Chapitre 22 : Les vents du changements (partie 1)


La nuit tombait quand l'Archiduchesse regagna ses appartements. Elle sortait d'un long entretien avec les Malatiriens, sauf Linaëlle qui avait reçu l'ordre de se reposer. L'Elmakaise était soulagée d'avoir enfin pu leur révéler les manigances de sa belle-sœur. Ceux-ci avaient immédiatement pris les mesures nécessaires tout en tenant compte de ses conseils. Elle avait découvert aujourd'hui une facette méconnue de la famille d'adoption de sa fille. Son époux lui avait souvent décrit l'adaptabilité stupéfiante de ce peuple et leur puissant esprit de loyauté. Elle avait pu mesurer aujourd'hui ses deux qualités.

Face à la cascade de révélations qui leur étaient tombées sur la tête, ils avaient fait preuve d'un sang froid remarquable et les questions commerciales et politiques avaient été réglées en un temps record. Malgré l'importance des sujets traités, l'ambiance était restée conviviale. Les taquineries qui ponctuaient les débats avait pris l'Archiduchesse au dépourvu. Entendre la Dame Oth'Ferim appeler le Prince Héritier « mon petit » allait à l'encontre de toute forme de protocole. Et pourtant, ni impolitesse, ni manque de respect dans leurs échanges. Ils se comportaient... comme les membres d'une grande famille en réalité. Cette constatation attrista l'Elmakaise. Il faudrait un miracle pour que son peuple atteigne un jour cette forme d'harmonie.

Les projets de mariage de Kadsuan pour sa fille ne les avaient pas vraiment surpris, ils soupçonnaient un coup fourré de ce genre. Mais cela les avaient motiver à mettre au point une point une stratégie que Meriem ne pouvait qualifier que de brillante. Et si elle-même poussait son avantage, elle pourrait largement profiter de la situation.

C'est en songeant à tout cela qu'elle retrouva la chaleur de son salon. Azra l'attendait patiemment, un livre dans les mains et leva les yeux à son approche.

- Bonsoir Maman, la salua-t-elle.

- Comment vas-tu, mon cœur ? l'interrogea sa mère.

- Très bien, tu as vu Linaëlle ?

L'Archiduchesse sourit devant l'intérêt non dissimulé de sa fille.

- Oui, elle se repose mais tout va bien pour elle, tu pourras aller la voir si tu le souhaites. Sais-tu où est ton frère ?

- Il est à la bibliothèque, il m'a dit qu'il voulait mettre au point une nouvelle stratégie pour « montrer à cette Princesse Héritière qu'il arriverait à la battre. » Cita l'enfant.

Meriem laissa échapper un petit rire.

- Cela ne m'étonne guère. La jeune Sollia l'a battu avec un coup en traître alors qu'il était persuadé de terminer sur une égalité.

- Il était vraiment très agacé, confirma Azra.

- Son amour-propre en a prit un coup visiblement. Ton frère est légèrement orgueilleux en ce qui concerne ses capacités au Keshet. Bien, va donc te préparer, nous sommes invités par la famille royale ce soir.

- Linaëlle sera là ? demanda aussitôt la petite.

- Je l'ignore, petit cœur. Mais il y a des chances pour qu'elle vienne te saluer tout de même. Va, maintenant.

La petite obéit et décampa d'un pas pressé, enjouée à l'idée de retrouver, même brièvement, sa sœur.

Meriem esquissa un nouveau sourire. Décidément, elle ne faisait que ça depuis hier matin. Elle se leva et s'apprêtait à se diriger vers sa penderie pour se changer quand la porte s'ouvrit à la volée, claqua sèchement contre le mur et se referma, laissant passer une Kadsuan furieuse qui l'attrapa par le col.

- Qu'as-tu donc fait ! siffla-t-elle, les yeux fous, ses traits déformés par la colère.

- Ce que j'aurais dû faire depuis longtemps, souffla Meriem.

- Par quel tour de passe-passe m'as-tu échappé, petit chat ?

- Demande donc au Prince Héritier de Malatir, il saura bien mieux te répondre que moi, railla L'Archiduchesse.

La gifle magistrale qu'elle reçut la repoussa dans le divan.

- Alors c'est comme ça, ragea l'Impératrice. Je t'ai permis de conserver ton rang toutes ses années malgré la mort de Moshé. J'ai élevé Hamir que tu as abandonné au profit de tes autres enfants. J'ai même fermé les yeux sur tes petites entorses à la loi ! Et c'est ainsi que tu me remercies ! En livrant mes plans à nos ennemis à la première occasion ! J'aurais dû me débarrasser de toi il y a longtemps ! Je te jure que dès que ces imbéciles seront repartis, je m'occuperai de toi, mais en attendant...

Meriem n'eut pas le temps de réagir quand elle la releva brutalement et posa les mains sur son visage. La souffrance qui explosa dans son esprit la fit hurler. Elle sentait des vrilles de douleur brute parcourir son esprit en tout sens. Totalement à la merci de sa belle-sœur, elle ne pouvait qu'assister impuissante à ce démolissage méthodique. La colère brûlante de Kadsuan dans son esprit allait la rendre folle. Elle perdit la notion du temps et commença lentement à perdre pied.

Puis, aussi soudainement qu'elle avait commencé, elle s'arrêta brutalement. Meriem ne savait pas combien de temps s'était écoulé. Elle s'écroula sur le canapé, hagarde, à bout de souffle et les nerfs à vifs tandis que son bourreau se dirigeait calmement vers la porte. Elle réalisa avec un temps de retard que quelqu'un frappait au panneau de bois.

Elle n'entendit pas la suite à cause du bourdonnement de ses oreilles. Quand une main glacée se posa à nouveau sur son front, elle recula :

- Arrête... gémit-elle. Je t'en supplie, arrête !

- Certainement pas, grinça-t-elle. Tu m'as trahis, tu vas en payer le prix.

Et le même manège recommença, de nouvelles vagues l'envoyèrent dériver sur un océan de souffrance. Kadsuan voulait briser sa volonté, la mettre à genoux devant elle. De très loin, elle s'entendait hurler et sentait les larmes couler sur ses joues.

« Non ! » hurla-t-on dans sa tête. « Battez-vous, ne la laissez pas faire ! »

Elle ne pouvait pas répondre, elle ne parvenait même pas à identifier cette voix qui lui parlait.
Soudain, une autre vague percuta les ondes de souffrance qui résonnaient en elle. Celle-là semblait encore plus concentrée et violente. Quelqu'un d'autre se battait contre la torture que lui infligeait Kadsuan. Choc après choc, cette personne repoussait lentement mais sûrement l'Impératrice hors de sa tête. Mais chaque choc la faisait vaciller un peu plus au bord de l'abîme de mort qu'elle sentait s'ouvrir sous ses pieds. Son mystérieux sauveur allait gagner, mais elle perdrait. Au moment de tomber, quelque chose la retint. Une paire d'yeux verts brillant de larmes et une voix qui murmurait :

« Ne partez pas, pas maintenant... S'il vous plaît... »

Dans un ultime effort, elle se rattrapa au bord du gouffre. Les vagues avaient disparu et elle sentit qu'on la tirait violemment hors du trou.

Elle ouvrit les yeux et prit une violente inspiration qui la fit tousser, augmentant la migraine qui battait ses tempes. Elle mit un moment à réaliser qu'une voix masculine l'appelait :

- ...Votre Excellence ? Ma Dame ? Est-ce que vous m'entendez ?

Elle hocha doucement la tête en la tenant à deux mains. Sa vision était complètement brouillée. Elle avait conscience d'être allongée sur quelque chose de moelleux qui n'était pas un canapé.

- Tenez, buvez, ça vous fera du bien, continua l'inconnu.

On la redressa pour faire couler un liquide au goût désagréable dans sa gorge. Une fois la potion avalée, elle cligna plusieurs fois des yeux pour tenter d'éclaircir sa vision. Elle parvint à distinguer deux silhouette penchées sur elle. La première s'agita et elle reconnut à la lueur des bougies le visage du Prince Héritier. La seconde posa une main sur son front et elle reconnut sa fille.

- Comment vous sentez-vous ? murmura Linaëlle.

- J'ai l'impression d'avoir une forge entière dans la tête... grimaça sa génitrice. Mais ... Je ne comprends pas ... que faites-vous ici ?

- Il s'est passé beaucoup de choses ce soir, éluda la jeune fille. Pour l'instant, il est impératif que vous vous reposiez. Nous vous expliquerons tout demain.

- Mais, l'Impératrice ... le sortilège ... protesta faiblement l'Archiduchesse.

- Chhht... dormez... souffla la jeune femme en l'embrassant sur le front.

Presque aussitôt, la femme ferma les yeux et sa respiration se fit plus profonde. Linaëlle et son frère se regardèrent et émirent à l'unisson un soupir soulagé.

- Toi aussi tu dois te reposer, sœurette.

- Dit celui qui viens de mener une bataille mentale de haut niveau, ricana Linaëlle.

- Très drôle, bougonna Xavier en se passant une main sur le visage. Aller, il est temps d'aller au lit.

Xavier la reconduisit jusqu'à sa chambre, la laissant aux soins de Sophia et Noah. Malgré son assurance, elle était épuisée. Elle n'avait tenu qu'à cause de l'inquiétude ressentie pour sa mère de sang et maintenant que l'adrénaline retombait, elle se retrouvait affaiblie. Elle se mit rapidement au lit, bien décidée à aller demander des nouvelles là-haut.

À peine la porte refermée, Julia apparu près de son suzerain, accompagnée d'une deuxième personne encapuchonnée.

- Bien joué les filles, les félicita le jeune homme.

- Nous n'avons fait que faire diversion, Votre Majesté, fit Julia en haussant les épaules.

- C'est tout de même grâce à vous que nous avons sauvé la mère de sang de Linaëlle.

- Alors elle s'en sortira ? interrogea la personne sous son capuchon.

- Oui, confirma le Prince Héritier.

- Je dois aller présenter un rapport à Romain, si vous n'y voyez pas d'inconvénients, annonça Julia.

- Bien sûr, tu peux disposer.

Xavier attendit qu'elle s'éloigne pour se tourner vers la seconde personne et rabattit sa capuche sur ses épaules.

- Est-ce que tu as toutes les informations que je t'ai demandé ?

- Affirmatif, mon prince, j'ai tout et même plus encore, confirma la jeune femme avec un sourire taquin.

- Dommage que la nuit soit déjà trop entamée, ma belle espionne, chuchota le jeune homme en l'enlaçant.

La jeune blonde n'était visiblement pas de cet avis. Elle se mit sur la pointe des pieds et noua ses bras autour de son cou pour pouvoir l'embrasser langoureusement. Il ne tarda pas à répondre à son étreinte et la pressa contre lui avant de se faire violence et de la relâcher.

- Victoire, ce n'est pas raisonnable, grogna-t-il tandis qu'elle insistait en parcourant sa mâchoire et son cou de baisers.

- C'est toi qui me dit ça ? Le monde marche sur la tête, rit son amante en frottant son nez dans sa nuque tandis que ses doigts s'emmêlaient dans ses cheveux.

Il baissa les yeux pour les plonger dans les prunelles noisettes de la jeune femme. Il y lu de l'amour et un désir qui fit tomber ses dernières réticences.

- Tu me perdras un jour, chuchota-t-il avant de l'embrasser à nouveau.

Il la sentit sourire contre ses lèvres avant qu'elle lui rende son baiser avec passion. Rapidement, il l'entraîna dans ses appartements. Le monde pouvait bien se passer d'eux quelques heures.

C'était la première fois que Linaëlle tentait d'atteindre l'inter-monde seule. Elle réussit, mais se retrouva catapultée brutalement aux pieds de sa protectrice qui lui dédia un regard amusé.

- Tu aurais fait montre d'un peu plus de patience, je t'aurais évité ce désagrément, dit-elle en tendant une main secourable à sa marquée.

- J'ai besoin de vos conseils et je ne savais pas si vous me convoqueriez cette nuit, fit Linaëlle en se redressant.

- J'allais t'appeler, il est temps que je t'explique certaines choses, Afrymia.

- Qu'entendez-vous par là ?

- Viens t'asseoir, demanda Delthéa.

La jeune fille soupira. Elle n'avait pas vraiment le choix. Elle remit sans y prêter attention une mèche derrière son oreille et s'installa en tailleur sur le canapé apparu de nul part à côté de sa protectrice.

- Ce que je vais t'expliquer engendrera sans doute de nombreuses questions de ta part. J'y répondrai quand j'aurais fini, aussi je te prierai de ne pas m'interrompre.

La jeune fille acquiesça d'un mouvement de tête.

- Quand mes frères et moi étions encore jeunes, Dagmar a tenté de nombreuses choses avant de créer Arkholis, le monde où tu vis. Un jour, il a essayé de façonner sa création directement à partir du Wamog. Il en est résulté quelque chose de tellement sombre et négatif qu'il a immédiatement demandé à Ulcanth de le détruire. Mais celui-ci échoua. Nous tentâmes d'unir nos forces pour détruire cette planète mais aucun d'entre nous ne réussit. Au contraire, chaque sort lancé semblait contribuer au développement de la création de mon frère. En désespoir de cause, nous ouvrîmes une poche, un trou dans l'univers et y enprisonnâmes cette chose pervertie. Mais comme je l'ai dit, nous étions encore inexpérimentés et la faille ne fut pas correctement scellée. Des centaines de décades plus tard, alors qu'Arkholis commençait à prospérer, des créatures commencèrent à envahir ce monde. Elles s'en prirent aux humains, aux elfes, à toutes les créatures pensantes, volant leurs corps et leur savoir. Par miracle, les dragons ne semblait pas affectés par ces êtres venus d'ailleurs et réussirent à les repousser et à sceller partiellement la faille. Cette attaque laissa la planète ravagée, les populations démunies et nous, les Dieux, attristés par la perte de tant des nôtres. Après une longue étude, les Dragons vinrent nous trouver pour nous annoncer que leurs pouvoirs n'étant pas illimités, la faille laisserait à nouveau ces abominations passer. Nous décidâmes donc de lier à nous les mortels, ainsi ils ne pouvaient être corrompus par les forces maléfiques de l'autre côté de la faille. Et nous repoussâmes deux fois encore les envahisseurs. Car c'est ce qu'ils voulaient. Envahir ce monde prospère et se venger de nous qui les avions enfermés là-bas. Mais la Trahison eu lieu et Dagmar sépara les Dieux des mortels. D'abord heureux, les humains ne tardèrent pas à comprendre ce que signifiait notre abandon. Les horreurs revinrent et firent bien plus de dégâts sans notre soutien. Les Dragons, moins nombreux, les repoussèrent d'extrême justesse. Et à la fin de cette invasion, alors que leurs terres devenaient stériles du fait de la malédiction pesant sur ceux qu'ils avaient combattus, les humains se retournèrent contre les Dragons. La guerre qui suivit marqua la disparition des derniers protecteurs du monde...

Linaëlle prit le temps de digérer ces informations, de recouper ce qu'elle savait et ce que lui disait sa protectrice et ne tarda pas à parvenir à une conclusion.

- Et aujourd'hui ils sont de retour, n'est ce pas ? murmura-t-elle.

- Exactement. Mais aujourd'hui, il n'y a plus ni Dieux ni Dragons pour protéger les mortels... Il ne reste que toi.

- Moi ?! s'écria Linaëlle.


Tadaaaam ! Début du chapitre 22 et Delthéa qui est enfin décidée à expliquer à Linaëlle ce qui l'attend on dirait !

Sinon question bonus vous semblez décidé pour Elmira et Malvius, je sais pas pourquoi je m'en doutais :P.

Bisous à tous, j'espère que vous avez été gâté à Noël et je vous souhaite d'avance une bonne année 🎊🎈🎆.

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