Chapitre 14 : Du coeur ou de la raison (partie 1)
Linaëlle avait dansé une bonne partie de la soirée. Son père, Cassildey et Noah avaient eu droit à une danse, certains Colrithiens et nobles également. Mais Linaëlle avait passé la majorité de la soirée dans les bras de Xavier. Valse d'ici et d'ailleurs, Bourrée et Passau double, ils savaient tout faire. L'un et l'autre adoraient danser et émerveillaient la cour au grand complet par leur talent. Cette soirée n'avait pas fait exception à la règle.
Malgré l'heure tardive à laquelle elle s'était endormie, la jeune fille avait les yeux grands ouverts avant la dixième heure. Tôt ce matin comme ils le faisaient régulièrement, toute la fratrie s'était endormie dans le grand lit de Xavier. Appuyée contre la tête du lit de son frère aîné, en pyjama, elle regardait ses deux cadets dormir. Énora et Cassildey, enfouis sous les draps, rattrapaient leur nuit malgré le soleil qui éclairait la pièce.
La porte s'entrouvrit et la tête ébouriffée de Xavier passa dans l'ouverture. Linaëlle lui sourit et se leva pour le rejoindre. Elle referma doucement la porte derrière elle et embrassa son frère sur la joue.
« Sollia est déjà levée ? C'est inhabituel de sa part. »
- Ouah pas mentalement Lin, j'ai un mal de tête à tout casser ce matin, grommela son frère.
- La faute à qui hein ? Tu n'aurais pas dû essayer de boire autant que les Colrithiens, ricana Linaëlle.
- Ces gens sont des puits sans fond et ils arrivent à te remplir ton verre en te regardant d'un air innocent, ils sont impossibles, grogna Xavier. Mais pour répondre à ta question, elle a attendu que tout le monde soit endormi pour s'éclipser discrètement je sais pas trop où.
- Et tu n'as pas essayé de savoir où elle allait ? Interrogea sa sœur.
- Mes capacités magiques sont un peu limitées actuellement, grimaça-t-il.
- Oui bon j'ai compris, je vais le faire moi-même et te laisser écouter tes pellicules taper du pied, se moqua Linaëlle.
Son frère lui adressa une nouvelle grimace et sortit de ses appartements probablement en direction des bains.
Linaëlle déploya ses sens magiques et localisa sa sœur dans sa chambre. Elle sourit et emboîta le pas à Xavier mais au lieu de descendre, se dirigea vers l'autre bout du couloir. Elle entra dans les appartements de sa sœur plongés dans l'obscurité. Elle fit appel à ses dons pour ouvrir rideaux et volets dans le salon. Sans même marquer le pas, elle entra dans la chambre et répéta l'opération. Comme elle s'en doutait, sa sœur ne dormait pas seule. Elle s'assit sur le lit et lança :
- Alors bien dormi ?
Une première tête brune émergea de sous les draps en grommelant et Linaëlle marqua un temps de surprise en découvrant l'identité de celle qui partageait le lit de sa sœur. Avec une voix beaucoup moins mélodieuse que la veille, la Princesse Kalioska gémit :
- Par les Dieux, est-ce nécessaire de me réveiller à cette heure ci, Karim ?
- Navrée de vous décevoir mais je ne m'appelle pas Karim, fit Linaëlle en riant.
La Princesse en resta bouche bée de surprise tandis que son amante ouvrait un œil en râlant :
- Lin, tu exagères franchement. Comme si tu ne pouvais pas nous laisser dormir une heure de plus.
Le regard de Kalioska passait de l'une à l'autre de plus en plus stupéfait.
- Elle est au courant pour ... commença-t-elle hésitante.
- Bien sûr qu'elle est au courant, je t'ai déjà expliqué qu'ici ça n'avait aucune importance, grogna Sollia en se levant et en attrapant une robe de chambre.
- Pourquoi ça pose un problème à Colrith le fait que tu préfères les femmes ? interrogea Linaëlle.
Devant la tête choquée de Kalioska, Sollia éclata de rire :
- Je t'avais prévenu, on est beaucoup plus désinhibés à Malatir !
- Euh ... je ... tu ... v-vous ? Balbutia la Colrithienne.
- Je viens de te trouver au lit avec ma sœur, je pense que le vouvoiement ne s'impose plus, si ?
Si Kalioska n'avait pas eu la peau noire, elle aurait été écarlate.
- Linaëlle c'est bon là, arrête, tu vois bien qu'elle est assez gênée comme ça, ordonna Sollia.
- Roooh, c'est vraiment si terrible que ça là-bas ?
- Un peu ! J'ai mis un mois à lui faire accepter la situation, s'exclama son aînée en s'asseyant à côté d'elle.
- Eh ! Je suis toujours là, je vous signale ! les apostropha Kalioska.
Les deux sœurs se tournèrent vers elle et lui adressèrent le même sourire innocent. Elle lâcha un soupir désespéré et retomba dans le lit.
- Personne ne doit savoir, murmura-t-elle, sinon c'est terminé pour moi.
Linaëlle leva un sourcil interrogateur en direction de sa sœur qui secoua négativement la tête, soudain grave.
- L'homosexualité est très mal vu chez elle, expliqua Sollia. Les femmes n'ont pas beaucoup de droits. Kalioska est une exception parce qu'elle est bien considérée par son père et qu'elle a été légitimée. En revanche, si son père apprend ses ... goûts en matière de partenaire, il peut la renier elle et sa mère sans aucun problème. De la part du Roi, ça équivaut à un bannissement à vie du pays.
Linaëlle porta d'instinct sa main à son épaule droite, une habitude qu'elle avait pris quand elle était soucieuse. Cette histoire sentait les ennuis à plein nez. Elle avait étudié les traditions de leurs voisins et effectivement, la situation pouvait devenir catastrophique pour Kalioska si les mauvaise personnes l'apprenaient. Sollia prenait des risques énormes pour un résultat très incertain.
« Je sais ce que tu penses, » intervint celle-ci « Mais c'est différent avec elle, je l'aime vraiment, Lin ! »
« Tu es sûre de toi ? Tu as conscience des complications politiques que cela va engendrer si tu décides d'aller plus loin dans cette relation ?! » demanda Linaëlle.
« Ça fait plus de trois mois que je réfléchis aux conséquences ! Mais il n'y a rien à faire, je l'aime plus que je n'en ai jamais aimé une autre ! Je pense à elle tout le temps, quand je regarde les autres femmes, je ne peux pas m'empêcher de les comparer à elle ! Je ... »
« Oui c'est bon, je crois que j'ai compris merci ! » l'interrompit sa sœur, gênée. « Visiblement tu l'aimes mais est-ce que elle, elle est d'accord ? Est ce qu'elle est prête à renoncer à son pays et à sa famille pour toi ? »
« Pas encore, elle a peur que son père ne se venge sur sa mère et son petit frère. Elle a une bonne dizaine de demi-frères et sœurs prêts à tout pour s'attirer les bonnes grâces de son père, même à les tuer. J'aurais voulu les emmener avec nous mais je n'ai pas réussi, c'est à cause de cela que nous sommes revenus plus tard que prévu. »
Linaëlle soupira. Elle ressentait la colère et le chagrin de sa sœur. Colère contre ceux qui n'acceptaient pas leur différence, chagrin pour un petit garçon à la peau sombre et au grand sourire et sa mère. Mais surtout, elle captait le torrent d'émotion contradictoires qui émanait de Kalioska. À la fois bonheur et regrets, colère et résignation, amour et haine. Elle ne s'étonna plus de la complexité de l'aura de la jeune femme, tout s'éclairait à présent.
Leur conversation mentale, bien que n'ayant durée qu'une poignée de secondes, s'était éternisée suffisamment longtemps pour alarmer la Princesse à la peau d'ébène qui les observait avec inquiétude.
- De la part des nôtres, aussi bien nobles que serviteurs, tu n'as rien à craindre, la rassura Linaëlle. Chez nous on se préoccupe peu de ces choses là. Bien qu'il y est quelques exceptions, chez les nobles les plus conservateurs, ils n'en parleront pas aux mauvaises personnes. Le problème se trouve de ton côté.
- Il faut absolument qu'aucune des personnes qui m'accompagnent, y compris les serviteurs, ne soit au courant. Certains me sont peut être fidèles, mais ils veulent tous être bien vus par mon père même si cela implique de me trahir.
- On se débrouillera pour leur cacher ne t'en fait pas, lui dit Sollia en l'attirant dans ses bras.
La Princesse charismatique se transforma soudain en petite fille fragile. Blottie dans les bras de son amante, les larmes aux yeux, elle déclencha une vague de compassion dans le cœur de Linaëlle. Malgré tous les nobles qui lui faisaient des courbettes et les serviteurs qui l'entouraient, la solitude lui broyait le cœur. Linaëlle croisa le regard de sa sœur. Celle-ci lui renvoya un regard boulversé. Elle s'en voulait d'être indirectement responsable des sentiments de Kalioska.
Linaëlle enlaça à son tour la jeune femme et lui transmis une puissante vague d'affection grâce à sa maîtrise des auras. Presque aussitôt, elle sentit la jeune femme se détendre et s'apaiser. Sollia adressa un regard reconnaissant à sa sœur en voyant l'effet bénéfique de son don.
- Que m'as-tu fais ? interrogea Kalioska.
- J'ai utilisé mes pouvoirs pour alléger tes sentiments négatifs ou plus exactement, je les ai remplacé par des sentiments plus joyeux. C'est un don que peu de gens possèdent à Malatir.
- De ce que je sais, il est beaucoup plus courant en Elmakan, lâcha la Princesse.
- J'ai oublié de te préciser que Lin avait été adoptée quand elle avait sept ans, Tikchia. Elle est tellement bien intégrée à notre famille que j'ai tendance à l'oublier parfois.
- Oh, je te présente mes excuses je ne savais pas que ... enfin je pensais ... balbutia Kalioska. Je suis vraiment navrée pour mon comportement d'hier. Je pensais que tu n'étais pas une enfant légitime.
- Il n'y a pas de mal, ne t'en fait pas. Je ne me souviens pas de ma famille naturelle. Ma famille d'aujourd'hui est la seule que j'ai jamais connue, déclara calmement Linaëlle.
Ce discours laissa la Princesse pensive. Pendant un instant, elle partagea avec les deux sœurs le sentiment d'une vraie famille où personne ne tentait d'assassiner son voisin. Une sérénité qu'elle leur enviait.
Finalement, Sollia brisa le silence apaisé qui s'était installé :
- Il faut que tu retournes dans ta chambre, le reste du château ne va pas tarder à se réveiller.
- Elle peut y aller par les passages, peu de gens y vont, murmura Linaëlle. Je peux même l'accompagner si tu veux, il vaut mieux qu'on ne vous voit pas trop ensemble pour l'instant. Ensuite, bain, petit-déjeuner et réunion au sommet pour prendre les mesures qui s'imposent. De toute façon les principaux nobles qui commercent avec Colrith n'émergeront pas avant la première heure de l'après-midi, on a le temps.
- Oui, ça me paraît correct, acquiesça Sollia.
- Réunion au sommet ? interrogea Kalioska
- Oui, réunion de la famille royale et des
vassaux, plus quelques personnes proches de nous, expliqua Sollia. En général on tient ce genre de réunion en secret. Enfin, secret c'est vite dit... disons que l'organisation est secrète. « Réunion au sommet » est une sorte de nom de code, si tu veux.
- Hmmm... donc je ne suis pas invitée c'est ça ? déduisit la Princesse.
- J'aimerais beaucoup mais non tu ne peux pas venir. Cela paraîtrait étrange que tu participes à une réunion comme celle-ci, chuchota Sollia avant de l'embrasser.
- Navrée de vous interrompre mais il faut vraiment que Kalioska retourne dans sa chambre. Il commence à y avoir du mouvement dans l'aile des invités, fit Linaëlle qui utilisait à nouveau sa magie.
À regrets les deux jeunes femmes se séparèrent. Sollia prêta une robe de chambre à son amante tandis que Linaëlle rassemblait ses affaires éparpillées dans la pièce. Un dernier baiser tandis que la jeune Princesse Héritière ouvrait la porte dissimulée du salon et Kalioska lui emboîta le pas.
Tadaaam ! Le début du chapitre 14 !!! Bon ça y est, la deuxième partie de l'histoire se met en place, ça va commencer à devenir un peu plus mouvementé ^^.
Vous ne m'avez toujours pas répondu, lexique ou pas ?
Comme d'habitude, n'hésitez pas à commenter.
Voili voilou, bisous à tous ^^.
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