Chapitre 14 :La naissance des Gingwë

Après avoir passé plusieurs heures en compagnie de Jen', j'avais fini par retrouver un peu de couleurs et d'espoir.

En effet, alors que l'idée ne m'avait pas effleuré l'esprit, Démédie m'avait fait remarquer que même s'il était toujours en sommeil, son corps avait besoin de se nourrir pour pallier aux autres manques. J'avais commencé à paniquer, me disant que j'aurais dû y penser plus tôt, pour finalement me rendre compte que je ne savais pas comment faire pour y arriver. Lui donner à manger, il n'y avait aucun souci, je le ferai même avec plaisir,mais la question était : comment ? N'étant pas apte à ouvrir la bouche et déglutir, comment allait-il pouvoir avaler ce que nous allions lui donner ? C'était une épreuve que je me refusais de vivre.

Alors, notre nouvelle compagne m'avait fait encore une fois part de ses dons et avait proposé son aide pour le sustenter, sans pour autant qu'il n'ait mal. La solution était simple : à l'aide de sa magie, elle créerait de quoi le sustenter et modifierait son contenu en liquide, afin que cela passe mieux dans son organisme.

J'avais alors vu une lueur d'espoir et lui avais fait entièrement confiance. De ce fait, pendant que j'épongeais la sueur du front de notre blessé, elle se chargea de le nourrir. J'avais été si occupée à veiller sur lui que je n'avais pas fait attention à ce qu'elle faisait, mais au fond de moi, je savais que je pouvais lui faire confiance.

J'étais pressée de poursuivre notre discussion, mais l'état du plus jeune du groupe était passé prioritaire pour moi. Son pronostic vital m'inquiétait de plus en plus. Il avait plusieurs côtes fêlées, un poumon perforé qui l'empêchait de respirer correctement, quelques doigts cassés sous le choc des pierres tombées et l'une de ses cuisses ouverte sur une dizaine de centimètres. Lorsqu'il nous rappelait sa présence,c'était pour gémir, tout en étant toujours dans le coma. Dans l'inconscience.

J'avais encore du mal à me dire qu'il ne se réveillerait pas, que son corps ne guérirait pas. Je me doutais évidemment qu'il lui faudrait une aide médicale pour s'en sortir, mais en cet instant précis, nous n'avions pas la possibilité d'aller dans ce genre d'endroit. Démédie nous avait bien fait comprendre qu'il était en danger de mort si nous ne nous dépêchent pas. Elle avait cependant précisé qu'au vu de ses blessures internes le déplacer aggraverait son hémorragie et accélérerait sa perte. Ce dont elle ne semblait pas être au courant, c'était que nous étions recherchés et que l'on ne pouvait pas se permettre de se se présenter n'importe où et n'importe quand. Si quelques jours plus tôt, cette idée ne m'aurait pas dérangée, à présent, je voyais les choses différemment ; j'étais prête à me mettre en danger pour sauver la vie du garçon que je considérais comme mon petit frère.

Le visage baissé et les yeux clos, je n'avais pas vu Paris venir vers moi. Ce ne fut que quand je sentis samain sur mon épaule que je sursautai et levai un regard éploré vers lui. D'un léger sourire, il accentua la pression pour me donner du courage et me faire comprendre de revenir auprès d'eux, autour du feu. J'acquiesçai, lançai un dernier coup d'œil à notre blessé,remis en place l'une de ses mèches venue se poser contre son front,et y apposai un furtif baiser avant de le laisser. Une fois assise à côté de mes compagnons, la jeune Elphyriade reprit la conversation là où nous l'avions arrêtée plus tôt.

— Pour en revenir au Gingwë,souffla-t-elle, comme si elle trouvait déplacé de reprendre une discussion avec ce qui nous tourmentait.

D'un bref hochement de tête, je lui fis comprendre que nous étions prêts, mais surtout que quelques explications pourraient sûrement nous occuper les esprits. Elle inspira profondément et continua :

— La première fois qu'un groupe de notre race a rencontré cette engeance, il ne savait pas du tout ce que c'était, et encore moins comment la combattre. Nos soldats les plus aguerris se sont retrouvés face à trois Gingwës, ne sachant pas où donner de la tête. Fort de leur entraînement et de leur capacité à se battre, ils se sont directement lancés dans la mêlée, sans savoir qu'ils n'en ressortiraient pas vivants, pour la plupart. Au terme de plusieurs heures de bataille, les survivants ont conclu qu'une retraite était la meilleure solution, s'ils voulaient rentrer dans un état à peu près potable au village. Sur plus de vingt hommes, seuls trois sont revenus, bien amochés et bien démotivés.

Elle s'octroya une pause, qui nous permit de nous mettre en tête ce qu'elle venait de nous apprendre.Comme ça, cette tribu les avait rencontrés sans savoir ce qu'ils étaient vraiment et, le plus important, sans mesurer la manière la plus prudente de les occire. Il était évident que, comme nous, ils s'étaient trouvés démunis. Je ne pouvais que les comprendre et,même si je ne les connaissais pas, mon cœur se gonfla de respect pour ces gens qui avaient osé s'opposer ce que beaucoup auraient fui.

— Même s'ils étaient en état de parler, leurs membres étaient trop fragiles, il a fallu de longues semaines avant qu'ils puissent s'en remettre. Durant leur convalescence, plusieurs d'entre nous, du moins les plus curieux,sont venus à leur chevet pour avoir de plus amples descriptions.Certains furent choqués d'apprendre à quoi ces monstres pouvaient ressembler, et leur crête de feu fut la distinction qui les fit trembler.

« Une seule personne, pourtant,ne sembla pas si indignée. Le seul qui, pendant des mois qui s'étaient transformés en années, avait fait des recherches,était allé jusque dans leur domaine pour en apprendre plus.

Un cri d'effroi sortit de ma bouche.Les yeux exorbités, je ne savais plus quoi dire. Quel inconscient !

Une main réconfortante se posa sur ma cuisse, que j'attrapai dans la mienne, la resserrant plus que prévu.Même si ces faits s'étaient produits des siècles auparavant,c'était comme si l'action qu'elle nous expliquait se déroulait devant nous en ce moment-même.

— Cette personne, répéta-t-elle pour appuyer sur ce terme, était mon père. Un homme déterminé,fier de représenter son peuple, mais aussi très en colère qu'il soit autant malmené.

Je déglutis difficilement. Que son père ait voulu trouver une solution était bien sûr honorable, mais se mettre en danger alors qu'il avait une famille était inconcevable pour moi. Ou presque.

Me vint directement en tête, feu Jartis qui, malgré son rang et les gens qu'il aimait, n'hésitait pas à aller sur le terrain, afin de ramener la paix, même si celle-ci était très loin dans les esprits de certains. Doucement,je compris la détermination de cet Elphyriade, qui ne souhaitait que vivre dans le calme et la prospérité.

— Ne trouvant aucun livre, ni aucun texte faisant référence à ces êtres, il avait décidé de créer lui-même un document qui relaterait toutes leurs caractéristiques,de la plus infime à la plus importante. Il passa donc ses soirées en compagnies des hommes blessés, afin de recueillir le maximum d'informations exploitables. Une fois tous ces dossiers faits, ce qui prit la moitié d'une année, il demanda à notre roi de pouvoir sortir du territoire, afin d'aller à la rencontre de ces bêtes,qu'il avait nommées « Gingwës ».

L'intonation de Démédie eut soudain un élan de fierté. Avec un petit sourire, je changeai de position,commençant à avoir des fourmis dans les jambes.

— Alors comme ça, c'est ton père qui les a appelées ainsi, hasardai-je, mon rictus toujours fiché sur mon visage.

Elle opina du menton, la poitrine en avant, montrant ainsi tout le respect qu'elle avait envers cet homme qui lui avait donné la vie.

— La question que j'ai maintenant est : comment se fait-il que ces bêtes, avec ce nom, soient apparues dans nos livres, en dehors de votre civilisation ?

J'avais encore les images de mon précepteur qui ouvrait l'ouvrage sur cette page et ce visage hideux,mais intriguant à la fois.

— Chaque chose en son temps,s'amusa-t-elle. Ne comprenant pas l'envie de l'un de ses congénères de se mettre en danger, notre roi refusa tout d'abord sa demande.Deux semaines passèrent, pendant que mon père palabrait et expliquait ses motivations, qui restaient sans réponse et sans accord.

« Ne voulant pas mettre plus encore nos vies en danger, il outrepassa les règles et partit donc seul, sans rien pour se protéger, si ce n'était sa dague qu'il chérissait et qu'il ne quittait jamais.

Pendant son histoire, je voyais ses poils se hérisser sur ses bras, prouvant que, bien que tout ceci soit terminé, elle en tremblait encore de peur rien que d'en parler.Son visage, si beau et juvénile, se paraissait d'une couleur terne et presque sans vie, tandis que ses yeux se remplissaient de larmes,qui ne passaient cependant pas leurs barrières.

— Ainsi, durant des mois, nous n'eûmes plus aucune nouvelle de lui, nous faisant penser qu'il était mort des mains de nos ennemis. Ma mère fut vite devenue inconsolable, alors que moi, confiante quant aux capacités de mon père, j'étais persuadée qu'il nous reviendrait vite, et en plus de cela, avec des moyens pour les détruire une bonne fois pour toutes.

« Car pendant qu'il était absent, une dure rumeur était arrivée à nos oreilles : les Gingwës avaient élargi leur espace et attaquaient d'autres royaumes qui, comme le nôtre, ne les connaissaient pas du tout.

Une nouvelle fois, je restai sans voix.Je n'avais jamais entendu cette histoire ! Elle n'était mentionnée dans aucun des livres que j'avais été obligée d'étudier. Pourtant, c'était une partie de l'histoire, de notre histoire, qui était importante. L'une des plus importantes, même.Celle qui avait causé bien plus de dégâts que n'en faisait pour le moment la personne qui me pourchassait.

Mon cœur tambourina dans ma poitrine à cette idée. Depuis notre combat et les blessures presque mortelles de Jen', cette femme m'était sortie de l'esprit. Une certaine pause qui venait à l'instant de prendre fin. Je secouai la tête, pour continuer d'écouter notre conteuse. Bien que cette partie de l'histoire ne fût pas l'une des plus belles que je connaisse...

— Avec le sang aventurier de mon père dans les veines, j'étais outrée de voir que mon peuple ne faisait rien et attendait sûrement que tout cela se passe. Au fond de moi,je me doutais que ce n'était que le début et que si nous restions les bras croisés, tout allait empirer. J'ai essayé d'ouvrir les yeux à plusieurs d'entre nous, mais ils me répondaient que si nous n'avions pas la solution pour les tuer, nous irions nous-mêmes nous poser sur le bûcher et mourir de leurs flammes.

C'est que certains étaient poètes,pensai-je, amère.

Un coup d'œil peu amène de mon ami me fit comprendre que ma pensée avait dépassé mes lèvres et que j'avais parlé tout haut. Gênée, je me ratatinai et rentrai la tête dans les épaules. Le rire de Démédie me remit très vite à l'aise et j'appréciai le fait qu'elle n'ait pas mal pris ma répartie.

— Certains avaient des idées bien arrêtées et surtout, une peur inconsidérée du feu.

— Alors que d'autres, quand un bâtiment s'enflamme, dorment comme des bébés, lançai-je en regardant rapidement notre plus jeune compagnon, toujours allongé et la respiration très faible.

Notre interlocutrice mit sa tête sur le côté, me montrant son incompréhension. Je pris donc quelques secondes pour lui expliquer ce que nous avions vécu dans le seul village où nous nous étions arrêtés.

Amusée, elle posa sa main devant sa bouche, pour s'empêcher de rire. Contre toute attente, ce fut moi qui partis d'un grand éclat. Le stress, la colère, la tristesse ne faisaient pas bon ménage dans mon esprit, ce qui me faisait craquer d'une façon bizarre.

Ma crise mit quelques minutes à se calmer, et je fis un signe de la main à notre nouvelle compagne pour qu'elle continue son récit, tandis que de mon index droit, je récoltai une larme coulant de ma joue.

— Eh bien, si certains de mon peuple avaient eu la même mentalité que votre ami, ils auraient peut-être osé se montrer face à ces monstres, continua-t-elle, le sourire aux lèvres, même si la situation ne s'y prêtait pas.

« À force de persuasion,j'avais quand même réussi à rallier quelques Elphyriades qui voulaient, tout comme moi, tous nous sauver. Même si nous savions que cette mission était périlleuse et que peu d'entre nous en ressortiraient vivants, nous étions motivés. J'avais pu récupérer les copies des textes de mon père et avais passé des nuits à tout apprendre par cœur.

« Quatre mois plus tard et après maintes entraînements, nous étions fin prêts à nous en aller.Quelques minutes avant notre départ, notre roi était venu nous voir, la mine sombre et des cernes sous les yeux. Même s'il n'était pas enclin à nous voir partir, nous savions qu'il avait fait son possible pour sauver le plus de personnes possibles, incluant aussi les humains des royaumes alentour.

Elle nous expliqua alors, d'une voix enrouée et triste, que son père avait été retrouvé à l'orée de la forêt, bien affaibli, mais toujours en vie. Dès lors qu'elle avait su qu'il était encore possible de le sauver, elle n'avait plus voulu partir, mais rester auprès de lui et le soigner.

— Tandis que je retournais au village, ceux qui s'étaient joints à moi avaient décidé de continuer ce que nous avions commencé, non sans avoir une pensée pour celui qui m'avait donné la vie, mais aussi une onde d'espoir.

« Pendant des jours, je suis restée près de lui, je faisais attention à sa respiration, qui pouvait changer d'une minute à l'autre, ma mère ne cessait dépasser un linge humide sur sa peau, pour qu'il garde une température appropriée. Les médecins qui venaient le voir le plus souvent possible, nous affirmaient que son corps reprenait doucement vie et maîtrisait de plus en plus les signaux transmis par son cerveau.

Même si ses larmes coulaient abondement sur ses joues, un léger sourire apaisait ses traits et nous promettait une amélioration. Durant tout ce récit, j'avais trituré la main de Paris qui, je le sentais, avait de plus en plus de mal à refréner ses grimaces de douleur. En m'excusant mentalement, je le lâchai donc et crochetai mes doigts aux accroches de mon pantalon.

— Je vais vous passer les détails de sa convalescence, car ce n'est pas cela qui nous – vous –intéresse en ce moment, dit-elle d'un air amusé et contrit à la fois. Une fois qu'il reprit pleine possession de ses moyens, il nous expliqua comment il avait trouvé leur faille et comment il avait pu échanger avec chaque royaume pour leur indiquer la marche à suivre.

« Lors d'une de leurs nombreuses attaques, il avait eu le temps d'aller prévenir certaines royautés des soucis qui se tramaient dans leurs contrées. Même si la plupart n'avait pas envie de le croire, étant donné que nous étions une race qui ne se mélangeait pas aux autres, d'autres, quant à eux,ont voulu lui laisser le bénéfice du doute.

« À leur côté, il a réussi à mettre leurs ennemis en déroute, d'un simple tour de main qui aurait pu tourner à la catastrophe. En effet, pendant la bataille,il tenait dans sa paume un petit bocal en verre, qui était rempli d'une substance que mon peuple avait mis des siècles à mettre en place : de la poussière. Mais pas une simple poussière que l'on peut retrouver dans les maisons, quelque chose de plus poussé,de plus utile et de plus mortel. Malheureusement, et même si je voudrais vous en dire plus, c'est encore un secret bien gardé qu'on ne divulgue à personne d'autre qu'aux membres de notre clan.

Elle se mordilla la lèvre pendant qu'elle nous annonçait cela. Cependant, je saisissais parfaitement que certaines choses devaient rester dans le flou, au risque qu'elles soient utilisées à des fins douteuses.

— On comprend, dis-je, c'est normal.Je t'en prie, continue.

D'un sourire, elle me remercia de ma compréhension et poussa un gros soupir.

— Tandis que les humains menaient lamarche, mon père s'est retrouvé à part, et en face d'un de ces monstres. La peur d'être brûlé vif sous son feu a été la plus forte, et il a voulu fuir. Étant donné que son adversaire était grand, il a tout d'abord réussi à échapper à ses gros pieds, en passant entre eux. Mais lorsqu'il a voulu s'éloigner, il a trébuché sur une racine dépassant du sol. Dans son vol plané, la fiole lui à aéchappé des mains, s'est écrasée au sol, et avec elle, l'un des seuls moyens de les vaincre partait en fumée...

J'étais totalement prise par son discours, que je ne fis même pas attention au fait qu'elle avait fait une pause. Ce ne fut que quand elle reprit que je sursautai de surprise.

— Mais alors qu'il pensait que la fin était arrivée, la poussière s'est évaporée dans l'air, tandis qu'une grande gerbe d'eau s'écrasait contre le Gingwë. Alors que le liquide transparent éteignait les flammes de sa crête, les particules magiques se posaient partout sur son corps. Au bout de quelques secondes, le fluide indolore avait séché, et le feu avait repris sur le dessus de la tête.

« Néanmoins, le second élément faisait déjà son travail : il rognait chaque partie de la chair du monstre. Des cloques apparaissaient à plusieurs endroits,alors qu'à d'autres, des trous assez profonds se créaient, comme si de l'acide venait détruire quelque chose de nocif.

J'imaginais déjà la scène dans mon esprit et elle n'était pas forcément agréable à voir, même si savoir qu'une solution était possible pour se débarrasser de cette engeance était une bonne nouvelle.

— Et... c'est pour ça que toi aussi tu as usé de ces... particules ? demandai-je, curieuse.

— Tout à fait. J'aurais aussi très bien pu l'utiliser dès le début, mais comme vous avez pu le constater, j'ai d'abord usé du subterfuge de l'eau.

— Subterfuge ? répéta Paris,le sourcil arqué.

Démédie opina simplement.

— Oui. Car galvanisés par cette découverte, ils ont tous demandé à mon père de confectionner des tonnes de cette magie pour en venir à bout. Lui aussi étant très étonné que ça ait marché, mais aussi heureux de pouvoir contribuer à la survie de beaucoup, avait accepté. Pendant des jours, il s'est enfermé dans une pièce avec, comme seule lumière,une petite fenêtre qui lui permettait de savoir à quel moment de la journée nous étions. Une fois la « potion » prête, ils sont tous retournés au combat, mais très vite, ils ont compris que ces bêtes étaient douées d'une certaine intelligence et qu'elles avaient reconnu le produit qui pourrait les tuer d'un seul coup.

— Oh... Je crois que je commence à comprendre, s'engagea mon ami.

Je le regardai, dubitative. Qu'est-ce qu'il avait compris ? Moi, j'étais perdue. J'essayais donc de me remémorer le combat entre l'Elphyriade et le Gingwë. Il était vrai que la première fois, elle avait utilisé l'eau pour le tuer.Si au début, ça n'avait enlevé que le feu de sa crinière, très vite, ce dernier était revenu à la charge et était réapparu sur sa tête, comme s'il ne s'était rien passé. Puis, Démédie avait alors usé de magie et lui avait envoyé sa « poussière spéciale » qui, elle, l'avait terrassé pour de bon en le faisant souffrir le martyr.

Oh mais, attendez !

— L'eau est une diversion, c'est ça ?

D'un grand sourire, elle acquiesça, heureuse que je comprenne.

— C'est exact !

— C'est intéressant à savoir, poursuivit mon compagnon. Mais comment l'ont-ils su ?

— Tout simplement en repartant du point de départ et en envoyant sur eux des gerbes de ce liquide, qui les détournait de leur préoccupation. Cela donnait le temps aux les humains de lancer leur dernière attaque, qui se composait des fibres magiques que mon père avait confectionnées.

— Par Daméon ! explosai-je.C'est... génial ! Et grâce à toi, nous sommes en vie.

Elle rougit devant mes compliments,mais surtout mes remerciements silencieux. Sans elle, nous ne serions pas là en train de parler et je lui en serai encore pour longtemps reconnaissante. Cependant, malgré cette bonne nouvelle, une question continuait de me tarauder l'esprit.

— Si les humains ont eu vent de cette magie, pourquoi n'est-elle pas mentionnée dans nos ouvrages ?C'est quand même une grande avancée, et le moindre des remerciements qu'ils pouvaient vous faire après votre sauvetage !

Elle baissa misérablement la tête,mais lorsqu'elle la releva, je vis une lueur de colère naître dans ses yeux. Je ne bougeai pas d'un millimètre, mais cela me donna une tonne de frissons dans le dos.

— Une fois les Gingwës détruits,mon père pensait qu'enfin, une trêve pouvait avoir lieu entre eux et nous. Il est donc retourné dans votre royaume pour parler, mais il fut très mal reçu. Mis en prison, il fut traité comme un moins que rien et battu pour aucune raison. Au bout de plusieurs jours de douleur, il a réussi à s'échapper, grâce à une personne qui ne supportait pas de voir souffrir quelqu'un qui leur avait sauvé la vie. C'est ainsi qu'il est revenu auprès de nous et qu'il nous a annoncé que jamais nous ne serions remerciés, que tout ce qu'il avait entrepris pour sauver tout le monde s'était trouvé vain, que vous préfériez vous accaparer la réussite plutôt que de lier une alliance avec une race telle que la nôtre. Depuis ce jour, nous nous retranchons dans notre coin, avec une certaine haine concernant beaucoup d'entre nous.

— Pourtant, ça ne t'a pas empêchée de venir à notre secours, ajoutai-je, honteuse de l'esprit de certains Hommes.

— Parce qu'au fond de moi, j'ai toujours l'espoir de trouver une solution pour que nous soyons de nouveau unis.

Je savais que quelques heures plus tôt,j'avais dit que je n'aimais pas cette femme, qu'elle ne m'inspirait pas confiance, mais elle m'avait prouvé que j'avais eu tort. Je ne pus donc pas empêcher mes lèvres de lâcher dans un souffle :

— Cet espoir se concrétise. Ce serait bien que tu acceptes de nous accompagner et de nous donner quelques petites astuces durant notre voyage.

Un éclair de joie traversa ses iris,avant qu'ils ne redeviennent comme à l'accoutumée.

— Pour ce qui est du second point, ce sera avec plaisir. Quant à vous suivre... je ne pense pas que cela soit totalement possible. Mon peuple doit m'attendre et s'inquiéter de ne pas me retrouver.

J'acquiesçai. Je la comprenais, et je ne pouvais qu'être d'accord avec elle.

— Tu ne pouvais pas mieux dire, nous coupa une voix forte et masculine.

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