Chapitre VIII

Ayant demandé à ne pas être dérangé, je ferme la porte de ma nouvelle chambre et tourne le loquet, histoire d'être certain d'être tranquille. Ce n'est pas que je n'ai aucune confiance dans les deux filles qui partage cette maison mais... Je ne leur fais pas confiance. Thomas peut-être. Moi pas. C'est étrange, quelque part, de me désigner comme n'étant pas Thomas. Je suis Thomas. Une forme de lui, en tout cas, qu'il ne peut refouler. Et maintenant que j'ai pris le dessus, je compte bien me servir de ce corps pour parcourir le monde !

Mais avant de pouvoir faire cela, je dois me débarrasser de l'esprit principal. De celui qui s'accroche comme il le peut pour ne pas me laisser totalement champ libre. Celui qui me pousse à prétendre, faire semblant, n'être pas moi-même face à Aoile ou Samantha. Je dois gagner leur confiance à ces deux-là, si je veux pouvoir dégager d'ici rapidement. Je ne compte pas m'éterniser sur Idan et ce n'est pas Thomas qui dira le contraire quand je pense que rien ne me retient ici.

Plus de mère, plus de sœur, même rejeté par son ex-copine, ce n'est quand même pas lui qui me dira que je ne peux pas quitter cette fichue île ! Soupirant longuement, je m'asseois à même le sol, en tailleur, posant mes mains sur mes genoux. Je n'ai encore jamais fait cela en pleine possession d'un corps, alors je ne sais pas si ça marchera. C'est compliqué de contacter les autres petits personnages qui vivent dans cette tête, bien qu'ils soient silencieux depuis que je n'y suis plus.

Mes yeux se ferment et je le sens devenir blanc, petit à petit. Un sourire étire mes lèvres en sentant les pouvoirs d'Oracle m'aider dans ma tâche, presque de manière instinctive. C'est la première fois que je les utilise seul. En général, je laissais Thomas le faire afin de pouvoir apprendre. Désormais, je contrôle. Et c'est tellement agréable.... Savourant la sensation, je rouvre les yeux pour n'aperçevoir que du noir. Je me lève et me retourne pour y voir le corps assis, les yeux fermés. J'ai réussi !

— Déjà de retour ? T'en as déjà marre ?, se moque une autre version de moi-même.

Il serait compliqué de nous différencier. Je n'ai pas les lunettes, mais lui oui. Pourtant, je sais que ça n'est pas Thomas, parce qu'il observe tout le monde avec cynisme et moquerie. Je l'ai surnommé "Cynique". Il adore essayer de faire sortir tout le monde de leurs gonds, surtout Thomas. Étrangement pourtant, il ne désire pas prendre le contrôle du corps, il préfère rester la petite voix insupportable qui empêche de dormir.

— Je suis venu parler, pas rendre le corps au légume, je réponds en lui adressant un clin d'œil.

Cynique m'adresse une moue d'approbation avant de se tourner vers une autre forme de Thomas, assis, les genoux contre sa poitrine. Ses yeux sont rouges à force d'avoir pleuré et vraiment, il a l'air ridicule. On le nomme "Dépressif". Disons qu'il n'a pas apprécié le rejet d'Arrynn et passe son temps à pleurer littéralement sur son sort. C'est tout bonnement insupportable. Mais bon, on vit avec. Tant qu'on se croise pas la jeune fille en question...

— Tu penses vraiment pouvoir le faire parler ?, insiste Cynique tandis que Dépressif relève la tête.

Il m'observe un instant, renifle, essuie une larme et se met debout, pour affronter mon regard.

— A quel sujet ?, lâche-t-il d'une voix sans tonalité.

Je roule des yeux et passe à côté de lui, le bousculant au passage. Le connaissant, il risque de se mettre à pleurer juste à cause de ça. L'idée me fait sourire, tandis que Cynique éclate de rire et frappe dans ses mains tel un malade mental. Mais quelque part, ne le sommes-nous pas ? Mes yeux scannent l'endroit à la recherche d'une tête familière, sans la trouver. Il se cache, le petit con ? Je souffle et me retourne vers les deux autres, souriant presque cruellement.

— Il semblerait que notre petit ami se soit caché, je déclare.

Cynique arrête de rire et hausse un sourcil, visiblement peu concerné par cette nouvelle. Dépressif lui, semble à deux doigts d'éclater en sanglots, tandis que j'hésite vraiment à le gifler. C'est plus fort que moi. Je suis plein de colère, et j'ai horreur de la tristesse. Quelque part, c'est peut-être parce que l'on s'annule. Cynique hausse les épaules et produit une sorte d'onomatopées.

— Qu'est-ce qu'on en a à faire ? Dit ce que tu as à dire et retourne dans ton corps, avant que l'on se demande ce que fait ce "bon vieux Thomas".

Je lui souris et frappe dans mes mains, acceptant sans le dire sa proposition. Après tout, c'est vrai qu'il m'importe peu d'avoir Thomas présent pendant cette conversation. Mais vu que ça le concernait, en un sens... J'aurai au moins apprécié qu'il n'essaye pas de se cacher de moi. Aurait-il peur ? La pensée me fait rire et je m'approche de Cynique, posant mes mains sur son épaule, mon sourire toujours accroché à mes lèvres.

— Je veux qu'on tue Thomas. Définitivement. Que l'on soit les seuls à vivre dans cette tête, pour toujours. Après tout, n'est-il pas déjà mort ? C'est à notre tour de vivre, de profiter d'un corps, je lâche, admirant l'effet de cette proposition sur leurs visages.

Si Dépressif fond en larmes d'un seul coup en l'entendant, commençant sérieusement à m'irriter, Cynique sourit et hoche la tête, acceptant en silence mon idée. Si on doit se débarrasser ensuite de Dépressif, on le fera. Je pourrais tuer Cynique aussi, mais c'est agréable d'avoir cette petite voix à l'arrière de la tête, qui me souffle des répliques cinglantes et délicieusement cruelles. Tournant la tête, j'aperçois Dépressif toujours à terre, en larmes, répétant sans cesse qu'il ne fallait pas faire de mal à l'esprit de base, celui qui est venu avec ce corps.

Cynique s'approche alors de Dépressif et le relève d'un coup sec sur son bras, redoublant le volume des pleurs. Arrivant à mon tour, je gifle l'esprit qui arrête soudainement de pleurer et je sens ma propre colère grandir, me faisant sourire. C'est un jeu, entre Dépressif et moi. Dès que je le frappe, il alimente ma colère. Je ne sais pas si ça marche dans l'autre sens, mais ça serait sans doute amusant de le découvrir. Mais pas tout de suite.

— Et si je refuse ?, lâche alors Thomas-Thomas, Aka "l'original".

Je me tourne vers lui, mon éternel sourire aux lèvres. Levant les mains vers le ciel, j'applaudis son apparition. Il n'a pas l'air en colère, triste ou même ennuyé. En fait, il a plutôt l'air très neutre. Sans doute pour cacher sa peut intérieure, que je peux sentir sans peine. Un esprit ne peut cacher ses émotions, à moins d'en avoir aucune. Et Thomas en a. Beaucoup. Me voyant approcher, il recule de quelques pas, hésitant. Je souris encore plus large devant ce spectacle.

— Oh Thomas. Penses-tu vraiment pour résister ? Nous sommes deux contre moi. C'est fini, je sursurre.

Ce dernier ouvre de grands yeux et j'entends sa responsabilité s'emballer, tandis qu'un rire nerveux me secoue. À mes yeux, ce n'est qu'un autre jeu. Lui faire sentir qu'il n'est plus aux commandes, qu'il est vulnérable. Il peut mourir. Il suffit que je m'approche, serre sa nuque très fort entre mes bras jusqu'à ce qu'elles craquent... Il me faudrait quoi, probablement dix minutes ? Peut-être cinq, si Cynique m'aide ? C'est terminé pour lui et il le sent.

Je le vois se déporter sur le côté, observant Cynique et Dépressif. Ce dernier ne pleure plus et observe le spectacle, visiblement intrigué par tous nos mouvements. Cynique sourit toujours, observant Thomas avec sa moquerie légendaire. J'attrape le bras de Thomas et avant que ce dernier n'ait pu réagir, mes doigts sont sur sa gorge et l'enserre, le faisant suffoquer. Il tend les bras pour m'attraper mais Cynique lui attrape les mains.

M'adressant un sourire, ce dernier bloque les mains de Thomas dans son dos tandis que ce dernier a cessé de bouger, se focalisant sur la seule tâche qu'il doit faire pour survivre : respirer. Sa cage thoracique se soulève avec irrégularité, son pouls s'est emballé et il plonge ses yeux dans les miens, comme si cela allait me convaincre de ne pas continuer. Mon sourire se fige cependant lorsque je sens mes mains devenir moins matérielles. Thomas inspire un grand coup et tombe à genoux, avant de se mettre à rire devant nos regards interloqués.

— Mes pouvoirs ne sont pas illimités tu sais, souffle-t-il en levant les yeux, me narguant.

Ma colère rugit et je fonce sur lui, me réveillant malheureusement au moment où j'allais l'atteindre. Je pousse un cri de rage et frappe le sol de ma main droite, essayant de retrouver une respiration normale. J'étais à deux doigts d'y parvenir. À deux doigts de me débarrasser de Thomas pour de bon. Et j'ai failli à ma tâche parce que je n'ai pas considéré le principe même de l'énergie humaine ! Ma rage se transforme en simple colère tandis qu'un léger bruit se fait entendre contre la porte.

Je me lève, marche vers la porte en me construisant un visage plus neutre et calme. Je souffle une dernière fois avant d'ouvrir, baissant les yeux pour découvrir Milo, me souriant gentillement. Ses yeux dépareillés me fixent et il pose une main sur la mienne tandis que je sursaute en sentant la chaleur de sa main. Ses veines sont-elles faite de lave ? Le jeune garçon fait un petit bruit étrange que je comprends pas avant de prendre la parole :

— Je t'ai entendu crier, je suis venu voir si tout allait bien, souffle-t-il doucement.

Je lui offre un faux sourire, tentant de faire redescendre ma frustration tout en retirant doucement sa main de la mienne. M'abaissant à son niveau, comme Thomas aurait pu le faire, je secoue la tête.

— Tout va bien. J'ai juste repensé à quelque chose que j'ai raté et ça m'a mis un peu en colère. Mais ne t'en fais pas, ça sera bien vite réglé. Où sont Aoile et Sam' ? Je croyais qu'elles t'avaient laissés chez tes parents ?, je rétorque.

Milo hausse les épaules, sans cesser de sourire. Il baisse les yeux vers le sol et commence un moment de balancier, d'un pied sur l'autre, comme un enfant prit sur le fait pendant une bêtise.

— Elles doivent être dehors. Ce n'est pas la première fois que je retourne chez elles alors que je ne devrais pas, mais elles ont confiance en moi, explique-t-il.

A ces mots, je me redresse et ma bouche vient former un "o" parfait. Évidemment. Milo. C'est le pion parfait pour faire plier Thomas, Sam' et Aoile ! Si Milo me fait confiance, alors les filles me feront confiance à leur tour ! Et si elles me font confiance, je peux appuyer sur ça pour faire plier Thomas et le laisser mourir de mes mains. Un sourire apparaît sur mon visage, un vrai cette fois. Mon plan est en marche.

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Bonjour ou Bonsoir,
Je ne sais pas à quelle heure vous lirez ceci. A sa sortie à minuit ou plus tard dans la journée... Dans tous les cas, merci de votre lecture 🧡

J'espère que ce chapitre aura su vous plaire. Certes, il est assez court et peut-être moins motivant à lire, mais bon, l'intrigue avance ! Et puis Colère-Thomas est intéressant, je trouve 🧡.

Mercredi prochain, je serais dans un bus pour Paris, alors je posterai le chapitre comme d'habitude, mais je ne répondrai peut-être pas à tous vos commentaires directement, le temps que j'arrive jusqu'à chez moi 🧡 Ne m'en voulez pas !

En attendant, sachez qu'après cette histoire, il y aura probablement une pause avant le début de "Felidae", dont la publication démarrera en 2019 (mais je ne suis pas encore sûre du mois, c'est à voir cette semaine !).

Vous avez hâte ?
Moi oui.
J'ai hâte d'avoir vos retours 🧡

Sur ce, bonne fin de semaine à tous, profitez bien et on se retrouve ce samedi pour la suite des aventures de ce pauvre bébé Thomas 🧡

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