Chapitre 16 : Voyage (partie 2)
Au moment de se coucher, Linaëlle tenta une nouvelle fois de rejoindre le lieu entre les mondes, mais son essai se solda par un nouvel échec. Frustrée, elle mit du temps à s'endormir, et quand elle y réussit, son sommeil fut agité de cauchemars. Elle se réveilla plusieurs fois en sursaut et en sueur, mais impossible de se souvenir de quoi étaient composés ses songes.
- Mal dormit ? l'interrogea Fiona en se réveillant le lendemain matin.
Assise en tailleur sur sa couchette, le regard dans le vide, Linaëlle écoutait depuis un moment les marins de quart s'agiter au dessus de leurs tête.
- Plutôt oui, j'ai fait beaucoup de rêves étranges cette nuit, finit-elle par répondre.
- Ah bon ? Et de quel genre ?
- Je ne sais pas, je ne me souviens pas, souffla la jeune fille. Mais ils ne devaient pas être très agréables...
- Vraiment ? C'est curieux. Tu angoisses toujours à propos de ta famille elmakaise ?
- Plus ou moins, avoua la jeune fille. Mais je ne pense pas que se soit ça qui ait provoqué mes cauchemars.
- Hmmm... fit Fiona peu convaincue.
La nuit suivante et celle d'après furent également courtes et irrégulières pour la jeune Princesse Héritière. Elle se réveillait plusieurs fois, terrorisée et en sueur mais incapable de se souvenir de quoi que ce soit. Au bout de trois nuits passées ainsi, le manque de sommeil se faisait clairement sentir. Mais impossible de fermer les yeux, même durant la journée, sans que ses cauchemars viennent la hanter.
- Tu ne peux pas continuer comme ça Lin ! s'exclama Fiona alors qu'elle s'apprêtait à aller se coucher pour aller affronter une nouvelle série de songes.
- Qu'est ce que tu veux que je fasse ? rétorqua sa suzeraine, exaspérée. Je ne sais même pas pourquoi d'un seul coup je me mets à faire ses rêves stupides alors que je n'en faisais jamais auparavant !
Elle avait élevé la voix et le regretta immédiatement.
- Excuse-moi je ne devrai pas te parler comme ça, souffla-t-elle.
- C'est rien, ne t'inquiète pas, chuchota Fiona en s'asseyant à côté d'elle sur sa couchette. Tu veux pas quelque chose pour t'aider à dormir ?
Emily devrait pouvoir t'aider dans ce domaine là non ?
- Elle est restée à Dopalis, répondit Linaëlle sur le même ton. Je n'ai pas voulu l'emmener alors qu'elle est enceinte, on ne sait jamais.
- Enceinte ? Emily ? s'étonna Fiona. Je croyais qu'elle ne se déciderait jamais !
- Elle ne le sait pas encore. Mais je sais qu'elle et son compagnon feront des parents merveilleux... Et puis il était temps qu'elle s'occupe de quelqu'un d'autre que moi.
- Je ne te le fait pas dire ! Elle te couve autant que ton père, si ce n'est plus ! rigola la brune.
Un sourire fatigué étira les lèvres de Linaëlle. Fiona disait la vérité. Emily était rattaché à son service depuis son adoption. Elle était la tante complice et protectrice que la jeune fille n'avait jamais eu, ses parents étant tous les deux enfants uniques. Elle veillait discrètement mais fermement sur elle depuis son arrivée non officielle au palais. Depuis ce jour, la guérisseuse avait fait partie de l'entourage proche de la jeune fille. La laisser derrière elle rendait Linaëlle nostalgique mais son instinct lui soufflait de la laisser en arrière. De plus Sophia, sa cadette, était du voyage.
Un silence apaisé s'installa dans la cabine. Linaëlle contemplait les flammes qui illuminaient le globe magique entre les deux couchettes.
- Tu devrais essayer de dormir, c'est pas en restant les yeux dans le vague que tu vas régler le problème, dit Fiona en brisant le silence.
- Tu as raison, soupira sa suzeraine.
En silence, chacune d'entre elle se coucha et Fiona éteignit le globe d'une pensée. Malgré l'appréhension qui lui tiraillait le ventre, Linaëlle s'endormit en posant la tête sur l'oreiller, épuisée des nuits précédentes.
Surprise, angoisse, souffrance, colère. Et quelque chose d'autre, de différent, qu'elle n'avait jamais sentit auparavant. Mais plus que tout, cela la terrorisait. Et cela se rapprochait d'elle. Tétanisée de peur, elle sanglotait dans ses fourrures. Elle gémit quand une nouvelle vague de sensation l'atteignit. Le bruit pourtant discret alerta la grande silhouette à côté d'elle.
- Linaëlle, qu'est ce que tu as ? demanda une voix masculine.
- J'ai peur ... s'entendit-elle répondre.
- Peur de quoi ? interrogea la voix.
- Dehors ... geignît-elle en cachant sa tête sous ses couvertures.
- Que ...
La voix s'interrompit puis lâcha un juron. Linaëlle entendit un bruissement de tissu et le bruit métallique d'une épée qui glisse hors d'un fourreau. La voix et son possesseur quittèrent la tente et elle se retrouva seule. Les émotions s'affrontaient dans sa tête, elle se peut la tête à deux mains, elle ne voulait plus les entendre.
« Linaëlle ! Linaëlle ! Sauve-toi ! Cours loin d'ici ! » ordonna la voix.
Un déclic dans sa tête. Cette voix elle la connaissait c'était celle de ...
- Papa ! Hurla-t-elle en s'asseyant brusquement.
Deux bras l'enlacèrent, elle se débattit et frappa son agresseur. Un bruit sourd lui apprit qu'elle avait touché sa cible.
- Linaëlle ! Bon sang arrête, c'est moi ! fit la voix de Fiona.
La lumière s'alluma brutalement, l'aveuglant un cours instant. Dans le même temps, elle se retrouva enveloppé dans une couche d'air qui l'immobilisait totalement. Quand ses pupilles se furent habituées à la lumière, la jeune fille se rendit compte que Fiona l'observait d'un air inquiet, la pommette déjà rouge du coup qu'elle lui avait administré.
- Je t'ai pas loupé, dit donc, souffla Linaëlle essoufflée.
- Par Ulcanth ! Qu'est ce qu'il t'a pris de me frapper ainsi !
- Désolé dans mon cauchemar je ... commença-t-elle.
- Bordel ! Qu'est ce qu'il se passe ici !
l'interrompit Sollia en ouvrant la porte, ses deux mains illuminées par la magie.
« Bon sang, Linaëlle ! Qu'est ce qu'il te prend de faire un boucan pareil ?! »
« Tout va bien, Sœurette ? »
« Linaëlle ? Qu'est ce qu'il y a trésor ? »
Les trois pensées lui étaient parvenues presque simultanément. Ses parents et Xavier ne dormaient pas sur le même navire. Elle percevait également la présence inquiète de Cassildey et Énora bien qu'ils restaient silencieux.
« Rien j'ai fait un mauvais rêve c'est tout. » affirma la jeune fille qui reprenait ses esprits.
« Encore ? » l'interrogea doucement sa mère.
« Qu'est ce que c'est que cette histoire de rêve ? » demanda Malvius.
« Retournez dormir les enfants, tout va bien. » ordonna Elmira.
Cassildey et Énora se retirèrent de la communication. Xavier hésita mais resta à la limite pour pouvoir écouter et Sollia qui avait tout entendu s'assis sur la couchette devant sa sœur.
Le tout avait duré moins de cinq secondes. Fiona relâcha Linaëlle quand elle s'aperçut qu'elle était calmée. Kalioska entra à son tour dans la pièce et tendit un carré de tissu à la jeune fille qui s'en saisit avec reconnaissance. Elle se moucha et essuya les larmes qui avaient coulées pendant son sommeil. Elle inspira à fond puis expira lentement. Noah arriva sur ses entrefaites avec les deux vassaux de Sollia sur les talons mais Kalioska les envoya voir ailleurs. Dans une autre situation, Linaëlle aurait rit en voyant l'expression de son vassal. Mais elle n'avait pas le cœur à rire.
- Je crois... commença-t-elle aussi bien mentalement que physiquement. Je crois que j'ai rêvé du jour où mon père est mort ... mon père elmakai...
- Tu es sûre, Lin ? demanda Sollia.
Linaëlle hoche doucement la tête.
- C'est possible, je t'ai entendu marmonner dans ton sommeil et tu parlais elmakais. confirma Fiona.
« Un rêve ou plutôt un souvenir ? » demanda Elmira.
- Un souvenir... je crois... je ne sais pas, c'est flou dans mon esprit, murmura Linaëlle.
« Se pourrait-il que le sortilège qui bloque ta mémoire commence à disparaître ? » s'interrogea Malvius.
- Si c'est ça, il a choisit son moment celui-là, grommela Sollia.
- C'est tout de même étrange... réfléchit Fiona. Les sortilèges de mémoires ne cèdent pas comme ça habituellement. Quand ils se brisent c'est d'un seul coup et de façon consciente. Or, reprends moi si je me trompe, mais hormis cet espèce de cauchemar, tu n'as pas retrouvé d'autres souvenirs, fit Fiona en s'adressant à sa suzeraine.
Linaëlle hocha négativement la tête. Revivre cette scène qu'elle savait réelle l'avait choquée. Elle ressentait encore la terreur de la petite fille qu'elle avait été.
- Est-il possible de se lancer un sort à soi même ? intervint soudain Kalioska.
- Ça dépend du sort, l'éclaira Fiona. Mais où est le rapport ?
- Eh bien, hésita Kalioska. Je me demandais si Linaëlle avait pu inconsciemment se lancer un sort à elle même pour oublier... Parce que vu l'état dans lequel elle est en rêvant de ce moment adulte, une enfant de sept ans serait traumatisée...
Un silence pensif suivit cette déclaration, vite brisé par Malvius.
« Il est extrêmement compliqué de se lancer un sort touchant à la mémoire de façon consciente et en sachant ce qu'on fait. Même avec tout le potentiel qu'elle avait il y a douze ans, je ne pense pas que Linaëlle en aurait été capable. »
- Néanmoins, c'est une hypothèse à ne pas négliger, contra Fiona. J'ai déjà lu des livres sur des cas exceptionnels de sort jetés de façon inconsciente pour guérir ou échapper a un traumatisme de ce genre. Si nous étions à Dopalis, je pourrais faire des recherches mais...
« Pour l'instant, je pense que tout le monde ferait mieux d'aller dormir, » déclara Elmira. « Il est trop tard, ou trop tôt, pour tenir ce genre de conversation. »
L'approbation du reste des participants ne se fit pas attendre. Sollia et Kalioska se retirèrent dans leur cabine et Fiona ne tarda pas à se rendormir. Incapable de fermer les yeux, Linaëlle se leva sans faire de bruit, attrapa une cape de fourrure et se dirigea vers la sortie. Elle atteignit l'échelle de pont au moment où sa mère en descendait. Elmira ne dit rien et se contenta de la serrer dans ses bras. La jeune fille s'agrippa a sa chemise et enfouit la tête dans son cou. Dans ses bras elle se sentait en sécurité.
Toujours en silence, sa mère la ramena dans sa cabine. Linaëlle voulut protester mais Elmira l'entraina vers la couchette, s'allongea et l'attira dos à elle puis elle rabattit les couvertures.
- Tu prenais moins de place quand tu avais six ans, lui chuchota l'ancienne Commandante à l'oreille. Mais les couchettes des navires sont quand même plus confortables que les paillasses des lits de camp.
Linaëlle ne put retenir un sourire. Elle se détendait lentement entre les bras de sa mère.
- Dors mon trésor, tu ne crains rien. Quand je suis là, rien ni personne ne peut te faire de mal.
Rassurée par la présence d'Elmira et son parfum familier, la jeune fille finit par s'endormir d'un sommeil lourd et sans rêves.
- Tu dois renoncer à elle !
- Jamais, tu m'entends ! Il est hors de question que je l'abandonne !
- Delthéa, tu enfreins les règles encore une fois !
J'assistai à une énième dispute entre mes maîtres. Une des rares altercations où Delthéa participait en tant que principale actrice. Elle s'énervait extrêmement rarement. Même à l'instant je ne l'estimait qu'agacer.
- Se sont Tes règles et elles sont incroyablement inutiles ! s'écria-t-elle
- Elles nous protègent depuis des décades des agissements des humains ! Se rebiffa Dagmar, son frère.
- Elles nous séparent depuis des décades, tu veux dire ! Le corrigea la Déesse.
- Je les aient mise en place pour nous protéger ! Pour te protéger ! La dernière fois que tu as vécu avec eux, l'univers a failli te perdre ! protesta le Dieu.
- Écoute bien mes paroles, mon frère. Je ne renoncerais pas à Linaëlle. Jamais.
- Cette humaine t'as ensorcelée ! Tu laisses tes sentiments influer sur ta raison ! Lui reprocha Dagmar.
- Contrairement à toi, mon frère, j'ai toujours laissé mon cœur primer sur ma raison. Et il y a longtemps que je me demande si le tien est toujours là.
- Ce n'est pas le sujet, s'énerva le Dieu de la Création. Si tu refuses de te détacher de cette humaine, elle mourra.
- Je t'interdis de faire cela ! Elle est sous ma protection ! Ulcanth ne touchera pas à un seul cheveu de sa tête ! Hurla Delthéa.
Surpris par l'éclat de sa sœur, Dagmar haussa un sourcil.
- C'est un avertissement, petite sœur, libère-la ou je le ferai moi-même. Et je devrais appliquer ta sentence par la même occasion.
Sans laisser le temps à Delthéa de répliquer, il disparut.
La Déesse en resta bouche bée.
- Il vient de me menacer ? me demanda-t-elle.
- Il semblerait que oui, Ma Dame. répondis-je d'un ton neutre. Mais d'après ce que j'ai pu entendre, je m'inquiète beaucoup plus pour la petite.
- Commencerais-tu à l'apprécier, Eladriel ? fit-elle en se tournant vers moi.
- Je dois avouer qu'elle m'est sympathique, bien qu'elle me complique considérablement la tâche.
Elle éclata d'un rire cristallin mais se reprit bien vite.
- Je devrais peut être la libérer, soupira-t-elle pensivement.
- N'y pensez pas, Ma Dame ! Elle doit rester liée à vous ! me récriai-je.
Elle m'adressa un regard perçant.
- Qu'as-tu vu dans son avenir, Eladriel ?
- Un certain nombre de chose... Elle devra probablement mener la lutte contre les envahisseurs... Même si il reste une chance pour retarder leur venue... En revanche, dans les deux cas, elle ne réussira qu'avec votre bénédiction, affirmai-je.
Je me tut et elle réfléchit longuement. Puis son regard s'éclaira et elle disparut dans la seconde suivante.
- Bonne journée à vous aussi, grommelai-je dans le vide.
Plop ! Fin du chapitre 16 ! Des hypothèses pour la suite ?
Sinon je pense qu'on va partir sur un chapitre sur Léane pour le bonus ^^.
Comme d'habitude, n'hésitez pas à commenter, bisous à vous !
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