— Quoi ?, je réponds après quelques secondes de silence.

Samantha lève ses yeux verts embués de larmes vers moi. Ses lèvres tremblent, ainsi que certains de ses membres.

Elle continue de presser ma main, incapable de prendre la parole. En cet instant, elle est redevenue la Samantha fragile et vulnérable qu'elle était il y a un an. 

Plus rien ne semble avoir d'impact sur elle hormis la peur qu'elle ressent constamment. Comme si elle était parvenue au même constat que moi, la jeune Banshee se force à arrêter de trembler en baissant les yeux vers ses mains, avant de planter son regard dans le mien à nouveau.

— Il faut que tu m'emmènes loin de l'île. Sinon, je vais devenir folle, s'emporte-t-elle.

Fronçant les sourcils, j'essaye de me concentrer sur le Lien pour savoir ce que la jeune femme ressent. Mais il n'y a presque rien, juste un petit peu d'angoisse.

Rien de plus. La diminution de notre Lien est toujours en place. Une boule de fourrure passe entre nous au moment où j'allais répondre, passant sa patte griffue sur mes genoux quelques secondes.

— Aïe !

Mon cri du cœur fait sourire Samantha tandis que dans mon dos, Thomas s'esclaffe. J'aurai pu dire la même chose d'Arrynn, si nous ne nous détestions pas.

Elle, elle se moque clairement de moi. Seul Archibald reste silencieux, observant la Banshee qui caresse doucement le Brownie. 

Ses sourcils sont froncés et sa bouche n'est plus qu'une simple ligne. Il est inquiet, mais je ne saurais dire pourquoi.

Visiblement, il est plus qu'enclin à voir Sam quitter l'île, même dans un moment aussi important que celui-ci.

Ne parle-t-on pas de guerre ? Je ne peux pas abandonner ma famille dans une crise aussi dense... si ?

Dans ma tête, l'image d'une Samantha plus blanche qu'un linge, les yeux rougis et me suppliant de la tuer s'impose et je dois me retenir de pleurer de rage.

Je peux entendre sa voix brisée par de trop nombreux accompagnement me supplier, insistant sur mon prénom. 

Sa voix qui craque avant même de finir sa phrase. Et mon katana, posé à même sa trachée.

Mes poings se serrent d'eux-mêmes. Je sais que ce n'est que dans ma tête, mais cela ne m'empêche pas d'être furieuse. Ne changerais-je donc jamais ? 

Fusillant la créature qui me fait désormais face, je chasse l'image et lui renvoi celle d'une petite claque derrière les oreilles.

Avec le plat de mes katanas. Avec un petit cri, T'Shael file se réfugier derrière Samantha, qui m'interroge du regard.

« Elle veut me découper les oreilles ! » s'exclame le jeune Brownie.

Je fronce les sourcils.

— Quoi ? Non ! C'est n'importe quoi ! T'Shael, cesse de te comporter comme un bébé et ramène tes fesses poilues ici, je le menace sous le regard d'un Thomas hilare.

Le Brownie sort de sa cachette et vient se poser devant moi, les yeux grands ouverts.

Il cligne des yeux à deux reprises, comme pour essayer de m'amadouer.

Je l'attrape dans mes bras et lui colle une petite tape derrière l'oreille droite, ce qui le fait couiner. 

Comme si elle boudait, la créature replie ses petits bras poilus sur son ventre dodu et essaye d'avoir l'air menaçant.

Malheureusement, avec son physique de peluche, ce n'est pas évident. Je me contente de pointer un doigt vers lui, le replaçant sur le sol.

— La prochaine fois que tu insères des images dans ma tête sans en avoir l'autorisation, ça ne sera pas qu'une petite tape, j'avertis.

Hochant la tête, T'Shael accepte ma menace et se tient tranquille. Il semble plus confiant, maintenant qu'il a compris que je ne voulais ni lui couper les oreilles, ni forcer Samantha à rester. 

Je ne peux pas continuer à être égoïste et vouloir me battre juste parce que « se battre, c'est chouette ».

J'ai une éternité pour combattre, tandis que Sam n'a qu'une vie. Après, où que l'on aille, le Chaos suivra. Tant que des âmes peupleront la Terre, ils ne risquent pas de s'en aller !

— Samantha, même si on voulait partir, je ne vois pas comment ! Les créatures sont justes au-dessus de nous... Si on tente de sortir, elles le sauront. Elles sentiront nos âmes, où que l'on aille. On ne peut pas vraiment s'exiler quelque part. En tant qu'entité surnaturelle, elles peuvent aller n'importe où. Sauf...dans l'eau. Après, tu peux essayer de vivre sous l'eau. Moi pas, j'explique avec une grimace.

La jeune femme sourit et hoche doucement la tête, poussant T'Shael à retourner vers Thomas. Ce dernier ayant repris des couleurs, ressemble de plus au plus au Thomas que j'ai l'habitude de voir. 

Cependant, on peut deviner derrière les cernes qui s'étendent sous ses yeux que ses nuits ne sont plus aussi tranquilles. Il lutte tout le temps pour ne pas céder sa place à quelqu'un qu'il regretterait. S'asseyant avec nous, l'Oracle sourit faiblement à Sam avant de me regarder.

— De toute manière Aoile, votre combat n'est pas ici. Il faut que quelqu'un ferme la faille ! Et je vois mal Samantha y aller toute seule. Tu sais que j'y serais allé si..., commence-t-il.

— Si la dernière fois ne lui avait pas été fatale, lâche Arrynn en me fusillant du regard.

Fatiguée de me battre avec elle, je ne réponds rien. En revanche, le Brownie lui décoche un regard mauvais tandis que Thomas fronce les sourcils et secoue la tête, visiblement déçu. Ils ont dû avoir une conversation sur « comment se comporter en présence d'Aoile ». Et apparemment, Arrynn n'a pas suivi ses conseils... Reportant son attention sur moi, Thomas continue son discours :

— Si je n'avais pas peur qu'une de mes personnalités ressortent, je serais venu. Mais j'ai peur d'être assigné à résidence pour cette fois. Mais ne vous en faites pas, on se retrouvera vite pour partager d'autres grosses batailles. Et puis il faut bien que je veille sur Elyane, puisqu'Aya a décidé de rester derrière..., promet le jeune garçon.

La légère note de tristesse dans sa voix me sert le cœur. Et en voyant le regard de Samantha s'assombrir et sa main se poser sur celle de Thomas, je comprends. Aya est restée derrière...et vient de payer sa décision. 

Une larme roule sur la joue du garçon tandis qu'il plaque T'Shael contre lui, comme un moyen de chasser la tristesse. Ses yeux se ferment et je l'entends respirer longuement, pour refouler son chagrin. Il se relève et je l'imite, le regardant poser T'Shael à terre comme s'il n'était qu'un petit chat retombant sur ses pattes. 

Sous l'impact, le pauvre Brownie tombe sur son arrière train et lâche un petit cri de surprise. Thomas fait demi-tour, prêt à s'isoler pour chasser ses larmes quand j'en décide autrement. Lui attrapant le bras, je lui fais faire demi-tour et le prend dans mes bras, incapable de savoir comment le consoler. 

Dans mon dos, j'entends Samantha retenir un rire et j'observe le regard furieux et jaloux d'Arrynn, qui ne parvient pas à rester en place. Lâchant le jeune homme, je le rends à l'autre hybride qui me regarde d'un air mauvais tout en prenant la main de son copain.

Ce dernier est encore trop attristé pour constater quoi que ce soit et se laisse guider par la jeune femme. En quelques minutes, ils ont quittés la pièce dans laquelle nous nous trouvons, laissant le silence reprendre ses droits.

Archibald n'a pas bougé et semble toujours aussi préoccupé. Il ne cesse d'observer la porte par laquelle Thomas et Arrynn viennent de partir, comme s'il s'attendait à les voir revenir. Est-ce le cas ? 

Ses mains jouent du piano sur le sol tandis que le vieil homme semble en pleine méditation. Il observe, écoute, mais ne dit rien. Samantha se lève à son tour et s'approche de moi, glissant sa main dans la mienne. 

Je peux sentir sa peur se faire plus forte, ainsi que son angoisse d'être témoin d'une nouvelle mort. Je ne peux rien faire pour la protéger, si ce n'est l'éloigner de tout ça. Mais comment ? Par quel moyen ? 

C'est impossible, nous serions morte avant même d'atteindre l'océan. Je serre sa main et elle fait de même, tandis qu'un grand bruit et une sourde clameur monte dans la pièce d'à côté. Aussitôt, Archibald se remet debout et atteint nerveusement à quelques mètres de la porte, comme un enfant attendant le Père Noël. 

Et après quelques minutes d'un long silence, la porte s'ouvre sur ma tante et ma marraine, qui claque la porte après elles. Aucune blessure de visible, seulement une vive douleur et des traces de larmes. Ramiel n'ose pas regarder plus haut que ses pieds, visiblement trop triste pour faire autrement.

— Aoile, Sam, contente de vous trouver ici, commence ma tante.

Uriel sourit à Archibald qui hoche la tête d'un air digne et calme, avant de retourner à son poste d'observation. Décidément, je ne comprendrais jamais cet homme.

— Vous ne combattez pas ?, je demande, surprise.

Uriel me sourit.

— Le combat viendra en temps et en heure, Aoile. Pour l'heure, il est impératif que nous quittions cette île. Les Démons et les Amazones protègent les entrées de chaque cachette souterraine, tandis que les Anges et Lucifer sont en route pour la Faille. Il va falloir nous téléporter, m'explique-t-elle.

Je fronce les sourcils. J'avais complètement oublié pouvoir faire ça, l'espace de quelques minutes. Mais quelle débile ! Sous le choc et avec la panique, j'avais totalement oublié être à moitié Archange au final.

— Qu'advient-il de tous les gens sous terre ? Comment vont-ils se nourrir, se mouvoir ? Combien de temps vont-ils devoir rester là ?, s'inquiète la Banshee.

Cette fois, c'est Ramiel qui décide de briser son mutisme.

— La magie prendra soin d'eux. Les Azizas ne laisseront personne mourir si elles peuvent empêcher ça.

Sa voix est brisée et faible. La mort de Gabriel pèse sur elle plus qu'elle ne l'aurait voulu, je pense. Je ne les savais pas particulièrement proche, mais Ramiel a toujours été celle qui rêvait d'une famille unie. 

Et désormais, son rêve s'écroule parce qu'elle a préféré rester cacher trop longtemps. Elle doit s'en vouloir et c'est sans doute ce qui la pousse à quitter Idan et le combat, pour seconder sa sœur. 

Elle ne la laissera pas mourir si elle peut l'en empêcher, elle aussi... Je me contente d'acquiescer, avant de jeter un œil à Samantha. Cette dernière me regarde déjà, l'air à la fois soulagée et terrorisée. Et je comprends.

— Quand doit-on y aller ?, demandé-je.

Comme si je venais de dire une bêtise, Ramiel fronce les sourcils tandis qu'Uriel lève les yeux au ciel tout en me prenant la main. D'un geste sec, elle me coupe la paume, m'arrachant une grimace de douleur et repousse ma main vers Samantha, qui l'attrape aussitôt avec force. Comme si cela pouvait enlever la douleur. 

Je ferme les yeux et laisse les souvenirs de Paris, de la Faille et de tout ce qui va avec me submerger. Sentant l'énergie de Samantha se fondre à la mienne, je souris alors que le sol se dérobe sous nos pieds. 

En quelques secondes, je sens de nouveau quelque chose de dur sous moi et ouvre les yeux, retenant un cri d'horreur. La Faille a triplé de taille. Désormais vide de créatures, elle apparaît comme une sorte de miroir dans lequel rien ne se reflète. Ne saura-t-on donc jamais à quoi ressemble la dimension créée pour les créatures du Chaos ?

— Mon Dieu, souffle Samantha à côté de moi.

Un ricanement se fait entendre à côté de nous.

— Il n'y a pas la moindre chance que papa ramène son popotin, soupire Ramiel.

Le deuil l'a rendue agressive et cynique. Tout ce dont nous avons besoin pour vaincre une armée venue d'une autre dimension. Uriel se contente de soupirer et je remarque qu'elle semble vraiment intriguée par la taille de la Faille. Bien que plus rien n'en sorte, elle semble toujours pulser, presque comme un cœur humain. Immonde.

— Où est mon père ?, je demande.

Uriel lève les yeux vers le plafond avant de hausser les épaules.

— Il n'est pas encore arrivé. Je ne le sens pas, en tout cas. Toi Ram' ?

Ma marraine secoue la tête.

— Non. Peut-être qu'il ne va pas nous aider. Après tout, il a été déchu une fois, lâche-t-elle.

Je dois avouer que son comportement m'agace quelque peu, même si je comprends qu'un deuil puisse vous rendre différent. Mais j'aurai aimé qu'elle laisse la guerre en priorité. J'aurai préféré, même, qu'elle décide de faire son deuil après la guerre et non avant. 

Je suis sûre qu'Uriel pense la même chose, bien qu'elle n'en fasse pas la remarque. Qui plus est, cette remarque très mal placée sur mon père me donne vraiment envie de l'étrangler. Me souvenant de quelque chose que Penthésilée m'avait dit, je décide d'apporter un peu d'éclairage à la situation, m'évitant ainsi de faire un meurtre :

— Peut-être est-il allé chercher l'arme dont m'a parlé Penthésilée ? La Fourche de Dieu ou je-ne-sais-plus quoi...

Nouveau ricanement de la part de Ramiel.

— Je te l'ai dit, Dieu ne viendra pas nous aider. Il ne va pas risquer sa vie pour les nôtres ! Et comme il est le seul à pouvoir manier l'arme, aller la chercher ne nous servira à rien.

J'ai vraiment envie de la gifler. Violemment. Je ne sais pas pourquoi, mais ses remarques me donnent vraiment des envies de meurtres. Est-ce que c'est possible de devenir antipathique à ce point ? Sincèrement. 

C'est une vraie question. Je fais un pas vers elle, les yeux devenus rouge. Arrêtée par Samantha, je me contente de la dévisager méchamment, tandis qu'Uriel se contente de regarder ailleurs avec un petit sourire.

— Tu traverses enfin ta phrase gothique ? J'ai cru que ça n'arriverai jamais, quel soulagement, s'exclame une voix que je reconnaîtrais entre mille. 

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Hello les loulous !
Comment ça va vous ?
Désolée pour le délai, mais il y avait une fête chez moi hier et elle s'est finie tard, donc j'étais trop fatiguée pour poster le soir même ou ce matin... donc voici le chapitre !

Que pensez-vous de ce dénouement de tome ? Je sais, partir alors que le gros de la bataille est sur Idan vous semble idiot, presque dommage... Mais il y aura des combats, ne vous en faites pas. La clef de toute l'histoire, c'est cette fichue Faille donc il fallait y revenir !

Les petites questions, comme toujours :
— Samantha dans ce chapitre ? Son côté fragile qui ressort ? Ses réactions de Banshee ? ❤️

— T'Shael : le retour 😂 ! Qu'avez-vous pensé du Brownie ? On l'aime non ? Moi je l'adore x)

— Thomas & Arrynn : top ou flop ? Je sais que je maltraite le couple, mais vous verrez qu'il y a une raison :)

— Aoile ici ? Ses réactions ? Ses décisions ? Que pensez-vous qu'il va se passer dans la suite ? ❤️

Sur ce, je vous dis à mercredi prochain. Profitez bien du soleil, de vos vacances, du mois d'août et gros bisous ❤️❤️❤️