Chapitre 19 : Des racines et des ailes (partie 3)
« Julia ! »
« À gauche en sortant ! J'arrive, foncez ! »
Linaëlle ouvrit la porte à la volée et s'élança dans le couloir, ses poings brillant déjà d'une lumière verte. Le couloir tournait à angle droit, et un nouveau cri la fit accélérer pour prendre le virage.
Devant elle, une gamine d'une douzaine d'années reculait face à une silhouette entourée d'une aura plus noire que la nuit, une épée à la main.
Linaëlle ne réfléchit même pas et repoussa l'ombre d'une violente bourrasque qui l'envoya valdinguer sur une dizaine de mètres. L'enfant l'aperçu et se réfugia derrière elle. Linaëlle eut juste le temps d'avertir Julia de la menace que la chose était déjà sur elle.
Impossible.
Aucune créature au monde ne se déplaçait à cette vitesse. Linaëlle dressa une barrière magique qui stoppa l'épée à quelques centimètres de sa poitrine. D'une pensée, elle matérialisa deux boules de feu que son adversaire esquiva de justesse. Elle recommença une deuxième fois mais l'ombre avait reculé de plusieurs mètres et intercepta une des sphères enflammées qu'il renvoya droit sur la jeune fille. Celle-ci n'eut que le temps de dresser une nouvelle barrière qui absorba l'explosion.
C'est ce moment que choisi Julia pour arriver derrière elle, ses poignards dégainés, suivie de près par Noah, son épée à la main. Au même moment, la vitre du couloir vola en éclat, projetant du verre dans tous les sens, heureusement stoppé par la protection de la jeune fille. Malvius, les ailes déployés, fit son entrée en poussant un hurlement rageur.
La créature resta un moment immobile, tandis que tous restaient sur leur garde ne sachant à quoi s'attendre. Mais la silhouette tourna simplement les talons et disparu. Il ne devait pas s'être écoulé plus de deux minutes depuis que Linaëlle était sorti du salon.
- Par le sang et les cendres, jura Malvius, mais qu'est ce que c'était que cette chose ?
- Je n'en sais rien, souffla Linaëlle éberluée, mais la rapidité et la puissance dont il a fait preuve en font quelque chose de très dangereux. J'ai eu du mal à parer son attaque magique.
- Comme si on n'avait pas assez de soucis comme ça, pesta Noah en rengainant son épée.
Le jeune homme portait un pantalon en cuir souple et un haut de la même matière dont les soldats se servaient habituellement pour s'entraîner. En sueur, il semblait effectivement sortir d'une séance intensive. Linaëlle lui dédia un regard interrogateur et il haussa les épaules. Ils parleraient de ça plus tard.
- Bon en tout cas, ma chemise est fichue, grogna Malvius en retrouvant une forme normale.
En effet, les ailes avaient déchiqueté le fin tissu du dos et les éclats de verre avait fini de réduire le vêtement en lambeaux. Tout en râlant, le Roi de Malatir ôta le reste et se retrouva torse nu et couvert de multiples égratignures sous le regard appréciateur de Julia.
- Y'a pas à dire, le sang de Dragon, ça conserve, ricana la métisse.
Le Roi lui servit un regard peu amène qui fit encore plus rire la jeune femme.
Linaëlle se tourna alors vers l'enfant qui n'avait pas encore prononcé un mot. Avec surprise, la jeune fille reconnue sa petite sœur elmakaise, les yeux dans le vague.
- Azra ? Tout va bien ? l'interrogea Linaëlle en s'approchant d'elle.
L'enfant se secoua et fixa son attention sur elle.
- Il t'a fait du mal ? demanda doucement la jeune fille.
La petite secoua la tête négativement. Elle tremblait et Linaëlle n'aurait su dire si c'était à cause de la fraîcheur du vent qui s'engouffrait par la fenêtre brisée ou de la nervosité qu'elle sentait grandir en elle.
- Je vais te ramener auprès de ta mère, tu veux bien ?
Nouveau hochement de tête, affirmatif cette fois-ci. Linaëlle releva les yeux et chercha le regard de son père qui lui signifia qu'il venait d'un mouvement du menton. Linaëlle prit la petite par l'épaule et la fit doucement pivoter sur elle même, la faisant rebrousser chemin tandis que Noah et Julia examinaient les lieux de l'affrontement.
L'Archiduchesse venait à leur rencontre d'un pas pressé et Azra courut se réfugier dans ses bras dès qu'elle l'aperçu. Avec beaucoup de tendresse, elle rassura la petite fille qui sanglotait contre sa poitrine. Elle releva les yeux et marqua un temps de surprise en découvrant Malvius torse nu et ensanglanté.
Après s'être raclé la gorge, le Roi demanda :
- Y a-t-il un endroit où nous pourrions vous expliquer ce qu'il vient de se passer ?
- Ne devriez vous pas vous faire soigner ? s'étonna l'Archiduchesse.
- Ne vous inquiétez pas de cela, nous avons une guérisseuse très compétente qui arrive.
Linaëlle sourit tandis que l'Archiduchesse les ramenaient dans le salon où elles avaient conversé, Azra l'agrippant à la taille.
Ils s'assirent sur deux divans opposés et Malvius voulut prendre la parole quand Linaëlle l'interrompit d'un simple regard. Elle avait perçu l'approche de la « guérisseuse très compétente ».
- Ce n'est pas possible, on ne peut décidément pas vous laisser sans surveillance plus d'une heure sans que vous ne fassiez une sottise dans cette famille ! s'exclama Amalicia en ne se donnant même pas la peine de toucher la porte pour la fermer.
- N'exagérez pas, ma chère, fit le Roi avec une légère moue.
- Je n'exagère absolument rien ! protesta la mage en examinant les plaies sur le torse du Roi. Je peux savoir ce que vous avez fait pour vous mettre dans cet état ?
- À vrai dire, ma fille était en danger, je me suis donc rendue au plus vite auprès d'elle pour la secourir, expliqua Malvius en grimaçant à la sensation des plaies qui se refermaient.
- Je ne vois pas le rapport, rétorqua Amalicia.
- Eh bien elle était dedans et moi dehors, j'ai donc brisé une vitre pour rentrer dans le bâtiment.
- Et vous ne pouviez pas faire ça proprement avec un sortilège ? Attaqua la mage. Pour empêcher les éclats de verre de vous réduire en loque sanguinolente par exemple ?
- Je dois avouer ne pas y avoir penser sur le coup... soupira le Roi.
- Quand on pense avec ses muscles, il n'arrive jamais rien de bon, Malvius, je vous l'ai déjà répété maintes et maintes fois !
Linaëlle était hilare. Voir son père se faire réprimander comme un gamin désobéissant par la Directrice Oth'Ferim sans aucun souci du protocole lui changeait agréablement les idées. Ayant terminé son traitement, elle se redressa et planta ses yeux dorés dans ceux de Linaëlle.
- Et toi ? l'attaqua la mage. Je peux savoir comment tu t'es mis bêtement en danger ?
- Eh bien je combattais une ombre à la rapidité surhumaine qui agressait la demoiselle ici présente, répliqua Linaëlle sans se démonter.
- Qu'est ce que c'est que cette histoire ? fit-elle en notant la présence de l'enfant et de l'Archiduchesse qui l'observaient, les yeux ronds.
- Justement, nous allions tout expliquer à l'Archiduchesse, annonça Linaëlle.
Le jeune fille résuma donc en quelques phrases l'incident et la Directrice partit en coup de vent pour examiner elle-même les lieux.
- Elle est toujours ainsi ? s'étonna l'Archiduchesse quand la porte fut refermée.
- Oh non, là elle était particulièrement modérée dans ses propos, vous devriez l'entendre quand Papa active l'alerte magique par erreur, rit Linaëlle.
- C'est arrivé une seule et unique fois, dragonneau, bougonna son père.
- J'ai cru qu'elle allait se casser les cordes vocales, insista la jeune fille.
- As-tu fini de raconter des sottises ? se plaignit le Roi.
Linaëlle lui répondit avec un baiser la joue.
- Tu sais bien que je te taquine.
- Heureusement, ricana Malvius, il ne manquerait plus que tu le fasse exprès !
La jeune fille leva les yeux au ciel et reporta son attention sur les deux Elmakaises assises en face d'elle. Azra regardait avec curiosité cette sœur aîné qu'elle n'avait jamais rencontré. Dans les yeux de Meriem, Linaëlle crut lire une pointe de jalousie devant la complicité qu'elle affichait inconsciemment avec son père.
- Bon si vous promettez de me la rendre en un seul morceau, je vais vous la laisser encore un peu, plaisanta Malvius en se levant.
L'Archiduchesse fronça les sourcils, déjà prête à protester quand elle se rendit compte que le Roi se payait sa tête. Linaëlle leva les yeux au ciel dans un mouvement de faux désespoir.
- Pitié, arrête de faire ça, la reprit son père. On dirait ta mère !
Le changement d'ambiance fut immédiat, et Linaëlle lui servit un regard outré. Il jeta un œil à l'Archiduchesse qui avait pâlit et détourné le regard et se mordit la joue. Il se racla la gorge et souffla :
- Bon, je vous laisse...
À peine eut-il franchit la porte que Linaëlle vint se rassoir auprès de sa génitrice et chercha son regard.
- Je suis désolée, s'excusa-t-elle, il ne pensait pas à mal...
- Je sais, c'est seulement... déstabilisant.
Elle prenait sur elle-même pour ne pas flancher et la jeune fille le sentait mais elle fit comme si de rien n'était et se tourna vers sa sœur.
La petite Azra la regardait toujours depuis l'autre extrémité du divan et Linaëlle lui adressa un sourire. Timide, l'enfant se dissimula derrière le dos de sa mère. Linaëlle s'appuya sur le dossier du divan pour chercher son regard et la petite repassa devant. L'Archiduchesse sourit de leur manège et s'enfonça dans le canapé pour couper toute retraite à sa fille.
- Allons, Azra, la sermonna-t-elle gentiment, ne fait pas cela. Tu n'as aucune raison d'avoir peur de Linaëlle.
- Mais ... prononça l'enfant d'une petite voix, Manoël a dit ...
- Manoël raconte des bêtises aussi grandes que lui, l'interrompit sa mère.
- Qu'est ce qu'il a dit Azra ? demanda la jeune fille.
- Que tu avais des yeux comme les esprits. Des pupilles verticales... chuchota la petite.
- Manoël n'a pas entièrement tort, lui expliqua Linaëlle. J'ai parfois les pupilles verticales car je me transforme en dragon. Je suis métamorphe comme le Roi Malvius.
- Tu le peux vraiment ? hoqueta l'Archiduchesse. Je pensais que ... Mes dieux !
Sous leurs yeux, Linaëlle venait de métamorphoser sa main. Celle-ci se couvrit d'écailles vertes et des griffes remplacèrent ses ongles. La curiosité et la peur se partageaient les pupilles d'Azra.
- Tu peux toucher si tu veux, lui indiqua-t-elle.
Intimidée, l'enfant commença par frôler le dos de la main puis la paume avant de s'enhardir et d'entrelacer ses doigt aux siens. Elle rappelait curieusement Cassildey à Linaëlle, la timidité en plus. D'une pensée, Linaëlle rompit la métamorphose et sa main retrouva un aspect normal. Un éclair de déception passa dans l'aura de la plus jeune, et Linaëlle se promit de l'emmener voler un jour.
Cette promesse muette l'incita à réfléchir. Elle s'attachait inconsciemment et beaucoup trop vite à son goût aux membres de sa famille elmakaise. Si tout ceci n'était qu'une vaste manipulation de la part des elmakais, elle était tombée droit dans le piège. Pourtant, Linaëlle voulait croire en leur sincérité... Elle passa quelques instants à échanger avec Azra, l'enfant répondant par des phrases courtes et balbutiantes. Mais rapidement, Julia la prévint que le temps imparti venait de se terminer.
- Il faut que je prenne congé, ils reviennent... annonça Linaëlle.
- Déjà ? S'étonna l'Archiduchesse. Le temps passe tellement vite...
Linaëlle se leva et hésita. Elle ne pouvait pas les saluer de façon conventionnelle, mais ne se sentait pas non plus de leur sauter au cou. L'Archiduchesse la sortit de l'embarras en se levant également pour poser un baiser sur son front avec beaucoup de tendresse. Linaëlle la laissa faire et sourit quand Azra réclama le sien du regard. Elle se pencha sur la petite et l'embrassa également sur le front, la faisant sourire de toutes ses dents puis sortit sans bruit.
Meriem soupira et se laissa tomber dans le divan. Azra lui sourit.
- Je crois que je l'aime bien, annonça-t-elle.
- Ah bon ? fit sa mère, légèrement amusée malgré tout.
- Oui, elle sait se battre et utiliser la magie et en plus elle est belle... Presque aussi belle que toi, déclara l'enfant avec enthousiasme.
Sa mère eut un petit rire. Elle avait tellement appréhendé cette rencontre. Finalement tout c'était bien déroulé. Excepté cette étrange attaque dont Azra semblait déjà avoir oublié l'existence... l'Archiduchesse se leva et regagna ses appartements, sa fille sur les talons. Au détour d'un couloir, son aîné vint à sa rencontre.
- Alors, vous avez pu vous entretenir avec elle ? l'interrogea Jayden.
L'Archiduchesse continua son chemin tout en répondant.
- Oui. L'Impératrice a raison, elle ressemble beaucoup à votre père. Plus que toi encore. Tout s'est bien passé de ton côté ?
- J'ai pu discuter un peu avec le jeune Cassildey, même si sa méfiance se sentait à dix pas, grimaça le jeune homme. Il tient beaucoup à sa sœur, tous tiennent à elle en réalité.
- La famille est sacrée chez eux, commenta sa mère. Il faudra procéder avec délicatesse.
Ils se turent le temps d'entrer dans le salon des appartements privés de l'Archiduchesse.
- Ce que nous tentons de construire d'un côté, l'Impératrice le démolira sans pitié de l'autre, s'agaça Jayden. Tu sais quel genre de projet elle entretient pour Linaëlle.
- Les Malatiriens sont loins d'être stupides, Jayden, crois-moi. Je les ai vu à l'œuvre hier soir. Ils s'apercevront rapidement que nous ne jouons pas tous dans le même camp.
- Reste à savoir quel camp ils soutiendront... marmonna Jayden. Tu joues un jeu dangereux, Maman.
- Je sais mon chéri. Mais si nous voulons avoir une place dans la vie de Linaëlle, il faut en passer par là.
- Je n'aime pas ça, râla le jeune homme. Plus le temps passe plus ça devient malsain...
- Diviser pour mieux régner, tel est sa devise... Les nobles passent leur temps à s'écharper pour avoir les faveurs de la Couronne et Kadsuan tire les ficelles derrière tout cela...
- Vivement que nous rentrions chez nous, soupira Jayden.
- Ma Dame ?
- Qu'y a-t-il, Eladriel ?
- Nous avons un problème, ils sont déjà là.
Pour la première fois de ma vie, je l'entendis jurer et j'en restais stupéfait.
- Nous sommes loin d'être prêt ! Combien de temps avons nous ?
- Une décade, peut être deux si Linaëlle s'en sort bien à Arkholis.
- Il faut rassembler les autres. Nous devons mettre nos différents de côté si nous voulons sauver cet univers. Surveille-les attentivement, surtout.
- Ne vous inquiétez pas, je ne les quitte pas des yeux.
Plop ! Une publication matinale pour mon petit canartruche préféré qui pourra ainsi commencer la journée de bonne humeur ^^. Je tiens également à la remercier pour ce joli petit bidule que vous avez pu admirer un peu plus haut ^^.
Voilà donc la fin du chapitre 19 ! Alors des avis ?
Comme d'habitude, vos commentaires me font toujours plaisir, n'hésitez pas !
Voili voilou, bisous à tous et à la semaine prochaine !
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