Chapitre 7
Evagrius prépara les chevaux au départ tandis que son seigneur Flavius Ostus observait le cavalier noir discuter avec le chef des burguntari.
Il ne parvenait cependant pas à entendre ce qu'ils se disaient. Quelques instants après, le Roturier le rejoignit et s'apprêta à monter sur son destrier.
- Qu'a-t-il dit? demanda le seigneur Ostus.
Le cavalier noir lui passa devant sans lui répondre. Il se contenta de lui faire signe qu'il fallait partir au plus vite. Ainsi, après une préparation rapide les trois hommes quittèrent la forteresse de Bresce juste avant que le soleil ne se lève.
Ils chevauchèrent vers l'Est poussant leurs montures au galop. Durant toute la matinée ils poursuivirent leur chemin sans s'arrêter. Ce ne fut que lorsque le soleil arriva à son zénith, que les trois cavaliers s'arrêtèrent pour se reposer, ainsi que leurs destriers.
- Alors, que t'as dit le chef des barbares? demanda Flavius au cavalier noir.
- Que Audawakr et ses hommes sont passés devant la forteresse un jour avant notre arrivée, répondit le Roturier. Considérant qu'ils chevauchent vite et sans faire plusieurs arrêts, ils doivent avoir environ deux jours d'avances.
- En êtes-vous sûr seigneur? questionna Evagrius. Le chef des burguntari pourrait nous avoir mentit.
- Non, Berenhard a dit la vérité. Je l'ai lu dans ses yeux.
- Berenhard?
- Le chef des burguntari de Bresce.
- Et pourquoi le croyez-vous seigneur?
Le Roturier retomba dans le silence et remonta sur sa monture, pour l'élancer ensuite au galop vers l'Est.
Les trois cavaliers continuèrent leur chevauchée durant tout l'après-midi sans s'arrêter. Ils traversèrent d'incroyables prairies et champs, tandis qu'une brise s'élevait depuis l'Ouest.
C'était comme si les Dieux avaient décidé de leur apporter leur soutien. Poussés par le vent, les chevaux semblaient galoper plus vite et leurs sabots paraissaient à peine toucher la terre.
Le soleil commençait à disparaître à l'horizon et l'obscurité s'épaississait petit à petit, lorsque le cavalier noir et ses deux compagnons arrivèrent en vue des montagnes de l'Est. Malgré les ténèbres, leurs tailles immenses étaient encore visibles, les faisant paraître à la fois majestueuses et terrifiantes.
Evagrius attacha les chevaux à un tronc afin qu'ils ne puissent s'enfuir, tandis que Flavius et le cavalier noir allaient chercher du bois pour le feu.
- Notre seigneur Axius t'a-t-il causé du tort? demanda Flavius.
- Je ne comprends pas, répondit le Roturier.
- Je crois que si. Je conçois que tu ne sois point ravi de notre présence, mais nous sommes là pour nous assurer que la fille de notre seigneur revienne saine et sauve.
- Pourquoi l'appelles-tu « notre »? Mæcilius n'est point mon seigneur. Jamais il ne le sera!
- Car il t'a causé du tort.
Le Roturier jeta le bois qu'il portait et sortit sa lame, la pointant sous la gorge de Flavius.
- Tu ne sais rien, dit-il d'une voix glaciale. Tu n'as pas idée de ce que ton seigneur a fait.
Flavius n'était cependant pas impressionné. Il gardait un air impassible et ne quittait pas le cavalier noir des yeux.
- Alors éclaires-moi, dit-il d'une voix posée.
Le Roturier retira lentement sa lame et la replaça dans son fourreau. Puis, d'une voix rauque et brisée, il commença son récit.
- Après la disparition de ma tribu, j'ai été recueilli par les Iuthunges. Ils m'ont soigné, nourri, former. Ils m'avaient accepté comme l'un des leurs, jusqu'au jour où l'armée impériale a attaqué notre village. C'était il y a dix ans.
- Je m'en souviens, dit Flavius, à l'époque le prince Pius avait tenté de réunifier les terres orientales.
- Il n'a rien unifié du tout! s'écria le cavalier noir. Il a massacré des hommes, des femmes et des enfants afin de s'approprier leurs terres et de les offrir à ses généraux. Une idée stupide: ces hommes lui ont tourné le dos. Pas étonnant que l'Ancien Empire n'ait aucune chance de survivre. Il est composé d'hommes faibles et corrompus.
- Mais je ne vois pas en quoi mon seigneur Axius est mêlé à cette histoire.
- Vraiment? Tu ne comprends pas?
Flavius secoua lentement la tête sans prononcer le moindre mot. Le Roturier sentait au plus profond de lui qu'il savait de quoi il parlait, mais peut-être que le seigneur Ostus avait honte de l'admettre?
Il prit une profonde inspiration et poursuivit.
- Le jour où ma tribu d'adoption a été massacré, ton seigneur Axius menait l'assaut. Il a participer au meurtre de ma nouvelle famille. Quant à moi, j'avais été laissé pour mort au milieu des corps.
- C'est pour cela que tu es venu à Durbois? Pour te venger.
- J'ignorais où Mæcilius était passé. Je n'avais aucune idée d'où se trouvait les impériaux qui avait attaqué ma tribu. Alors, ne souhaitant pas être consumé par la vengeance, j'ai commencé une longue vie de errance et de solitude. Je suis devenu le cauchemar des brigands et la terreur des tribus de l'Est.
- Mais à quel prix mon garçon? Tu es un solitaire et, je pense qu'au fond de toi tu le sais, en ces temps personnes ne devrait être seul.
Le cavalier noir ne répondit pas et ramassa le bois pour le feu, avant de rejoindre le petit camp de fortune. Toutefois, à peine arriva-t-il devant la tente qu'il sentit que quelque chose n'allait pas.
Il déposa le bois et dégaina son épée. Un craquement de derrière les arbres le fit se retourner. Il aperçut alors deux ombres sortirent de leur cachette, tenant Evagrius en otage avec une lame sous sa gorge.
- Relâchez-le.
- Seulement si tu baisses ton épée le premier, langbarto, dit une voix féminine.
Pendant un instant le Roturier campa sur ses positions, puis baissa lentement sa lame.
- Vous êtes des burguntari de Bresce, supposa-t-il.
- Comment l'as-tu deviné? poursuivit cette fois-ci une voix masculine.
- Ton skramasax. Il a une lame légèrement courbée à l'extrémité. Caractéristique unique des lames des burguntari. Notamment ceux de rangs nobles.
- Tu es bien renseigné.
- Cela est fort utile quand on est menacé par des guerriers inconnus, dit Flavius alors qu'il pointait son épée dans le dos de l'homme qui retenait Evagrius en otage.
Réalisant d'avoir été prit par surprise, celui-ci lâcha le jeune écuyer.
- À présent, siffla Flavius, présentez-vous et dites-nous quelles sont les raisons qui vous ont mené ici?
L'un des deux guerriers retira sa capuche, révélant le visage d'une jeune femme aux longs cheveux roux et aux yeux bleus comme la glace.
Le deuxième guerrier fit de même, en rangeant sa lame. C'était un jeune homme à peine plus âgé que Evagrius. Il avait de longs cheveux noirs rattachés en une queue de cheval tressée. Ses yeux avaient la même couleurs de ceux de la jeune rouquine.
-Je suis Filiberta, dit la jeune femme, et lui c'est mon frère Aldric.
- Vous êtes ceux qui m'ont sauvé du piège tendu durant le duel, dit le Roturier.
Face au hochement de tête positif de la jeune femme, le cavalier noir poursuivit.
- Pourquoi?
- Ils avaient agi de façon totalement malhonnête, répondit Aldric, et ça ne se fait pas dans un duel.
- Mais ce n'est pas la seule raison n'est-ce pas?
- En effet, dit Filiberta. En te voyant combattre, nous avons cru voir un digne chef pour notre tribu.
- Et c'est pour cela que vous êtes ici? Pour ma part, je crois que vous êtes ici uniquement pour me tuer, probablement pour le compte de Audawakr.
Le Roturier resta surprit en voyant Aldric cracher au sol, à peine eut-il prononcer le nom du chef de guerre barbare.
- Devons-nous en déduire que vous n'éprouvez aucune amitié envers cet homme? présuma Flavius.
- Notre chef Berenhard n'a pas eut le choix, répondit Filiberta. Notre tribu n'est point assez forte pour tenir tête aux guerriers Greutungi.
- Alors pourquoi êtes-vous ici, si ce n'est point pour m'occire?
- Nous avons besoin d'un chef digne pour guider et unir notre peuple. Berenhard ne respectera pas sa part du marcher. Il a probablement déjà envoyé un messager à Audawakr pour le prévenir de votre venue.
- Cependant, enchaîna Aldric, nous savons où se trouve le camp des Greutungi. Nous souhaitons vous venir en aide.
Flavius et le Roturier s'échangèrent un regard interrogateur. Comment pouvaient-ils faire confiance à ses nouveaux venus? Et surtout, étaient-ils vraiment digne de confiance?
- Que voulez-vous en échange? demande le seigneur Ostus.
- Juste l'opportunité de pouvoir servir notre nouveau chef, dit Filiberta.
Le cavalier noir replaça son épée dans son fourreau et invita d'un geste le seigneur Ostus à faire de même. Celui-ci s'exécuta, malgré une évidente réticence.
- Je préfère vous prévenir, commença-t-il, si je ressens ne serait-ce qu'un temps soit peu un vent de trahison, je n'hésiterai pas à vous tuer.
Aldric se mit à rire, tandis que sa sœur alla s'asseoir autour du feu de camp, à côté du Roturier et d'un Evagrius tremblant.
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