— T'avais pas le droit !, hurle Milo pour la sixième fois. 

Une journée des plus banal, en sommes. Hormis le fait que Milo soit en train de déverser son peu de haine sur Aoile, qui regarde le ciel depuis dix minutes. C'est assez...cocasse. Même si je m'y attendais lorsqu'elle m'a proposé d'aller le chercher à la sortie des cours, je ne pensais pas que le petit serait aussi peu véhément. 

Outre crier "tu n'avais pas le droit" en boucle, il tape de ses petits poings le ventre de l'hybride, qui n'en a plus ou moins rien à faire, soyons clair. La jeune femme regarde le ciel en échappant de temps à autre un soupir d'ennui. 

Quant à moi... Je me demande encore pourquoi je suis venu. A part le fait que j'assiste à cet échange, en prenant avec précaution dix pas en arrière, je ne fais pas grand-chose. Enfin, juste sourire. La dispute entre Samantha et Aoile a été bien courte et j'aime penser que celle-ci durera un petit peu plus longtemps. 

Même si bon, miser sur un enfant de neuf ans n'est pas forcément le bon pari. Il faut croire que l'un de ses pouvoirs est effectivement de vous faire fondre pour sa petite bouille de demi-Ange, parce que cela a fonctionné sur moi.

L'hybride, simplement vêtue d'un haut blanc et d'un pantalon gris clair, semble presque se fondre dans le décor, debout devant un bâtiment en briques grises. A l'inverse, Milo a revêtu un haut vert gazon avec un pantalon noir, réussissant l'exploit involontaire de mélanger les deux couleurs des jeunes femmes.

Tenue qui a fait tiquer Aoile lorsque cette dernière l'a vu sortir de sa classe, détournant immédiatement le regard. Je pouvais clairement voir de la culpabilité dans ses yeux, avec un mélange de honte et de gêne. 

Mélange accentué lorsque le jeune homme a foncé sur elle, ses jolis yeux vairons la fusillant du regard, me faisant immédiatement reculer et me faire oublier. Le petit hybride a tout de suite accusé Aoile d'avoir "forcé" Samantha à s'en aller et d'être une mauvaise "maman". 

Une appellation qui a fait virer l'hybride au blanc pur et simple, presque autant que son haut. Je ne l'avais jamais vue aussi blanche, j'ai presque cru qu'elle n'allait pas s'en remettre. Mais visiblement, elle a préféré ranger ça dans un coin de sa tête et raisonner avec le petit être face à elle.

— Milo, je t'ai déjà expliqué-..., commence Aoile une nouvelle fois, visiblement épuisée de devoir se réexpliquer à chaque fois. 

Mais le jeune homme n'en a visiblement pas fini avec sa rengaine. Outre avoir coupé Aoile au milieu de sa septième explication, il agite vainement ses petits bras en l'air comme si cela allait suffire à nous faire comprendre sa colère. 

En réalité, c'est assez jouissif et drôle de constater à quel point personne sur cette fichue île n'est capable de dire quoi que ce soit de cohérent lorsqu'ils sont en colère. Ils agitent leurs bras, leurs mains, leurs doigts, parfois même leurs têtes, mais les mots ne sortent pas. Ou partiellement. 

Ce qui rend leur dispute des plus hilarantes ! Certains même bafouillent, ce qui me fait personnellement mourir de rire. Mais encore une fois, c'est totalement subjectif donc peut-être qu'eux trouvent ça parfaitement logique.

— NON ! JE NE VEUX PAS SAVOIR ! T'avais pas le droit !, répète-t-il.

Aoile soupire encore une fois mais n'ajoute rien de plus, évitant à de nouveaux parents de se retourner dès que Milo s'énerve. J'ai arrêté de compter le nombre de visages choqués ou gênés devant cette scène, qui se passe littéralement devant la cour. 

Nous n'avons même pas pu avoir le loisir de quitter ce lieu puisque Milo a été mis au courant on-ne-sait-comment -même si j'irai parier sur Lucifer, quand même- du cas de Samantha et du rôle qu'Aoile ou moi avons joué. 

Du coup, il est inutile de préciser qu'il ne m'a même pas encore calculé. Je pourrais ne pas être là, ça ne changerait rien. Mais je suppose que ma relation avec ce gosse vient d'en prendre un sacré coup malgré tout.

— Tu avais pas le droit de la forcer à partir, geint-il doucement. 

Quelques larmes ont eu l'audace de couler sur les joues encore potelées du gamin, me sortant de ma léthargie. Aoile n'a encore rien vu, trop occupée à nettoyer son visage à l'air de ses mains pour ne pas perdre son self-contrôle. 

De mon côté, je m'approche de l'enfant et me met à genoux pour faire sa taille, lui offrant un sourire se voulant aussi rassurant que j'en suis capable. Bien que je comprenne la colère qui l'habite, mon plan nécessitait ce passage. 

Bien évidemment, il est hors de question que je lui explique les choses ainsi, alors je me contente simplement de lui sourire et d'essuyer ses larmes d'un revers de pouce, jusqu'à ce que Milo me repousse avec sa force d'enfant, me faisant réellement sourire cette fois. 

Aoile, qui a visiblement repris une contenance, fonce sur l'enfant et le fait reculer de quelques pas, lui ordonnant de ne pas s'en prendre à moi, que je n'y suis pour rien. Si Milo ne répond rien, son regard me fait clairement comprendre qu'il me tient aussi pour responsable. 

Sans doute parce que je n'ai rien fait pour empêcher Samantha de partir, loin de là. Et si cette dernière n'a pas mentionné ma dernière intervention, je suppose que ça continue de peser sur mon cœur. Le véritable Thomas s'en veut énormément, alors qu'il n'est même pas à l'origine de ces paroles dévastatrices.

— Milo, je te promets que Samantha va revenir d'accord ? Parfois les adultes s'énervent et disent des choses qu'ils ne pensent pas, mais ils se calment et finissent toujours par en discuter. Je te promets qu'elle sera revenue ce soir, d'accord ?, souffle Aoile avec tout le calme dont elle dispose encore.

Le jeune homme continue de...bouder, je suppose. Son visage est fermé, ses lèvres pincées et son regard fuyant. Il semble peser le pour et le contre de cette affirmation, comme s'il ne la croyait qu'à moitié. 

Finalement, quelque chose se produit. Une sorte de déclic. Le jeune homme croise les yeux de l'hybride, qui lui sourit presque tendrement. Son oeil vert l'observe avec une certaine colère, tandis que l'autre semble plus calme, plus posé.

 Je peux clairement voir de la panique s'emparer de sa prunelle émeraude et ses petites ailes sortent d'un seul coup de son dos, tandis qu'un cri d'une puissance bien trop élevée pour un enfant de cet âge sort de sa bouche. 

C'est comme si un train à pleine vitesse venait de me percuter. Je recule une nouvelle fois, les mains sur les oreilles, grimaçant tellement que mes zygomatiques commencent à me faire mal. Je fais un nouveau pas en arrière, me sentant défaillir avant qu'un cocon de protection ne vienne arrêter la douleur. 

Levant les yeux, je remarque qu'Aoile a déployé ses ailes autour de moi, subissant de plein fouet le cri de Milo, qui semble étrangement l'affecter énormément. Dans les souvenirs de Thomas, lorsque Samantha criait, c'est à peine si Aoile le sentait.

Dans ce cas de figure, la jeune femme grimace et est obligée de poser ses mains contre ses oreilles, tandis que ses yeux virent aux rouges, mobilisant tous ses pouvoirs démoniaques pour gérer la douleur qui semble lui vriller les oreilles. 

Après quelques secondes de combat, la jeune femme ploie le genoux et finit même par tourner de l'oeil lorsque le petit ange arrête de hurler. Alors que les ailes de la jeune femme disparaissent, je cligne des yeux et tombe sur mon séant, hébété.

Qu'est-ce qu'il vient de se produire ? Face à moi, Milo est en pleurs, recroquevillé à même le sol, incapable ne serait-ce que d'ouvrir les yeux, tandis qu'Aoile gît inconsciente à mes côtés, du sang coulant de ses oreilles et de son nez.

Il me faut plusieurs minutes pour réagir et m'approcher de l'enfant, qui vient probablement d'avoir une "crise" de Banshee, comme Samantha a pu en faire auparavant. Une créature a probablement dû mourir et comme Sam' n'est plus sur l'île, c'est par Milo qu'elle est passée pour rejoindre les cieux... 

M'approchant de l'enfant encore à terre, qui n'ose regarder Aoile, je l'aide à se remettre debout avant d'enserrer mes bras autour de son petit corps fragile. Secoué de spasmes, Milo ne sait que renifler et sécher les quelques larmes qui continuent de couler. 

— Tout va bien, je souffle dans son oreille. 

Le jeune homme secoue la tête, refusant de croire un traître mot de ce que je viens de dire. Pendant quelques secondes il tente de formuler une question et je le relâche, essayant de lui laisser assez d'air pour y arriver. 

— Elle est morte ?, demande-t-il finalement.

Je cligne des yeux et me tourne vers Aoile, qui n'a pas bougé depuis quelques minutes. Bien que je ne sois pas un expert dans le domaine, je crois que je devine une respiration chez la jeune femme.

— Non Milo, elle va bien, je mens sans prendre le temps de vérifier.

Ce dernier semble sur le point de repartir dans une nouvelle crise de larme lorsque l'hybride ouvre les yeux et lâche un gémissement de douleur assez sourd. Devant nos deux paires d'yeux, Aoile se remet progressivement sur les genoux, essuyant d'une main mécanique le sang qui coulent de son nez et ses oreilles, les yeux fixés sur Milo, qui s'est mis à trembler. 

Je pose une main sur son épaule tandis que la jeune femme intime au garçon de s'approcher, ce qu'il fait. De mon côté, je peux observer une tentative de la part d'Aoile de faire comme si le jeune garçon ne venait pas d'essayer de la tuer -littéralement-, détruisant au passage le seul lien qui les unissait.

Tout en le prenant dans ses bras, je peux voir la défaite sur le visage d'Aoile, qui comprend sans doute que le jeune homme lui en voudra probablement un bon moment et qu'elle-même ne sera pas capable de passer outre la puissance de ce gamin. 

J'observe Aoile murmurer quelque chose que je ne peux pas entendre, étant trop loin, mais qui ne semble pas affecter Milo outre mesure puisque ce dernier se contente de hocher la tête en se détachant de la jeune femme, qui lui sourit tristement avant de le...regarder partir ? 

Devant mes yeux désormais sidéré, j'observe Milo s'enfuir en courant vers une destination que je ne reconnais pas, jusqu'à ce que je ne puisse plus le distinguer sur la route. Me relevant, je m'approche de l'hybride et l'aide à se remettre sur pieds, toujours confus. 

— Où est-ce qu'il vient de partir ?, je demande, incertain. 

La jeune femme se plie en deux, laissant échapper un nouveau gémissement de douleur en touchant ses côtes. Elle jure entre ses dents et lève la tête vers le ciel, se remettant péniblement droite. Visiblement, Milo a fait plus de dégâts que je ne le pensais. 

— Chez mon père, répond-t-elle. 

Je hausse un sourcil, toujours confus sur les intentions d'Aoile. Déjà, comment est-ce que le gamin savait qu'il pouvait trouver refuge avec Lucifer ? Non pas qu'il ne soit pas une sorte de grand-père gâteau, mais bon... Il reste LUCIFER.

— Pourquoi ?

La jeune femme me sourit et commence à marcher -pardon, boiter- jusqu'à notre habitation, me tournant le dos. Je suis forcé de la rattraper et passe un bras sous son épaule pour la supporter lorsque je la vois flancher. 

Elle grimace et son rapide coup d'oeil m'indique clairement qu'elle n'apprécie pas devoir s'appuyer sur moi. Je lui offre un sourire compatissant, bien que je ne sois pas certain de la raison qui me pousse à le faire.

— Pour qu'ils retrouvent Sam' ensemble. Il a clairement besoin d'une Banshee pour l'aider à gérer ses cris et mon père a toujours été un bon professeur avec moi, souffle-t-elle. 

Je peux sentir l'amertume dans sa voix lorsqu'elle me dit ça. Comme si elle s'en voulait de ne pas avoir pu faire mieux. Je lève les yeux au ciel. Vais-je vraiment devoir faire de la moral à deux balles pour l'aider à se sentir mieux ? 

— Je suis sûr que tu seras très bien ! Tu as l'éternité pour apprendre de toute façon, je lâche sans trop y croire. 

La jeune femme laisse échapper un petit rire emprunt de douleur avant de se mettre à tousser, crachant un peu de sang au passage. Nouveau gémissement de sa part tandis que je grimace. Clairement, les blessures infligées par Milo ne sont pas en voie de guérison... 

— Je suis contente de pouvoir compter sur toi, c'est tout ce qui compte. Qu'il me reste mon "petit frère", lâche-t-elle avant de se détacher de moi pour déployer ses ailes et s'envoler, me plantant net. 

Dommage qu'elle n'ait pas vu mon sourire triomphant, il en valait la peine.

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Coucou vous !
Ça va ?
Moi oui ❤️ !
Je suis en voyage !

Du coup, je ne sais pas s'il y aura un second chapitre aujourd'hui. Je vais essayer de l'écrire mais rien n'est sûr :/. Je vous tiendrai au courant. Sinon, ça sera deux chapitres mercredi !

Et vous sinon, quoi de neuf ?