Chapitre 5
Le soleil était à son zenit, illuminant toute la vallée enneigée. Le Roturier finissait de préparer son cheval pour le long voyage qui l'attendait. Son compagnon de route, le seigneur Ostus, finissait de saluer sa famille. Face à ce spectacle, le cavalier noir sentit son cœur se serrer, mais ce n'était pas le moment d'y penser.
- Bonjour seigneur, dit le jeune homme aux cheveux corbin que le Roturier connaissait bien. Je voulais vous rapporter votre épée.
Sans prononcer le moindre mot, le cavalier noir récupéra ses armes et d'un signe de tête, remercia le jeune homme.
- Pourrais-je vous poser une question seigneur? poursuivit-il.
- Écoute petit, l'interrompit le cavalier, cesse de m'appeler seigneur. Ensuite, je ne pense absolument pas revenir après avoir secouru la princesse. Donc ne gâche pas ta salive avec moi.
- Evagrius! s'écria le seigneur Ostus. Les chevaux sont-ils prêts?
- Ils le sont seigneur, répondit le jeune homme. Ils sont déjà au portail.
- Bien. Attends nous là bas dans ce cas.
Le jeune homme s'élança en direction du portail, laissant le cavalier dans une certaine confusion. Il finit d'attacher ses armes à sa ceinture et s'avança à grand pas du seigneur Ostus.
- Qu'est-ce que cela veut dire? demanda-t-il irrité.
- Ce jeune homme est mon écuyer. Il viendra donc avec nous.
- Non!
Face à cette réaction, Ostus regarda le cavalier avec étonnement, mais il ria intérieurement.
- Ceci n'est pas une requête, dit-il. Un chevalier a toujours besoin de son écuyer et Evagrius est mon écuyer. Il vient donc avec nous.
Le Roturier ne savait pas quoi répondre et finit par accepter. Déjà il avait été obligé d'accepter la présence d'un des nobles, maintenant il devait avoir un deuxième compagnon de voyage.
Les trois voyageurs se retrouvèrent au portail, prêts à partir, quand le seigneur Axius, enveloppé dans une longue cape rouge ornée d'un aigle d'or, apparut pour les saluer une dernière fois. Il les observa un à un, jusqu'à ce que son regard se pose sur le cavalier noir. Suivit de sa garde personnelle, Mæcilius se rapprocha de ce dernier.
- Je tenais à te remercier pour avoir défendu mes terres contre les pillards, dit-il. J'espère te revoir bientôt jeune homme, afin de te récompenser adéquatement.
- Je n'ai nul besoin d'une récompense seigneur. Le simple fait de savoir que votre peuple ne risque plus rien m'est largement suffisant.
Le Roturier monta sur sa monture sans laisser le temps à Mæcilius de répliquer. Malgré cela, le seigneur de Durbois ne céda pas et se plaça devant le cheval du cavalier.
- Cela étant dit, je souhaiterais m'entretenir avec toi dés ton retour, insista-t-il.
Le cavalier ne lui donna aucune réponse et poussa sa monture à avancer. Une fois rejoint ses camardes, le cavalier s'élança vers l'Est, sur la piste de Audawakr et de ses pillards. Il eut le temps d'entendre Mæcilius prier pour lui et les autres, afin qu'ils reviennent avec Umbra.
Leur périple les mena à la limite de Noirécorse, une des forêts qui composent les Bois de Versombres, qu'ils rejoignirent après environ une heure de chevauchée. Le Roturier s'arrêta, descendit de sa monture et s'agenouilla, sous les regards intrigués de ses compagnons.
- Pourquoi nous sommes-nous arrêtés seigneur? demanda Evagrius.
Le cavalier noir ne répondit pas et continua d'observer le sol. Puis il se releva et remonta sur son destrier.
- Nous devons longer la forêt, dit-il.
- Pour quelle raison? questionna le seigneur Ostus.
- Ils veulent nous dépister, expliqua le cavalier, afin que nous nous perdions dans la forêt. Noirécorse est réputée pour être un dédale naturel, surtout durant la nuit. Très peu en sont sortis.
- Alors pourquoi l'ont-ils traversé? s'interrogea Evagrius.
- Ils ne l'ont pas fait. Ils veulent nous faire croire qu'ils l'ont traversé, or il faut environ deux jours pour traverser toute Sambuco. Donc impossible qu'il aient pu traverser la forêt durant la nuit sans se perdre.
- Comment peux-tu en être sûr mon garçon?
Le Roturier ne répondit pas et lança son cheval au galop, longeant la forêt. Le seigneur Ostus et son écuyer se lancèrent à sa poursuite.
Au cours de leur longue chevauchée, ils franchirent plusieurs champs enneigés et traversèrent plusieurs cours d'eau gelés.
Malheureusement, le désert de neige ne fut pas le seul spectacle qui se présenta sous leurs yeux. Les villages qu'ils aperçurent n'étaient plus que des tas de cendres. Certains dégageaient encore d'imposantes colonnes de fumée noire qui s'élevaient à l'horizon, à tel point que lorsque le soleil commença sa lente descente, le ciel se couvrait d'une sombre teinte rose.
Les trois cavaliers poursuivirent leur route jusqu'au coucher du soleil, quand une forteresse, perchée sur une haute colline, apparut devant eux. Ses murailles n'étaient pas aussi bien entretenues que celle de Durbois. Plusieurs blocs de pierre traînaient aux pieds des murs. Ses tours de guets étaient grandement endommagées, mais elles demeuraient toujours debout.
Le seigneur Ostus fit avancer son cheval, mais le cavalier noir l'arrêta.
- Je vous conseil de cacher vos visages, dit le Roturier.
- Pour quelle raison? Il s'agit de Bresce, une forteresse sous autorité impériale.
- Vous croyez?
Sans attendre de réponse, le Roturier se dirigea vers le château, suivit de près par le seigneur Ostus et le jeune Evagrius qui, malgré une certaine confusion, recouvrirent leurs visages par une capuche.
Bresce avait été érigée il y a plusieurs siècles, afin d'empêcher les raids des pillards de l'Est. Elle était l'une des plus imposantes et jamais elle n'avait cédé face à un siège. Pourtant l'apparence qu'elle présentait, n'augurait rien de bon.
En arrivant au portail, le seigneur Ostus remarqua que les gardes présents n'étaient pas les même que ceux qui surveillaient habituellement les forteresses proches de la frontière. Il commençait à comprendre pourquoi le cavalier noir lui avait suggérer de cacher son visage.
Les trois voyageurs traversèrent les rues boueuses du fort jusqu'à la taverne. Au cours de leur bref trajet, ils s'aperçurent que les habitants étaient pour la plupart armés et qu'ils leurs lançaient des regards interrogateurs et menaçants. Arrivés devant l'édifice, ils descendirent de leurs destriers et entrèrent, sans pour autant échapper aux yeux des guerriers qu'ils croisèrent.
- Trois coupes de bière et trois assiettes de viande, dit le Roturier à l'aubergiste en s'approchant du comptoir.
L'attente fut de courte durée et les trois voyageurs rejoignirent une table isolée afin de se faire le plus discret possible.
- Je ne comprends pas, dit Evagrius. Que font tous ces barbares ici?
- Je crains que la réponse ne soit plus qu'évidente, répondit le seigneur Ostus, Brèche est tombée.
- Cela ne date pas d'hier, ajouta le cavalier noir. Bresce est au mains des burguntari depuis six lunes à présent.
- Qui sont les burguntari? demanda le jeune écuyer.
- Un peuple des montagnes de l'Est qui a ployé le genou face à celui d'Audawakr. Beaucoup d'autres tribus l'ont fait au fils des années, tandis que votre peuple s'entretuait pour un pouvoir désormais disparu. Ne soyez donc pas surpris de voir des peuples du Nord et de l'Est s'établir dans vos forts à la frontière.
- Ce qui explique pourquoi les raids ont fortement augmenté ses dernières lunes, conclut le noble.
Le Roturier aurait souhaité lui répondre, mais deux hommes armés s'approchèrent du trio, interrompant ainsi la discussion.
- Tiens tiens, mais qu'avons nous donc là? dit le guerrier aux cheveux blonds rattachés en une longue tresse. Vous vous êtes perdu messieurs?
- Nous cherchons juste un lieu où nous reposer pour la nuit, répondit le seigneur Ostus.
- Intéressant, répliqua le guerrier. Mais ceci, n'est pas vraiment le bon endroit où se reposer. C'est plutôt le genre d'endroit où les étrangers se font tabasser et dépouiller.
Il n'eut pas le temps d'extraire la lame à sa ceinture qu'il s'écroula au sol le souffle court. Le cavalier noir l'avait frappé au cou, manquant de le suffoquer. Le deuxième guerrier fut projeté en arrière d'un coup de pied et en l'espace de quelques secondes, se retrouva avec une épée sous le menton.
Le guerrier blond se releva avec difficulté, lançant un regard meurtrier à l'homme qui l'avait humilié devant tous les autres.
- Tu n'as pas idée de ce que tu viens de faire misérable! cracha-t-il avec colère.
- Et toi tu as choisi le mauvais moment pour me chercher des problèmes, répondit le Roturier. Maintenant sortez d'ici, et que je ne vous retrouve plus sur mon chemin.
S'exécutant non sans broncher, les deux guerriers partirent. Le cavalier noir regarda autour de lui et constata que leur venue, aussi peu discrète fut elle, était désormais connue de tous dans ce fort remplit de barbares.
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