Chapitre 18 : Histoires de familles (partie 2)
- Linaëlle, baisse-toi ! hurla une voix familière.
D'instinct, la jeune fille obéit et se jeta au sol. Elle sentit un courant d'air au dessus de sa tête et dans le même temps, elle entendit quelqu'un jurer.
Elle ouvrit les yeux et se retrouva complètement éblouie. Elle parvint néanmoins à distinguer une silhouette au-dessus d'elle brandissant quelque chose ressemblant fortement à une hache. Hache qui fonçait droit sur elle. Laissant son entraînement guerrier prendre le dessus, la jeune fille roula sur elle-même tandis que l'arme s'écrasait là où elle se tenait une seconde plus tôt. Utilisant son élan, elle se redressa pour faire face à son adversaire, malgré son handicap visuel.
À peine debout, elle se sentit violemment propulsée en arrière par une force magique. La puissance du sort lui coupa le souffle. Deux bras la réceptionnèrent en douceur et elle se débattit un instant pour se dégager avant de s'immobiliser quand la voix lui murmura :
- Chhhht, cesse de lutter, Afrymia. Tu me compliques la tâche.
- Déesse, souffla Linaëlle soulagée.
- Tout va bien je te protège.
- Je ne vois rien, s'inquiéta la jeune fille.
- C'est normal, cela va disparaître, expliqua Delthéa. Ferme les yeux, ils ne sont pas encore habitués.
- Où sommes-nous ? interrogea Linaëlle en obéissant.
- Au même endroit qu'avant, Afrymia, mais ce n'est pas moi qui t'ai faite venir et celui qui a voulu ta présence ne s'est pas soucié de ta condition différente.
- Que... commença Linaëlle.
Un choc sourd juste derrière elle l'interrompit et elle sursauta violemment.
- Chhht, calme-toi, tu ne crains absolument rien avec moi, la rassura Delthéa en resserrant son étreinte.
- Qu'est ce qu'il se passe ?
Elle entendit sa protectrice soupirer dans ses cheveux.
- Mes frères ont découvert que tu es liée à moi. Je t'ai expliqué que cela est contraire aux règles établies par Dagmar. Ils savent que je tiens à toi et pour me punir, ils veulent t'éliminer...
- Quoi ?! s'exclama la jeune fille en ouvrant grand les yeux tandis qu'un nouveau bruit retentissait la faisant à nouveau sursauter.
Ses yeux enfin acclimatés à la lumière dévisagèrent avec stupéfaction le visage tendu de la Déesse. Celle-ci posa une main rassurante sur sa joue.
- Tu n'as aucune raison de te faire du souci...
- Vous venez de me déclarez de but en blanc que deux dieux supérieurs veulent ma mort et je ne dois pas m'inquiéter ?! Hurla Linaëlle, paniquée.
Delthéa l'attira contre elle et posa son front sur le sien. À son contact, la jeune fille se détendit.
- Il ne peut pas te faire du mal tant que je suis là pour maintenir la barrière qui nous protège, lui chuchota la Déesse. Et je peux la maintenir jusqu'à ce qu'il soit complètement épuisé grâce à toi.
- Je ne comprends pas, hésita Linaëlle, vous parlez d'une seule personne, je croyais que vos deux frères voulaient me tuer...
- Dagmar ne peut pas lancer de sort de destruction, il a trop d'Altog en lui, l'éclaira sa protectrice. Ainsi il n'y a qu'Ulcanth qui peut s'en prendre à toi. Mais justement, grâce à toi je suis plus forte que lui.
Comme pour souligner ce fait, un nouveau choc se fit entendre. Linaëlle accusa le coup mais rassurée par sa Déesse, elle commençait à s'habituer.
- C'est à cause d'eux que vous ne m'avez pas convoquée ?
- Oui, j'ai dû entre autre expliquer ton cas au Conseil. Dagmar était furieux et Ulcanth m'a reproché de t'avoir empêché de mourir...
- Et les autres Dieux ? la relança Linaëlle.
- Il y a longtemps que les autres ont appris à ne pas se mêler de nos disputes, rit Delthéa. Vélinol a déclaré que cela avait été bénéfique aux mortels et Forgram suit toujours l'avis de sa sœur. Les autres ne se préoccupe guère des affaires terrestres et se sont désintéressés de la question. En somme, il n'y a que mes frères qui s'opposent à moi.
Sa voix était devenue presque douloureuse sur la dernière phrase. Linaëlle savait qu'elle aimait ses frères, mais elle se demandait si ceux-là le lui rendaient. Toujours dans les bras de sa protectrice, Linaëlle se retourna. Une sphère chatoyante rayonnaient autour d'elles. Un homme assis en tailleur à même le sol constituait un étrange triangle noir. Quand celui-ci eut atteint la taille d'une tête, il le projeta soudainement sur la sphère où il s'écrasa, produisant un bruit semblable aux précédents et se dissipa. Patiemment, il recommença, formant un nouveau triangle.
Linaëlle l'identifia comme étant Ulcanth, dieu des morts et des guerriers. Elle dévisagea attentivement ce Dieu qu'on ne représentait jamais par peur d'attirer son attention.
Il partageait avec Delthéa des cheveux blancs coupé court et un visage sans âge aux traits néanmoins plus carrés. Mais à la différence de sa sœur, ses iris étaient entièrement noires, tellement qu'on ne pouvait en distinguer les pupilles et il portait un pantalon bouffant qui semblait découpé dans un carré de ciel nocturne. Son torse nu dévoilait des muscles surdéveloppés qui évoquèrent à Linaëlle les lutteurs dans les foires. Concentré sur son sortilège, le Dieu ne lui accorda pas un regard, y compris quand il le lança vers elle.
Pourtant bien à l'abri derrière le bouclier magique, la jeune fille ne put s'empêcher d'avoir un léger mouvement de recul, se blottissant dans les bras rassurants de sa protectrice.
- Cela risque de durer longtemps, non ? demanda Linaëlle.
- Pas vraiment... ce sortilège est extrêmement puissant tu sais, il pourrait aisément détruire ton monde. De ce fait, il se fatigue rapidement.
Linaëlle frissonna en entendant l'explication. Elle avait tendance, à force de fréquenter Delthéa, à oublier la puissance des divinités.
- Que ferons-nous quand il sera épuisé ?
- Quand Ulcanth sera à court d'énergie, Dagmar le sentira et il viendra. Je me chargerai de le convaincre pendant que tu retourneras chez toi.
- Je n'ai pas hâte d'y être, soupira la jeune fille.
- Est-ce en rapport avec le fait que ton cœur m'est interdit, Afrymia ? chuchota la Déesse dans son cou.
Linaëlle se raidit et resta silencieuse le temps qu'un nouveau sort s'abatte sur le bouclier
- J'ai découvert l'identité de mes parents elmakais. finit-elle par lâcher.
- Ah... souffla la Déesse.
Elle ne paraissait pas surprise et cela fit tiquer sa marquée. Un affreux doute naquit dans son esprit. Elle se détacha de Delthéa et pivota pour plonger son regard dans ses yeux aux couleurs changeantes.
- Vous saviez ? hoqueta la jeune fille.
Elle hésita, une seconde seulement, mais cela suffit à Linaëlle.
- Vous saviez ! répéta-t-elle, accusatrice. Vous auriez pu me le dire quand j'étais enfant et me ramener à ma famille, et m'éviter bien des problèmes mais vous avez préféré me laissez dans l'ignorance ! Vous ...
Delthéa la bâillonna d'une main pour l'empêcher de continuer. Elles se regardèrent, colère contre compassion comme un nouvel impact magique faisait frémir la protection qui les entourait.
- J'aurais pu en effet, mais je ne l'ai pas fait, répondit calmement la Déesse en retirant sa main. Ton avenir aurait été bien plus sombre en Elmakan. Je t'ai garanti une enfance heureuse et une protection dont tu n'aurais pas bénéficié avec ta mère. Avant de dire des choses que tu pourrais regretter et de m'en vouloir pour ce que j'ai fait, il te faut découvrir l'intégralité de ton histoire, Linaëlle. De plus, le moment est quelque peu mal choisi pour se disputer, grimaça-t-elle comme un nouveau sort faisait vaciller la sphère.
Linaëlle se sentait trahie. Elle avait toujours eu une confiance absolue en Delthéa. La Déesse l'avait protégée et conseillée à mainte reprise. Elle lui cachait aussi des choses, Linaëlle le savait depuis longtemps. Mais elle savait également que c'était pour son bien. Elle lut dans les yeux de sa protectrice du chagrin et de l'appréhension et détourna le regard, elle réfléchissait. Delthéa ne lui aurait pas caché cela sans raison sachant qu'elle prenait le risque de perdre la confiance qu'elle lui accordait. Sa protectrice gardait beaucoup de choses pour elle, mais n'avait jamais cherché à lui mentir. Et la situation dans laquelle elles se trouvaient montrait qu'elle tenait à elle.
Au sort suivant, la jeune fille avait pris sa décision et le bouclier ne frémit même pas. Delthéa lui sourit en ouvrant les bras et Linaëlle s'y réfugia avec un soupir de plaisir.
- Merci, lui murmura la Déesse.
Sa marquée ne répondit pas, se contentant d'enfouir son visage dans son cou. Elle avait besoin du réconfort qu'avait toujours su lui prodiguer sa protectrice quand elle se retrouvait dans des situations délicates. Et l'actuelle l'était plus que tout autre. Voyant qu'elle restait silencieuse, la Déesse reprit :
- Tu devrais leur laisser une chance.
- Je ne crois pas en avoir envie, répondit Linaëlle, toujours blottie dans son cou.
- Je ne te demande pas de les aimer et de t'attacher à eux du jour au lendemain, tenta la Déesse, simplement de leur laisser une chance de te connaître, de voir ce que tu es devenue.
Linaëlle soupira tandis qu'un autre choc résonnait.
- Je ne pense pas vraiment pouvoir y échapper de toute façon, il va falloir que je les affronte tôt ou tard, après tout nous sommes là pour renouer des liens entre nos deux pays...
- Tâche de leur parler en privée, ils seront bien plus facile à aborder.
- Hmmm... fit Linaëlle peu convaincue.
- Promets-moi d'y réfléchir un peu, insista la Déesse.
- J'essayerai, acquiesça sa marquée.
- Linaëlle...
- Je ne veux rien promettre, protesta la jeune fille en relevant la tête pour la regarder. Je ne suis sûre de rien avec eux !
Delthéa l'apaisa d'une caresse légère sur la joue. Elle avait poussé la discussion aussi loin qu'elle le pouvait la contrarier un peu plus. D'un éclair de pensées, elle fit apparaître son habituel canapé blanc et s'assit. Linaëlle prit place à côté d'elle et appuya sa tête contre son épaule. Les yeux fermés, elle savourait le silence apaisé uniquement troublé par les sorts du Dieu de l'autre côté de la protection.
Au bout d'un temps incertain, les impacts cessèrent et Linaëlle rouvrit les yeux. Un deuxième homme se trouvait debout près d'Ulcanth et lui parlait. Ce dernier semblait mal en point et la jeune fille ressentie une pointe de culpabilité qui se dissipa quand le nouvel arrivant se tourna vers elles.
Linaëlle resta bouche bée. Les statues à la gloire de Dagmar qu'elle avait pu admirer n'arrivaient pas à la cheville de la réalité. Des cheveux blanc étincelants tombaient en lourdes boucles sur ses épaules encadrant un visage sans aucune imperfection. Il portait une chemise et un large pantalon couleur d'orage sur un corps dont on devinait aisément la fine musculature. Malgré toute cette perfection, la colère brillait dans les iris d'or pur du Dieu de la Création et déformait ses traits.
Il s'avança à la limite du bouclier et fixa son attention sur sa sœur. Celle-ci posa un baiser sur les cheveux de Linaëlle et lui dit :
- Laisse-moi parler et dès que je te le dirai, rentre chez toi, d'accord ?
- Oui.
Delthéa dissipa d'un geste le bouclier et se leva, entraînant Linaëlle avec elle. Elle glissa sa main dans la paume de la jeune fille qui s'en saisit et planta son regard dans celui de son frère qui approchait à grands pas.
- Tu outrepasses encore les règles ! L'apostropha-t-il sèchement en s'arrêtant à environ deux mètres d'elles.
- Bonjour à toi aussi, mon frère, le salua froidement Delthéa.
- Je n'ai que faire de tes salutations ! Je t'avais dit que tu devais la libérer ou qu'elle devait disparaître ! Ne m'oblige pas à alourdir la punition !
- Et ne m'oblige pas à me mettre en colère, Dagmar, tu sais ce qu'il t'en coûtera de continuer à me contrarier, le menaça sa sœur, glaciale. Je me plie à ton petit jeu de commandement devant les autres puisque tu as établi les règles. Mais n'oublie pas lequel de nous deux est le plus fort. Linaëlle est et restera ma marquée et si tu tentes encore de lui faire du mal, je n'hésiterais même pas à réduire tes jolis principes en poussière.
Le Dieu recula, surpris par la virulence de l'attaque. Avant qu'il n'ait le temps de se ressaisir, la Déesse se tourna vers Linaëlle et l'embrassa sur le front.
- Rentre chez toi, Afrymia, mes pensées sont avec toi.
Du coin de l'œil, la jeune fille vit nettement le Dieu de la Création s'énerver à nouveau. Aussi se dépêcha-t-elle de s'éloigner vers le bord le plus proche, qu'elle avait appris à distinguer seule depuis longtemps. Elle se retourna et adressa un salut de la main à sa protectrice qui lui sourit. Un pas en arrière et elle bascula dans le vide, plus sereine qu'auparavant, mais toujours inquiète quant à ce qu'y l'attendait.
-_-_-_-_-_-_-
Je rejoignit ma maîtresse au moment où ses frères disparurent de ma vue.
- Ma Dame, la saluai-je.
Elle hocha la tête en retour.
- Vous avez réussi à les convaincre.
C'était une affirmation, je savais exactement ce qui venait de se passer. Elle eut un rire amer.
- Les menacer serait plus approprié, commenta-t-elle. Mais ils toléreront sa présence à l'avenir. Ils savent qu'elle doit jouer son rôle et ils ne tenteront plus de lui nuire. Néanmoins ils ne l'aideront pas non plus.
- Cela viendra, la rassurai-je. Vous n'avez pas bâtit ce monde en un jour, vous ne pouvez le chambouler en quelques minutes.
À nouveau ce rire, bref et sec. Elle croisa les bras sous sa poitrine et me demanda :
- Il n'y a vraiment pas d'autre moyen ?
- Hélas non, Ma Dame, je scrute l'avenir tous les jours mais aucune autre solution ne m'apparaît.
Comme elle se détournait, je ne pus m'empêcher d'ajouter :
- Vous l'aimez n'est-ce pas ?
- Je ne peux que l'aimer, Eladriel, c'est ma marquée...
- Je ne parlais de cet amour-là.
Elle se figea un instant avant de détourner les yeux.
- Cela aussi tu l'as vu dans son avenir ?
- Entre autre... Vous savez que c'est impossible ? m'inquiétai-je.
- Oh ne t'en fais pas, je le sais, murmura-t-elle. Je commence presque à avoir l'habitude. Noham, Ilròn, maintenant elle... jamais deux sans trois disent les humains... mais je crains que ce ne soit pas la dernière, soupira-t-elle.
- Peut être que si, murmurai-je doucement.
Elle se tourne vers moi, fébrile.
- Il y aurait donc une chance pour que ... ? m'interroge-t-elle.
- Je ne sais pas, c'est trop tôt pour le dire. Et avant elle en aimera un autre...
- Je ne veux que son bonheur Eladriel, ne t'occupes pas de moi, je saurais faire la part des choses... Comme toujours...
- Il en sera fait comme vous le voulez, Ma Dame.
Tadaaa ! La fin du chapitre 18 le plus prise de tête de toute l'histoire de l'humanité ! Bon j'exagère sans doute beaucoup ...
Sinon on avance un peu dans l'histoire ! Je sais que vous vous attendiez à rencontrer la famille de Linaëlle, il faudra attendre la semaine prochaine pour ça :P
Bisous à tous et n'hésitez pas à commenter !
Dernière remarque : le chapitre « sondage » est toujours ouvert, n'hésitez pas à répondre aux questions !
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