Chapitre 2 :La rencontre
Cela faisait désormais plus d'une semaine que j'étais partie du château qui m'avait accueillie depuis mon enfance. Je ressentais un manque constant de ces lieux, mais j'étais aussi heureuse de voir autre chose, de pouvoir visiter le royaume, bien qu'il fût très grand et que je n'eusse pas fait encore son quart.
Geldrick avait vraiment tout prévu. Outre la carte dans une des pochettes, il m'avait ajouté de la nourriture pour plusieurs jours. J'avais donc pu me remplir l'estomac convenablement, tout en essayant de rester raisonnable, pour en garder le maximum.
En effet, le palais de feu le roi n'était bordé que d'une grande forêt, étendue sur plusieurs lieues. Ainsi, je n'avais pas encore quitté l'accueil chaleureux des arbres, ce qui faisait que j'arrivais à terme d'aliments. Il me fallait absolument dégoter une chaumière ou un village pour m'acheter de quoi me nourrir.
À mon premier arrêt, précédé de dizaines et de dizaines de kilomètres parcourus, j'avais tellement faim que je n'avais pas fait l'inventaire de ce dont je disposais exactement. Après m'être sustentée, j'avais fait ma curieuse et avais trouvé tout un attirail, du plus logique au plus étonnant : carte pour me guider sur les terres ; à manger, bien évidemment ; des pièces dans une petite besace qui devraient me permettre de tenir plusieurs semaines et... un arc et des flèches.
J'étais restée quelques minutes interdite, à me demander pourquoi mon ami avait pensé à cette arme. Effectivement, il le savait aussi bien que moi : j'étais assez gauche quand il était question de combattre et me défendre. Il allait donc falloir que je m'entraîne assidûment si je voulais parvenir à me nourrir.
Car oui, je ne me faisais pas d'illusion : bientôt à court, il faudrait bien que je trouve quelque chose à me mettre sous la dent tant que je n'apercevrais pas de logis. De ce fait, la chasse primait sur tout. Il fallait que je croise un animal assez gros, mais pas encombrant, pouvant tenir dans plusieurs sacs, afin de l'emporter avec moi quand je me déplacerais.
J'avais convenu de ne pas rester plus de deux jours au même endroit. En effet, si la Reine Noire était à ma recherche – ce dont je ne doutais pas –, il ne fallait pas que je traîne. Il était important que je reste hors d'atteinte le plus longtemps possible.
Malheureusement, j'étais seule, et la solitude me pesait de plus en plus. Mis à part croiser des loups, des biches et des chevreuils, il n'y avait aucune âme qui vive.
Alors que je faisais une pause et que j'avais trouvé un endroit où me reposer pour une nuit, un craquement me fit relever la tête. Aux aguets, je regardai à droite puis à gauche, pour essayer de déceler celui ou celle qui se cachait. Mon cœur se mit à tambouriner contre ma poitrine. J'avais peur d'avoir été retrouvée. Pourtant, j'avais tout fait pour les éloigner de moi : changer de chemin en cours de route, brouiller les pistes. Tout ce que je jugeais nécessaire.
Mon cheval commença lui aussi à s'agiter. Il piaffait et donnait des coups de tête en l'air, comme si on l'agressait. Une veine battit contre mon front et je sentis le sang cogner contre les tempes.
Je me relevai doucement, époussetai mes vêtements et avançai d'un pas mesuré, faisant attention où j'allais. Je n'oubliai pas mon arme qui, en quelques jours, était devenue ma meilleure amie. Même si je n'avais pas eu le temps de m'entraîner, dans le feu de l'action, elle pouvait faire des ravages.
Mes jambes tremblaient, comme si j'étais un poulain qui venait de naître. J'essayais de me calmer en inspirant et expirant doucement. Un second bruit me fit sursauter et, à temps, je réprimai un cri. Une main sur la bouche, je continuai ma route, espérant tomber plutôt sur un animal qu'un humain à la solde de la Reine Noire.
Bientôt, j'approchai d'un lac, et ma peur disparut aussitôt. En face de moi, l'eau turquoise rendait le lieu magnifique. Un lapin avait la tête penchée au-dessus, comme si aucune menace ne pouvait planer autour de lui.
Avec une boule à la gorge, je me cachai derrière un gros tronc d'arbre, levai mon arc et me préparai à tirer. En moi, deux consciences se battaient avec force. La première me disait qu'il ne fallait pas que je le tue, que je trouverai bientôt un village où me restaurer. La seconde, d'un souffle sarcastique, m'astreignait à l'occire, pour me nourrir.
Au fond, je ne voulais pas lui ôter la vie, étant une adoratrice des animaux. Je m'étais retenue des jours, en coupant en plusieurs parts ma nourriture, mais j'arrivais au bout et je n'avais plus le choix.
Cette pensée me fit horreur, mais je me repris au dernier moment. J' installai la flèche à l'endroit convenu, bandai la corde, pris mon inspiration, visai puis... tirai tout en prenant une grande inspiration.
Comme au ralenti, je vis le trait se diriger droit vers sa victime dans un bruit fluet. Mais au dernier moment, la proie, sentant le danger, détala sans demander son reste. Je poussai un juron et donnai un coup de pied dans une pierre. Je me doutais que je ne l'aurais pas eue du premier coup, vu mes piètres talents, mais tout de même, c'était loin d'être une réussite.
Je grommelai dans ma barbe, quand un cri aigu perça la cime des arbres. Je me redressai, à l'affût, et sans plus de cérémonie, avançai d'un pas rapide vers l'origine du bruit.
Je me stoppai net devant la scène qui se déroulait devant mes yeux. Le lapin, qui avait eu le bonheur de s'enfuir, n'avait pu profiter de sa victoire assez longtemps. Sans doute apeuré par la flèche qui se rapprochait de lui, son envie de fuir avait pris le dessus, et ses pattes s'étaient prises dans une racine qui dépassait du sol. Il avait alors dévalé la pente, et s'était lourdement cogné contre une pierre.
À présent à ses côtés, je sus immédiatement que sa vie ne tenait qu'à un souffle. En effet, une marre de sang grandissait de plus en plus sous sa tête, et une estafilade longue de quelques centimètres couvrait une partie de son cou. Une larme roula sur ma joue. Même si j'adorais les animaux et que je n'aimais pas leur faire de mal, la meilleure chose à faire en cet instant, était d'abréger ses souffrances.
La bête poussa un cri d'horreur, mêlé à de la douleur. J'en avais le cœur retourné.
Accroupie près d'elle, je ne pus m'empêcher de caresser son cou pour lui demander pardon. Puis, avant qu'elle n'expire son dernier souffle, je pressai mes deux mains autour de sa tête et imprimai un mouvement de contorsion. Je sentis ses os craquer et un gémissement sortit de ma bouche. Ma vue était floue, à cause des larmes qui ne voulaient pas passer le barrage de mes yeux. Je m'obligeai à être forte, mais c'était dur d'enlever la vie à un animal qui n'avait rien demandé.
À présent, la tâche la plus difficile serait de la ramener à mon camp de fortune. Certes, je n'avais pas marché longtemps, mais la fatigue et le regret que je ressentais me pesaient beaucoup.
Quelques secondes me suffirent à rejoindre mon repère. Il fallait désormais que je trouve de quoi découper le lapin – mon cœur se retourna à cette pensée – et du bois pour le faire cuire. Cependant, je m'accordai un petit temps de pause pour récupérer. Ma monture profita de cet instant pour s'approcher de moi et me donner un léger coup de tête dans l'épaule.
Je gloussai et me tournai vers elle. Elle me regardait d'un œil triste, sentant ma propre frustration d'avoir commis un tel acte. Je lui souris et passai une main affectueuse sous sa crinière, la faisant souffler plus fort que d'habitude. Mon gloussement s'accrut, et bientôt ce fut un rire qui habita cette forêt si morne. Un rire nerveux, après tout ce que je venais de vivre.
Cette brave bête savait comment me remonter le moral. Le cheval, meilleur ami de l'homme. C'était vrai, je pouvais le confirmer.
Requinquée, je me relevai et partis chercher de quoi me chauffer et préparer à manger. Cela ne prit que peu de temps : étant dans un bois, ce matériau était prolifique. Le feu crépitait depuis un certain moment, et j'avais retroussé mes manches et sortis de ma tête les pires pensées pour dépecer mon futur repas.
Je répugnais à le dire et l'imaginer, mais sa chair avait été très tendre...
***
Plusieurs heures m'éloignaient à présent de mon dernier feu de camp. Je remerciai vraiment mon ami de m'avoir permis d'avoir une monture, car cela empêchait la fatigue de la marche de m'atteindre. Bien que rester campé sur un cheval toute une matinée était aussi éreintant, je n'avais pas les courbatures et la transpiration qui allaient avec.
À l'heure où le soleil était à son sommet, je fis une pause et mangeai un nouveau morceau de l'animal à longues oreilles que j'avais tué la veille. Pendant que je dégustais mon repas, un fond sonore s'éleva dans la forêt. Comme précédemment, je fus à l'affût et jetai un rapide coup d'œil à la seule présence qui m'accompagnait depuis plusieurs jours.
Vif Argent – tel était le nom que je lui avais attribué, faute de savoir le vrai –, broutait tranquillement l'herbe, sans vraiment se préoccuper du reste. Ses oreilles bougeaient comme d'habitude, ses naseaux frémissaient au fil de sa respiration et sa queue chassait les mouches trop présentes. Il ne semblait pas paniqué.
Je m'étais rendu compte au fur et à mesure que, lorsqu'il était inquiet, sa façon de réagir différait : ses oreilles bougeaient dans tous les sens ; ses yeux exploraient les environs méfiants ; ses sabots ne cessaient de frapper frénétiquement le sol. Or, ici, rien ne semblait le déranger, et je soufflai de soulagement.
Cependant, ma curiosité étant bien trop forte, je décidai de m'avancer vers ce chuchotement. Je n'avais toujours pas quitté le couvert des arbres et, de mon allure discrète, je me fis un chemin dans l'herbe, qui atténuait encore plus mes mouvements. Je faisais attention aux endroits où je posais les pieds, de peur de marcher sur une branche qui pourrait me trahir. Les grands êtres végétaux me surplombaient, m'aidant à mieux me cacher. Je me mis derrière l'un d'eux, une fois que le bruit se fit plus présent.
Jetant un œil une dernière fois derrière moi, je constatai que je ne m'étais pas trop éloignée de mon cheval et j'inspirai profondément. Il était toujours à la même place, malaxant compulsivement les brins d'herbe dans sa gueule. J'aurais ri devant cette scène, si des voix ne m'avaient pas sortie de mes pensées.
— Mais arrête ! Tu vois bien que tu ne le tiens pas bien !
— Mais comment ça ? Regarde, je l'ai bien en mains et je vais...
Un sifflement passa tout près de mon oreille droite tandis que je me collais encore plus fort contre le tronc derrière lequel je me cachais. Les yeux arrondis par la peur, j'essayai de réguler ma respiration, qui s'était faite erratique. Si je me faisais prendre à cet instant, je n'avais aucune chance de rallier un village où je pourrais me reposer quelques heures. Après avoir eu du mal à me faire à cette lourde campagne qui m'oppressait assez souvent, je ne voulais pas perdre aussi près du but !
— Tu vas nous faire tuer ! explosa la voix du premier homme.
— La... Elle est partie toute seule ! s'expliqua l'autre, d'une voix gênée et plus jeune que la première
Je n'osais plus bouger, et de ce fait, j'étais aveugle. Je ne voyais pas ce qu'ils faisaient ni s'ils s'avançaient vers moi. Ce dont j'étais sûre, c'était que s'ils décidaient de venir récupérer ce trait fiché dans le sol à deux pas de moi, ils me verraient.
Fermant les paupières, je priai Daméon de me sauver de cette situation.
— Va la chercher, cette fichue flèche et je vais t'apprendre à te servir correctement de cet arc, inculte !
Il fallait croire que notre Dieu ne m'avait pas entendue... J'étais dans de beaux draps.
Je regardai autour de moi, paniquée. L'écorce contre laquelle j'étais cachée semblait assez large pour que je puisse me déplacer sans me faire remarquer. Tâtant plus sur ma gauche, je la touchai et un morceau de bois me rentra dans la main, m'obligeant à serrer les dents pour éviter de pousser un cri plaintif. Je me décalai dans le plus grand silence, tandis que j'entendais de plus en plus les pas se rapprocher de moi.
Au dernier moment, je réussis à changer de place, et me situais désormais perpendiculaire à l'homme maladroit. Une fois après avoir soufflé de soulagement, je penchai légèrement la tête sur ma droite pour apercevoir cet inconnu.
Penaud, il se tenait droit devant l'arme qui avait failli m'atteindre peu de temps avant. Une épée accrochée à son flanc, je compris que j'avais en face de moi un homme appartenant à la garde. J'étais mal partie pour m'en sortir. Même si cela ne faisait qu'une semaine que je m'étais échappée du château, je savais la Reine Noire conquérante et rapide pour récupérer ce qu'elle croyait lui revenir de droit. Je ne doutais donc aucunement qu'elle avait à sa solde des hommes encore plus revêches qu'elle, prêts à mettre la main sur moi et ceux ne voulant pas être sous ses ordres.
Je sentis alors une perle de sueur couler le long de mon dos, m'apportant un frisson qui faillit me faire perdre mes moyens. Mon palpitant cognait fort contre ma poitrine, m'enlevant une bonne partie de ma respiration de retour à la normale quelques secondes auparavant.
Revenant au garde, je continuai mon inspection. Il ne portait ni cotte de maille ni casque, mais seulement une chemise blanche aux manches amples et un pantalon noir, retenu par une ceinture de la même couleur. Je relevai les yeux vers sa tête, et croisai une touffe de cheveux noirs conséquente. Un brin décoiffé, il n'arrangea pas la chose lorsqu'il passa l'une de ses mains à l'intérieur.
— Bon, t'attends quoi, là ? Le déluge ? grogna son compagnon.
J'hésitais encore à me montrer. Ne sachant pas vraiment qui ils étaient et ne voyant pas le second homme, j'avais peur qu'ils soient mes ennemis et qu'ils ne me ramènent au palais, ce que je ne souhaitais pas. Néanmoins, j'avais besoin de présence et ces deux zigotos me semblaient être de bon accueil.
Geldrick m'avait bien fait comprendre de ne faire confiance à personne, alors je rongeai mon frein et attendis que la situation s'arrange.
— Il faut qu'on rentre, Jen'.
— Ouais, ouais, j'arrive !
Le dénommé Jen' retira d'un coup sec la flèche de la terre et rejoignit son compère, qui patientait quelques mètres plus loin. Soudain, je sursautai et me rappelai les mots de son ami : « Il faut qu'on rentre ». Cela voulait-il dire qu'ils habitaient plus proche que je ne le pensais ? Qu'un village ou un hameau n'était pas loin ?
Un sourire aux lèvres, je me décalai de ma cachette, tandis que je les entendais s'éloigner de moi. Même si je ne savais rien d'eux, ma décision était prise : j'allais les suivre. Je savais que je pouvais me mettre en danger, mais je saurais me faire discrète. Du moins, je l'espérais.
Une fois que je ne perçus plus un bruit, je courus vers mon destrier, qui faisait encore son gourmand, rangeai ma nourriture dans les sacoches et me mis en selle. D'un léger coup de talons, je lui intimai d'avancer.
— Vif', je crois qu'on a trouvé une porte de sortie, me réjouis-je. Tu vas pouvoir te reposer à l'abri, et moi, peut-être connaître enfin la douceur d'un lit après plusieurs nuits par terre.
Comme s'il avait compris ce que je lui disais, il hennit et avança doucement dans cette forêt qui m'ouvrait enfin les portes d'un autre lieu, dépourvu de tous ces arbres.
***
— Non mais c'est pas vrai, grommelai-je. Ils le font exprès, ou quoi ?
À terre depuis de longues minutes, je tentais de suivre les pas des hommes croisés plus tôt. Ils prenaient des chemins impossibles à passer sur le dos d'un cheval, et j'avais dû le tenir par les rênes, pour le faire avancer. J'avais l'impression de tourner en rond et, l'équidé, le ressentant aussi, avait perdu de sa joie d'il y avait quelques instants. À présent, c'était moi qui prenais le contrôle de la route, tout en lançant des grognements aux deux usurpateurs qui semblaient jouer et s'amuser à me faire perdre mes moyens.
D'après ce que je voyais, ils ne m'avaient pas encore repérée, mais mon instinct me disait le contraire. De ce fait, j'essayais d'être le plus discrète possible, même si mes bougonnements montaient de plus en plus en puissance.
Alors que j'étais concentrée sur la route, je n'avais pas vu qu'ils s'étaient séparés et que je n'en suivais plus qu'un seul : le plus âgé. Me fixant au bruit qu'ils faisaient en marchant, je n'avais pas senti la différence désormais que le plus grand était isolé.
Ce ne fut que lorsque je sentis la pointe d'une épée dans mon dos que je compris la grosse erreur que j'avais faite. Pensant être silencieuse, j'avais omis qu'ils devaient être entraînés à savoir quand on les pistait.
Un long frisson parcourut mon échine et je n'osai pas me retourner, ou de sursauter, de peur de recevoir le bout dans l'estomac. Contre mon dos, je savais que l'arme était très bien affûtée et je ne voulais pas me blesser inutilement.
— Qui es-tu ? siffla son cadet, dans mon dos.
Je déglutis difficilement, mais ne répondis rien. Je me contentai de lâcher les rênes de Vif Argent et de lever haut les mains, montrant que je n'étais pas armée et que je ne comptais pas les attaquer de dos.
Sans ouvrir de nouveau la bouche, il accentua la pression sur ma chemise, me montrant qu'il ne serait pas conciliant, bien que je sois nue en termes de défense.
Je me raclai la gorge, fermai les yeux et déglutis une seconde fois.
— Je..., me mis-je à bégayer. Je m'appelle... Ir... Acléa.
— Iracléa comment ?
— Acléa, répétai-je plus fort, agacée. Acléa tout court.
— Iracléatoutcourt, que c'est mignon comme nom, ricana-t-il.
Je soupirai. Je sentais la moutarde me monter au nez, et d'un mouvement prudent, je me retournai vers mon « agresseur ». J'avais peut-être menti sur mon nom pour me protéger, mais ce n'était pas une raison pour qu'il se moque ainsi de moi.
Surpris, le jeune homme aux cheveux de jais et aux yeux vert émeraude fit un pas en arrière, l'épée toujours pointée vers moi. En me mettant face à lui, j'avais senti l'arme m'écorcher un peu les côtes, mais la douleur était encore bien supportable. Ce n'était pas une petite égratignure qui allait me faire m'évanouir.
— A-C-L-E-A, épelai-je, en sifflant. Sans nom de famille, tu comprends ?
Les poings serrés, je le fixai de mon regard dur, et ce dernier explosa de rire.
Puis se reprit.
— Qui es-tu ? répéta-t-il. Ce n'est pas un nom qui va m'apprendre ce que tu fais réellement là, à nous suivre.
Je me mordillai la lèvre inférieure pour m'éviter de sortir une ânerie. C'était fou comme il avait du vocabulaire. Je me contentai de fermer les paupières et de me pincer l'arrête du nez pour montrer mon agacement.
— Une jeune fille qui cherche son chemin ? hasardai-je.
Un gloussement me fit me retourner vers l'homme que je ne connaissais pas encore. Un visage enjôleur encadré d'une chevelure blonde arrivait vers nous et me toisait de ses pupilles gris rieuses. Lui avait l'air de comprendre que je me fichais un peu de son ami.
— Laisse-la, Jen', elle ne nous veut pas de mal.
L'interpellé grogna mais ne baissa pas son épée pour autant.
— Comment tu peux en être si sûr ? Elle nous piste silencieusement depuis un moment, on a essayé de la semer, mais elle retrouve toujours nos pas.
Son collègue pencha la tête sur le côté, mais ne parla pas.
— Oh oui, bien sûr, j'oubliais..., répliqua le plus petit, en mettant cette fois sa lame dans son fourreau.
Ébahie, je les regardai à tour de rôle, ne comprenant pas pourquoi le premier avait si vite changé d'avis, et ce que voulait dire cette tête penchée. Les sourcils froncés, je reculai d'un ou deux pas, avant que le plus grand ne me ceinture pour m'empêcher de m'enfuir.
— Maintenant qu'on te tient, tu ne partiras pas avant de nous avoir raconté qui tu es exactement. Je sais que tu ne nous veux aucun mal – j'ai certaines particularités qui me le prouvent –, cependant, tu nous dois quelques explications.
Son odeur d'herbe fraîche mélangée à la menthe me fit tourner la tête, et sans comprendre pourquoi, je hochai la mienne le plus simplement du monde. Un sourire des plus francs se peignit sur son visage et, d'un signe impérieux – c'était un tic, ou quoi ? –, il nous indiqua de reprendre la route.
Il me lâcha afin que j'aille rejoindre mon destrier, et ce fut d'un pas maladroit que je le fis. Je ne savais pas ce que la suite allait me réserver, mais je sentais que je venais de faire une rencontre qui n'allait pas m'abandonner de ci-tôt.
Parfois, mon instinct me surprenait, néanmoins, je préférai une nouvelle fois le croire, au risque de le regretter plus tard.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top