Chapitre 12 : L'Ecole des prodiges (partie 1)
- Lin ?... Liiin !... Liiiinaaaaëëëlle ! Aller ! Réveille-toi !
- Grmbl ! Enora, laisse-moi tranquille !
- Mais tu as promis de m'emmener visiter l'Ecole aujourd'hui !
Linaëlle ouvrit un œil et croisa le regard de sa petite sœur. A califourchon au-dessus d'elle, elle tentait de la réveiller. Avec un soupir elle ouvrit l'autre œil et demanda :
- Quelle heure est-il ?
- La septième heure est déjà bien entamée, lui répondit Enora.
Son aînée poussa un gémissement plaintif et enfouie sa tête sous les draps. La fillette répliqua en sautant sur le lit.
- Alleeeeer ! Lève-toi !
Brusquement, Linaëlle repoussa les couvertures et se jeta sur sa petite sœur. Elle la fit tomber sur le lit et se mit à la chatouiller. Enora hurla de plaisir et se tortilla pour échapper à la torture. Elle réussit à saisir un oreiller qu'elle abattit de toute ses forces sur la tête de sa tortionnaire.
- Hmm ! Gnnne ! fit Linaëlle la tête dans l'oreiller.
Elle libéra Enora qui se réfugia à l'autre bout du lit, encore essouflée. Rejetant l'oreiller, elle adressa un regard faussement fâché à Enora. La benjamine de la famille royale avait les cheveux roux et les yeux bleus de son père mais avait hérité des traits fins de sa mère, notamment de ses pommettes et de son nez légèrement retroussé. Pleine d'énergie, elle avait révélé des dons magiques particulièrement précoces du haut de ses onze ans. C'est pourquoi elle devait suivre des études à l'Ecole des Mages où Linaëlle ancienne élève et habituée des lieux avait promis de l'emmener. Celle-ci passa sa main dans ses cheveux blonds en bataille et soupira :
- Bon d'accord tu as gagné, on ira après le petit-déjeuner avec Fiona.
- Hourra ! fit la fillette en lui sautant au cou et en lui collant un baiser sonore sur la joue. T'es la meilleure des petites grandes sœurs !
Linaëlle ne put s'empêcher de pouffer devant l'expression enfantine. Enora l'employait pour pouvoir dire à ses deux sœurs aînés qu'elles étaient les meilleures. Cassildey avait donc droit à la version masculine de cette phrase. Elle embrassa à son tour la petite sur la joue et celle-ci sortit en sautillant pour aller se préparer. Après avoir rassembler son courage pour se lever aussi tôt un jour de congé, Linaëlle lui emboîta le pas et se dirigea vers les bains au rez-de-chaussée, ses habits sous le bras. D'une pression mentale, elle réveilla Fiona qui manifesta un manque d'enthousiasme flagrant.
« Quelle idée tu as eu de lui dire ça hier soir ! Nous voilà réveillée à l'aube un Delthéym ! » gémit-elle mentalement quand Linaëlle l'eut réveillé.
« Plains-toi ! Toi au moins tu n'as pas été réveillé par une petite tornade rousse ! » rétorqua sa suzeraine.
« Tu marques un point, » rigola Fiona « Je te rejoindrai aux cuisines. »
Delthéym le huitième jour de la semaine, étant un jour de repos pour tous, Linaëlle croisa peu de monde dans les couloirs. Après avoir fait trempette un moment, elle s'habilla simplement, tunique bleu ciel, sa couleur préférée, et pantalon de toile crème. La jeune fille se dirigea ensuite vers les cuisines bien moins bruyantes qu'en semaine. En effet, seule une équipe réduite s'occupait des fourneaux. Elle fit le tour de la vaste pièce calme bien que déjà surchauffée en piochant de ci de là les aliments composant son petit déjeuner et celui de Fiona. Leur menu se composait de galettes d'avoines, confiture de fraise et jus de fruits. Saluant au passage Milo et ses commis, elle s'assit à la solide table en pierre qui occupait les lieux sur presque toute la longueur de la pièce. Elle attaquait son repas quand elle perçut l'approche de Fiona et se retourna pour accueillir sa vassale et amie.
Extravertie et pleine d'humour, Fiona avait le même âge que sa suzeraine. Mage de talent et métamorphe, elle aimait Linaëlle comme une sœur. Elle portait aujourd'hui une robe en soie verte. Plus grande qu'elle, elle avait le teint pâle et les yeux violets des gens du Nord du pays. Un nez légèrement aplati et des joues rebondies lui donnaient l'air plus jeune qu'elle ne l'était. Elle compensait cela par des formes généreuses et une culture sans limites. La seule fausse note venait de ses cheveux. Châtains d'origine, ils étaient parsemés de mèches vertes. Ce vert était le résultat d'une expérience des deux jeunes filles durant leurs deuxième cycle à l'Ecole des Mages, une potion de coloration trop chaude qui avait produit du gaz en quantité étonnante.
Elles avaient d'ailleurs repeint tout un couloir du sol au plafond avec ce très joli vert herbe. Malheureusement, si la couleur avait fini par s'effacer de leurs peaux à force de bains répétés, elle n'avait jamais totalement disparu des cheveux de Fiona. Celle-ci s'en fichait éperdument, elle s'était bien plus inquiétée des nombreuses heures de punition que leur avait valu cet incident. Membre de la famille royale ou pas, Linaëlle avait écopé d'une punition aussi sévère que celle de son amie. Elles avaient donc passé de nombreuses heures à nourrir les nombreuses créatures de l'Ecole, nettoyer les salles de classes et trier les livres de la Bibliothèque, non sans en profiter pour jouer quelques tours de leur cru avec plus de discrétion que la fois précédente.
Souriant à ses souvenirs, Linaëlle croisa le regard amusé de Fiona qui suivait le fil de ses pensées. Elle s'embrassèrent en riant et déjeunèrent en se remémorant d'autres souvenirs de l'Ecole. Elles finissaient de manger quand Elmira entra dans la pièce. Si la Reine de Malatir avait vieilli de douze ans, rien dans son physique ne le trahissait hormis de fines rides aux coins des yeux et quelques mèche argentées sur les tempes. Linaëlle se leva pour frotter affectueusement son nez contre celui de sa mère. Elmira se levait toujours tôt, une habitude qu'elle avait gardé de sa vie militaire. Néanmoins, elle s'étonna de trouver les deux jeunes filles levées :
- Eh bien, vous êtes tombées du lit ce matin les filles ?
- Non, on a été réveillées par la tempête Enora, répondit Linaëlle en riant.
- Correction, tu as été réveillée par ta sœur et tu m'a réveillée pour que je t'accompagne, le tout alors que la huitième heure n'avait pas encore sonné ! râla Fiona.
- Ah j'aurais dû deviner que vous ne pouviez pas vous être levées aussi tôt spontanément, rit la Reine. Où allez-vous de si bon matin ? demanda-t-elle après un moment.
- J'ai promis à Enora que je lui ferai visiter l'Ecole mais comme Fiona est une vassale exemplaire, elle a décidé de m'accompagner, n'est ce pas ? répondit Linaëlle.
- Oui bien sûr, c'est évident, ricana la concernée.
Comme à chaque fois qu'on lui rappelait son statut auquel elle ne semblait toujours pas habituée depuis plus d'un an, elle porta la main à sa clavicule où se dessinait à l'encre noire un dragon en vol, symbole de son serment envers Linaëlle.
- Noah ne vient pas avec vous ? interrogea Elmira
Les deux jeunes filles pouffèrent à l'unisson avant que Linaëlle ne réponde.
- Si Noah se lève avant la douzième heure, se sera un exploit ! Il ressemble à un ours grognon quand on le réveille un Delthéym !
Elmira prit un air faussement outragé puis rit de bon cœur avec les deux filles. Celles-ci se levèrent et débarrassèrent leur vaisselle avant de saluer Elmira et de se diriger vers la cour intérieure du palais.
Là, elles retrouvèrent Enora. Adossée à un mur, la fillette se balançait d'un pied sur l'autre en guettant leur arrivée. Elle s'élança vers elle dès qu'elle les aperçut.
- Enfin ! Je me demandais quand est-ce que vous alliez vous décider, ça fait presque un quart d'heure que j'attends ! J'ai trop hâte d'y aller ! Bonjour Fiona ! Tu viens avec nous ? C'est trop bien !
Elle débitait ses paroles à une telle vitesse que Linaëlle ne put s'empêcher de lui dire :
- Pense à respirer quand même.
- Quoi ? demanda-t-elle
- Déjà on ne dit pas quoi, on dit "comment" ou "pardon", la reprit sa sœur, ensuite, tu parles tellement vite que tu ne respires même plus, c'est pour ça que je t'ai fait la remarque.
- Ah désolé, c'est juste que je suis trop contente qu'on y aille ! fit la petite en trépignant.
- C'est bizarre, j'avais pas remarqué, gloussa Fiona.
- Bon aller, en route toutes les deux, autant y aller à pied et profiter du beau temps.
En effet, le début de l'automne se montrait encore très chaud et ensoleillé. Elles sortirent dans le parc qu'elles traversèrent vers le pont Sud. Saluant les gardes en faction, elles indiquèrent leur destination. Aussitôt, une demi-douzaine de gardes vinrent les encadrer pour les escorter. Ils descendirent la grande avenue qui coupait en deux le quartier Ouest de la ville, celle-là même que Linaëlle avait prise le jour de son arrivé à Dopalis. Les tours de l'Ecole se profilaient déjà au-dessus des toits des habitations et bientôt, le bâtiment serait visible tout au bout de l'avenue.
Malgré l'heure matinale et le soleil encore bas sur l'horizon, la cité était déjà en pleine effervescence. Les gens saluaient les jeunes princesses en les apercevant. Ils levaient leurs couvre-chefs, s'inclinaient ou adressaient une révérence ou un signe de la main au convoi. Pour leur plus grand plaisir, les jeunes filles répondaient à leur salut en agitant la main où en hochant la tête. La popularité de la famille royale n'avait d'égale que le profond respect que leurs sujets leurs vouaient. Si le Roi Althis gouvernait grâce à sa sévérité, son fils gouvernait grâce à son charisme et il apprenait à ses enfants à faire de même. Cela leur valait l'amour du peuple et cela valait plus que tout l'or du monde.
En effet, on se préparait l'air de rien à fêter le retour du Prince Héritier Xavier et de la Princesse Héritière Sollia qui serait de retour avec une délégation venue de Colrith, pays au sud de Malatir. Un nouveau traité venait d'être signé entre les deux nations, renforçant des liens qui existaient depuis près d'un siècle. Linaëlle se réjouissait du retour de ses deux aînés. Elle ne les avait pas vus depuis près de trois mois et même si ils avaient communiqué mentalement, ils lui manquaient. Les liens entre les princes et princesses de Malatir étaient très fort, mais ils l'étaient encore plus entre les trois aînés. Pour l'heure, Linaëlle devait se concentrer sur la benjamine de la famille. Enora s'était brusquement calmée en voyant grandir l'immense bâtiment de l'Ecole. Elle cramponnait désormais la main de sa sœur, mi-impressionnée, mi-effrayée. Son aînée lui adressa un sourire encourageant auquel elle répondit par un sourire crispé.
- Ne t'inquiète pas sauterelle, tu t'y feras, ce n'est pas si grand que ça, fit Fiona en lui tirant affectueusement sur une de ses couettes.
Elles franchirent la vaste esplanade qui entourait le bâtiment, leur escorte sur les talons. Devant les marches menant aux immenses portes dorées qui reflétaient le soleil, les soldats s'inclinèrent et se retirèrent, les laissant s'approcher seules.
Hey ! Ce chapitre est vraiment trooop long donc je l'ai coupé en deux pour le publier. (En plus ça me permet de prendre un peu d'avance sur la suite...) Du coup voilà la suite des aventures de Linaëlle qui sont je vous l'accorde relativement calmes pour l'instant.
Bisous à tous !
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