Chapitre 2 : Un repos bien mérité
Le bataillon des Argrims rentrait à la capitale après six mois de campagne. Les Dagues Bleues les remplaceraient dans leur mission durant les deux prochaines saisons, puis ils inverseraient de nouveau leur rôle. Le général Qarim Im'Thalis avait mis en place cette ronde des bataillons qui permettaient aux soldats de rentrer une partie de l'année chez eux.
Les Argrims attiraient toujours la foule quand ils défilaient dans les rues de la capitale du fait de leurs compagnons à quatre pattes. Il y a trente ans de cela, un Commandant avait recueillit un jeune louveteau lors d'une mission dans le grand Nord. Le louveteau avait grandit pour se révéler être une louve géante des montagnes, une Argrim aussi grande qu'un cheval. Elle considérait le bataillon comme sa meute et combattait férocement à leurs côtés. Un jour, elle revint de la chasse avec un compagnon et ils ne tardèrent pas à se reproduire.
La meute comptait aujourd'hui une trentaine de membres, chacun d'entre eux attaché à un soldat du bataillon. Les moins féroces laissaient même leur compagnon bipède monter sur leur dos lors des batailles et des défilés. Forcément, ces animaux en imposaient aux autres bataillons et le peuple entier, nobles comme paysans, venaient les admirer.
Elmira, montée sur Cendre, suivait de près le porte-étendard monté sur son Argrim qui ouvrait la marche. Elle souriait devant les exclamations de la foule, mélange de peur et d'admiration. Linaëlle avait réussi à convaincre Manahau de la laisser monter avec elle sur Brouillard, sa louve, et profitait pleinement du spectacle de la capitale. La petite s'était adaptée aux loups et à la vie de soldat sans accrocs, s'attirant l'affection de tous les membres de la troupe, animaux compris. La Commandante avait demandé à ce que son apparence soit temporairement modifiée, afin que l'enfant passe relativement inaperçue.
Deux mois avait passés depuis le massacre mystérieux. Malgré des recherches actives, les coupables n'avaient pas été retrouvés. Ils semblaient s'être volatilisés, emportant avec eux une grande partie du matériel des Elmakais. Même les mages n'avaient pu trouver d'explications plausibles. Elmira avait donc mis en garde par l'intermédiaire de ceux-ci les différents commandants de bataillon. Jusqu'ici, aucun autre incident n'avait été relevé.
Cendre s'ébroua, sensible à l'humeur morose de sa cavalière. La Commandante le rassura en lui caressant l'encolure et s'efforça de mettre ses soucis de côté car ils arrivaient sur la place de l'Ouest, où les soldats avaient leurs baraquements et où l'armée stockait le matériel. L'endroit était suffisamment vaste pour accueillir tout le bataillon en ordre de bataille. Disciplinés, les soldats se placèrent en formation : les fantassins au centre, les archers et les mages sur les côtés en double file. Les loups s'égaillèrent sur la place, certains assis d'autre couchés, mais tous avec les oreilles pointée en avant, signe d'attention indéniable chez eux. En tout, plus de cinq mille paires d'yeux la regardaient. La Commandante toujours à cheval, leur faisait face et attendait le silence qui se fit rapidement. Edmund, le capitaine des mages, lui adressa un hochement de tête, signe qui signifiait qu'elle pouvait s'adresser au bataillon et être entendue de tous. Elle parla d'une voix forte et claire :
- Soldats, je sais que beaucoup d'entre vous ont hâte de rentrer, aussi je serai brève. Je veux simplement vous remercier de donner votre vie pour votre pays lors des nombreuses batailles qui nous opposent aux Elmakais. Nous avons tous une pensée pour nos camarades qui ne sont plus là pour partager avec nous la joie de rentrer à la maison. Il n'y a plus qu'à espérer que nous n'aurons pas à repartir dans six mois et que nous aurons alors vaincu notre ennemi !
Elmira termina son discours en levant un poing vers le ciel. En réponse, les soldats tapèrent des pieds deux fois et levant eux aussi leur poing vers le ciel, lancèrent un immense cri collectif ressemblant plus ou moins à un "Ahou !". Là-dessus, ils commencèrent à se disperser, les Argrims se faufilant dans la foule pour retrouver leur compagnon. La jeune femme dirigea Cendre vers la sortie Est de la place, attrapant au passage une Linaëlle un peu déboussolée par le manque d'organisation apparent. La petite fille s'installa sur le devant de la selle comme elle en avait l'habitude.
- Où aller maintenant ? demanda-t-elle dans un malatirien hésitant
- Maintenant on rentre à la maison, trésor.
- Où maison ?
- Un peu de patience, tu vas bientôt la voir, lui répondit la Commandante en souriant.
Elles furent rapidement rejointes par Manahau, toujours montée sur Brouillard. Cendre, habitué aux loups, ne broncha pas. Ensembles, elles commencèrent à remonter l'avenue qui menait au palais. Linaëlle, perchée sur la selle, observait la ville qui vivait sous ses yeux.
Dopalis se situait au beau milieu du Royaume de Malatir sur le cours du fleuve d'Emeraude. Cité prospère, elle comptait une vingtaine de milliers d'habitants et une garnison permanente de cinq mille soldats. Les maisons étaient toutes en pierre ou en briques pour éviter les incendies accidentels provoqués par des mages ou des métamorphes inexpérimentés. Pour la même raison, les toits étaient en tuiles ou plus rarement en ardoises.
Quatre bâtiments se distinguaient des autres par leurs proportions gigantesques. L'école des mages se trouvait dans le quartier Ouest. De presque n'importe où dans la ville on pouvait apercevoir ses hautes tours blanches. Juste à côté, reliée à l'école par un pont aérien, on apercevaient les toits de la grande Bibliothèque.
À l'opposé, dans le quartier Est, le Temple à l'architecture en forme d'étoile à huit branches élevait ses aiguilles vers le ciel. Enfin, à mi-chemin entre les deux et droit devant les cavalières, il y avait le palais royal. Massif bâtiment pentagonal flanqué de cinq tours, essentiellement conçu comme une forteresse, la simplicité de son architecture contrastait fortement avec celle des trois autres bâtiments. Il possédait quatre étages et était construit sur une île qui divisait le fleuve en deux. Des jardins parfaitement entretenus avec des fontaines et d'imposantes statues rendaient néanmoins sa magnificence au lieu. En traversant le pont levis et une partie des jardins avant de pénétrer dans la cour intérieure, la fillette eut tout le temps de l'admirer. Arrivée à destination, elle leva les yeux et s'aperçut que les ailes du palais était reliées entre elles par d'autres ponts aériens qui devaient leur construction aux mages.
Linaëlle, les yeux toujours en l'air, s'étala de tout son long en trébuchant sur les pattes de Brouillard ce qui lui valut un coup de langue râpeuse sur la joue et un regard amusé de la part des deux femmes. Elmira la remit sur ses pieds et l'entraina vers l'intérieur du palais. Manahau salua sa Commandante et partit dans la direction opposée.
- Manahau pas venir avec nous ? Demanda l'enfant.
- Non, elle a d'autres choses à faire et moi j'ai quelqu'un à te présenter.
- Qui être ?
- Tu verras bien petite curieuse, rit la jeune femme en lui ébouriffant les cheveux.
Comme l'extérieur, l'intérieur du bâtiment était en pierre, exceptées les portes. Néanmoins, à intervalles réguliers, on pouvait admirer des tableaux représentant souvent une scène de l'histoire de Malatir. De nombreuses personnes parcouraient les couloirs du rez-de-chaussé et du premier étage. Elmira emmena la fillette jusqu'au troisième. Ici, il n'y avait personne. La jeune femme s'arrêta devant une porte ordinaire mais néanmoins à double battant et entra, Linaëlle sur les talons.
Sur la gauche, la pièce comportait plusieurs bibliothèques et des canapés situés autour d'une table basse. De l'autre côté, elle avait été transformée en champ de bataille miniature occupé par de minuscule soldats animés magiquement.
Les bleus et les verts s'affrontaient en se donnant des coups peu réalistes mais qui faisait le bonheur des deux généraux qui dirigeaient les troupes.
Le général bleu, assit en tailleur était une petite fille d'environ neuf ou dix ans. Ses deux tresses noires encadraient un visage fin aux yeux bleu marine et au nez légèrement retroussé. Elle portait une tunique crème très simple et un pantalon brun plutôt ample. Un sourire se dessinait sur ses lèvres comme elle observait le plateau de jeu où ses soldats gagnaient du terrain.
Le commandant vert assistait impuissant à la défaite de ses troupes en trépignant. Légèrement plus âgé, il avait les cheveux roux, coupés mi-long. Des tâches de rousseurs constellaient ses pommettes et son nez. Ses yeux semblaient beaucoup plus clairs que ceux de la fillette. Il portait les mêmes vêtements, excepté le fait que sa tunique était bleue. Elmira les regardait avec affection, n'osant interrompre la bataille. Relevant les yeux, la fille fut la première à s'apercevoir de sa présence.
- Maman ! Tu es enfin rentrée ! s'exclama-t-elle en lui sautant au cou.
- Oui, je suis rentrée. Bonjour ma chérie.
Le jeune garçon les rejoignit et tous les trois partagèrent des retrouvailles affectueuses, mêlant câlins et bisous. Elmira les éloigna un peu et les détailla des pieds à la tête.
- Vous avez tellement grandi, murmura-t-elle émue.
- Papa dit que je serais aussi grand que lui plus tard, fanfaronna le garçon.
- Il a dit aussi qu'il fallait que tu sois plus attentif à tes leçons sinon tu serais une grande andouille, rétorqua sa sœur.
- Mais euh, Sollia ! Fallait pas le dire ça ! s'exclama-t-il.
- Allons Xavier, je sais que c'est difficile pour toi de rester assis à écouter tes précepteurs, mais c'est aussi important que d'apprendre l'escrime ou l'équitation, le rabroua gentiment sa mère.
- J'essaye de faire des efforts, je t'assure maman, mais je meurs d'ennui à les écouter toute la journée parler ! se récria-t-il.
- Bon, on verra ce que nous pourrons faire pour remédier à cela. Pour l'instant j'ai une mission à vous confier mes trésors.
- Ça a un rapport avec elle ? demanda Sollia en désignant Linaëlle restée sur le pas de la porte.
- Oui, on peut dire ça, lui répondit sa mère. Viens trésor que je te présente, reprit-elle à l'intention de Linaëlle.
Timide, la petite Elmakaise s'avança et Elmira fit les présentations, ôtant le charme magique du cou de la fillette. Xavier et Sollia étaient ses deux aînés, âgés respectivement de dix et neuf ans. Le petit dernier s'appelait Cassildey. Âgé de deux ans, il n'était pas encore réveillé de sa sieste. Elmira pris un air très sérieux et s'adressa à ses enfants :
- Bon, votre mission va être compliquée mes amours, l'objectif est de cacher la présence de Linaëlle à tout le monde sauf à Manahau et Milo, annonça-t-elle. Même Papa ne doit pas être au courant
Les deux enfants froncèrent les sourcils.
- Pourquoi ? demanda Sollia.
- Tu sais bien pourquoi Sollia, chuchota son frère.
- Ah, fit-elle en comprenant.
Il y eu un instant de flottement puis les deux enfants hochèrent la tête à l'unisson.
- On s'occupe de ça maman, ne t'inquiète pas, déclara Xavier en essayant de prendre un air sérieux.
- Bon je dois aller voir votre grand-père pour présenter mon rapport . On se retrouve au dîner, d'accord ?
- D'accord, répondit Sollia.
Elmira sourit, embrassa chacun d'entre eux sur le front, y compris Linaëlle, puis se leva et sortit. Elle avait parfaitement conscience du risque qu'elle faisait prendre à ses enfants, mais elle connaissait aussi leurs capacités et savait que ce risque étaient minime avec Manahau et Milo, le chef cuisinier, dans la confidence.
Elle redescendit au deuxième étage et se dirigea vers une grande porte en bois doré à double battant. Elle allait toquer mais la porte s'ouvrit avant qu'elle ne frappe. Elle entra donc dans la petite salle d'audience où le Roi recevait les invités de marque ou plus généralement ses conseillers et ses officiers. Il l'attendait, assis à une vaste table ronde, où il consultait des cartes.
C'était un homme grand et à la carrure solide. Ses cheveux, entièrement blancs malgré le fait qu'il n'ait qu'une soixantaine d'années, étaient coupés courts. Un simple cercle d'or lui ceignait la tête. Il souriait rarement et des rides soucieuses barraient son front et plissaient les coins de ses yeux bruns. Malgré sa haine pour Elmakan, il tenait le pays d'une main de maître et possédait une vive intelligence. Elmira l'admirait pour cela. Il faisait aussi un grand-père merveilleux trouvant toujours le temps de passer voir les enfants et de jouer avec eux. Il releva les yeux de ses documents et fit signe à la jeune femme de s'asseoir en lui adressant une phrase, toujours la même.
- Alors Commandante, comment va la frontière ?
Et Elmira raconta avec le plus de précision possible les six derniers mois. Cela lui prit près de deux heures au cours desquelles le Roi se montra attentif mais ne l'interrompit pas. À la fin, il resta un instant songeur puis dit :
- Comment vont les enfants ? Je n'ai pas eu le temps de passer les voir depuis deux jours avec la ronde en cours.
Elmira sourit, c'était typique du Roi. Il ne dirait rien, ne prendrait aucune décision sans l'avoir mûrement réfléchie. Aussi passait-il maintenant complètement à autre chose. Il savait qu'elle avait l'habitude de passer voir les petits avant de venir, aussi lui posait-il la question.
- Ils vont bien, ils jouaient au Keshet quand je suis arrivée. C'est vous qui leur avez appris ?
- Ah oui, je crains de les avoir convertis à ce jeux en disputant une partie avec Malvius. Lequel des deux a gagné ?
- Sollia et de loin, rit la Commandante.
- Elle est très douée à ce jeu, elle progresse à pas de géant, dit le Roi. Elle fera une stratège redoutable dans quelque années. Puis en lui adressant un de ses rares sourire, il ajouta :
- Je ne vous retiendrai pas plus longtemps, Elmira. Malvius est à l'étage, je crois qu'il vous attend lui aussi.
- Dans ce cas, si vous voulez bien m'excuser, je crois que je vais aller le rejoindre, fit-elle en se levant.
Le Roi la congédia d'un hochement de tête et retourna à ses cartes. Elmira sortit vivement et remonta à l'étage où elle atteignit bien vite les appartements qu'elle partageait avec son époux. Elle entra dans le salon au moment où il sortait de la chambre.
Aussi grand que son père, Malvius n'était pas aussi carré que lui. Xavier lui devait ses cheveux roux qu'il avait lui même hérité de sa mère, morte durant son adolescence. Ses yeux bleu océan illuminaient un visage toujours ouvert et souriant. Il ouvrit les bras en la voyant entrer et elle s'y précipita. Ils échangèrent un long baiser puis restèrent ainsi blottis l'un contre l'autre.
- Tu m'as manqué mon amour, lui chuchota-t-il.
- Toi aussi tu m'as manqué, souffla-t-elle.
Blottie dans les bras de son mari, Elmira soupira doucement. Elle pouvait enfin se détendre. Elle était rentrée chez elle.
Voilà le chapitre 2 ! N'hésitez pas à commenter !
Sinon la suite n'arrivera peut être pas aussi vite car le 15 juin approche et avec lui un truc merveilleux appelé baccalauréat !... Promis j'essaye de pas vous laisser en plan !
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