Chapitre 15 : Eux et le reste du monde (partie 2)
Mais le temps se remit en marche, et la matinée s'écoula très vite. À peine le temps d'écrire quelques lettres, de se rendre compte que Victor écrivait de la main gauche et que Timothé avait un potentiel magique immense, que déjà les cloches du temple les ramenaient dans le monde réel en sonnant la douzième heure. Linaëlle libéra les enfants et ils sortirent, non sans avoir rangé leurs affaires et posé un baiser sur la joue de leur professeure. Celle-ci les regarda s'éloigner et remit un peu d'ordre dans la salle avant de sortir. Le cœur léger, elle rejoignit sa famille pour le déjeuner, vantant les qualités de ses élèves.
Les jours se succédèrent sans pour autant se ressembler, les enfants faisaient des progrès rapides. Linaëlle leur avait concocté un programme simple mais efficace. Le matin, ils avaient cours, mais l'après-midi restait libre. Linaëlle n'imaginait pas les contraindre à rester assis toute la journée à travailler tandis que la plupart des autres enfants de leur âge avaient quartier libre.
Cette décision fut l'objet d'accrochages entre elle et la Directrice, mais la jeune fille se montra intraitable. la Directrice comprit vite qu'elle n'avait pas son mot à dire dans l'enseignement des jeunes protégés de la Princesse et s'en montra fort désappointée. Néanmoins, elle put constater par elle même que le petit groupe progressait vite et bien, et résolut de ne pas trop interférer dans leur éducation.
Vint le jour où les Colrithiens repartirent chez eux, un déchirement pour Sollia qui dût faire bonne figure en observant sa fiancée embarquer. Il était prévu qu'elle aille la chercher au printemps, accompagnée de ses vassaux et d'une troupe de caméléons et de métamorphes. Linaëlle avait décidé de suivre les conseils de la Déesse et de ne pas les accompagner, malgré les demandes répétées de sa sœur. Sollia voulait revenir à Dopalis le plus vite possible, et quoi de plus rapide qu'un Dragon ? Mais Linaëlle refusa, arguant qu'elle ne pouvait laisser les enfants seuls et que le maître mot de cette mission étant la discrétion, un Dragon n'excellait pas dans ce domaine.
Ce refus la mis en porte à faux avec sa sœur, mais Delthéa lui donnait toujours des conseils avisés, aussi la jeune Princesse Héritière persista dans sa décision malgré la peine de son aînée. Ce conflit entre elles finit par agacer leur Père qui les convoqua dans son bureau un matin brumeux, tandis que la neige tombait doucement. Si Malvius donna raison à Linaëlle, il lui ordonna néanmoins de former quelqu'un pour la remplacer auprès de ses élèves, afin de pouvoir s'absenter si le besoin devait se faire sentir.
Les mois passèrent et Marie fêta ses six ans. Pour ce jour spécial, Linaëlle lui offrit un adorable chaton gris et blanc, qui devint rapidement la mascotte de la classe. Le printemps revenait lentement dans les rues de la capitale. La glace qui avait gelé le fleuve fondît, puis ce fût au tour de la neige, qui transforma les rues pavées en torrents glissants. C'est en cette période que Linaëlle présenta Quentin, son potentiel remplaçant, à sa classe. Le jeune homme sortait tout juste de l'École et fut tout de suite adopté par les enfants. Il voulait devenir professeur dans une des écoles du pays, Linaëlle lui offrait un poste en or qu'il accepta avec joie. Son rôle se limitait souvent à l'assister pendant les cours, mais il permettait à la jeune femme de se dégager une matinée de temps à autre pour accomplir ses obligations princières et autres.
Le mois d'Epror avançait doucement quand un matin ensoleillé, le Roi convoqua une réunion au sommet. Intriguée, la jeune femme confia la classe à Quentin, appela mentalement Noah et Fiona et se dirigea vers la tour Sud. Elle retrouva ses vassaux aux pieds des escaliers et ils gravirent ensemble les marches jusqu'à la salle de réunion. Arrivés au sommet, ils saluèrent son père et le duc Ol'Martal ainsi que Guillaume et Peter, les vassaux du Roi.
Linaëlle s'installa à sa place et Noah et Fiona firent de même. Linaëlle lança un regard interrogateur à son père qui lui lança négligemment un tube de métal utilisé par les Hialuts pour transporter des messages. Linaëlle attrapa l'objet au vol et en sortit le contenu. Déroulant le fin morceau de parchemin, la jeune Princesse reconnut au premier coup d'oeil l'écriture soignée de sa sœur aînée . Sollia annonçait que tout se déroulait comme prévu et que le groupe revenait au palais rapidement, accompagné de Kalioska, de sa mère et de son frère. Perplexe, Linaëlle laissa le message se ré-enrouler de lui même et dit :
- Ce n'est pas pour cela que tu as convoqué cette réunion n'est ce pas ? Nous savons depuis longtemps quoi répondre au Roi Farim quand sa lettre nous parviendra, Julia y a veillé. Alors pourquoi ?
- Je préférerai que tout le monde soit arrivé avant d'en parler, cela m'évitera de me répéter. Mais pour une fois c'est une bonne nouvelle, lui annonça le Roi en souriant.
Linaëlle fit une moue boudeuse qui agrandit le sourire de son père, elle avait toujours été impatiente et ne supportait pas qu'on élude ses questions. Cassildey et Énora arrivèrent sur ces entrefaites, coupant court à l'interrogatoire que voulait mener leur aînée. Fidèle à son habitude, la benjamine sauta au cou de sa sœur pour l'embrasser tandis que Cassildey posais un baiser léger sur sa tempe.
Linaëlle sourit à son frère. Durant l'hiver, ce dernier avait beaucoup grandit et avait gagné en carrure, au grand malheur des couturières du château, qui avaient du lui reconfectionner plusieurs fois sa garde robe. De près, le jeune femme distinguait même quelques poils sur son menton. À presque quinze ans, le jeune homme avait définitivement abandonné les rondeurs de l'enfance pour la silhouette affinée de l'adolescence. Ils discutèrent un moment de Keshet, l'adolescent étant aussi mordu de ce jeu que l'était Sollia et voulant avoir l'avis de son aînée sur une nouvelle stratégie. Énora se désintéressa bien vite de cette conversation, ayant le jeu en horreur, et préféra réclamer un câlin à sa mère qui venait d'arriver. Elmira la fit monter sur ses genoux non sans avoir au préalable embrassé les deux autres. Un par un les convoqués entrèrent et Xavier, bon dernier, verrouilla la porte.
- Bien, commença Malvius quand tous furent installés, tout d'abord sachez que les nouvelles en provenance de Colrith sont bonnes et coïncident en tout point à ce qui était prévu pour le moment.
Un brouhaha de satisfaction parcourut la tablée auquel le Roi mit fin rapidement.
- Le sujet du jour concerne notre potentiel voyage en Elmakan, poursuivit-il. Comme vous le savez, l'Impératrice a accepté de nous rencontrer à Hilarith. Cependant nous n'avons toujours pas donné de réponse officielle. Aussi je le demanderais une bonne fois pour toute : qui est opposé à cette rencontre ?
Seul le silence lui répondit.
- Donc, tout le monde est d'accord ? continua le Roi.
- Je pense parler au nom de tous en disant que j'attend ce voyage avec impatience, Votre Altesse, fit le duc Ol'Martal en frottant ces mains l'une contre l'autre.
- Bien passons donc à l'organisation, annonça Elmira. Qui vient, qui reste, les cadeaux et tout ce qui s'en suit.
La réunion fut longue. Ils s'interrompirent pour le déjeuner quand le ventre de Xavier émis un gargouillis sonore qui déclencha une vague de rire. Ensuite elle s'étira jusqu'au milieu de l'après-midi, chaque point étant discuté et débattu. Le nombre de gardes, de domestiques, d'animaux de compagnie, de présents, ainsi que tout un tas d'autres chose.
Une fois toutes les décisions importantes prises, des rapports furent rédigés et transmis aux personnes concernées afin que toute la hiérarchie soit au courant. L'organisation quelque peu militaire des Malatiriens leur garantissait une efficacité que bien des nobles étrangers leur enviaient. Une fois les ordres transmis, il fallait deux heures au grand maximum pour que tous ceux qui devaient être mis au courant le soit. Il fut décidé qu'ils partiraient dès que Sollia serait revenue ce qui reportait le départ à environ une semaine.
Linaëlle retourna dans ses appartements et troqua sa robe contre une tunique ordinaire et un pantalon brun. Elle avait besoin de se défouler après cette longue réunion et savait exactement où aller. Elle saisit sa Risthero au passage puis sortit rapidement du palais. Arrivée au terrain d'entrainement, elle sourit en apercevant Xavier malmener les gardes avec sa lance. Elle observa un moment le manège de son frère qui neutralisait un par un ses adversaires tout en s'échauffant. Quand elle s'estima prête, elle s'exclama :
- Et si tu t'attaquais à un adversaire à ta taille ?
Il pivota vers elle en souriant :
- Avec plaisir !
La jeune fille le rejoignit au centre du terrain et se mis en garde, pied gauche devant, de trois quart, genoux légèrement fléchis et son épée double tenue à deux mains sur le côté. Son frère l'imita et ils se tournèrent lentement autour. Levant un sourcil le jeune homme lui sourit.
« Tu as du public. » fit il en lui transmettant l'image de Victor et Marie assis au bord du terrain.
« Une motivation supplémentaire pour te mettre une raclée ! » ricana sa sœur.
« Rira bien qui rira le dernier... » rétorqua Xavier.
Sur ces mots, il passa à l'attaque, tentant un coup direct au niveau de l'abdomen. Linaëlle para et répliqua en faisant tournoyer ses lames, visant le cou. La première lame rencontra la hampe de la lance et Linaëlle envoya son genou vers le ventre de son frère. Celui-ci ne rencontra que de l'air, Xavier ayant bondit en arrière. Il profita de son élan pour pivoter sur lui même et fouetter l'air en direction de la tête de la jeune femme. À nouveau, la hampe croisa l'une des lames de la Ristheros. Linaëlle tenta un coup de pied fouetté, qui fut contré et punit par un balayage dans les règles. Elle tomba et roula aussitôt pour se relever, frappant son frère au genou. Déséquilibré, celui-ci recula et Linaëlle contrattaqua aussitôt. Ils continuèrent un moment sans qu'aucun des deux n'aient vraiment le dessus, chacun d'entre eux rompus aux techniques de l'autre. Finalement, Xavier réussit à désarmer sa sœur et arrêta sa lance à quelque millimètres de sa gorge.
- Morte, fit-il essoufflé.
- Je me rends, lui répondit sa sœur dans le même état.
Elle recula et récupéra son arme tombée à terre. Elle gagna ensuite le bord du terrain où les deux enfants la regardaient un peu déçus.
- Tu as perdu, constata Victor d'un ton dépité.
- Oui, on ne peut pas gagner à tous les coups, lui répondit la jeune femme avant de boire dans une gourde que lui tendait un jeune écuyer.
- Ton frère est trop fort pour toi ? interrogea l'enfant.
- Non, parfois c'est lui qui gagne, d'autres fois c'est moi. Nous avons autant de talent l'un que l'autre. D'ailleurs je vais gagner le suivant, leur promis la jeune femme avec un sourire espiègle.
- Oui ! T'es la meilleure ! S'exclama la petite Marie.
Linaëlle lui adressa un sourire et rejoignit le terrain où son frère l'attendait. Ils se remirent en garde et recommencèrent. Linaëlle gagna le second duel au grand plaisir de ses admirateurs qui s'éclipsèrent comme le temps se rafraîchissait. Le frère et la sœur se mêlèrent ensuite aux autres guerriers qui s'entrainaient. Tantôt seul ou à plusieurs, faisant équipe ou chacun pour soi, ils passèrent le restant de la journée à se battre amicalement. Ce n'est que quand le soleil disparut à l'horizon qu'ils quittèrent le terrain et retournèrent au palais, couverts de bleus et d'écorchures en tout genre mais discutant encore avec enthousiasme de techniques de combat.
Linaëlle laissa son frère à la porte des bains et s'offrit un long moment dans l'eau chaude. Ses blessures la picotait désagréablement et elle rentra dans ses appartements par les passages secrets. Arrivée à destination, elle trouva Emily en train de l'attendre.
- Regarde un peu dans quel état tu t'es encore mise, la sermonna la guérisseuse.
- Ça va, ce n'est rien, ne t'inquiète pas.
- Que je ne m'inquiète pas ? Elle est bien bonne celle-là ! Montre moi ça, ordonna Emily.
Linaëlle s'assit sur le lit et laissa Emily s'occuper d'elle. La guérisseuse laissait courir ses doigts sur le corps de la jeune fille tout en râlant.
- Je ne comprends vraiment pas le besoin que vous ressentez de vous taper dessus ainsi. Un bon couteau, un lancer précis et c'est réglé ! Pourquoi vous escrimer à manier ces trucs là ?
La Princesse Héritière haussa les épaules en riant :
- Disons qu'en plein milieu d'une bataille, les couteaux sont moins utiles ?
Emily se contenta d'un reniflement vexé. Elle termina le traitement et laissa la jeune fille s'habiller simplement, puisque ce soir elle dînait seulement avec sa famille. Elle lui brossa les cheveux en douceur et les laissa détachés. Croisant le regard de Linaëlle dans le miroir de la coiffeuse, elle l'embrassa sur le haut du crâne et lui murmura :
- Aller file, tu vas encore être en retard.
- Sottises, j'arrive toujours à l'heure, lui rétorqua la jeune fille en se levant et l'embrassant sur la joue.
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