Chapitre 18 : Histoires de familles (partie 1)


Linaëlle regardait sans comprendre l'Impératrice Kadsuan, absolument sublime dans une longue robe rouge et or. Son esprit avait cessé de fonctionner au moment où elle avait pleinement appréhendé le sens de sa phrase.

- Je vous demande pardon ? finit-elle par souffler.

- Ne te fais pas plus bête que tu ne l'es, enfant, tu as parfaitement compris ce que je t'ai dit, l'admonesta la souveraine.

La jeune femme ouvrit la bouche et la referma aussitôt. Elle ne savait pas quoi dire, sa tête lui paraissait à la fois pleine de questions et complètement vide. Son interlocutrice la dévisageait avec une bienveillante curiosité, la tête légèrement penchée sur le côté. Voyant que Linaëlle se taisait, elle s'avança dans la pièce et s'assit sur un des divans.

- Viens me rejoindre, ordonna-t-elle.

Le ton employé était doux mais la jeune femme sentait clairement dans sa voix l'inflexion de ceux qui ont l'habitude d'être obéit. Sans réfléchir, elle se leva et contourna l'oniat. Cependant, elle choisit de s'asseoir à une distance mesurée de l'Impératrice.

- Tu te méfies de moi, constata celle-ci.

- Cela vous étonne-t-il vraiment ? ironisa la jeune femme sans savoir d'où lui venait cette phrase.

Son interlocutrice eut un petit rire amusé.

- Non, tu as raison, cela ne me surprend guère, confirma-t-elle.

Linaëlle détourna les yeux, cette femme la perturbait. Depuis son annonce fracassante, faite avec un calme absolu, elle ne la quittait pas des yeux mais ne semblait pas pressée d'aborder le sujet. Mal à l'aise, la jeune femme remis en place une mèche invisible derrière son oreille.

Elle entrouvrit son esprit à son environnement pour pouvoir utiliser son don des auras. Les sensations qui lui parvenaient de l'Impératrice étaient complexe. Soulagement et curiosité dominaient. De la surprise aussi mais également autre chose... une pointe d'amusement.

La jeune fille n'eut pas le temps de s'appesantir sur ces sentiments qu'un doigt se posa sur sa joue. Elle sursauta et s'écarta, pas assez vite cependant pour échapper à la vague d'apaisement qui se déversa en elle. Instantanément, elle se calma presque malgré elle. Son interlocutrice esquissa un sourire que Linaëlle estima satisfait.

- Vous êtes mage d'aura, dit la jeune femme.

Un hochement de tête lui répondit.

- C'est un talent très répandu dans notre famille, mais tu l'as développé d'une manière tout à fait intéressante.

Linaëlle tiqua.

- Notre famille ? s'entendit-elle répéter.

- Tu ne te souviens vraiment de rien, ce sort est tout à fait surprenant, murmura la souveraine comme pour elle-même.

- J'ai des vagues impressions, des certitudes... comme celle d'être déjà venu ici par exemple, expliqua la jeune femme en remarquant que l'Impératrice éludait sciemment sa question.

- C'est normal mon petit, tu as grandit presque exclusivement ici, lui annonça la femme.

- Comment cela ?

- Ton père avait fait de ce château son quartier général pendant la deuxième moitié de la guerre et tu le suivais partout où il allait.

- Cela fait deux fois que vous évoquez mon père, constata Linaëlle. Vous savez qui il était et vous avez sous-entendu que nous étions apparentés ... Vous ...

Elle s'interrompit, perdue. Le regard qu'elle adressa à son interlocutrice la suppliait de fournir des réponses.

La souveraine lui adressa un fin sourire.

- Il y a un peu plus de douze ans, ton père et toi deviez rejoindre Elifta dans le plus grand secret pour des raisons essentiellement politiques, commença-t-elle. Vous n'êtes jamais arrivés à destination. Une légion entière décimée et dont on a jamais retrouvé la trace. Nous te savions vivante puisque nous ressentions toujours les liens. Mais quelques mois après, ils ont disparu et nous t'avons cru morte. Néanmoins j'ai eu des doutes dès que tu as franchi le portail. Ton aura ressemblait trop à ce que tu dégageais déjà enfant. Ce que tu as confié à Manoël ce soir n'a fait que confirmer mes soupçons. Et tu ressembles bien trop à ton père pour que cela ne soit qu'une succession de coïncidences.

Devant le regard ébranlé de la jeune femme, elle acheva doucement son discours.

- Je ne suis pas ta mère, Linaëlle, seulement ta tante. Tu es la fille de mon frère,  Moshé et de l'Archiduchesse Meriem.

La jeune femme eut un rire nerveux. Une part d'elle refusait de croire ce que lui racontait l'Impératrice tandis que l'autre lui chuchotait qu'elle avait raison.

- Je ... c'est absurde, murmura-t-elle en se massant le front.

- J'ai eu exactement la même réflexion ce matin, lui confia son interlocutrice.

Linaëlle se tut. La tête entre les mains et les coudes sur les genoux, elle tentait de mettre de l'ordre dans ses pensées.

- Je ... suis vraiment désolée... murmura-t-elle hésitante, la tête toujours soutenue par ses bras. C'est un peu compliqué à encaisser...

- Ne t'excuse pas, la rassura l'Impératrice. Je ne m'attendais pas non plus à ce que tu me sautes au cou.

Linaëlle releva la tête pour regarder celle qui se disait sa tante.

- Vous vous attendiez à ce que je hurle en protestant contre l'injustice de la vie et que je lance des choses à travers la pièce.

Ce n'était pas une question, Linaëlle avait clairement vu cette scène se dessiner dans la tête de la souveraine, d'où la pointe d'amusement dans son aura. Elles échangèrent un long regard, avant que la plus âgée n'esquisse un nouveau sourire.

- Vraiment très intéressant, fit-elle sans quitter la jeune femme du regard. Et le plus frappant tient au fait que tu fais cela naturellement. Les autres mages vont s'arracher les cheveux avec toi.

Linaëlle se contenta elle aussi d'un demi-sourire. Elle n'aimait pas ce que sous-entendait cette phrase. Qu'elle resterait assez longtemps pour faire des démonstrations aux mages d'auras d'Elmakan.

Le regard de l'Impératrice s'égara un bref instant et Linaëlle perçue clairement plusieurs communications mentales.

- Les Malatiriens te cherchent, annonça-t-elle en fixant de nouveau son attention sur Linaëlle.

- Je sais, soupira la jeune femme.

Elle sentait très clairement les tentatives de ses proches pour franchir ses défenses mentales depuis plusieurs minutes. Elle abaissa très légèrement ses protections mentales. La réponse fut immédiate et sa mère connecta son esprit au sien.

« Linaëlle que ... » commença-t-elle.

Elle s'interrompit devant le tourbillon de sentiments qui régnait dans la tête de sa fille. Elle explora les derniers souvenirs de la jeune femme et Linaëlle entendit clairement le moment où elle comprit.

« Ne bouge pas j'arrive ! »

« Non ! » s'exclama la jeune femme.

« Linaëlle tu ... »

« Maman, il faut que tu restes à la fête. Ma sortie a déjà suffisamment été remarqué comme ça. »

« Je n'en ai rien à faire ! C'est toi qui m'importe, pas ces triffouilleurs d'Elmakanais ! » protesta Elmira.

Elle s'interrompit, quelqu'un d'autre communiquait avec elle. Romain tentait probablement de raisonner sa mère. Avec un lourd soupir, l'ex-Commandante finit par se rendre à leurs avis.

« Je t'envoie Sophia. » dit-elle néanmoins.

Linaëlle acquiesça mentalement et redressa ses défenses. Elle voulait hurler que tout cela était une grande mascarade, jurer et pester tout ce qu'elle savait. Elle voulait pleurer et se blottir dans les bras de sa mère. Mais elle ne pouvait pas, elle ne devait pas. Pour la première fois, elle se sentit tiraillée entre son caractère et son éducation. Et cela venait s'ajouter à la tornade incohérente qui tournoyait déjà dans son esprit. Le regard inquisiteur de l'Impératrice la ramena à l'instant présent. S'en était définitivement trop pour elle. Se raccrochant à ses bonnes manières, elle inspira à fond et demanda de son ton le plus protocolaire :

- Puis-je prendre congé, Votre Majesté Impériale ?

Si son interlocutrice en fut surprise, elle n'en montra rien quand elle répondit :

- Vous avez mon autorisation, Princesse Héritière.

Mécaniquement, la jeune fille se leva, exécuta sa révérence et sortit d'un pas raide. La main sur la poignée de la porte, elle pria pour que tout ceci ne soit qu'un mauvais rêve. Mais non. Elle ne se réveilla pas en poussant le battant. La porte refermée, elle laissa ses pieds la diriger d'eux même. 

Maintenant qu'elle avait quitté la pièce, elle se sentait bizarrement vide. Aveugle à son environnement, elle sursauta quand deux bras l'enlacèrent. À son parfum, elle reconnu Sophia et se détendit dans ses bras. Absente, elle laissa sa domestique et amie la ramener dans sa chambre, la dévêtir et lui passer sa chemise de nuit pour ensuite la coucher et la border comme quand elle était enfant.

Sophia s'assit sur le bord du grand lit et lui caressa doucement la joue.

- Eh blondinette, murmura-t-elle. Comment tu te sens ?

Le surnom affectueux, plus que la question brisa l'état semi-comateux de la jeune fille qui éclata violemment en sanglots. Après le trop plein d'émotions de la journée, le manque de sommeil des dernières nuits, et les révélations qui dansaient dans son esprit, elle craquait. Elle s'agrippa à Sophia comme un naufragé à sa planche. Celle-ci l'enlaça doucement et la berça en lui caressant les cheveux.

- Je ne ... veux pas ... hoqueta Linaëlle. Dis-moi... que c'est un... cauchemar.

- J'aimerais tellement te répondre par l'affirmative, murmura la domestique en lui embrassant les cheveux.

- Pourquoi... gémit la jeune femme. Pourquoi Sophia ?

- Je ne sais pas, Linaëlle...

Elle continua de bercer la jeune Princesse jusqu'à que ses pleurs s'apaisent et continua ensuite. Épuisée, la jeune femme finit par s'endormir dans ses bras. La domestique l'allongea et la borda avant de déposer un léger baiser sur son front et de quitter la pièce à pas de loup en éteignant les lumières. Seul le feu brûlerait jusqu'au petit matin.

Les échos du bal lui parvenaient dans le lointain, la fête se terminait. Assise sur un divan du salon privée de la suite royale, Sophia terminait le modèle pour une nouvelle robe quand le couple royal fit son entrée.

- Comment va-t-elle ? l'apostropha immédiatement le Roi, inquiet.

- Elle a beaucoup pleuré et a énormément de mal à accepter la situation. Les circonstances ne l'aident pas, soupira Sophia. Elle a fini par s'endormir mais elle est très perturbée.

- Merci d'avoir encore une fois veillé sur elle Sophia, soupira Elmira.

La culpabilité qui se lisait sur le beau visage de la Reine fit de la peine à la domestique. Elle se leva en ramassant son carnet de croquis et s'autorisa une brève accolade qui surprit la souveraine.

- Elle comprend, vous savez, elle ne vous en veut pas, chuchota-t-elle.

- Je sais, c'est la première à m'avoir dit de rester là-bas, répondit Elmira.

Sophia recula, exécuta une brève révérence et sortit. À peine la porte refermée, Malvius s'exclama :

- Je vais la tuer !

- Tu n'en feras rien, soupira sa femme en se laissant tomber sur le divan.

- Mais enfin merde ! Jura-t-il en commençant à faire les cents pas. Elle ne pouvait pas choisir d'autres circonstances pour lui annoncer ça ! Cette ... cette intrigante d'impératrice nous a mené en bateau ! Bon sang, on aurait dû être à ses côtés pour la soutenir ! Sophia est une femme en or mais ce n'est pas son rôle ! Je vais aller expliquer ma façon de penser à cette satanée bonne femme !

- Arrête de t'énerver. Ça ne sert à rien, le mal est fait de toute manière, fit Elmira en le regardant tourner en rond. Maintenant le tout est d'éviter la catastrophe familiale et diplomatique.

- Je ne sais pas comment tu fais pour rester calme, râla son mari.

- Je ne suis pas calme, chuchota-t-elle d'une voix à peine audible, je suis terrifiée.

Malvius se stoppa brutalement et fixa sa femme. Ses pupilles verticales redevinrent rondes quand il vit la pâleur d'Elmira et l'angoisse sur son visage. Il la rejoignit sur le divan et elle grimpa sur ses genoux pour se réfugier contre lui.

- C'est étrange, tu sais, murmura-t-elle. J'ai parcouru l'horreur des champs de bataille, j'ai vu des hommes mourir par centaines dont certains étaient mes frères d'armes, j'ai vu les sorts les plus horribles des mages de guerre en action. Je croyais avoir vécu les choses les plus effrayantes de ma vie et pourtant... Pourtant aujourd'hui j'ai peur de devoir leur expliquer, de soutenir leurs regards...

- Rien de tout cela n'est de ta faute, Tikchia, je te l'ai déjà dit. Tu as fais pour le mieux, pour la petite et pour tes soldats. Ne te fais pas de mauvais sang ainsi, tu m'as dit toi-même que les regrets ne servent à rien.

Il l'embrassa tendrement sur le front, les joues puis les lèvres. Elle répondit à son baiser quelques secondes puis nicha sa tête dans son cou.

- Promets-moi une chose, lui demanda-t-elle doucement.

- Quoi donc ?

- Que tu ne les laisseras pas nous l'enlever.

- Jamais, je te le promet, déclara-t-il. Elle est notre fille autant que la leur, voire même plus. Même si je dois libérer mon Dragon pour la protéger. Mais elle restera libre de ses choix.

- Ils essayeront de la manipuler, pronostiqua Elmira.

- Probablement. Mais nous serons là pour veiller sur elle, ne t'inquiètes pas. Allons nous coucher, nous aurons besoin de toutes nos forces demain.

Elmira soupira.

- Tu as raison.

Quelques instant plus tard, alors que Malvius venait d'éteindre les lumières, Elmira sourit. Linaëlle ne dormait plus seule. Sollia et Xavier se trouvaient avec elle.




Pfffiou ! Voilà la suite ! Je dois vous avouer que j'ai bien galérer sur celui là et que je ne suis toujours pas entièrement satisfaite de cette partie ...

Oui je publie aujourd'hui parce que ce week-end ça risque d'être compliqué au niveau organisation donc voilà, ce n'est pas vous qui vous en plaindrez ^^.

Sinon qui avait deviné ? Ou alors j'ai réussi à tous vous faire tomber dans le panneau ? ^^

Un immense merci à tous car nous avons dépassé les 2k de vues cette semaine ! À peine un mois après les 1k, vous êtes géniaux !!!

Bref comme d'habitude, n'hésitez pas à commentez !!!

Bisous à tous ^^.

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