Finalement, puisqu'il est apparemment impossible de lire ou de se détendre sans que quelqu'un vous tombe dessus, j'ai décidé d'aller à l'encontre de la demande de Samantha et filer voir Milo. Je ne sais pas pourquoi une partie de moi s'est attachée à cet enfant -peut-être à cause de son jeune âge- mais je me refuse à le voir souffrir ou être blessé par ma faute. Du moins, pas avant que tout soit fini. Il souffrira bien assez tôt à mon goût, je préfère mettre les choses au clair dès à présent. Et puis, il faut avouer qu'il y a un certain fun à aller le voir même si Samantha nous a dit qu'elle préférait gérer ça seule. Il y a quelque chose à propos de cette fille que je n'aime pas. Quelque chose qu'elle semble me cacher. Et j'ai horreur de ne pas avoir les cartes en main.
J'ai trouvé l'enfant pas très loin de chez lui, à seulement quelques rues. Déambulant seul dans les rues désertes de la ville, vu que le soleil a pratiquement disparu, il observe le ciel prendre son habituelle couleur rose/orangée avec un sourire béat, comme s'il voyait l'une des merveilles du monde. Dans son dos, ses ailes sont dévoilées et prennent une certaine place, reflétant une partie de la couleur du ciel. Ainsi, son gris devient presque beau à regarder. Un panel de couleur s'offre à ma vue, flottant légèrement avec le vent. Des couleurs que je n'aurai pas osé associer, comme le gris et le rose. Sentant ma présence, le gamin se retourne et son sourire me presse le coeur, me faisant douter un instant de moi. Serais-je capable d'aller au bout du plan ? Ou vais-je me laisser corrompre par le sourire d'un enfant ?
— Tu aimes les couchés de soleil ?, me demande-t-il de sa petite voix fluette.
Perdu dans mes pensées, il me faut quelques secondes pour comprendre qu'il me posait bien la question, me forçant à essayer de chercher une réponse convenable et pas trop compliquée. Lui offrant un sourire en retour, je fais quelques pas vers lui et hoche la tête, pointant du doigt l'horizon colorée tandis que le jour continue de décliner.
— C'est mon moment préféré de la journée. Tu vois les couleurs que ça produit ? Il n'y a rien de plus joli sur Terre, je réponds.
C'est la vérité. Je n'ai encore rien trouvé de plus beau qu'un couché de soleil. Surtout lorsque je peux voir l'astre "s'enfoncer" dans l'eau aux fils des minutes. Pour ça et seulement ça, je peux croire qu'Idan est un endroit magique. L'enfant marque un temps de pause, comme s'il assimilait ma réponse pour mieux formuler sa pensée. Il n'a que neuf ans, je doute qu'il tente de formuler quoi que ce soit... Bon sang mais arrête de te focaliser sur cet enfant !
— Est-ce que c'est aussi joli sur Terre ? Je veux dire, en dehors de l'île ?, questionne-t-il.
C'est à mon tour de tiquer, ne sachant quoi répondre. Pour être franc, je n'en ai pas la moindre idée. Peut-être ? Je ne vois pas ce que ça changerait. La solution la plus simple serait de fouiller dans la tête de Thomas à la recherche d'une réponse, mais ça me demanderait beaucoup de temps et d'énergie, alors que je pourrais simplement formuler un joli mensonge. Il a neuf ans et n'a jamais voyagé, pourquoi remettrait-il en doute n'importe laquelle de mes paroles ? Et pourquoi est-ce que je me complique autant la vie pour un enfant ? Mon Dieu, ressaisis-toi...
Devant son regard attentif et curieux, je me sens faiblir. Est-ce donc l'un de ses pouvoirs ? Pouvoir faire plier même les esprits le plus vils ? J'espère que non, sinon mon plan est fichu avant même d'avoir commencé. Je ne peux pas laisser Thomas reprendre le dessus ! Pourtant, je le sens lutter. Dans les bas-fonds de mon esprit, je l'entends essayer, creuser un chemin vers mon/son cœur, essayant d'appuyer là où Milo me fait fondre, comme si cela pouvait changer quoi que ce soit. Je ne peux me laisser faire !
— C'est différent, mais la beauté réside dans le mouvement, j'explique, confrontant le regard perdu et admiratif de l'enfant.
Laissant un long silence quelque peu gênant s'installer, Milo fait des allers retour de la tête entre le soleil et moi. Finalement, il fait disparaître ses ailes et rentre ses mains dans les poches de son pantalon, baissant la tête. Je peux presque l'entendre penser, c'est amusant.
— Le mouvement de quoi ?, souffle-t-il du bout des lèvres.
Je souris et pointe du doigt le soleil qui disparaît derrière l'océan, créant une magnifique ligne presque droite.
— Celui du soleil ! Lorsqu'il amorce sa descente jusqu'à son arrivé dans les tréfonds de l'Univers, son mouvement reste beau et admirable. C'est pour ça qu'il y a de si jolies couleurs, par exemple, je réponds.
Je vois l'enfant approuver de la tête sans oser me dire qu'il ne comprends pas un traître mot de ce que je viens de lui expliquer. Au moins, je sais de qui il tient sa fierté. C'est un truc de famille je crois, chez les Et Matutina : une grosse fierté. Ils n'osent jamais avouer qu'ils ne comprennent pas quelque chose. Sans insister, je me contente d'observer en silence le soleil disparaître et la lune prendre sa place, traçant son chemin parmi les nuages pour nous baigner dans sa douce lumière, allumant les étoiles dans son passage.
Petit à petit, le ciel s'éclaire et la voie lactée apparaît telle qu'elle est : lumineuse et vaste. Un frisson parcourt mon dos tandis que des larmes viennent pointer dans le coin de mes yeux. Quelque chose en moi résonne dans cette lumière. Dans les étoiles. Une voix du passé, qui se reconnaît en elles. Quelqu'un m'a dit un jour que les étoiles étaient elles aussi des âmes, cherchant à guider celles qui restaient sur Terre.
Un rictus déforme mes lèvres. Pourquoi la mienne ne m'a-t-elle jamais guidée ailleurs que vers une désolation certaine ? N'étais-je donc pas digne de voir autre chose que de la douleur ? Où était mon étoile, lorsque mon âme a perdu son espoir, sa foi ? Ou était cette voix qui résonne à présent ? Où étiez-vous tous, lorsque le désespoir m'a noyé ? C'est bien beau d'apparaître maintenant, mais vous ne me ferez pas reculer. Pas cette fois. Pas encore.
— Pourquoi est-ce que tu refuses d'utiliser tes pouvoirs de Banshee ?, je demande doucement.
Le petit garçon fait une moue et hausse les épaules.
— C'est pas cool, murmure-t-il.
Je hausse un sourcil.
— Pas cool ?, je répète.
Milo hoche la tête.
— Ouais ! Être à demi Archange, c'est cool ! Je peux voler, faire apparaître et disparaître mes ailes, je ne vais pas mourir... C'est cool ! Être Banshee, ça sert à rien ! J'ai juste des voix dans la tête et j'aurai envie de crier dès que quelqu'un va mourir, souffle-t-il.
Je fronce les sourcils.
— Tu crois que c'est mieux d'être un Oracle ? Crois-moi, pas du tout ! Et puis tu sais, les Banshees peuvent certes sentir quand quelqu'un va mourir, mais vous pouvez aussi empêcher quelqu'un de mourir. Et ça, c'est cool ! Et puis regarde, elle est pas "cool" Samantha ?, je rétorque.
Milo sourit et hoche la tête.
— Si.
Je lui donne un petit coup dans l'épaule qui le fait rire.
— Alors c'est quoi le vrai soucis ? C'est parce que les filles n'ont pas voulu t'élever ? Ou parce que tu as peur qu'on se moque de toi parce que tu as deux mentors filles ?, je demande.
Le petit garçon secoue la tête, baissant ses pupilles vers le sol. Puis, il hausse des épaules et roule des yeux.
— Je m'en fiche pas mal, d'avoir deux "mamans". Elles sont bien plus "cool" que la plupart des parents de mes amis. Et j'adore passer du temps avec Samantha, elle a un côté "humain" qu'Aoile a plus de mal à montrer. Mais j'ai peur des voix dans ma tête. Et je sais que je fais peur aux autres, parce que je ne fais pas partie des créatures reconnues, avoue-t-il.
Je fronce les sourcils, la bouche entrouverte.
— Tu penses que les gens ont peur de ce que tu es ?, je répète encore.
Milo acquiesce tandis que je cligne des yeux plusieurs fois, assimilant la réponse du jeune garçon. Il pense vraiment être un monstre ? Il est probablement la seule personne ici qui n'a pas de sang sur les mains ou un esprit corrompu par le monde alentour...
— Je sais qu'ils ont peur de moi. Je le lis dans leurs yeux. Ils ont peur de ce que je suis capable de faire. De ce que je peux faire, si je m'énerve. Et c'est dur de prétendre être un enfant de neuf ans quand je sais que je devrais en avoir trois. Ne pas avoir de parents biologiques non plus, puisque j'ai été crée et non né. Il y a trop de choses en moi qui sont différentes des autres...
Je l'arrête. Les sourcils froncés, la bouche légèrement ouverte, je pose mes mains sur ses épaules, m'abaissant à son niveau. Une colère sourde a pris possession de mon esprit et c'est presque en personne concernée que j'agis. Comme si le garçon avait réussi à me faire avoir des ressentiments à propos de quelque chose.
— Hey ! Arrêtes. Tu n'as pas besoin de rejeter qui tu es comme ça, les autres s'en chargeront bien assez tôt. Tout ce que tu cites comme "différence", c'est tout ce qui fait ta force. Je te le promets. On ne sait rien de ce que tu peux faire, et alors ? Montre-leur ce que tu peux faire de bien autour de toi. Tu sais, je suis Oracle depuis ma naissance et pour autant, je n'ai aucune idée de ce que je peux faire si je développe mes capacités au maximum. Samantha aussi, elle apprend encore. Quant à Aoile, c'est dur à savoir parce qu'elle se prend pour la Reine du Monde, mais je suis sûr qu'elle a encore des choses à apprendre. Alors arrête de penser que tu es seul dans ce cas, ok ?, je déclare.
Milo éclate de rire et essuie les quelques larmes qui sont sorties de ses yeux.
— Merci Thomas. J'apprécie les conseils, souffle-t-il en me serrant dans ses petits bras.
Et tandis que ses petites mains enserrent mon dos, ma tête se pose sur son épaule, les yeux grands ouverts. La panique me gagne tandis qu'une terrible réalisation s'insinue pernicieusement dans ma tête : le petit vient de gagner mon coeur. Et maintenant, je vais devoir revoir tout mon plan...
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Coucou !
Ça va ?
Bienvenue en Décembre !
Un chapitre un peu plus court cette semaine 🧡 Mais j'espère qu'il vous aura tout de même plus. Notre faux Thomas a des sentiments OMG 😂
Qu'en pensez-vous ?
Est-ce qu'il va changer son plan ?
Et quels genres de changements fera-t-il ?
Sinon restez à l'affût, il est possible qu'un trailer sauvage de *Felidae* apparaisse dans les prochaines semaines 😏🧡
Bisous à tous 😘❤️
À mercredi !!
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