Chapitre 10
Durant toute la nuit le groupe de fuyard poussa ses montures au galop. Le soleil baignait la vallée et sa teinte rosée se reflétait sur le sol enneigé.
Après installé un petit camp de fortune, Pandulf s'était éloigné du reste du groupe. La colère avait laissé place à la culpabilité. Le seigneur Ostus avait risqué de mourir à cause de lui. Cette sensation le déstabilisa, il eut l'impression de perdre pied et son cœur semblait s'arrêter.
- Pandulf, l'interpella Umbra qui approchait lentement. Je voulais te remercier.
- Ce n'est pas nécessaire, dit-il sans la regarder.
- Moi je crois que si. Surtout après ce qu'il s'est passé.
- Il ne s'est rien produit. Audawakr est toujours en vie et Flavius risque de ne pas survivre à ses blessures. J'ai échoué.
Umbra posa une main sur l'épaule du guerrier et de l'autre, elle tira son visage vers elle, afin qu'il la regarde droit dans les yeux.
- Tu n'as point échoué, dit-elle. Au contraire, tu nous as tous sauvé. Et à présent, nous pouvons nous préparer pour la bataille à venir. Tu connais les Greutungi de par tes batailles et moi je connais leurs plans. Nous pouvons les vaincre.
- Je ne les ai combattu que deux fois et par deux fois je n'ai pas tranché la tête du serpent.
- La troisième sera la bonne, mais pour cela il nous faut rentrer à Durbois, pour prévenir mon père.
- Seigneur! hurla Evagrius qui accouru à grande enjambées. Navré de te déranger, la blessure du seigneur Ostus est très mauvaise. Je crains qu'elle se soit infectée.
Pandulf rejoignit Flavius en deux temps trois mouvements. Le seigneur Ostus était pâle. Il tremblait en claquant des dents et son front était perlé de gouttes de sueur.
Le cavalier noir s'agenouilla à ses côtés et lui serra la main. Il lança un regard interrogateur à Filiberta, mais la réponse se lisait clairement dans ses yeux.
- Ça va aller mon garçon, dit faiblement Flavius.
Comprenant ce que cela signifiait, Pandulf sentit son cœur se serrer, comme si quelqu'un l'étouffait.
- Je... je...
- Non, tu n'as pas à t'excuser. De toute façon, je n'aurai pas hésité. Quelque puisse être les circonstances.
- Pourquoi dis-tu une chose pareille?
- J'ai suivi le fil du destin.
- Quoi?
Le seigneur Ostus toussa violemment, avant de reprendre son souffle et de donner une réponse.
- Il y a une vieille cabane à la limite de la forêt près de Durbois. Evagrius t'y conduira, il sait où elle se trouve. Elle t'expliquera.
- Qui ça? De qui parles-tu?
Le seigneur Ostus serra plus fermement sa main. Il sentait la vie l'abandonner petit à petit, mais il voulait que Pandulf comprenne.
- Promets-moi que tu iras la voir.
Pandulf aurait voulu répliquer, mais il savait que Flavius n'aurait pas renoncé tant qu'il aurait accepté. Il n'eut d'autre choix que d'opiner du chef.
- J'irai voir cette personne, tu as ma parole.
Un sourire en coin apparut sur le visage de Flavius, avant que celui-ci ne ferme les yeux et que son souffle ne se taise. Flavius Ostus n'était plus.
Le chagrin qui s'en suivit cependant fut de courte durée. Aldric, qui jusque là gardait un œil sur le chemin, revint en toute hâte prévenir ses camarades que des cavaliers approchaient à grande vitesse. Audawakr et ses hommes étaient en approche.
- Il nous faut partir, dit Filiberta.
- On ne peut pas laisser le seigneur Ostus ici, répliqua Umbra.
- Il est mort et son cadavre ne ferait que nous ralentir.
- Dame Umbra a raison, ajouta Evagrius. Il mérite des funérailles digne de lui.
- Je doute que les Greutungi vous laisse l'enterrer avec tous les honneurs que vous lui donnez.
- Ça suffit! cria Pandulf.
D'une voix ferme et autoritaire il mit fin à cette chamaillerie futile, s'attirant des regards surpris.
- Evagrius, continua-t-il, prépare les chevaux avec Aldric. Filiberta, je veux que tu ramènes Umbra à son père.
- Et toi que vas-tu faire? demanda la burgunta.
- Je vais m'occuper de Flavius et vous faire gagner du temps.
La guerrière comprit ce qu'il voulait dire. L'idée ne l'enchantait guère, mais elle savait qu'il n'y avait pas d'autres solutions.
- Que veux-tu faire Pandulf? demanda Umbra, l'inquiétude s'entendant dans sa voix.
- Comme je viens de le dire, je vais vous faire gagner du temps.
- Non. Je te l'interdis.
- Dommage que je ne sois pas à tes ordres.
Pandulf enveloppa le corps du défunt seigneur et le monta sur son étalon, tandis que Aldric s'empara de Umbra pour la forcer à monter sur le sien.
Le cavalier noir observa ses compagnons s'élancer à toute vitesse vers l'Ouest, puis reporta son attention sur la bande de cavaliers qui arrivait à toute vitesse depuis les montagnes.
Il les laissa s'approcher puis, décocha une flèche qui abattit un des Greutungi. Audawakr, qui chevaucha aux côtés de celui-ci, échappa de peu au coup fatal. Il lança un regard meurtrier vers le cavalier noir et s'élança, en poussant un cri de rage guerrier, vers sa cible.
Pandulf lança sa monture au galop, poursuivit comme prévu par des barbares très en colère.
***
- Lâchez-moi! hurla Umbra en se débattant.
La faible lueur de l'aube se leva depuis l'Est, illuminant peu à peu le chemin. Umbra n'avait cessé de crier et de lutter pour descendre du cheval de Aldric.
Elle ne parvint pas à oublier Pandulf et à s'inquiéter pour son sort. Avait-il été capturé ou tué? Pourquoi avait-il choisi de rester seul face aux Greutungi?
- Laissez-moi descendre tout de suite! continua-t-elle.
- Cesses de te plaindre princesse! répliqua Filiberta. On va te reconduire à ton père, comme l'a demandé Pandulf.
- Et vous allez le laisser mourir?
- Il a choisi son destin.
Umbra secoua la tête, consternée par cette réponse qui lui déplu fortement. Mais elle n'eut pas le temps de répliquer, car Evagrius tourna bride et se dirigea vers le Nord.
- Où vas-tu? questionna Filiberta.
- Je vais l'aider, répondit-il avec assurance.
- Non! répliqua la guerrière burgunta. Nous sommes déjà loin et nous avons une mission.
- Que Pandulf t'a ordonné de mener à terme. Il ne m'a rien ordonné à moi. Alors je vais le chercher et l'aider.
- Tu ne sais point où il se trouve.
- Je sais où il se dirige. C'est suffisant.
Sans attendre de réponse de la part de Filiberta, Evagrius s'élança au galop.
Umbra avait tout observé en silence et petit à petit, une idée lui vint à l'esprit.
- Il ne manque point de courage, dit-elle d'un ton faussement admiratif, pour un écuyer.
- Tais-toi! hurla Filiberta.
En voyant la réaction de la barbare, Umbra comprit tout. Ses soupçons étaient bel et bien fondés.
- Tu vas le laisser mourir lui aussi? demanda-t-elle d'un ton provocateur.
- Je te conseil de la fermer l'impériale!
- Si j'étais toi je lui viendrais en aide plutôt que de le laisser courir à la mort.
- Il ne m'écoutera pas.
- Il le fera. Mais à la seule condition que tu l'accompagnes.
Filiberta dévisagea la fille du seigneur Axius. Elle savait que cette dernière disait vrai, mais elle ne savait pas quoi faire.
Umbra était ravi de son coup. Elle espérait à présent que la guerrière burgunta accepte de l'écouter. Il y avait peu de chances que cela arrive, mais finalement, le destin lui sourit.
Filiberta, après une longue hésitation, prit la direction du Nord, suivie de son frère Aldric et de Umbra.
La princesse de Durbois se dirigeait à présent vers Pandulf, priant les Dieux qu'il soit toujours en vie.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top