Chapitre 17 : Prise de contact (Partie 2)
La cérémonie débuta sans que Linaëlle n'y prête la moindre attention. Les hérauts récitèrent leur texte et ses parents échangèrent les traditionnelles formules de politesse avec l'impératrice. Le château lui paraissait atrocement familier et elle sentait confusément des souvenirs s'agiter sous la surface de son esprit.
« Pas maintenant » se morigéna-t-elle intérieurement.
Elle dut faire un effort de volonté pour accorder son attention à son environnement et suivre la cérémonie. l'Impératrice présentait sa cour et chaque noble ainsi distingué saluait d'une révérence plus ou moins marquée selon son rang. Linaëlle savait d'or et déjà qu'elle n'avait nul besoin de retenir leur nom, puisque elle ne fréquenterait pas la majorité d'entre eux. En revanche, il convenait de s'intéresser à la famille impériale, ce qu'elle fit.
L'Empereur, décédé durant la guerre avait un frère et une sœur. Seul le frère était présent, Son Excellence Haïm, Haut Général des Armées ainsi que le présenta l'impératrice ne semblait pas très heureux d'être là. Sec et hautain, l'homme dont les cheveux tiraient plus sur le blanc que le blond adressa un hochement de tête orgueilleux au Roi de Malatir. Linaëlle décida rapidement qu'elle ne l'aimait pas.
Du côté de l'Impératrice, ses deux frères aînés étaient eux aussi morts au combat. Une seule de ses belle-sœur était présente. L'Archiduchesse Meriem, aussi impériale que sa belle-sœur, était accompagnée de deux de ses enfants. L'aîné Jayden, était plus jeune que Xavier tandis que la benjamine Azra, semblait d'âge avec Énora.
Enfin la famille impériale en elle-même comptait trois enfants, Manoël le futur Empereur, ainsi que sa sœur aînée Daniela et son plus jeune frère, Yaël.
Ils paraissaient tous issu du même moule, grands, blonds, les yeux bleus ou verts, et cela n'aidait nullement à les différencier. Linaëlle s'inquiétait de savoir qui était qui, ne voulant commettre une bêtise. Mais déjà ses parents présentaient les membres de la délégation malatirienne.
« Jamais je n'arriverai à retenir tous ces titres et ses noms ! » Bougonna Noah dans son esprit en utilisant leur canal privé.
« Je te rassure, moi non plus. » affirma sa suzeraine.
« Vous inquiétez pas les carpes, je retiendrai pour trois. » se moqua Fiona.
« Merci, Ô grande archiviste. » entonna Noah.
« Arrête un peu tes sottises et concentre toi ! Ça va être ton tour je te signale ! » râla Linaëlle mettant fin à la communication.
Effectivement le tour de Noah arriva rapidement, mais il exécuta un salut parfait, soulageant la jeune femme. Enfin, les membres de la famille royale furent présenté en dernier. À l'entente de son prénom, la jeune Princesse Héritière effectua une courte révérence à l'égard des nobles elmakais. Malgré toute leur éducation, la jeune fille aperçu la surprise sur les visages et quelques murmures d'interrogations se firent entendre de l'autre côté de la cour. Ils l'observaient tous, sans exception.
Durant ce court moment de flottement, une femme d'un certain âge se pencha pour murmurer quelque chose à l'oreille de l'Impératrice. Celle-ci hocha vivement la tête et l'autre retrouva sa place. Romain signala immédiatement et mentalement l'incident au couple royal et aux trois Héritiers en titre, mais Malvius s'en était déjà aperçu.
Une fois les présentations terminées, le tirage au sort pouvait commencer. Attendu par tous, cette tradition d'Elmakan consistait à tirer au sort les cavaliers du bal de ce soir. Attachés à la hiérarchie, les Elmakais prenaient tout de même soin de ne pas mélanger la petite et la haute noblesse. Linaëlle ne prêta guère attention au tirage qui se déroulait sous ses yeux. Son regard pensif se fixait sans cesse sur la femme dans l'ombre de l'Impératrice. Elle provoquait en elle la même sensation que le palais. Se fut Noah qui la secoua quand son nom sortit de la boîte.
- La Princesse Héritière Linaëlle sera ce soir accompagnée du Premier Prince Manoël ! clama le jeune domestique.
- Quelle chance, me voilà embarquée avec l'héritier du trône, grinça la jeune femme entre ses dents.
- C'est vrai qu'il ne fait pas le poids face à moi, ricana Noah.
Linaëlle lui lança un regard moqueur et lui écrasa consciencieusement le pied. Noah grimaça mais ne bougea pas. Dans le même temps, Linaëlle avait croisé le regard de son futur cavalier. Celui-ci la dévisageait avec curiosité, elle lui rendit son regard en silence, se contentant de hausser un sourcil. Il détourna le regard le premier et Linaëlle eut un petit sourire suffisant. Sa mère lui avait tout appris en ce qui concerne les duels de ce genre, le pauvre n'avait aucune chance.
Une fois le tirage au sort terminé, les Elmakais se retirèrent et laissèrent leurs invités s'installer. Le déjeuner serait servit dans leurs ailes respectives, aussi ne se reverraient-ils qu'au moment de la fête de ce soir. Abandonnant tout semblant de protocole, Linaëlle vint se glisser entre Xavier et Sollia dans une tentative pour échapper aux regards trop curieux qu'elle sentait posés sur elle.
Les Malatiriens prirent possession de l'aile Ouest du palais. Il y aurait eu la place pour loger deux fois plus de monde que n'en comptait la délégation. Seuls les deux premiers étages et le rez-de-chaussée furent occupés. Linaëlle se serait presque cru à Dopalis. Le duc Ol'Martal se fit un plaisir de lui expliquer quand elle s'en étonna, que l'aile avait été conçue selon l'organisation du palais royal. En revanche, la décoration était purement elmakaise. Et donc beaucoup trop excessive au yeux de la jeune fille. Partout, des meubles en bois précieux, des tableau et des tentures hors de prix, de l'or et du marbre par dessus la tête. Visiblement, leurs voisins tenaient à les impressionner.
Naturellement, sans communication, ils se retrouvèrent dans le petit salon commun aux suites royales pour une réunion improvisée.
- Eh bien une première étape de franchie, soupira le souverain en s'affalant dans un large divan.
- Hélas, je craint que ce ne soit la plus simple, Votre Altesse, déclara Guillaume, son vassal.
- De grâce, Guillaume, épargne-moi ton pessimisme, répliqua le Roi.
- Ne vous y trompez pas, Malvius, ricana Peter. Mon confrère se retrouve à escorter l'une des vassale de l'Impératrice, la vieille bien sûr.
Vous comprendrez son désenchantement.
- Merci de ton soutien, répliqua l'autre en levant les yeux au ciel.
- Messieurs, vous ferez usage de bons mots ce soir, les rabroua sèchement la Directrice Oth'Ferim. Pour l'instant, cessez ces enfantillages.
- Bien, Ma Dame, répondirent-ils en chœur comme des enfants pris à faire une sottise.
- Au fait Amalicia, ont-ils réussi à déterminer lequel de vos titres étaient le plus important ? demanda le duc Ol'Martal.
La femme eut un rire léger.
- Pensez-vous ! se moqua-t-elle. Pourtant ce n'est pas la première fois que je fais un séjour à la Cour impériale. Mais ces gens sont incapables de se mettre d'accord une bonne fois pour toute. Je pense que je vais aller leur annoncer moi-même que c'est mon poste au Conseil qui prime sur tout le reste.
- Donc vous serez Dame Til'Amalicia, ce soir ? Demanda Malvius.
- Il semblerait, soupira la femme. Par contre, uniquement en public ! ajouta-t-elle en les foudroyant tous d'un regard noir. Le premier qui a l'audace de m'appeler comme ça en privé recevra mon poing sur la figure.
- Puis-je savoir pourquoi ? interrogea Cassildey.
- Longue histoire, mon fils, lui répondit son père avant qu'Amalicia ne réplique. Pour faire court, notre chère maître-magicienne ne s'est toujours pas remise de sa nomination.
La Directrice laissa échapper un marmonnement peu élégant qui mit fin aux explications. Ils discutèrent de choses et d'autres, le bal, la nourriture, les personnes présentes... Elmira rejoignit Linaëlle qui fixait un point sur le mur, adossé au coin de la cheminée.
- Tu tiens le coup ? lui chuchota-t-elle.
- C'est moins gênant depuis que nous sommes entrés, répondit la jeune fille sur le même ton.
- Comment le ressens-tu exactement ?
- C'est... comme si quelque chose remuait sous la surface, expliqua Linaëlle. J'ai l'impression qu'on essaye de communiquer avec moi, mais de l'intérieur de ma mémoire. C'est déstabilisant. Et tous ces gens qui s'interrogent sur moi et m'observent ne m'aide pas vraiment à me sentir à l'aise.
- Pour ce qui est des nobles, le mieux est de leur expliquer une bonne fois pour toute, commenta Elmira. Rien ne sert de leur cacher quelque chose, ils pourraient s'imaginer des scénarios improbables et faire courir des rumeurs farfelues. Pour le reste, je ne peux hélas pas t'aider. Mais tu sais que je te soutiens.
- Je sais.
Elmira replaça avec tendresse une mèche blonde de cheveux rebelles derrière son oreille. Linaëlle appuya sa tête sur son épaule, cherchant du réconfort dans le parfum familier de sa mère. Les yeux fermés, elle profita de ce moment d'accalmie.
- Ça va aller, dragonneau ? murmura son père dans son dos manquant de la faire sursauter.
Elle releva la tête et croisa le regard inquiet de son père. Elle lui adressa un demi-sourire.
- Je vais y arriver, Papa, affirma-t-elle.
Il lui adressa un sourire encourageant et la poussa vers l'un des divans. La pièce s'était vidée et seuls restaient les membres de la famille royale. À peine assise, Linaëlle se retrouva sur les genoux de Xavier, Sollia et Cassildey chacun d'un côté et Énora grimpa sur ses genoux pour un gros câlin collectif sous le regard attendri de leur parents. Kalioska restait à l'écart mais Sollia l'attira à elle d'un sort et elle se retrouva à califourchon sur sa fiancée. Un peu émue, elle se joignit à l'étreinte de la fratrie.
Linaëlle se détendit et sourit. Ils lui rendirent tous son sourire. Un sourire éclatant de bonheur et d'affection. Elle savait que quoi qu'il arrive, elle pourrait toujours compter sur eux. Et ils compteraient toujours sur elle.
Un gargouillement sonore brisa le silence chaleureux. Tous les regards convergèrent vers Cassildey qui releva le menton et affirma :
- Oui c'est moi, oui j'ai faim et oui je viens de casser l'ambiance.
Un immense éclat de rire collectif suivi cette déclaration. Puis tous se levèrent pour aller déjeuner dans une ambiance légère et rieuse.
La salle à manger où ils se rendirent se remplissait lentement de noble de toutes extraction. Pendant le repas, les politesses se limitèrent au simple nécessaire. Les bouillonnants Malatiriens devraient suffisamment subir leurs très protocolaires voisins ce soir. Aussi s'autorisaient-ils un peu de fraîcheur avant le bal de ce soir. On discutait en tous sens, s'interpellant parfois par dessus l'épaule d'un voisin ou d'une table à l'autre. Linaëlle, assise avec Fiona, plaisanta volontiers avec une jeune marquise dont elle ne connaissait même pas le nom.
La fin du repas renvoya tout le monde dans ses appartements. Rapidement cependant, Énora se mit en tête d'explorer le palais et convainquit sa plus jeune sœur de l'accompagner. Elles parcoururent de nombreuses salles en admirant les nombreux tableaux et sculptures qui semblaient être à la base de toute la décoration. Elles finirent par déboucher dans l'aile Sud sans s'en rendre compte. Pour leur plus grand plaisir, il y avait une grande salle de musique pleine d'instruments.
- Regarde, Lin, il y a même un oniat pour toi ! s'exclama la benjamine, ravie. Tu joues un morceau pour moi ?
- Ça fait des semaines que je n'ai pas joué, Éno je dois être un peu rouillée tu sais.
- Alleeeer, s'il te plaît ! insista la petite avec de grands yeux suppliants.
Incapable de refuser quoi que se soit à sa sœur, Linaëlle s'assit devant l'instrument. Le bois noir et lustrée dont il était fait lui était totalement inconnu mais les touches d'ivoires ne différaient en rien de ce qu'elle connaissait. Large et massif, il reposait sur quatre pieds finement sculptés. Linaëlle avait rarement vu un instrument aussi beau. Elle posa un doigt sur une clé et un son doux, légèrement métallique résonna dans la pièce. Sous le regard attentif de sa sœur, elle entreprit de faire quelques gammes pour réhabituer ses doigts. Elle se rassura vite en constatant qu'ils n'avaient rien perdu de leur habileté.
- Que voudrais-tu que je joue ? demanda-t-elle à Énora installée à côté.
- Ce que tu veux, fit la petite en haussant les épaules.
Après un instant de réflexion, la jeune Princesse Héritière sourit et plaqua un premier accord, puis un deuxième sur le clavier. Ses doigts courant sur les touches, elle jouait un morceau d'un conte musical très connu en Malatir, que les musiciens racontaient souvent à la Cour. L'histoire parlait d'un petit garçon qui voyageait d'étoile en étoile sur le dos d'un grand Dragon blanc. Linaëlle jouait l'un des passages préférés de sa sœur, celui où l'enfant rencontre le Dragon et où tous les deux s'envolent pour la première fois.
Reconnaissant le passage, la benjamine se mit à fredonner les paroles :
Si seulement j'avais des ailes comme toi,
Je pourrais m'envoler vers le ciel,
Oublier mes soucis ici-bas,
Et découvrir mille vies au gout de miel.
Petit garçon au sourire béat,
Pourquoi donc veux-tu des ailes,
Tu as milles choses que je n'ai pas,
De tes mains tu peux écrire des ribambelles.
Je veux des ailes pour voyager,
Car ici je m'ennuie à mourir.
Le monde est vaste je veux l'explorer
Et retrouver ainsi le sourire.
Petit garçon explorateur,
Le monde est trop dangereux pour toi
Attends donc gentiment ton heure,
Mais d'ailes tu n'auras pas.
Alors Dragon, viens avec moi !
Explorer ce monde qui m'appelle,
Tu seras mon protecteur et moi,
Je t'écrirais des ritournelles.
Alors soit petit garçon sans peur,
Grimpe sur mon dos je t'emmène.
Car il se lève de bonne heure,
Ce vaste monde que tu aimes.
Les dernières notes s'égrenèrent et le silence s'installa. Les deux sœurs se sourirent. Linaëlle perçut l'approche d'un Elmakai et se figea.
- Qu'est ce qu'il y a ? demanda Énora.
- Elmakai en approche, viens, on s'en va.
Elle s'éclipsèrent discrètement en passant par une pièce adjacente et rebroussèrent chemin jusqu'à l'aile Ouest. Les préparatifs de la fête battaient leur plein. Cette soirée serait mémorable. La première depuis plus de trente ans partagée entre les deux pays.
Et voilà la suite du chapitre 17 ! Un peu de musique avant le bal de la prochaine partie qui promet d'être intéressant ^^.
Bref, comme d'habitude, n'hésitez pas à voter et à commenter !
En bonus : le drapeau Elmakais ! bon il est moins réussi que les autres mais fait en moins de temps aussi ^^.
C'est tout pour l'instant, bisous à tous ^^
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