Chapitre 22 : Les vents du changements (partie 2)


Delthéa confirma d'un hochement de tête.

- Tu portes le sang des Dragons, et ma bénédiction. Tu es la meilleure chance de ce monde.

- Mais c'est absolument ridicule ! explosa la jeune fille. Comment puis-je seulement espérer rivaliser avec la puissance de plusieurs centaines de Dragons !

- Tu ne peux pas en effet. En revanche, tu peux sceller la faille si tu t'y prends suffisamment tôt. Pour l'instant ils ne peuvent faire passer que quelques individus à la fois. Et de toute manière, ils ont besoin d'un corps pour pouvoir influer sur ce monde.

- Attendez, vous voulez dire qu'ils peuvent prendre le contrôle des gens ? Et comment suis-je censée refermer cette faille, moi ?

- Pour répondre à ta première question, au début ils « parasitent » le corps de l'hôte. Mais ensuite quand ils sont assez développés, ils peuvent en prendre totalement le contrôle et tuer l'esprit du corps qui les accueille. Ensuite ils peuvent contaminer un autre corps et ainsi de suite.

- Mais c'est abominable ! Comment votre frère a-t-il pu créer des atrocités pareilles ! Ils ... possèdent les gens en les tuant ! S'horrifia la jeune fille.

- Il ne l'a pas voulut, le défendit la Déesse. Elles se sont développées une fois que nous avions enfermé la corruption de l'autre côté. Et pour ton autre question, il existe un sort de confinement spécifique. Mais les Dragons en ont gardé le secret.

- Les Mémoires sauront me l'apprendre à votre avis ?

- Je l'ignore Linaëlle, mais tu pourrais effectivement trouver des indices en elles.

La jeune fille remonta ses genoux contre sa poitrine et les entoura de ses bras. Toutes ses révélations la laissait pantoise. Elle portait l'avenir du monde sur ses épaules et cela la terrifiait.

- Non, ne fait pas ça, murmura sa protectrice en s'approchant d'elle.

Elle dénoua les bras de sa marquée, lui allongea les jambes et la prit dans ses bras, lui transmettant toute l'affection qu'elle avait pour elle. Linaëlle gémit sous l'afflux qui balaya ses craintes.

- Ne pas faire quoi ? demanda-t-elle.

- Te renfermer ainsi sur toi-même. L'amour et la confiance seront tes plus fidèles alliés dans ce combat. Ils choisissent leurs hôtes souvent à cause de leurs émotions négatives.

- Dites-moi que je peux les protéger comme vous le faite avec moi, murmura Linaëlle.

- Tu peux étendre ma bénédiction comme tu l'as fait avec ta mère de sang. Mais il faut que les gens que tu protèges ressentent de bonnes choses à ton égard. Et qu'ils ne soient pas déjà sous la coupe de l'un d'entre eux.

Les pièces du casse-tête se mirent en place dans la tête de la jeune fille et elle ouvrit de grands yeux horrifiés.

- L'Impératrice est ...

- Complètement morte depuis longtemps, compléta la Déesse. L'esprit qui l'habite n'est plus le sien. Iatus était également contaminé à l'époque où tu l'as rencontré...

Mais sa marquée ne l'écoutait plus.

- Oh mes Dieux, Azra... murmura Linaëlle en cachant son visage dans ses mains.

- Azra ?

- Elle l'a emmenée avec elle ! Cette... créature l'a prise en otage ! cria la jeune femme.

- J'en suis désolée, Afrymia, compatit la Déesse en la serrant plus fort.

- Alors il n'y a rien que je puisse faire pour la sauver ?! gémit-t-elle, les larmes aux yeux.

La sentant au bord de la crise de nerf, Delthéa usa à nouveau de ses pouvoirs pour apaiser ses émotions en pagailles. La jeune fille se calma peu à peu, consciente qu'elle ne devait cela qu'à sa protectrice.

- Les Dragons savaient... Il y a un moyen... Lui annonça Delthéa quand elle reprit le contrôle de ses émotions. Mais comme pour le sort de confinement, j'ignore tout de cela. Je sais en revanche que tu as quelques mois devant toi avant que le lien entre elle et son parasite ne soit suffisamment solide pour repousser ta magie.

- Et pour la faille, combien de temps ? Se renseigna sa marquée un peu ragaillardie.

- Oh beaucoup plus, une décade au minimum. Mais il te faudra de l'aide, Linaëlle, tu n'y arriveras pas seule, la prévint-elle.

- Je m'en doute...

- Évite d'en parler à qui que ce soit, recommanda la Déesse. Ils découvriront bien assez vite de quoi il s'agit.

- C'est absurde ! Pourquoi je ne leur parlerai pas de la menace qui s'annonce ?! S'écria la jeune fille.

- Parce que si ils se savent découvert, ils feront des dégâts. Il vaut mieux que tes proches soient informés le plus tard possible.

- D'accord, soupira Linaëlle. Maintenant, peut-on arrêter de parler de la fin du monde ? j'ai besoin d'un câlin.

Delthéa eut un petit rire et s'enveloppa avec elle dans une couverture toute douce sortie du néant. Nichée dans l'étreinte de la Déesse, elle prenait le temps d'assimiler les informations. La douceur qui se dégageait de sa protectrice lui permettait de penser calmement à la situation. Delthéa lui caressait les cheveux en fredonnant une berceuse venue du fond des âges. La jeune fille finit par s'endormir. Vaincu par le stress et la fatigue, même son corps spirituel abdiquait. Delthéa en profita pour contempler son visage assoupi.

- Si tu savais comme je m'en veux, lui murmura la Déesse, de faire peser ce poids sur tes épaules. Mais il est trop tard maintenant, le choix est fait... Comment aurais-je pu me douter que tu ravirais mon cœur au passage ?

Elle se leva et porta sans effort sa protégée jusqu'au bord du vide qui permettait de rejoindre son monde. Ce mouvement éveilla légèrement la dormeuse qui s'agita dans ses bras.

- Repose-toi, Afrymia, tu en as besoin, lui chuchota la Déesse.

La jeune fille se rendormit et elle la lâcha dans le vide. Elle devint rapidement une petite tâche de couleur avant de disparaître et de regagner le monde des mortels.

Meriem se réveilla en sursaut, et se redressa, terrorisée par un cauchemar où Linaëlle jurait allégeance à sa tante avant de la torturer de ses propres mains. Paniquée et ne reconnaissant pas son environnement, elle chercha à se remémorer les événements de la veille, qui ne la rassurèrent pas du tout. Dans la pénombre, une silhouette bougea soudain et elle émit un petit cri de peur quand Ordeth se posa sur le lit. La créature magique semblait observer avec circonspection cette humaine qui n'avait rien à faire là. Cependant, le flamhur se détourna bien vite pour s'envoler par la porte qui s'ouvrit sur la Reine de Malatir.

- Navrée qu'Ordeth vous ait effrayée, il a tendance à prendre un peu trop ses aises, soupira Elmira.

Comme l'Archiduchesse la dévisageait d'un air complètement perdu et effrayé, elle vint s'assoir à son côté et posa une main rassurante sur son épaule.

- Tout va bien, vous ne craignez plus rien, lui dit Elmira.

Troublée, l'Archiduchesse ferma les yeux et s'oblige à respirer profondément pour calmer les battements affolés de son cœur. Elle passa une main dans ses cheveux détachés et les ramena sur le côté. Rouvrant les paupières, elle dévisagea dans la semi pénombre la femme qui attendait patiemment qu'elle se remette de ses émotions.

- Comment ... commença l'Elmakaise. Enfin... Pourquoi ? Par les Dieux mais que s'est-il passé ? finit-elle par lancer.

- C'est très compliqué, je vais tout vous expliquer, l'apaisa la Reine. Mais premièrement, comment allez-vous ?

Meriem prit quelques secondes d'introspection avant de dire :

- Étrangement bien...

- Pas de migraine, de troubles de la vision ni d'oreilles qui sifflent ?

- Non, rien de tout cela...

- Vous êtes plus résistante que vous en avez l'air, constata Elmira avant de se lever pour enclencher le charme magique qui permettait d'ouvrir les volets.

Interloquée, l'Archiduchesse se demanda un instant si elle devait le prendre comme une insulte ou un compliment avant de décider de laisser courir. Le sujet qui l'intéressait était bien plus important.

- Qu'est ce que vous ne voulez pas me dire ? l'interrogea l'Elmakaise, pas dupe devant le comportement de la Reine.

- Disons que je cherche comment l'exprimer... hésita Elmira. Mais il n'y a pas de bonne manière pour annoncer ce genre de chose donc...

Elle prit une grande inspiration et vida son sac d'un trait.

- Xavier s'est battu mentalement contre l'Impératrice hier soir pour vous sauver. Elle n'a évidemment pas apprécié et à hurlé à la trahison mais surtout à la vengeance. Elle a voulut rallier les nobles contre nous mais à la surprise générale, ils ont refusé. En combattant l'emprise que l'Impératrice avait sur vous, Xavier a visiblement libéré les autres Elmakais englués dans la toile mentale de votre belle-sœur.

Meriem retenait son souffle, pendue aux lèvres de l'ex-Commandante qui cherchait ses mots.

- J'ai encore du mal à comprendre ce qui s'est passé, car je n'étais pas sur place. Toujours est-il que les grandes familles ont voulu la chasser du trône et qu'elle n'a pas apprécié. Malheureusement, elle ne pouvait pas lutter contre l'ensemble de sa Cour et elle s'est enfuie. Elle n'est plus dans le palais et d'après Jayden, elle est hors de sa capacité de sondage...

Elmira fit une nouvelle pause avant de plonger son regard dans celui de l'Archiduchesse et de continuer :

- Mais elle n'est pas partie seule. Elle a emmené Azra avec elle et elle a juré que si on tentait quoi que ce soit, elle la tuerait... Je suis vraiment désolée...

Meriem eut l'impression que la douleur ressentie la veille venait se loger non plus dans sa tête, mais dans son cœur. Une douleur qu'elle avait cru disparut depuis la « prétendue » mort de Linaëlle. La douleur d'une mère inquiète pour la vie de son enfant. Elle ne s'interrogea nullement sur la véracité des dires de la Reine. Elle savait qu'en temps que mère elle-même, elle ne mentirait pas sur ses choses-là. Elle eut l'impression que le temps se figeait et ne reprit conscience de ce qui l'entourait que quand Elmira la prit dans ses bras.

La Reine compatissait sincèrement à la douleur de l'Elmakaise. Elle n'osait pas imaginer comment elle réagirait si on lui apprenait qu'un de ses enfants avait disparu. Aussi, quand l'Archiduchesse éclata finalement en sanglots rageurs et amers dans ses bras, elle resserra son étreinte sur elle et la laissa s'épancher tout son saoul. Plus tard elle devrait être forte, pour la lutte de pouvoir qui allait s'engager, pour maintenir le pays à flots, pour tenir son rang d'Archiduchesse de l'Ouest. Mais actuellement, elle était une mère au cœur meurtri qui pleurait la perte de sa petite fille.

- Nous allons tout faire pour vous la ramener, murmura Elmira à son oreille quand elle finit par se calmer.

- À quoi bon ? Elle la tuera avant que vous ayez le temps d'agir, geignît Meriem.

- Il ne faut pas que vous renonciez ! l'admonesta Elmira en lui relevant le menton. Il ne faut pas perdre espoir, jamais !

- Vous avez sans doute raison...

L'archiduchesse renifla, se moucha avec un carré de tissu tendu par la Reine et essuya ses larmes d'un revers de la main. Avec ce geste, elle prit son courage à deux mains et affermit sa voix avant de dire :

- Parlez-moi de la situation actuelle, les différentes factions, ceux qui n'ont pas encore pris position... J'ai besoin de savoir dans quoi je vous ai entraîné...

- Vous n'êtes pas responsable, la rabroua doucement Elmira, soulagée néanmoins de la voir reprendre du poil de la bête.
Indirectement si...

La Reine secoua la tête dans un geste de dénégation avant de lui exposer les faits. Elle lui expliqua que pour des raisons de sûreté, elle avait dormit dans les appartements voisins de ceux du couple royal, ce dont l'Elmakaise la remercia. Elle prit le temps de lui donner des nouvelles de Linaëlle et Jayden et enfin commença son exposé.

Quatre partis avaient émergé du chaos d'hier soir. Ceux qui soutenaient la régence de l'Archiduc Haïm, ceux qui se prononçait pour la régence de l'Archiduchesse, d'autre exigeant la mise en place du conseil des grandes familles pour assurer la transition et le restant soutenant qu'une nouvelle famille devait s'emparer du trône. Ces derniers étaient les moins nombreux et les plus désorganisés, chacun voulant s'emparer du pouvoir, et ne représentaient pas de réelle menace.
En revanche, les trois autres camps se tenaient à part égale et surtout à couteaux tirés. Même si tous étaient d'accord pour remercier les Malatiriens de leur avoir ouvert les yeux sur le vrai visage de leur dirigeante, ils ne voulaient en aucun cas les voir se mêler de leurs affaires internes. Malgré tout, leurs voisins avaient dû intervenir plusieurs fois pour éviter les effusions de sang.

La conversation dura longtemps, la Reine faisant venir le petit déjeuner pour qu'elle puisse se restaurer. Malvius et Romain, sous couverture, se joignirent à elles. Jayden passa également transmettre les dernières informations et soutenir sa mère. Les cernes sous ses yeux et son air abattu montraient à quel point les évènements l'affectaient. Alors que l'heure du déjeuner approchait, Meriem finit par annoncer.

- La régence ne doit certainement pas tomber aux mains du Conseil des familles. Cette assemblée n'est bonne à rien hormis palabrer pendant des heures sur des propos insignifiants. En revanche, ce qui est certain, c'est que la régence ne dura de toute façon que peu de temps que les nobles décident ou pas d'écarter la descendance direct de Kadsuan du trône. Manoël a presque vingt-et-un ans et Jayden en aura vingt-trois le mois prochain. Donc, deux ou quatre ans... Le problème est qu'Haïm a l'armée de son côté et c'est un moyen de pression conséquent.

- Déclencherait-il réellement une guerre civile pour une durée de temps si limité ? s'étonna Malvius.

- Vous ne le connaissez pas, soupira l'Archiduchesse. Il est prêt à tout pour marquer l'Histoire de son nom, pour briller enfin hors de l'ombre de sa sœur. Ce n'est pas nouveau, il complotait déjà dans son dos depuis un moment. Si il s'empare de la régence, j'ai bien peur qu'il n'arrive un « tragique accident » aux héritiers potentiels pour qu'il puisse remettre le trône dans les mains de son fils.

- L'Archiduc a un fils ? interrogea Elmira, surprise.

- Oui, Janis, confirma Jayden. Mais il est plus jeune que Manoël et moi, il n'a même pas encore dix-huit ans. C'est pour cela qu'il arrive en dernier dans l'ordre de succession.

- Donc, si je comprends bien, résuma Malvius. Soit vous tentez de prendre le pouvoir avec la possibilité que votre beau-frère déclenche une guerre civile, soit vous le laissez prendre le contrôle mais comme il ne vous porte pas vraiment dans son cœur, il va probablement tenter de vous tuer, vous et votre fils ainsi que les deux Princes Impériaux... Sans compter qu'il nous hait encore plus que sa sœur. Et tout ça alors que l'Impératrice se balade dans la nature et peut revenir à tout moment et qu'elle tient votre fille en otage... Tout va bien...

Un lourd silence suivit ce récapitulatif. La situation dans laquelle ils se trouvaient n'était en effet pas brillante.

- Si Haïm n'avait pas l'armée derrière lui, tout serait bien plus simple, soupira Meriem.

- Ça peut peut-être s'arranger... murmura le maître espion.

- C'est à dire ? l'interrogea Malvius.

- Nous avons une membre du Conseil des Six avec nous, ainsi que le duc Ol'Martal, si ils pouvaient faire venir les autres Hauts Magiciens, peut être qu'ils pourraient neutraliser l'armée ?


Voilà les ennuis qui s'annoncent ! Et Romain qui a des pulsions guerrières, c'est nouveau ça !

Bref ! Un treeees gros merci à vous, car nous avons atteint les 1k de votes ! 😱

Bisous à vous et à vendredi prochain ^^.

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