Chapitre 8 :Le temps des révélations
— Ton... oiseau ?
Il était vrai que dit comme ça, cela pouvait paraître fou, je le comprenais. J'en étais pourtant certaine : c'était bien lui. Celui qui m'avait accompagnée toutes ces années, qui m'avait écoutée parler de mes joies, de mes peines.
Le regard éberlué de Jen' me fit rire.
— Oui, mon oiseau. Cette histoire est longue et compliquée, dis-je dans un sourire.
Jen' me fixa, puis s'assit au sol, les jambes croisées.
— Ça tombe bien, j'ai tout mon temps. Ce n'est pas encore aujourd'hui qu'on pourra partir ; c'est la tempête, dehors.
Je tournai la tête vers l'extérieur, surprise. En effet, il tombait des trombes d'eau que seule une personne déterminée aurait voulu braver.
Soudain, les paroles du plus jeune me revinrent en mémoire. Il avait tout son temps... Qu'avais-je encore dit là ? Pourquoi avait-il fallu que je parle encore trop vite ? Mon bonheur de retrouver Étiole était venu contrecarrer mon plan de ne pas dévoiler mon identité. En moi, tout tremblait, mais de l'extérieur, j'essayais de montrer un visage sûr, impassible. Qu'allais-je bien pouvoir dire sans justement trop en dévoiler ?
La vérité.
Cette voix... Cela faisait si longtemps que je ne l'avais pas entendue.
Un courant électrique parcourut mes veines et j'eus un léger sursaut qui passa inaperçu auprès de mon compagnon.
Je ne suis pas prête...
Mais eux, si. Il faut que tu leur dises la vérité. Ils t'ont acceptée telle que tu es. Prouve-leur qu'ils peuvent avoir confiance en toi.
Mais... Paris a mis tellement de temps à me l'accorder, cette confiance...
Au fond de moi, je savais qu'il était temps de tout leur dire. J'avais passé des jours en leur compagnie, à leur mentir – non, à leur cacher ma véritable identité – de peur qu'ils ne me rejettent, ou pire, ne me renvoient au château auprès d'elle... Mon petit animal préféré vint caler sa tête pleine de plume bleu ciel contre ma paume, en signe d'encouragement. Un sourire se dessina sur mon visage et je lui rendis sa caresse.
J'avais tellement peur de décevoir Jen', lui qui était devenu le petit frère que je n'avais jamais eu. Je ne voulais pas voir la désillusion dans ses yeux, la colère sur son visage ni la tristesse dans ses traits. Et notre blond... Comment allait-il réagir quand il apprendrait qu'il avait avec lui la fille la plus recherchée du royaume ? Mal, je le savais. Je verrais la désillusion repeindre chaque facette de son visage, le regret de m'avoir acceptée parmi eux, et ça, c'était quelque chose que je n'arriverai pas à accepter. Je m'étais faite à son comportement, à son ego, à lui...
Je ne pensais pas qu'un jour, devoir parler de qui j'étais vraiment me mettrait dans un tel état. J'étais mal, faible et je souffrais de devoir tout leur raconter.
L'adolescent dut comprendre que j'étais tracassée, car il se releva et me prit tendrement dans ses bras.
— Acléa, qu'y a-t-il ?
— Je...
Les yeux baissés, je n'osais même plus le regarder en face tant la honte me submergeait.
Je suis là.
Un regain d'amour enfla dans mon cœur. Avoir mon ami auprès de moi était un tel réconfort que, d'un coup, je me sentis mieux.
Je suis prête.
Il me donna un coup de bec pour approuver ma décision.
— Mais il est fou, cet oiseau ! Pourquoi il te pince ? s'insurgea mon compagnon.
Je ricanai.
— C'est sa façon à lui de dire qu'il est d'accord avec moi.
Perdu, le brun me regarda d'un œil bizarre.
— D'accord ? Mais sur quoi ? Tu n'as même pas parlé ! Ne va pas me faire croire que ton animal parle, c'est pas la peine. Je ne suis pas idiot à ce point !
— Va réveiller Paris, mais pas Fabio. Ce que j'ai à vous dire est... secret, dirons-nous.
— Tu m'inquiètes, Acléa.
Je soupirai et me détournai de lui. Ce n'était que le début.
***
Les deux hommes qui partageaient désormais mes aventures étaient assis côte à côte et me fixaient comme si j'étais devenue folle. Bon, ils n'avaient pas tout à fait tort. Depuis quelques minutes, je ne cessais de faire les cent pas, passer devant eux, revenir en arrière, tout en me mordillant les ongles. J'étais stressée : je ne savais pas par où commencer ni si je devais tout leur dire ou leur cacher une partie de ma vie.
Étiole était posé sur mon épaule et tentait de m'envoyer des ondes positives. Mais même avec elles, je ressentais cette grosse boule dans ma gorge qui ne voulait pas se déloger.
J'en étais là de mes pensées quand Paris se mit à ricaner. Je me tournai vers lui, lui lançai un regard interrogateur et il se contenta de hausser les épaules.
Je pense que tu n'es pas la seule à devoir avouer des choses..., avança mon petit compagnon à plumes.
Je stoppai net mes allers-retours.
— Quoi ? fis-je, les nerfs à vif.
Le grand blond me fit un large sourire et me rétorqua, comme s'il parlait de la pluie et du beau temps :
— À toi de nous le dire, je sens que cette conversation va être intéressante..., laissa-t-il planer.
Comme pour corroborer ses paroles, il allongea ses jambes, posa ses mains de part et d'autres de son corps et mâchouilla un brin d'herbe qu'il avait trouvé je ne sais où. Quant à Jen', il nous fixait, tour à tour, éberlué. Il devait penser que c'était un jeu entre nous, mais loin de là. Il s'imaginait sans doute qu'on se fichait de lui. Encore une fois, il se trompait. J'étais on ne peut plus sérieuse et notre chef prenait tout cela à la légère ! Ce qu'il pouvait m'énerver !
Peut-être est-il au courant de qui tu es vraiment, hasarda une nouvelle fois Étiole.
Comment pourrait-il l'être ? Je n'ai jamais lâché quoi que ce soit sur ma vie d'avant !
Alors commence maintenant !
Je bougonnai pour la forme, mais passai ma main dans son plumage pour caresser son encolure toute douce. Il roucoula près de moi et me procura ce dont j'avais besoin en cet instant : une présence qui ne me lâcherait pas, qui que je puisse être.
— Bon, très bien ! déclarai-je en plaquant mes mains sur mes hanches. Je... Mon vrai nom n'est pas Acléa...
Et voilà que je sentais mon corps se dégonfler peu à peu. J'avais enfin lâché un petit bout de ma vie, un tout petit, et je me sentais déjà toute molle, avec l'envie d'aller me cacher loin, ou même de partir.
— Bah oui, ça, on le sait !
Je sentis un énorme poids peser sur mes épaules à la réplique du plus jeune. Quoi ? Comment ça, ils le savaient ? Quand l'avaient-ils appris ? Comment ? Et pourquoi ne m'avaient-ils rien dit ? Ils m'acceptaient tout de même auprès d'eux, sachant que j'étais l'ennemie numéro une ?
Je me sentis défaillir. Pour faire passer mon malaise, je me retins à la paroi de la grotte, qui m'apporta un soutien que je n'espérais plus. Par Daméon ! J'allais faire une attaque !
Je naviguai entre les deux hommes face à moi et constatai avec une pointe de soulagement que Paris semblait aussi perdu que moi. L'éclair d'incompréhension qui passa dans son regard à l'instant, me fit comprendre que je faisais fausse route. Il fallait que je fasse fausse route. C'était à moi de leur expliquer tout depuis le début. Je ne voulais pas qu'ils l'aient appris par hasard, qu'ils n'aient qu'un seul bout de tous ces soucis qui m'accaparaient.
— Bah, voyons ! Tu ne te rappelles plus de notre rencontre ? Tu ne sais plus quel nom tu nous as donné ? Tu t'appelles Iracléatoutcourt, quand même !
Je hoquetai de surprise. Un peu plus et ma bouche en tombait. Quoi ? Qu'est-ce qu'il racontait, encore ? J'étais complètement perdue. L'instant d'avant, il prenait cet air sérieux, qu'il n'avait que rarement, et la seconde qui suivait, il te sortait une énormité plus grosse que sa cervelle...
Puis, soudain, il esquissa un sourire de vainqueur. Si je ne m'étais pas retenue fermement au mur de pierre, je serais tombée sur les fesses, tellement j'étais abasourdie. Brusquement, je me souvins.
En effet, lors de notre première rencontre, j'avais été déconcertée qu'ils m'aient découverte alors que je tentais d'être la plus discrète possible. Alors, quand ils m'avaient interrogée sur mon prénom, j'avais buté. Si au départ je comptais dire mon véritable nom, j'avais ensuite opté pour un... d'emprunt. D'où ce pseudonyme à rallonge.
C'était fou comme ce petit homme réussissait à changer l'ambiance d'un instant en disant une phrase sortie tout droit de... Bref.
Une pichenette derrière la tête de la part de notre ami le fit arrêter de suite ses pitreries.
— Aïe ! Non mais, ça va pas bien, Paris ? Qu'est-ce qu'il te prend ? J'essayais juste de détendre l'atmosphère ! Elle est tellement saturée que j'ai du mal à respirer ! rétorqua la pauvre victime en se massant la tête pour faire passer la douleur.
J'étais une nouvelle fois très tendue, et je me mordis la lèvre inférieure.
— Tu ne vois pas qu'elle a du mal à nous dire les choses ? Elle n'a pas besoin, en plus, que tu fasses ton pitre ! On te supporte déjà en journée, alors tâche de rester sérieux quelques minutes, l'invectiva-t-il, non sans une lueur amusée dans le regard.
Eh bien... C'est comme ça tout le temps ?
À chaque seconde de chaque journée, opinai-je.
Un ricanement retentit dans ma tête et je réprimai un grognement en réponse. Il ne fallait pas que je perde de vue la raison de cette petite réunion.
— Bref. Alors si vous pouviez m'aider à parler, ce serait gentil... Merci, Jen', pour ta pointe d'humour, elle fait du bien malgré tout, terminai-je en lui lançant un petit sourire.
Victorieux, le plus jeune se tourna vers son « tortionnaire », bomba le torse et croisa les bras en signe de défi... auquel Paris ne répondit aucunement. Commençant à avoir mal aux jambes, je consentis enfin à m'asseoir à leur côté. La boule dans ma gorge était toujours présente, bien qu'elle ait fini par diminuer un petit peu.
— Vous voulez que je débute par quoi ? demandai-je, des trémolos dans la voix.
Le silence me répondit. Bon, très bien.
— Mon prénom est Irianna. Depuis ma naissance, je vis... je vivais au château avec le roi et ma mère. Même si j'étais sous la protection de Jartis, beaucoup ne m'appréciaient pas. J'étais la recluse, celle pour qui Jartis était prêt à tout, même à changer d'idée au dernier moment.
Je ravalai difficilement ma salive : parler de mon père de substitution au passé était difficile. Je jetai un regard vers mes compagnons. À ma grande surprise, Paris ne semblait pas étonné, au contraire, un petit sourire était né au creux de ses lèvres. Quant à Jen'... plusieurs émotions se disputaient dans ses yeux : l'effarement, la colère, la tristesse. Je ne savais pas trop quoi penser et ne cessai de triturer mes doigts, pour me donner une contenance et reprendre mon récit.
— Je passais mes journées en sa compagnie et, lorsqu'il avait une réunion ou quelque chose où je n'étais pas conviée, je m'enfermais dans ma chambre, pour ne pas recevoir les brimades des autres. Ma mère essayait tant bien que mal de rendre ma vie plus simple, mais ce n'était pas toujours facile. Le jour où elle est morte, tout s'est écroulé autour de moi. Je n'avais alors que quinze ans, mais je savais que cette perte n'était pas anodine et que quelque chose de plus sombre se cachait derrière tout ça. Un assassinat. Pour moi, il ne pouvait s'agir que d'un assassinat.
Je sentis une larme chaude couler le long de ma joue que je ne pris pas la peine d'essuyer. J'avais passé quinze merveilleuses années en sa compagnie, et être subitement séparée d'elle avait été la pire des tortures. Même si, encore à présent, j'ignorais la raison de son meurtre, je gardais espoir de tout découvrir un jour ou l'autre.
Mon cœur battait férocement dans ma poitrine. Étiole cala son bec dans mon cou et m'envoya une flopée d'ondes positives, que j'acceptai avec plaisir ; j'en avais besoin.
— À partir de cet instant, Jartis est devenu plus méfiant que jamais. Comme moi, il se doutait qu'elle ne s'était pas éteinte d'une mort naturelle. Pourquoi ? Il avait certainement plus de réponses que moi, mais jamais il ne les a partagées. Je savais qu'une fois le château endormi, il menait son enquête. Il était comme ça : quand il voulait quelque chose, il se battait bec et ongles pour l'obtenir. Je vouais un culte à cet homme qui m'avait prise sous son aile, qui m'a montré que malgré l'absence de mon père biologique, je pouvais en trouver un de substitution.
« Dès lors, je me suis mise à avoir les mêmes convictions que lui. Je voulais lui montrer que moi aussi je souhaitais découvrir le fin mot de l'histoire, que ma mère me manquait, mais que pour honorer sa mémoire, je devais trouver ce qu'il s'était passé.
Un sourire crispé naquit sur mon visage. Je me rappelais encore tous les soucis que je lui avais causé durant mon adolescence, tous les maux qu'il avait endurés par ma faute. Mais jamais, oh non, jamais, il ne m'avait rabrouée ou punie. Il savait le mal qui me rongeait et comprenait que j'avais besoin de faire des erreurs pour me relever et voir que ce n'était pas forcément les bonnes décisions que je prenais.
— Lorsqu'il a vu que je commençais à m'éparpiller et à causer des soucis à mon entourage, il m'a assigné un garde : Geldrick. Si au départ, nous n'étions pas sur la même longueur d'ondes, très vite, nous nous sommes rapprochés, et en secret, il m'a appris les bases de la défense... qui finalement ont été vaines, rajoutai-je devant le raclement de gorge de Paris.
Si le moment s'y était prêté, j'aurais ri. Il était vrai, et je m'en rendais compte à présent, que mon ami m'avait fait miroiter et croire des choses qui n'étaient pas vraies. Je pensais vraiment qu'il m'avait entraînée. Mais en fait, non. Il avait feint de le faire. Je ne lui en voulais pas, il voulait sûrement ne pas se mettre mon beau-père à dos.
Tu t'en sors bien, me souffla mon ami à plumes, posé sur mon épaule. Continue tant que tu le peux encore.
Je toussotai. J'étais vraiment mal à l'aise de me mettre à nu ainsi. Et pourtant, c'était vital. Ils m'avaient accordé leur confiance en croyant accompagner une jeune fille perdue qui n'avait aucun lien royal. Alors que non, j'étais tout le contraire. Bien sûr que je m'étais enfuie, mais je n'étais pas égarée.
Soudain, mes pensées se tournèrent vers mon garde du corps. Qu'était-il devenu ? Allait-il bien ? Avait-il pu s'échapper ? Était-il désormais à la solde de la Reine Noire ? Toutes ces questions me donnaient mal à la tête, et je sentis le premier vertige me prendre d'assaut. Je posai mes mains à plat au sol et fermai quelques secondes les paupières ; il fallait que je me reprenne.
J'entendis un froissement de vêtements, et quelques secondes plus tard, une main se glissa dans la mienne. La tête de Jen' se posa sur mon épaule – celle où n'était pas mon fidèle compagnon –, et je sentis son souffle chaud dans mon cou. Je perçus son désarroi et je m'en voulais qu'il ressente toute la tristesse dans mes paroles !
— Puis, le deuxième bouleversement est arrivé. La mort de Jartis a été un supplice. J'ai vu cet... homme se munir de son arme. Je l'ai vu approcher du roi. Je l'ai vu la brandir haut vers son cœur. Et j'ai vu cette dernière le transpercer. Je...
Un sanglot m'empêcha de continuer. J'avais tellement, tellement mal. Revenir sur ce souvenir n'était pas ce que je voulais, et pourtant, en ayant commencé mon histoire, j'avais senti qu'il était temps d'en parler à quelqu'un. Que j'avais besoin d'enfin me confier.
— J'ai dû fuir le château, non sans être passée par la case « geôles ». J'ai cru que Geldrick m'avait trahie. Je me sentais si mal qu'il ne me croie pas. Car évidemment, le tueur s'était évaporé quand les gardes sont entrés. Ils m'ont trouvée près du corps de Jartis, pleine de sang et les joues rougies de larmes. Mais ils m'ont cru coupable. C'était enfin le moment où je n'étais plus protégée, où j'étais vulnérable. J'ai passé des heures dans ma cellule à me demander ce que j'allais devenir.
Un frisson parcourut mon échine. La fraîcheur et la moiteur de cet endroit me revenaient en pleine figure, comme si je m'y retrouvais une seconde fois. Cette sensation était désagréable au possible.
— Mais Geldrick m'a aidée à m'enfuir et...
— Tu nous as rencontrés, dit calmement Paris.
Je levai mon visage ravagé par la tristesse vers lui, et ne pus qu'opiner. Oui, et à présent, il allait me dire tout aussi gentiment de partir et de me rendre au château, là où ma sentence aurait lieu.
Calme-toi, Iri. Respire.
Les injonctions de mon oiseau ne calmèrent cependant pas mes tremblements. Je m'astreignis pourtant à l'écouter, et fermai de nouveau les yeux.
— Et on t'a fait confiance.
Mon cœur rata un battement. La sentence arriverait bien plus vite que je ne le pensais.
— On t'a laissée entrer dans notre petit cercle.
Je déglutis difficilement. Les attaques allaient pleuvoir.
Je sentis près de moi l'adolescent amorcer une contre-attaque. Je sentais qu'il ne m'en voulait pas trop, qu'il avait l'air de comprendre. D'un signe de la main, le chef lui ordonna de se taire.
— J'ai mis du temps à te faire confiance. Je t'ai aidée à t'entraîner.
Je baissai misérablement la tête. Il se sentait trahi, et je le comprenais. J'aurais sans doute été dans le même état à sa place.
— Et pourtant... tu nous as menti. Et pourtant...
Il s'accorda une pause. Une lueur d'espoir naquit dans mon regard quand je le plantai dans le sien. J'attendais sa dernière phrase, celle qui allait tout changer. Et pourtant, je ne m'attendais à celle qui allait suivre. Un revirement de situation qui n'était pas à mon goût.
— Et pourtant, reprit-il, je te connais.
— Tu...
J'en perdais mes mots. Il me connaissait ?
— Tu me connais ? répétai-je, bêtement.
Il acquiesça.
— Je te connais. Mieux que tu ne le crois.
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