Chapitre 17 : Prise de contact (partie 3)


- Et voila la touche finale ! s'exclama Sophia en posant un diadème en argent sur les cheveux de la jeune fille. Tu es magnifique !

Linaëlle observait son reflet dans le miroir. La longue robe de soie bleue lui allait à la perfection, mettant en valeur sa silhouette tout en restant descente. Elle lui dénudait les épaules et le haut du dos et les manches courtes s'arrêtaient aux coudes.  Malgré le fait qu'il y ait beaucoup trop de dentelle et de broderies à son goût, elle devait reconnaître qu'elle était satisfaite du résultat. Pour compléter sa tenue, une parure complète en saphir et en argent ornait sa gorge, ses oreilles et ses mains. Et évidemment, Sophia venait de déposer sur ses cheveux coiffés en chignon bas son diadème de Princesse Héritière.

- Je dois admettre qu'elle est très jolie, sourit la jeune femme.

- Très jolie ! s'exclama la domestique. Doux euphémisme ! Je me demande si tu te rends réellement compte de l'effet que tu as sur les gens !

Linaëlle eut un petit rire.

- N'exagère rien, je ne suis pas une Déesse non plus. Et je suis loin d'égaler la Directrice ou Julia.

- La vassale de ton frère est une exception à toutes les règles connues, déclara Sophia en se postant derrière elle pour la regarder dans le miroir. Mais ce dont je te parle n'a rien à voir avec la beauté extérieure. Certes, cela y contribue mais c'est ce que tu dégages qui attirent les gens, blondinette. C'est ... je ne sais pas comment l'exprimer... Tu brilles comme un soleil...

- Si je ne savais pas que tu étais mariée, je penserai que tu es en train de me faire des avances, Sophia, répondit doucement la jeune femme en soutenant son regard.

- Ça n'a rien à voir, répliqua la domestique. C'est une constatation que j'ai faite. Tu attires les gens c'est indéniable. Mais pas toujours dans le bon sens et cela m'inquiète.

- Je croyais que c'était Emily qui devait s'inquiéter pour moi ? fit Linaëlle en pivotant pour regarder son amie dans les yeux.

- Ce n'est pas parce que je ne le montre pas que je ne me fait pas de souci pour toi, blondinette. Ce soir, nous ne sommes pas chez nous, tu ne joues pas avec des gens qui t'apprécient et savent qui tu es. Tu joues avec des joueurs dont tu ne sais rien et qui vont forcément te mettre à l'épreuve. Et j'ai peur pour toi, parce que même le soleil peut être dissimulé par les nuages...

La domestique détourna le regard pour cacher les larmes qui perlaient au coin de ses yeux. Elle voulut s'écarter mais Linaëlle l'agrippa par les épaules et plongea son regard dans le sien. Elle profita du contact physique pour transmettre à Sophia une vague d'amour et de confiance.

- Hé, murmura-t-elle doucement. Je ne pars pas à la guerre, je vais simplement assister à une fête. Nos parents nous ont préparé à jouer à ce jeu depuis que nous sommes enfants. Il ne faut pas te faire du mauvais sang ainsi, tout va bien se passer.

Sophia eut un long soupir et se tamponna les yeux. Les paroles rassurantes et la magie de sa Princesse eurent tôt fait de faire taire ses inquiétudes. Elle adressa un mince sourire à Linaëlle et dit :

- Bon, je suppose que je ne réussirai pas à te convaincre d'enfiler une paire de chaussures à talon ?

Linaëlle sourit devant l'effort de la jeune femme et décida de lui faire plaisir.

- Eh bien pourquoi pas ? Mais pas trop hauts par pitié !

Sous l'œil expert de Sophia, elle essaya trois paires différentes avant d'opter pour des sandales assorties à sa robe et possédant six bons centimètres de talon. Satisfaite de sa tenue, il ne lui restait plus qu'à rejoindre le restant des participants dans la galerie menant à l'aile Sud. Après un dernier encouragement, Sophia la laissa partir et Linaëlle, escortée par Noah, rejoignit le lieu de rendez-vous.

À peine arrivée, Linaëlle vit arriver son cavalier d'un soir. Elle dut reconnaître que le Premier Prince Manoël avait fière allure dans son ensemble pourpre. Bien qu'encore une fois, les broderies et les fanfreluches paraissaient excessive à la jeune femme.

- Votre Altesse, la salua-t-ll en s'inclinant légèrement.

- Votre Majesté Impériale, répondit la jeune fille avec une légère révérence.

- Accepteriez-vous de m'accompagner à cette soirée, Votre Altesse ? demanda-t-il toujours aussi cérémonieux.

Question purement rhétorique, le tirage l'avait désigné comme son cavalier. Néanmoins Linaëlle répondit clairement.

- Avec plaisir, Premier Prince.

D'un signe de tête, elle congédia Noah qui partit à la recherche de sa cavalière et accepta le bras que lui tendait le Prince Manoël. Fendant la foule, ils se dirigèrent vers le fond de la galerie et rejoignirent leur place dans le rang des nobles.
Linaëlle passa devant Sollia et Xavier, tous les deux accompagnés et leur adressa un clin d'œil auquel ils répondirent. Le jeu allait pouvoir commencer.

Une fois que tous eurent gagné leur place, les grandes portes dorées de la grande salle s'ouvrirent et ils entrèrent. La salle pouvait facilement accueillir le triple de personnes que ce qu'elle compterait ce soir. L'or dominait le décor, du sol au plafond peint, ainsi que le marbre. De larges piliers soutenant des voûtes en ogives encadraient la salle et accentuant l'impression d'immensité. Sur la gauche, de larges fenêtres donnant sur le balcon. Deux larges tables couverte de nourritures diverse occupaient le pied des piliers. A l'extrémité opposée de l'entrée, une grande estrade sur laquelle se trouvaient des musiciens qui commencèrent à jouer dès l'entrée des premiers participants. Rapidement, le brouhaha des conversations empli la salle.

Linaëlle observait à la dérobé son cavalier qui n'avait plus décroché un mot. Il mesurait facilement une demi tête de plus qu'elle avec ses talons. Ces cheveux blonds coupés mi-long tiraient sur le châtain. De grands yeux bleus illuminaient un visage aux pommettes tirées et à la mâchoire carrée. Des yeux qui se tournèrent soudain vers elle. Gêné, le jeune homme cherchait visiblement à amorcer la conversation.

- Nous avons peu de choses à nous dire n'est ce pas, Premier Prince ? fit-elle en lui accordant un sourire.

- En effet, Princesse Héritière, répondit-il en souriant à son tour. Je crains qu'il ne soit compliqué d'entretenir une conversation ce soir.

Le silence s'installa entre eux. Bien que sa main repose au creux du coude de son cavalier, Linaëlle sentait une distance incommensurable entre eux. Elle percevait également la confusion et la curiosité du Premier Prince à son égard, comme celle de la moitié elmakaise de la salle d'ailleurs. Mais son éducation l'empêchaient de poser ce qu'il estimait être des questions personnelles à une jeune femme qu'il connaissait à peine.

Un serveur arriva à point nommé, leur tendant un plateau d'amuse-bouche. Linaëlle adressa un sourire au serveur et cueillit délicatement un toast. Comme Manoël l'observait d'un air sceptique, elle lui donna son toast en prit un second. Le serveur se dirigea vers un autre groupe tandis que le Premier Prince contemplait son toast d'un air sceptique.

- Qu'est ce que ceci ? lui demanda-t-il

Linaëlle pouffa légèrement. Elle prit le temps de croquer et d'avaler avant de répondre.

- Je pense qu'il y a de la crevette et du riz, et probablement un peu d'assaisonnement quelconque. Goûtez donc, c'est excellent !

Peu convaincu, le jeune homme prit une bouchée. Il mastiqua avec application sous l'œil amusé de Linaëlle puis finit par hocher la tête.

- En effet, c'est plutôt bon. Cela vient de Malatir ?

- La recette oui, le reste je l'ignore, sourit la Princesse Héritière.

- Dites-moi... commença son cavalier avant d'être interrompu par l'arrivée d'un nouveau serveur avec des boissons.

Le jeune homme prit deux coupes et en tendit une à sa compagne qui loucha sur la couleur verte du breuvage tandis qu'il buvait une gorgée.

- Une spécialité de chez vous, je suppose ? fit Linaëlle.

- On appelle cela de l'osvahïr, c'est un alcool mélangé à du jus de fruit.

- Et c'est vert, constata Linaëlle.

- Auriez-vous un problème avec cette couleur ? l'interrogea le Premier Prince.

- C'est une longue histoire, soupira la jeune femme.

Devant son indécision, le jeune homme déclara :

- Mais goûtez donc, c'est excellent.

Linaëlle haussa un sourcil et il lui adressa un mince sourire. Il avait parfaitement conscience de lui resservir la même phrase qu'elle avait prononcé un instant plus tôt. Amusée, la jeune femme sourit en portant la coupe à ses lèvres. Le goût légèrement sucré la surprit et elle hocha la tête.

- En effet, c'est délicieux. Je suppose néanmoins que c'est à consommer avec modération ?

- Tout à fait, approuva son cavalier. Le sucre du fruit cache la brûlure de l'alcool mais cela n'en reste pas moins une boisson plutôt forte.

- J'en connais un qui va finir complètement saoul ce soir, murmura Linaëlle en regardant son frère aîné se resservir une deuxième coupe.

- Pardonnez-moi, vous disiez ?

- Rien d'important, répondit la Princesse Héritière. Seulement que mon frère risque d'en boire plus que de raison. Heureusement pour lui, il tient remarquablement bien l'alcool.

L'évoquation de Xavier ramena une expression pensive sur le visage du Premier Prince. À nouveau, Linaëlle sentit la curiosité du jeune homme. Elle l'interrogea :

- Avant que notre conversation ne dérive sur cette agréable boisson, il me semblait que vous vouliez me poser une question.

- Je voulais en effet mais cela pourrait paraître déplacé.

- Demandez toujours, je jugerai par moi même, répliqua la Princesse Héritière avant de prendre une nouvelle gorgée d'osvahïr.

Il hésita un instant, la regarda puis posant son regard sur l'autre extrémité de la salle, demanda très vite :

- Êtes-vous réellement la fille des souverains de Malatir ?

- J'attendais cette question, murmura la jeune femme en faisant tournoyer sa boisson dans sa coupe. Ainsi que toutes celles qui vont avec.

Elle esquissa une grimace. Elle aurait dû s'en douter.
Surpris, le Premier Prince chercha de nouveau son regard mais c'est elle qui regardait au loin à présent. Linaëlle eut une moue pensive en portant de nouveau sa coupe à ses lèvres. Si le jeune homme croyait qu'elle n'entendait pas tous ceux qui écoutaient leur conversation par son intermédiaire, il se mettait le doigt dans l'œil jusqu'au coude.

Voyant le silence se prolonger, le jeune homme dit :

- Je comprends que vous ne vouliez pas répondre, c'est une question...

- Je vais vous répondre, Votre Majesté Impériale, l'interrompit Linaëlle. À vous et à tous ceux qui écoutent aux portes.

Le jeune homme eut le bon ton de prendre un air contrit, néanmoins les présences ne s'effacèrent pas.

- Oui, je suis la fille adoptive des souverains de Malatir et oui je suis née dans ce pays. Mais grâce à la magie des flamhurs de notre lignée, je suis liée à eux aussi solidement que si j'étais de leur sang.

Linaëlle omit volontairement le fait que la morsure du flamhur n'était pas vraiment volontaire. Inutile de donner les détails de son adoption. 
Sonné, le Premier Prince avait du mal à reprendre contenance. Il demanda néanmoins :

- Vous avez donc de la famille ici, en Elmakan ?

Linaëlle hocha négativement la tête.

- J'étais jeune quand j'ai été adopté et j'ai été victime d'un sortilège d'amnésie qui m'a fait oublier ma famille d'origine. Donc je ne sais pas si j'ai encore des parents. Néanmoins, d'après ma mère, mon père de sang est mort.

Elle ne précisa pas non plus qu'elle même s'en souvenait depuis quelques jours. Elle lui dévoilait bien assez sa vie comme cela.

- Vous êtes sûre de cela ? insista-t-il.

Autant pour la politesse légendaire des Elmakais ! Il se permettait d'insister sur un sujet plus que délicat.

- Oui, affirma-t-elle simplement.

La réponse monosyllabique aurait dû le mettre en garde mais il continua sur le sujet.

- Comment est-il mort ? Parce que si les Malatiriens l'ont tué, ils ont tous aussi bien pu ...

- Je vous interdit de pousser votre raisonnement plus loin, le menaça-t-elle en s'approchant de lui. Vous ne connaissez rien de moi, ni d'eux, ils m'ont recueillit et élevé comme mes frères et sœurs. Et ma mère n'est pas une manipulatrice comme ...

La jeune femme s'interrompit avant de finir sa phrase mais le Premier Prince avait parfaitement compris.

- Comme la mienne ? ricana-t-il méchamment. Alors je vous retourne le compliment, vous ne connaissez rien de nous, prenez garde à ce que vous dites, cela pourrait se retourner contre vous.

- C'est une menace ? gronda-t-elle.

- Peut être bien, fit-il avec un sourire mesquin.

Les yeux dans les yeux, ils se défiaient du regard. L'ambiance entre eux avait changé incroyablement vite. La colère qui émanait du Premier Prince faisait écho et amplifiait celle de Linaëlle. Bizarrement, le sentiment de déjà-vu revint avec plus de force que jamais. Ajouté à l'énervement de la Princesse Héritière, ce mélange détonnant lui fit brutalement perdre pied.

Le jeune homme haussa soudain les sourcils et eut un mouvement de recul qui fit atterrir la jeune femme. Pour qu'il la regarde ainsi, ses pupilles devaient être verticales. Elle rompit l'échange muet, et annonça :

- J'ai besoin de prendre l'air.

Sans attendre de réponse, elle déposa sa coupe à moitié vide sur le plateau d'un domestique qui passait par là et abandonna son cavalier pour se diriger vers la sortie. Évidemment, cela ne passa pas inaperçu.

« Linaëlle ? » fit une voix masculine.

« Pas maintenant, je ne suis vraiment pas d'humeur, Romain. » répliqua-t-elle sèchement.

« Vous ne pouvez pas quitter la fête ainsi ! » s'exclama le maître espion.

« Bien sur que je peux, je suis en train de le faire ! » répliqua la jeune femme.

Linaëlle monta ses défenses mentales au maximum, sourde à toutes les injonctions des divers membres de la délégation. D'instinct, ses pas la dirigèrent vers la salle de musique qu'elle avait découvert plus tôt dans la journée avec Énora. Elle ferma les deux portes, les verrouilla et enclencha le sort d'insonorisation.

Elle s'assit devant l'oniat et respira à fond. Elle ne comprenait pas pourquoi elle s'était brusquement énervée ainsi, cela n'avait pas de sens. Et l'impression étrange qui revenait au plus mauvais moment ! Heureusement qu'ils avaient également prévu ce cas de figure, il ne devrait pas être trop difficile de recoller l'orgueil en miette du Premier Prince.

La pièce était plongée dans le pénombre mais cela ne l'empêcherait nullement d'utiliser l'instrument. Elle plaqua un premier accord presque rageur sur le clavier et se mit à jouer. Un morceau complexe qui nécessitait toute sa concentration. Elle s'apaisa lentement au fur et à mesure de la progression du mouvement, se vidant la tête de tout sauf la musique. Le morceau était long mais Linaëlle le joua jusqu'au bout. Enfin les derniers accords, les dernières notes puis le silence. Et Linaëlle prit brusquement conscience de la luminosité de la pièce. Quelqu'un avait allumé les globes magiques.

- C'est incroyable comme tu ressembles à ton père de sang, déclara une voix féminine.

Linaëlle pivota violemment sur elle-même pour se tourner face à la source de cette voix.

Elle leva les yeux et croisa le regard vert, si semblable au sien, de l'Impératrice en personne.




Patatraaa ! Voila la fin du chapitre 17 ! Bon maintenant je vais aller me planquer gentiment en attendant que l'orage passe n'est ce pas  ? mdr.

Bon alors votre avis sur cette situation ?

Cette partie est dédicacée à Vikitchi parce que le petit Colibri curieux attendait ce moment avec impatience, je le sais ^^

Bon malgré tout, je vous fait un bisou sur les deux joues parce que vous allez devoir attendre une semaine de plus pour avoir la suite !!! Même un peu plus parce que le chapitre sort en avance pour cause d'absence de Wifi ce week-end ^^

Et bien sûr, n'hésitez pas à me harce... Euh à commentez !

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