Chapitre 13 : Les Enfants du Soleil (partie 1)

Un vent de voleur sifflait dans les rues de Dopalis. Habitués au climat capricieux du pays, les habitants n'y prêtaient pas vraiment attention, se contentant de s'envelopper dans de grandes capes de laines. Le froid n'empêchait pas les soldats de s'entrainer et une Linaëlle trempée de sueur prenait un malin plaisir à faucher les nouvelles recrues de son bataillon encore peu à l'aise avec leur nouvelle arme. Le terrain d'entrainement se situait sur la pointe Ouest de l'île du palais et résonnait du cliquetis des lames et des voix des soldats.

En tant que lieutenant du jeune bataillon des Doubles Lames, Linaëlle s'était vu confier la sélection et l'entrainement des recrues, un poste prestigieux pour une jeune fille d'à peine dix-neuf ans. La raison majeure étant qu'elle était incontestablement l'une des meilleures dans le maniement de l'épée double, la Risthero comme l'appelait les soldats.

Littéralement, ce mot signifiait fourbe ou perfide. Les soldats avaient fini par nommer ainsi cette arme qui avait une fâcheuse tendance à vous asséner un coup avec une extrémité pendant que vous étiez occupé à parer l'autre. Le surnom avait fini par devenir officiel au grand plaisir du bataillon.

Néanmoins, ce jour était jour d'entrainement et Linaëlle paraissait décidée à éprouver un peu ses nouvelles recrues. Seule contre trois, elle tourbillonait, parait, attaquait, volant d'une figure à l'autre en utilisant aussi bien ses coudes et ses genoux que ses lames. Sans surprise, elle se débarrassa rapidement de ses adversaires.

Le premier reçu un coup de genou dans l'estomac qui le plia en deux puis son crâne rencontra un peu brutalement le plat d'une des deux lames de la jeune fille. La  jeune fille pivota et fit siffler sa deuxième lame en direction de son deuxième adversaire qui l'esquiva de justesse. Malheureusement, il ne vit pas revenir l'autre extrémité qu'il prit dans les côtes et il s'écroula sonné. Le troisième n'eut guère plus de chance que les premiers, il para une lame voulu parer la seconde mais reçu à la place un coup de pied aux genoux sur lesquels il tomba. Linaëlle arrêta son arme à quelques centimètres de sa gorge et il se figea.

- Tu commences à bien te servir des deux lames mais tu oublies le reste de ton corps, lui dit Linaëlle en se désengageant lentement. Toi, continua-t-elle en désignant sa seconde victime du menton, c'est l'inverse, tu combattrais à mains nues que l'effet serait le même.

Elle s'approcha du premier combattant toujours allongé à terre. À son approche, il se redressa avec une grimace.

- En ce qui te concerne, c'est ta garde qui pose problème. Tu la tiens trop haute, ce qui laisse le bas  de  ton corps vulnérable.

Les recrues hochèrent la tête pour signifier leur compréhension. Ils savaient que la prochaine fois, la jeune femme observerait leurs progrès dans les domaines qu'elle avait cités. Levant les yeux vers le Soleil, la jeune femme vit qu'il était plus tard qu'elle ne le pensait. Elle chercha des yeux le deuxième lieutenant de la troupe et lui signifia d'un geste l'heure tardive. Tout en assénant un coup de coude dans l'épaule d'une recrue, celui-ci lui signifia son accord d'un signe de la tête. Linaëlle se dirigea donc vers la bordure du terrain et fit sonner la cloche indiquant la fin de l'entrainement. Des soupirs soulagés se firent entendre et Linaëlle esquissa un sourire. Utilisant sa magie pour amplifier sa voix, elle s'adressa à la centaine de personnes qui se trouvaient là :

- Bien, c'est fini pour aujourd'hui. Ceux qui veulent peuvent rester. Le prochain entrainement se fera sans moi, je vous dis donc à la semaine prochaine. Rompez !

- A vos ordres, mon lieutenant ! s'écrièrent plus ou moins en chœur les soldats.

Ils ne tardèrent pas à se disperser et Rémi, le second lieutenant, vint la rejoindre. Il était dans le même état qu'elle, ce qui consola un peu la jeune fille. Brun aux yeux presque noirs, le jeune homme possédait quelques année de plus que Linaëlle et faisait montre d'une habileté presque égale à la sienne dans le maniement de la Risthero. Ils bavardèrent un moment au sujet des recrues puis Linaëlle s'éclipsa en voyant le Soleil continuer sa course dans le ciel. Malgré sa fatigue, c'est au pas de course qu'elle gagnait l'entrée du château quand la voix de son père éclata dans son esprit :

« Par les Dieux, Linaëlle mais que fais-tu ? Ton frère et ta sœur seront là d'ici une heure avec toute la délégation des Colrithiens et toi, tu papotes ?! »

« Ne t'inquiète pas je serais prête à temps. » répondit sa fille calmement.

« Dépêche-toi un peu ! Je ne veux pas avoir à expliquer ton retard ! »

« Parce que selon toi, je ne suis pas en train de me dépêcher là ? » rétorqua-t-elle « Et dis plus tôt que tu ne veux pas gérer la princesse de Colrith seul avec Maman ! »

Un silence dans son esprit puis Linaëlle perçut l'amusement de sa mère qui lui dit :

« Ton père est vexé, je crois. »

« En même temps, c'est de sa faute, il a toujours du mal avec ses barrières mentales ! » se rebiffa la jeune fille.

« Non, ce qui le vexe c'est que tu l'ais percé si facilement à jour, même lui ne peut rien contre ta puissance. » souffla sa mère.

« Il m'en veut beaucoup ? » demanda timidement Linaëlle.

« Non, je crois qu'il est en train de s'apercevoir que tu grandis. » répondit la Reine. « Il serait temps, d'ailleurs. Je dois te laisser, à tout à l'heure. »

La jeune fille resta pensive. Son père l'avait toujours couvée depuis son adoption, comme il couvait ses frères et sœurs d'ailleurs. Il avait beaucoup de mal à les laisser mener leur vie comme ils le voulaient. Toujours inquiet qu'il leur arrive quelque chose malgré les nombreuses preuves de leurs diverses compétences, un vrai papa-poule ! Linaëlle savait qu'il ne pourrait s'empêcher de verser une larme en voyant arriver ses deux aînés sains et saufs. Comme si Sollia et Xavier risquait quelque chose à Colrith !

Linaëlle laissait dériver ses pensées, plongée dans l'eau chaude des bains. Ils étaient déserts, tout le monde attendant l'arrivée de la délégation. Vêtue d'un peignoir, la jeune fille prit les passages secrets, plus tellement secrets, pour regagner sa chambre afin d'éviter les cohortes de serviteurs sur le pied de guerre afin d'accueillir au mieux les Colrithiens. Arrivée à destination, elle pénétra dans ses appartement par la porte dérobée derrière la bibliothèque et tomba nez à nez avec une Sophia impatiente.

- Enfin te voilà ! s'exclama celle-ci. J'ai cru que tu n'arriverais jamais !

Sans plus de cérémonie, elle prit la jeune fille par la main et l'emmena dans sa chambre où tout était déjà prêt. Sans la moindre gêne, Linaëlle enleva son peignoir. Sophia la connaissait depuis son arrivée et la nudité en Malatir gênait rarement en privée.Elle enfila ses sous vêtements puis la robe que Sophia lui avait préparé. Celle-ci la fit ensuite assoir devant sa coiffeuse et se mit à démêler les cheveux blonds de la jeune princesse, qu'elle coiffa ensuite avec des gestes experts et déposa ensuite un cercle d'argent sur son œuvre.

Fin prête, la jeune femme se regarda dans le miroir en pied juste à côté. Celui-ci lui renvoya l'image d'une jeune fille d'environ un mètre soixante-dix aux grands yeux verts, aux sourcils expressifs et au menton volontaire avec un grain de beauté sur la joue gauche. Elle portait une longue robe bleue en soie  brodée de spirale argenté qui lui dénudait les épaule comme le voulait la mode du moment à la cour. La robe cintrée montrait sa taille mince et avait l'avantage de mettre un peu en valeur la poitrine plutôt plate de la jeune femme. Sur son bras gauche s'enroulait le dragon de Malatir, en argent et vert. Ses cheveux blonds s'enroulaient autour d'un bandeau de cuir souple en une sorte de chignon bas, la partie visible du bandeau camouflé par son diadème de Princesse Héritière.

Elle dût reconnaitre que Sophia avait exécuté un travail remarquable étant donné le peu de temps dont elle disposait. Celle-ci se trouvait justement derrière elle avec la boîte à bijoux de la jeune fille dans les mains.

- Tu veux mettre quelque chose ? lui demanda-t-elle

- Non ça ira, les tenues de nos invités seront déjà suffisamment surchargées comme ça, fit la jeune fille en riant.

- Certes, rit Sophia en reposant la boîte sur la coiffeuse.

Linaëlle chaussa une paire de ballerine bleue avec un léger talon.

- Tu n'en veut pas des plus hautes ? interrogea la domestique en désignant les chaussures du menton.

- Non, surtout pas ! Je ne pourrais jamais danser avec dix centimètres de talon, s'exclama la concernée.

- Comme tu voudras. Bon, inspection des troupes, déclara Sophia en lui tournant autour.

- Bien chef, rigola la jeune princesse. Alors ton verdict ?

- Tout est bon, tu peux y aller. Tu es superbe, lui dit Sophia en l'embrassant sur le front. Et maintenant, file !

Avec un dernier gloussement, la jeune fille traversa la chambre puis le salon et dévala les escaliers aussi vite que lui permettait sa tenue. Au premier, elle retrouva Fiona et Noah, tout deux habillés et coiffés de pied en cap. Si Noah avait opté pour un costume noir relativement sobre qui mettait en valeur sa carrure et ses yeux noirs également, Fiona affichait une robe de soie d'un rouge éclatant. Dénudant ses épaules comme celle de sa suzeraine, la robe était en plus légèrement décoltée ce qui faisait ressortir la poitrine généreuse de la jeune femme.

- Eh bien, on a cru que tu n'arriverais jamais, fit Noah moqueur.

- Sottises, j'arrive toujours à l'heure, déclara la princesse.

Elle se dirigea vers la salle du trône, louvoyant entre les nobles qui attendait impatiemment de pouvoir entrer. Malgré les manœuvres périlleuses, elle gardait une allure assurée et mesurée, avec pour effet d'écarter tout les gens nobles ou pas de son chemin. Un pas derrière elle comme le voulait le protocole, Fiona et Noah la suivait adoptant eux aussi ce qu'ils appelaient leur "marche d'apparat". Arrivés devant les grandes portes dorées grandes ouvertes, ils entrèrent tandis que le héraut annonçait de sa voix magiquement amplifiée :

- La Princesse Héritière Linaëlle et ses vassaux, Fiona Mardal et Noah Éol'Almir !

La salle, déjà bondée, s'inclina sur le passage de la jeune femme et ses compagnons. Ils remontèrent d'un même pas, Fiona et Noah toujours un pas derrière, le tapis bleu et or. Linaëlle gravit les marches tandis que ses vassaux s'installaient sur les sièges à leurs pieds. Arrivée sur la sixième, elle s'arrêta et adressa un regard à ses parents au sommet des marches puis pivota sur la gauche pour se diriger vers le trône qui lui était destiné.

Il y avait sept trônes en tout. Deux au sommet des marches, identiques et destinés au Roi et à la Reine. Trois pour le Prince et les Princesses Héritiers, identiques également, respectivement sur la huitième, septième et sixième marche et répartis en alternance à droite et à gauche. Enfin, les deux derniers se trouvaient sur la deuxième marche. Simplement taillés et polis dans du marbre blanc, ils étaient réservés à Cassildey et Enora qui, n'ayant pas encore dix-huit ans, ne pouvait prétendre au titre d'Héritier.

Ceux-ci entrèrent d'ailleurs dans la foulée. Chaque membre de la famille royale étant présent, ils s'assirent ensemble quand Enora arriva devant son trône.

« Je m'ennuie déjà. » soupira Cassildey tandis que les nobles entraient en rangs indisciplinés.

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