Bonus 40k : Jolie bêtise
– Comment cela, « vertes de la tête aux pieds » ? s'exclama Elmira.
– Eh bien, c'est comme je vous le dis, Votre Altesse. Personne n'a vraiment compris comment elles s'y sont prises mais le résultat est là.
– Où sont-elles actuellement ? s'agaça la Princesse Héritière.
– Dans le bureau de la Directrice, Votre Altesse.
– Amenez-moi Linaëlle dès qu'elle sera libérée, verte ou pas !
– Bien, Comman... euh, Votre Altesse.
L'ancienne Commandante salua le soldat et lui donna son congé avant de soupirer. De tout ses enfants, Linaëlle était probablement la plus sage. En revanche elle compensait la quantité par la qualité de ses bêtises.
– Ne soyez pas trop dure avec elle, Elmira. Elle va déjà passer un moment très désagréable avec Amalicia... commença le Roi, assis dans un fauteuil.
– Elle recevra la punition qu'elle mérite, assena la femme.
– Vous...
– Pas d'objection, je vous en prie ! Ce n'est pas parce que vous lui passez tout que je dois faire de même. Et même apprendre à cohabiter avec un Dragon ne justifie pas de repeindre l'intégralité d'un couloir en vert feuille du sol au plafond !
Un sourire en coin étira les lèvres du Roi quand il répéta :
– Tout un couloir ? Impressionnant.
– Ne vous avisez surtout pas de la féliciter ! se récria sa belle-fille.
– Je n'irai pas jusque là, la rassura le monarque. Néanmoins, vous admettrez qu'il est rare à son âge de développer une telle puissance, sans que cela ne tienne à de la Haute Magie.
– C'est justement pour cela qu'elle se doit d'être prudente et le plus irréprochable possible. À chaque fois qu'elle commet une bêtise, cela prends des proportions gigantesques.
Pour appuyer son propos, elle jeta un œil par la fenêtre qui donnait sur la cour intérieure. En face, l'aile Ouest, où l'on pouvait encore voir les traces de la première métamorphose de l'enfant.
– L'erreur est mienne dans ce cas, murmura le Roi en suivant son regard. J'aurais dû reconnaître les symptômes, mais têtu, je ne voulais pas admettre qu'elle puisse avoir hérité du don, du fait de son adoption.
– Il n'empêche, elle ne fait jamais les choses à moitié, soupira Elmira.
– C'est à nous de nous assurer qu'elle sache prendre les bonnes décisions, dans ce cas.
La femme hocha la tête. En silence, elle regagna son siège et se plongea dans l'étude d'un projet de rénovation du quartier fluvial.
– Qui était l'autre ? demanda soudain son beau-père.
– Je vous demande pardon ? s'enquit Elmira, en relevant les yeux de ses documents.
– La complice de Linaëlle, précisa-t-il.
– Ah, fit Elmira, comprenant qu'il était resté sur la bêtise de sa petite-fille. Elle s'appelle Fiona. C'est une enfant très douée, même si elle ne possède pas une puissance importante. Elle est d'âge avec Lin', à quelques mois près.
– Elles s'entendent bien, toutes les deux ?
– Plutôt oui, s'amusa la femme.
Un sourire releva le coin des lèvres du Roi.
– Que savez-vous d'autre à son sujet ?
– Elle vient d'une famille modeste des alentours de Gimolkan. Pourquoi ces questions ? s'inquiéta la Princesse Héritière.
– Le jour de ses dix-huit ans, elle devra choisir des vassaux, l'éclaira le Roi.
– N'est-elle pas un peu jeune pour commencer à y penser ? s'étonna Elmira.
– Ces choses-là se décident bien plus longtemps à l'avance que vous ne pourriez le croire, s'amusa le monarque. Malvius a quasiment grandi avec Peter. Moi-même j'ai rencontré les miens quand j'étais très jeune. Autrefois, ce genre de distinction était réservé aux enfants nobles souvent pour remercier la famille ou justement qu'elle doive une faveur à la couronne. Mais finalement, nous avions fini par oublier l'essence même de ce rôle, qui est de protéger et servir l'Héritier. Et qui de mieux pour protéger quelqu'un qu'un ami cher à son cœur ? Vous avez nommé Manahau de la même façon.
– N'exagérons rien, elles ne sont pas proches à ce point, tempéra la femme.
– Connaissez-vous le prénom d'un autre camarade de classe de Linaëlle ?
– Non mais...
Son beau-père l'interrompit en secouant doucement la tête :
– Linaëlle a un statut très particulier à l'École. Tant bien même tout le personnel et les élèves font de leur mieux pour la traiter comme les autres, personne ne peut oublier qui elle est vraiment. Les gens chercheront forcément à se rapprocher d'elle pour entrer dans nos faveurs. Ce qu'ils ne savent pas, c'est que notre jolie Princesse, avec son don d'auras, voit très clairement dans leur jeu. Si elle vous a déjà parlé de Fiona, c'est que la petite n'a pas calculé son approche, et qu'elles sont amies.
– Vous avez l'air très au courant de ce qu'il se passe entre les murs de l'École, hasarda l'ancienne Commandante.
– D'où croyez-vous que Malvius tienne son instinct protecteur ? Je sais tout ce qui concerne Linaëlle. Je sais que malgré ses efforts, elle a peu de vrais amis.
– Elle n'en parle jamais, se désola Elmira. J'ai évidemment envisagé la chose, mais je ne pouvais me douter que cela allait aussi loin...
– Si elle ne s'en plaint pas, c'est que Fiona lui suffit. Ou l'aide à supporter les évènements. Je vais me renseigner sur cette petite. Mais à mon avis, notre petite Dragonne ne l'a pas choisi au hasard.
– Je ne sais pas si les laisser faire les quatre cents coups ensemble est une bonne idée, hésita la femme.
– Il faut bien que jeunesse se passe, ma chère. Ne dites rien, je sais ce que vous aller répondre, sourit-il en levant une main. Néanmoins vous admettrez que tous les enfants du monde font des bêtises. Elle n'est certainement pas la première ni la dernière. Alors oui, peut être que les siennes sont un peu plus graves que celles des autres. Heureusement, elle a des parents qui prennent soin de la recadrer quand il le faut et qui ont les moyens de réparer les dégâts.
La réflexion arracha un sourire à sa belle-fille. Elle savait que cette phrase sous-entendait que lui-même était probablement trop laxiste avec ses petits-enfants. Mais elle voyait aussi danser dans ses yeux les souvenirs de sa femme et de ses filles quand il les regardaient.
L'enchantement de Iatus l'avait poussé à déclarer une guerre pour venger sa famille, mais un tel sort ne s'enracinait que dans un terreau adéquat. La tristesse et la fureur d'Althis était et serait probablement toujours bien présente face à l'injustice que représentait pour lui la perte brutale et injustifiée des trois femmes de sa vie.
On toqua à la porte, interrompant ses réflexions. Le Roi autorisa l'entrée, et deux gardes franchirent la porte, précédant deux petites silhouettes entièrement couvertes de vert. L'ancienne Commandante marqua un temps d'arrêt. Elle n'avait pas préciser qu'elle voulait voir les deux fillettes.
Les magiciens n'avait pas exagéré, les deux petites filles avait viré au vert feuille de la racine des cheveux jusqu'au bout des orteils, vêtements inclus. Seuls leurs yeux se démarquaient, surtout les jolies prunelles violettes de Fiona.
– Laissez-nous, ordonna le Roi, un sourire dans la voix malgré tout ses efforts.
Elmira lui jeta un regard d'avertissement, bien qu'elle retenait elle-même un gloussement. Elle posa ensuite un œil sévère sur les deux enfants qui observaient leurs pieds. Amalicia n'avait pas dû y aller en douceur.
– J'espère que vous avez compris que ce que vous avez fait est grave, les gronda la femme. Non seulement vous avez pris du matériel et des ingrédients qui n'était pas à vous, mais en plus, vous auriez pu vous blesser en ratant la potion. Sans compter le fait que tout un couloir avec des tapis et des tableaux ayant au moins dix fois votre âge ont été dégradés à cause de votre bêtise.
– On a compris, Maman, murmura Linaëlle les yeux toujours baissés.
– La Directrice vous a puni ? interrogea Elmira, impitoyable.
Elles hochèrent la tête de concert. La petite Fiona les mains serrées dans le dos, faisait de gros efforts pour trembler le moins possible. La femme pris conscience qu'elle devait être terrorisée. Prendre le même jour une remontrance par la Directrice puis par la Princesse Héritière effrayerai n'importe quel adulte. Alors une enfant de son âge...
– Fiona... commença-t-elle.
– Maman, ne la renvoie pas, s'il te plaît ! s'exclama sa fille en s'accrochant soudain à sa taille, des larmes pleins les yeux. Elle n'a rien fait, c'est moi qui ai eu l'idée et qui ai volé les ingrédients dans la salle de maître Rokiel !
– Je ne vais pas la chasser, Linaëlle, mais vous devez comprendre...
– Ce n'est pas elle, je t'ai dit ! Ce n'est que moi, ce n'est pas sa faute ! l'interrompit Linaëlle.
– Ne m'interrompt pas quand je te parle, la rabroua sa mère en fronçant les sourcils.
Sa fille la lâcha et se campa entre son amie et elle.
– Pardon, Maman...
« Elle protège Fiona parce qu'elle sait qu'elle peut perdre sa bourse avec un manquement au règlement aussi énorme. » l'informa le Roi qui s'était fait discret dans son fauteuil.
« Comment ? »
« Vous, Malvius, Amalicia ou moi pouvons décider à tout instant de retirer le droit à cette enfant de toucher de l'argent pour étudier à la capitale et la renvoyer de l'École. » lui expliqua le monarque. « Amalicia a dû évoquer la chose pour les convaincre de se tenir correctement. Comme vous les convoquez dans la foulée, elle pense sans doute que vous voulez renvoyer Fiona. »
« Mais ce n'est pas du tout mon intention ! » se récria Elmira.
« C'est l'impression que vous leur donnez. »
La femme délaissa sa conversation mentale avec son beau-père pour analyser brièvement la situation et décida de rassurer Fiona sur son sort. La petite avait l'air prête à s'effondrer.
– Je ne vais renvoyer personne, assura-t-elle calmement.
– Merci, Madu ! s'exclama Linaëlle en voulant se jeter dans ses bras.
Sa mère la maintint à distance d'un bras.
– En revanche, je veux que vous compreniez la gravité de votre bêtise, réitéra la femme. Les règles ne sont pas uniquement faites pour nous embêter, mais surtout pour nous protéger. Vous auriez pu déclencher quelque chose de grave et vous faire très mal. Est-ce que vous comprenez ?
– Oui, Madu.
– Et toi, Fiona ?
La concernée leva des yeux effrayés sur la Princesse Héritière et hocha vivement la tête.
– Je veux t'entendre le dire, insista Elmira.
L'enfant pâlit plus que l'ancienne Commandante l'aurait cru possible et prit une grande inspiration avant de balbutier :
– Je... J'ai compris Ma... Me...
– Le titre que tu cherches est : Votre Altesse, la renseigna gentiment Elmira.
Une nouvelle inspiration et la petite répéta d'une petite voix :
– J'ai compris, Votre Altesse.
– Bien, la félicita la femme.
Reprenant un air sérieux, elle demanda :
– Combien d'heures de punition vous a donné Amalicia ?
– Vingt-quatre, souffla sa fille.
– J'en rajoute seize dans ce cas, assena fermement Elmira.
Les deux enfants sursautèrent et Linaëlle leva des yeux indignés.
– Mais, Maman... commença-t-elle.
– Pas de « mais », Linaëlle, la coupa sa mère. Cela vous permettra de réfléchir aux conséquences de ce que vous avez fait. Et vous les ferez sans rechigner. Me suis-je bien faite comprendre ?
– Oui, Maman...
– Oui, Votre Altesse.
La Princesse Héritière s'approcha, releva le menton des deux fillettes et les regarda un instant.
– Je ne fais pas ça par plaisir, je veux que vous le compreniez. Ce que vous avez fait est grave, essentiellement parce que c'était très dangereux pour vous. Les règles ne servent pas à nous priver de ce que l'on a envie, mais aussi à nous protéger des dangers que nous ne sommes pas capables d'affronter. À petite ou grande échelle, un manquement au règlement peut mettre tout le monde en danger. En tant que futures magiciennes, il vous est d'autant plus essentiel de respecter les interdictions des autres. De plus je suis sûre que la Directrice saura occuper vos heures supplémentaires de façon constructive.
Leurs grimaces l'obligèrent à retenir un sourire. Elle avait conscience du regard de son beau-père dans son dos, mais comme souvent, ses pensées lui demeuraient hermétiques. Les mains d'Elmira passèrent dans les cheveux des deux enfants et son expression s'adoucit.
– Maintenant, au bain toutes les deux, vous n'allez pas rester comme ça.
Une petite main dans chacune des siennes, la Princesse Héritière les entraina jusqu'au rez-de-chaussée. Fiona ouvrait de grands yeux mi-émerveillés, mi-apeurés tandis qu'elles traversaient les couloirs du château.
Elmira les envoya dans le petit bassin et les rejoignit pour les aider. L'eau autour d'elles ne tarda pas à se colorer de vert tandis qu'elles frottaient presque à s'en irriter la peau. Deux domestiques vinrent déposer du linge et une lotion spéciale qui finit par venir à bout de la teinture.
En revanche, les cheveux des deux petites restèrent d'un vert bien vif malgré leurs efforts. Seul le temps et les lavages répétés viendrait à bout de leurs mèches couleur émeraude.
Propre comme un sou neuf, les mains et les pieds fripés et habillée des vêtements de Linaëlle, Fiona semblait appréhender la suite des évènements tandis qu'elles marchaient dans les couloirs.
– Je vais devoir rentrer, Votre Altesse... hésita-t-elle en levant bravement les yeux sur Elmira.
L'ancienne Commandante jeta un œil au dehors. Le soir tombait et les portes du château se fermaient. Elle ne pouvait décemment pas renvoyer une petite de son âge à travers les rues sans rien dans le ventre. De plus, elle se doutait que les responsables de l'internat serait sans pitié au vu du nombre d'heures de punition qu'elle venait de recevoir.
– Que dirais-tu de rester ici, ce soir ? interrogea la femme. Je suis sûre que Linaëlle ne verra aucun inconvénient à partager son lit.
La jeune magicienne la dévisagea un instant, l'air de se demander où se situait l'arnaque. Sa méfiance attrista Elmira, qui ne pouvait cependant pas lui en vouloir. Muette, Linaëlle observait attentivement la scène.
Avisant un banc, la Princesse Héritière s'assit et attira la petite fille sur ses genoux. Fiona glapit de surprise et l'observa de ses grands yeux effrayés. Son comportement lui rappela soudain le sien, au même âge, des années auparavant. Raide entre ses bras, elle se demandait encore ce qui allait lui tomber sur le coin du nez.
– Je ne te veux pas de mal, la rassura Elmira. Je t'ai grondée, mais j'ai aussi grondé Linaëlle, pourtant c'est ma fille et je l'aime plus que tout. Elle et toi êtes amies et tu seras toujours la bienvenue parmi nous, Fiona. Je sais que tu n'as pas l'habitude de côtoyer la Cour et de te promener dans le palais, mais tu n'as rien à craindre ici. Personne ne va te manger, c'est promis.
L'enfant se détendit un peu et posa doucement sa tête sur son épaule, prête à bondir à la moindre menace. Son amie grimpa sur le banc et se blottit contre sa mère, une main venant saisir la sienne.
– Je peux vraiment rester ? s'assura Fiona sans bouger.
– Évidemment. Tu pourras même revenir quand tu veux passer du temps avec nous, lui confirma la Princesse Héritière en l'embrassant dans les cheveux.
– Merci... articula la petite magicienne en se serrant contre elle.
Il y avait des dizainesde mots derrière ces cinq lettres, des mots qu'elle n'arrivait pas à exprimer.Le regard d'Elmira tomba sur Linaëlle, les yeux pleins de larmes, qui laregardait avec toute la gratitude et l'amour contenu dans son petit cœur. Avecla certitude qu'elle avait gagné une future alliée indéfectible, l'AncienneCommandante passa un bras autour de sa fille pour l'inclure dans leur étreinteet les berça doucement.
Plop vous ! Oui je sais, je suis un peu en retard vu que ce tome a DEJA dépassé les 42k, mais bon, mieux vaut tard que jamais ! (à ce rythme je vais bientôt devoir me mettre à celui des 50k XD)
Alors, qu'avez vous pensé de ce petit supplément d'infos ?
Bisous à vous et à la prochaine fois :).
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