Encore une bataille, et encore un duel


Une ligne de fruits exotiques leur barra la route. JB fut contraint de s'arrêter. Gorzül sauta à terre et jaugea la situation pendant plusieurs secondes.

« Vous ne passerez pas ! dit un grain de raisin d'une petite voix aiguë.

— Ça va être compliqué, dit JB.

— Le Clan des Fruits, dit Gorzül. La garde rapprochée de Rodolphe-Albert. Nous sommes donc presque arrivés à lui.

— Euh, ça ne m'étonne pas, son QG est à deux cent mètres.

Les murailles du château leur faisaient face. En parallèle des combats, les ombres y menaient une lutte silencieuse, attisées par les flammes et les illuminations récurrentes.

Un son de cor retentit de nouveau.

— Et là, dit JB, c'est qui ?

— Toujours les huîtres. Rodolphe-Albert est encerclé. Nous y sommes presque !

— Reste à accéder au château.

Gorzül jaugea les fruits.

— Écrasez-les en compote ! Lança un ananas.

Les Fruits se ruèrent sur eux. Ils manquaient de temps, aussi Gorzül préféra-t-il jouer la sûreté en poussant JB sur une catapulte à poulets, avant de déclencher le lancement. Le wattpadien-chameau et le vampire-garou se mirent à voler.

— Je vole encore ! S'exclama JB.

Il regarda en-dessous de lui. De l'autre côté du château, les huîtres avaient réussi à monter sur la muraille et progressaient aux dépens des légumes.

— C'est Gudule !

Un filet de ninja l'attrapa en plein vol alors que Gorzül se transformait en chauve-souris pour atterrir. Il tomba un peu rudement sur la pierre, protégé des fractures par le scénario.

— Gudule !

Ils étaient en plein milieu de l'affrontement, mais les légumes étaient clairement en sous-nombre et ne faisaient que reculer.

— Salut, dit Gudule.

Il portait sur l'épaule un lance-patates encore fumant. Robert, en première ligne, commandait l'assaut. CN avait un paquet de gâteaux à la main et en grignotait un (toujours donner quelque chose à manger à CN pour le faire patienter, au supermarché, ou quand vous envahissez un château hongrois).

— Cookie ?

JB lui prit un cookie.

— Nous approchons des appartements de Rodolphe-Albert, dit Gudule. Il paraît qu'il est dans les parages. Restez vigilants.

— Que ferons-nous une fois que nous l'aurons rencontré ?

— Nous sauverons le monde. »


***


Ils entrèrent dans une grande pièce, bordée de baies vitrées, au centre de laquelle se trouvait une vitrine. Avec une casserole en inox posée sur un coussin de soie.

« Qu'est-ce que c'est ? Demanda Gudule.

— Ça me dit quelque chose, fit Gorzül.

JB sifflotait.

— Oh, dit-il, regardez, un chameau. Ah, tiens, c'est moi. Oh, regardez, un miroir.

— C'est la Casserole Unique, dit une voix sombre. Celle par laquelle Rodolphe-Albert fut cuisiné. La source principale de son pouvoir.

Haut comme deux pommes et demi, mais drapé dans une cape rouge, et un sabre à la main, un légumineux surgit de derrière un rideau. Un navet, à en juger par sa couleur blanche et violette.

— Rodolphe-Albert ! S'exclama CN.

— Non, je suis Rosophe-Béber, son cousin.

— Diantre. Et il est où, Rodolphe-Albert, en fait ?

Je suis le maître du monde !

À l'extérieur, la bataille faisait toujours rage. Mais Rodolphe-Albert flottait maintenant au-dessus de son château, environné d'éclairs. Il avait grandi, grossi, forci, et sa voix était particulièrement profonde et effrayante.

— Il parle en gras, souffla CN, c'est mauvais signe.

Mouhahahahaha !

— Voyez-vous, dit Rosophe-Béber, tout ce temps où je l'ai remplacé, Rodolphe-Albert l'a mis à profit pour maîtriser le pouvoir incommensurable de la Casserole Unique. Il est maintenant plus puissant que jamais ; et cette puissance maléfique, il va la mettre à profit afin de balayer vos armées en un clin d'œil.

Gorzül coupa la conversation d'un geste.

— Gudule, CN, occupez-vous de Rodolphe-Albert. Je me charge de son comparse.

— Euh, comment on fait ?

— La Casserole. La Casserole est la clé. Vous devez la détruire là où tout a commencé : la cuisine de JB.

Gudule tira une patate dans la vitrine et s'empara de l'accessoire

— Espèce de gros moche ! S'emporta Rosophe-Béber.

Ils échangèrent des coups. Le narrateur n'ayant pas trop d'idée sur les détails, intéressons-nous plutôt aux réactions de JB (qui mangeait des gâteaux pendant ce temps).

— Gorzül ! Attention à droite ! À droite ! Non ! À gauche ! Plus vite ! Ah, tu l'as manqué. Mais c'était une bonne reprise. Non, reprends ton sabre ! Allez, c'est juste un petit coup, ça, c'est pas trop grave, relève-toi. Eh, Rosophe, pas un deuxième ! C'est honteux ! Oui, Gorzül, c'est exactement ça ! Dans la tron... ah, mais il est rapide, le navet. Reprends-toi Gorzül ! Gorzül ! Je vais doubler ton salaire ! Comment ça, deux fois zéro ça fait toujours zéro ? Concentre-toi plutôt ! Attention, il fait une feinte ! Esquive ! Non, esquive ! Aïe aïe aïe...

Gorzül se retrouva, grognant et un peu amoché, juste à côté de ses pieds.

— Euh...

— Maintenant, dit Rosophe-Béber, prépare-toi à connaître la mort pas trop violente des seconds couteaux dans les films tous publics. Que préfères-tu ? Jeté dans un gouffre sans fin, transpercé, ou jeté puis transpercé, enfin, transpercé puis jeté ? Tu ne pouvais pas gagner, vampire-garou. Je suis le meilleur bretteur du monde.

Un éclair illumina le ciel et pénétra par les baies vitrées, drapant Rosophe-Béber d'une aura encore plus maléfique (au cas où vous n'auriez pas compris que c'est un méchant).

— Qu'entends-je ? Erreur ! Le meilleur bretteur, c'est moi !

Gilgamesh en personne apparut de nulle part (c'est facile à dire comme ça, mais vrai. Vous ne me croyez certainement pas, mais Gilgamesh fait toujours des entrées fracassantes).

— Mon idole ! S'exclama JB.

— Rosophe-Béber, pathétique navet, prépare-toi à m'affronter ! Yah !

— Quoi ?

Il se passa à ce moment quelque chose de très opportun. Philippe traversa la vitre de droite. Un instant, l'air brilla des milliers d'éclats de verre suspendus dans un temps ralenti, dans lesquels le poulet-garou nageait tel un dauphin des océans du paradis.

Philippe percuta ensuite Rosophe-Béber, dont les bras ballèrent et qui esquissa une sorte de « meuh », contraction de « mais » et de « euh », cependant que l'énergie cinétique du poulet-garou le poussait irrésistiblement vers la deuxième vitre.

Puis ils la traversèrent tous deux et disparurent.

— Hum, dit Gilgamesh. Victoire par abandon. Encore une fois, je suis vainqueur !

— Bravo !

JB était en train d'applaudir. Gorzül grognait qu'il aimerait bien qu'on s'intéresse à lui.

— Je n'ai encore jamais été félicité par un chameau. Tout le plaisir est pour moi. »

Gilgamesh repartit alors par où il était venu (façon de dire que le narrateur n'en a strictement aucune idée).

Du bruit retentit dans les couloirs. La porte fut ouverte par un grand coup de pied, et Robert, accompagné d'une escouade d'huîtres, entra en trombe.

« Nous n'avons plus beaucoup de temps, annonça-t-il. Rodolphe-Albert devient plus puissant de minute en minute. La foudre tombe sur la plaine et le château tout entier va bientôt s'effondrer. Les légumes sont déjà en train de battre en retraite.

— Allons-y, dit JB en constatant que son paquet de gâteaux était, encore, vide. Il y aura une épicerie sur le chemin ?

— Désormais, nota Gorzül, tout repose dans les mains de Gudule.

— Avouez que vous ne vous y attendiez pas. C'est son histoire. Et c'est notre héros. Celui que nous méritons. »

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