Chapitre 9
Le lendemain, après que la tempête se soit calmée, la petite troupe poursuivit sa route.
Ils chevauchèrent l'entièreté de la journée, dans une atmosphère de méfiance. Flavius et Evagrius étaient les plus inquiets, craignant que les burguntari les trahissent au dernier moment. Ou pire encore: le Roturier, afin de se sauver, pourrait les abandonner aux barbares de Audawakr.
Cependant, l'heure n'était plus au doute. Ils étaient désormais sur le territoire des pillards Greutungi. La prudence était de mise.
Ce n'est qu'au crépuscule que le Roturier et ses compagnons arrivèrent en vue du camp des pillards Greutungi. Voyant le drapeau avec un aigle en position d'attaque, ils comprirent qu'il s'agissait du clan de Audawakr.
Le campement était protégé par une haute palissade de bois, avec des tours de guets aux angles. Devant celle-ci se trouvait une profonde tranchée, remplie de pics pointues.
- On dirait un ancien camp militaire Salien, dit Evagrius.
- C'est parce que l'Ancien Empire a engagé les Greutungi et les Teruingi comme mercenaires pendant des siècles, expliqua le Roturier.
- Pour quelle raison?
- Le Grand Froid, l'épidémie et les guerres civiles ont causés d'importantes pertes au sein des rangs de l'armée impériale. Les empereurs espéraient pouvoir les contrôler en leur offrant des terres ou de l'or, mais cel c'est révélé être une erreur fatale. Par conséquent Audawakr sait parfaitement comment vous Saliens combattez.
- Et de cette façon il savait aussi comment déjouer nos lignes de défense, conclut Flavius. Voilà comment Bresce est tombée entre les mains de l'ennemi.
- Bon, après cette petite leçon d'histoire, il serait peut-être temps d'établir un plan pour libérer la dame, dit Filiberta.
- Un plan qui n'implique pas que nous soyons tués, poursuivit Aldric, et dans lequel nous parvenons à fuir aux hommes de Audawakr.
- Nous attendrons la tombée de la nuit pour agir, dit le Roturier en s'éloignant discrètement.
***
Et ainsi ce fut ce qu'il se produisit. La petite troupe se cacha jusqu'à la tombée de la nuit, puis en silence, ils approchèrent de la palissade. Audawakr avait peut-être fortifier les alentours du camp, mais il ne l'avait pas encerclé de la profonde tranchée, à cause d'imposants rochers. Ce fut par là que le Roturier et ses camarades entrèrent dans le camp des Greutungi.
Une fois à l'intérieur, ils se séparent pour trouver plus rapidement la fille de Mæcilius. Flavius et Aldric partirent explorer le flanc gauche, tandis que Filiberta et Evagrius se prirent le flanc droit.
Le cavalier noir quant à lui, avait un tout autre objectif. Il savait qu'il y avait peu de chances que les autres parviennent à fuir, sans être repérés. Ainsi, après s'être assuré qu'ils soient partis, il s'avança vers le centre du camp, massacrant tous les guerriers qui croisaient sa route.
Aucun de ses malheureux ne survécu à la fureur grandissante du cavalier noir. Aucun d'eux ne parvenait à sonner l'alarme, car le Roturier se déplaçait avec une telle vitesse qu'il avait l'air d'un spectre.
Il parvint enfin au centre du camp et, à sa grande surprise, il découvrit Audawakr en personne, entouré de ses guerriers, tenant fermement Umbra par le bras.
- Mes chers camarades! exulta-t-il. Je conçois que cela fait bientôt une demi-lune que vous attendez des nouvelles. Et bien, à présent je peux vous dire que tout est disposé pour marcher vers l'Ouest. Bientôt d'autres clans nous rejoindrons, et notre armée sera si puissante que les saliens et les autres tribus se plieront face à nous.
Les Greutungi poussèrent de puissants cris de joie, certains levant leurs lames, désireux de les baigner du sang de l'ennemi.
- Plus important encore, continua Audawakr en indiquant Umbra, cette jeune femme, que certains considèrent comme une simple prise de guerre, est en réalité la clé pour atteindre la victoire. Ainsi, je peux vous promettre, que quelque soit le butin que l'on accumulera, il sera de loin plus important que vous ne l'imaginez. Reposez-vous bien et tenez-vous prêt. Demain nous partirons rejoindre les clans de l'Est qui ont répondu à l'appel, nous attaquerons la dernière forteresse orientale et nous écraserons les Saliens!
Les guerriers d'Audawakr exultèrent à nouveau, puis se dispersèrent. C'était le moment idéal pour le Roturier: il aurait put rejoindre le chef du clan et l'éliminer en se dissimulant dans la foule. Cependant il n'en eut pas l'opportunité, car Flavius le retint.
Le seigneur Ostus avait en effet délaissé Aldric pour suivre le cavalier noir. Il fut ainsi témoin de la rage de celui-ci, en l'observant massacrer tous les guerriers qui se trouvait sur sa route.
- Par tous les Dieux! s'exclama le Roturier. Qu'est-ce que tu fais ici?
- Je t'empêche de te faire tuer, répondit Flavius.
- Tu devrais chercher la fille du seigneur Axius.
- Et je l'ai trouvé.
- Alors pourquoi perds-tu ton temps avec moi?
- Je n'en perds pas mon garçon.
Le Roturier observa encore une fois le centre et vit que Audawakr s'éloigna. L'opportunité d'éliminer la menace des Greutungi avait désormais disparu.
- Tu as entendu ce qu'il veut faire, dit le cavalier noir avec colère retenue.
- Parfaitement.
- Alors pourquoi m'as-tu empêché de mettre un terme à cette menace?
- Parce que tu n'aurais jamais pu l'atteindre. Et tu le sais.
Le cavalier grogna de façon très menaçante, mais il ne répliqua pas. Au plus profond il sentait qu'il y avait une autre raison pour laquelle Flavius l'avait secouru, tout comme il y en avait une qui expliquait pourquoi celui-ci avait demandé à son seigneur de l'accompagner. Mais l'heure n'était pas aux énigmes sans réponse.
Le Roturier et Flavius se dirigèrent vers la tente où Umbra était prisonnière. Ils ne leur fallut que quelques instants pour mettre les deux gardes à l'extérieur hors d'état de nuire. Ils pénétrèrent dans la tente et avant même que les trois autres guerriers à l'intérieur ne s'en rendent compte, le cavalier noir les passa au fil de l'épée un par un.
Umbra fut ainsi libérée, mais malheureusement l'alarme résonna dans tout le campement. Quelqu'un avait découvert les cadavres des guerriers que le Roturier avait tué précédemment.
Voyant certains ennemis approcher, il prit une décision risquée mais, à ses yeux, nécessaire.
- Ramène-la auprès de son père.
- Que vas-tu faire? questionna Flavius.
- Vous faire gagner le plus de temps possible, répondit-il en extirpant l'épée de son fourreau.
- Roturier! s'exclama Umbra. Ne fais pas ça.
- Pandulf. Je m'appelle Pandulf, fils de Aicard.
Sur ces mots, le Roturier jaillit hors de la tente, abattant d'un coup d'épée un guerrier Greutung. Le malheureux poussa un cri d'agonie qui alerta tous les autres.
Pandulf savait qu'il lui restait peu de temps. Il s'éloigna de la tente et continua son massacre. Les cris et les lamentations des Greutungi facilitèrent grandement son plan. Rapidement plusieurs groupes de pillards l'encerclèrent. En quelques instants, le cavalier noir n'avait plus d'issue.
Soudain, un applaudissement se fit entendre parmi la file d'ennemis qui l'entourait. Audawakr apparut, le sourire en coin, s'avançant d'un pas nonchalant.
- Et bien, et bien. Moi qui m'attendais à voir au moins trois ou quatre intrus, je suis forcé d'admettre que je suis surpris de te voir, Roturier. Ou bien, préfères-tu que je t'appelle par ton vrai nom: Pandulf?
Le guerrier ne put retenir une expression d'étonnement.
- Comment je sais qui tu es? continua Audawakr. Je n'oublie jamais un visage, c'est aussi simple que ça.
- Au moins nous avons cela en commun, répliqua Pandulf.
- Plus pour longtemps petit, car tu vas bientôt retrouver ton pathétique clan.
D'un geste de la main de leur chef, les Greutungi se préparèrent à attaquer. Pandulf savait qu'il n'avait aucune chance à affronter seul tous ces guerriers. Il n'avait plus qu'une dernière option, mais rien ne garantissait que cela marcherait.
- Tu as peur Audawakr, dit le Roturier. Honnêtement je me demande comment tous ces hommes peuvent suivre un pareil lâche.
Le chef des Greutungi explosa dans un fou rire. Il comprit ce que son adversaire essayait de faire. De toute évidence il considera cette tactique futile et ridicule, mais cela n'ébranla pas la détermination du cavalier noir.
- Après tout, si tu es vraiment le guerrier hors pair et le chef de guerre dont la renommée est crainte dans toutes les terres de l'Est, alors cela devrait t'être facile d'occire un seul guerrier.
- Tu crois vraiment que je devrais gaspiller mon énergie en me battant contre toi? Tu es d'une telle naïveté.
- Et toi tu fais preuve d'une incroyable lâcheté.
En regardant autour de lui, Pandulf remarqua que certains guerriers murmuraient des choses incompréhensibles, mais il soupçonna qu'ils remettaient en questions leur loyauté envers leur chef.
- Entre nous soit dit, poursuivit-il, peut-être que tu es effectivement un lâche.
Audawakr aussi remarqua que certains de ses hommes hésitaient. Il comprit que le jeune homme avait réussi à susciter le doute dans ses rangs. Il n'avait pas d'autres choix.
Le chef des Greutungi dégaina son épée et se jeta sur le cavalier noir. Celui-ci évita le coup mortel et para une nouvelle attaque de son ennemi.
Le duel commença et les lames des deux adversaires fendirent l'air dans une pavane funeste. Le choc du métal résonna dans tout le campement, attirant de plus en plus de guerriers. Rapidement, un cercle de boucliers se forma autour de Pandulf et Audawakr.
- Que je gagne ou que je perde, cela ne changera rien, dit Audawakr d'un ton rempli d'assurance. Tu ne verras point le soleil se lever petit.
- Possible, mais je peux toujours t'emmener avec moi dans l'autre monde.
Le combat se poursuivit entre cris, râlements et choc de lames. Audawakr tenta à plusieurs reprises de briser les défenses de son adversaire, mais celui-ci parvint toujours à parer ses attaques. Pandulf également tenta d'atteindre sa cible, sans succès.
Finalement, ce fut une incendie qui mit fin au duel. Sortit de nulle part, le feu se propagea à une vitesse fulgurante et les Greutungi brisèrent le cercle de bouclier pour éteindre les flammes.
À travers le voile de fumée qui se levait, Pandulf aperçu des silhouettes s'éclipser discrètement. Il comprit que ses camarades quittaient le campement, avec à leur suite Umbra. Malgré la tentation de les rejoindre, il ne put se résoudre à laisser Audawakr vivre. Il repassa donc à l'attaque, plus enragé que jamais. Ce barbare ne lui échapperait pas. Pas cette fois.
Malheureusement, le chef des Greutungi l'aperçut et se défendit. Il tenta d'appeler ses hommes à l'aide, mais la panique régnait dans le camp et ses appels se perdirent dans l'air étouffante.
Le Roturier allait l'avoir. Il tenait enfin le meurtrier de son clan. L'homme qui lui avait volé son enfance et détruit sa vie. Hélas, alors qui le projeta au sol et leva son épée pour porter le coup fatal, un cavalier s'interposa.
- Par les Dieux que fais-tu! s'indigna le cavalier noir.
- Monte vite, dit Flavius.
- Pas avant qu'il soit mort.
- C'est toi qui sera mort si tu ne montes pas tout de suite.
Au même moment, une flèche se logea dans l'épaule du seigneur Ostus. Pandulf le vit se tordre de douleur, puis il aperçut Audawakr tenant un arc. Il comprit qui était l'archer qui avait blessé son ami.
Malgré la rage bouillonnante qui le dévorait, Pandulf aida Flavius et montant sur sa monture, ils prirent tous les deux la fuite, laissant le camp ennemi en proie aux flammes et Audawakr hurler de rage.
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