se retourna juste à temps pour réceptionner Fiona, échevelée et à moitié habillée, qui se précipita dans ses bras, les entourant par réflexe d'un bouclier protecteur.
- Qu'est ce qu'il s'est passé ? Où est Noah ? l'interrogea la magicienne.
- Il est parti, annonça douloureusement sa suzeraine.
- Parti ? Comment ça ?
- Il m'a demandé sa liberté, hoqueta Linaëlle. Il a estimé que son amour pour moi ne pourrait pas s'apaiser autrement... Et parce que je suis trop bête, je lui ai donnée...
-Je ne pense pas que se soit de la bêtise, la consola sa vassale. Tu as un cœur généreux, et tu voulais qu'il soit heureux, même si cela implique de le laisser partir.
- Mais nous aurons besoin de tous les combattants disponibles si les ombres reviennent... chuchota la Princesse Héritière.
- Je ne pense pas qu'il soit égoïste au point de ne pas revenir si tu as besoin de son aide. Et puis, ça vaut probablement mieux pour nous trois. Me retrouver coincée entre vous deux, quelque soit la situation, n'aurait pas été plaisant.
- Je suis désolée, je ne voulais pas que tu ramasses les pots cassés, s'excusa Linaëlle.
- Ce n'est rien, maintenant, viens avec moi, tu as besoin d'une douche et d'un bon petit déjeuner pour affronter la journée qui t'attend.
Plop ! Début du chapitre 24, nous voilà ! Bon, Voilà Linaëlle avec de nouveaux objectifs et Noah qui s'en va !
Comme d'habitude, je vous fais des bisous, n'hésitez pas à laisser un commentaire, voir même une petite étoile et je vous dis à la semaine prochaine !
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