Chapitre XXXII
Le néant est un gouffre aspirant l'âme des plus purs pour y insuffler la plus noire des magies : le vide. Le blanc laisse sa place au plus sombre des noirs, inspirant peur et horreur à quiconque le croise. L'air se mélange au souffre, créant un espace invivable pour toutes créatures n'ayant pas cédé au néant. Et c'est ce même mélange qui me fait suffoquer à présent. Autour de moi, le paysage est si flou que je serais incapable de m'en souvenir.
A l'inverse, les yeux de cette immonde créature se gravent dans mon esprit, me transmettant toute leurs douleur et leurs haine. S'en ai trop pour mon cœur qui accélère et presse contre mon corps contusionné. Je sens des griffes s'enfoncer dans mes flancs, embrasant mon corps fatigué. Le sang s'écoule beaucoup trop doucement, signe qu'il ne m'en reste plus beaucoup. A défaut de prendre mon âme, le néant prend ma vie et il n'y a rien que je puisse faire.
Étrangement, en une fraction de seconde, je me retrouve étrangère à ce spectacle. Comme si je n'étais qu'une spectatrice, j'observe un corps gravement mutilé et sanglant approcher de sa dernière expiration. La couleur de ses cheveux est indéterminable à cause du mélange de sang et de terre qui les enveloppent. Mon cœur a repris une respiration plus normale, je ne sens plus le souffre détruire mes narines. Doucement, je me remets sur pieds, incapable de trouver un équilibre stable.
Mes yeux ne quittent pas ce corps détruit, que la créature a sans doute délaissé, sachant son heure venue. Sans savoir comment, je réussis à m'agenouiller devant le corps mourant, passant ma main sur son ventre blessé. Le sang ne s'écoule presque plus, je ne pourrais pas la sauver. Mon cœur se serre douloureusement quand je réalise que je suis encore dans l'un de mes cauchemars.
Celui-ci parait tellement réel... J'étais à sa place et maintenant, je suis à ses côtés, sans bouger. Je ne fais qu'observer cette femme mourir, sans un geste. Même si j'étais parvenue à la sauver à temps, cela n'aurait fait que durer le rêve. Je ne veux pas qu'il dure, je veux qu'il s'arrête. Je ne veux plus rêver de corps s'empilant devant mes yeux, je ne veux pas me voir mourir de milles et une façon. Surtout si ces morts ne sont en aucun cas la mienne.
Dans les yeux de la jeune femme, la lumière s'éteint et le néant s'engouffre dans son corps. Au loin, j'entends un cri déchirant, comme celui d'un bébé. Devant moi, Lucifer se matérialise. Son regard me traverse pour se poser sur le corps décédé, qu'il brûle d'un geste de la main. Paralysée, je le regarde s'éloigner avant de m'élancer vers lui. Le paysage toujours flou m'empêche d'établir avec précision la distance parcourue. Mais ce qui me sidère, c'est le tableau qui se joue devant moi. Lucifer et Aoile, en pleine discussion. Aoile en larme -ce qui est peut courant, voir impossible-, tenant un bébé dans ses bras. Un bébé aux yeux verts, que j'ai déjà pu voir en photo. Qu'est-ce que je fais dans les bras de ma meilleure amie....il y a dix-huit ans ?
- Sam ?
La voix inquiète de Thomas me réveille. J'ouvre les yeux sur l'un des murs de ma chambre, très bien éclairé par le soleil. j'ai donc dormi largement plus de dix heures et par conséquent, mon cerveau va être réveillé jusque tard dans la nuit. Un grognement m'échappe quand je pense à la nuit blanche que je devrais faire pour me recalibrer. Je passe une main dans mes cheveux bruns et tente de faire une coiffure un peu moins "sortie de lit" avant de me tourner vers Thomas, adossé à la seule fenêtre de ma chambre, visiblement embêté. Je me redresse à moitié dans mon lit et plisse les yeux pour essayer de mieux le distinguer. Le soleil agresse mes pupilles ensommeillées avec beaucoup trop de violence.
- Thomas, salut. Je ne t'attendais pas vraiment, je confesse, la voix rauque.
Ce dernier sourit et se décale, sortant -pour mon plus grand bonheur- du cadre de la fenêtre pour s'asseoir sur mon lit. Il soupire, croise ses doigts et pose ses mains entrelacées sur ses genoux. Quelque chose lui trotte dans la tête et ce, depuis quelques jours. Depuis l'arrestation d'Aoile, pour être précise. Sa nervosité est palpable, tant et si bien que je finis pas devenir anxieuse à mon tour.
- Il fallait que je te demande pardon. Tu avais raison, au sujet d'Aoile, depuis le début. J'étais tellement persuadée qu'Elyane avait raison, que je n'ai pas cherché plus loin. J'aurai dû faire confiance à mon instinct et pas à mon cerveau, lâche Thomas d'un seul coup.
Je reste silencieuse le temps d'assimiler ses paroles, puis je souris et le frappe du plat de ma paume sur son épaule. Un sourire le gagne également.
- Tu ne pouvais pas savoir que Dame Madera se jouait de nous. Tu as eu raison de croire ta mère, c'est ce que tout le monde attendait que tu fasses. En fait, celait m'aurait paru étrange que tu ne le fasses pas. Et puis au procès, tu as essayé de changer la donne, tu te souviens ? Tu n'as pas à te sentir coupable Dauphinateur, je me moque.
Thomas éclate de rire en entendant son surnom et je me laisse aller à sourire. J'aurai aimé le rejoindre dans son fou-rire, mais mon rêve est bien trop ancré en moi pour que je le fasse. Qui plus est, il faut que j'apprenne à maîtriser qui je suis pour pouvoir envoyer le Chaos là d'où il vient. C'est dur de ne pas dire "en Enfer" dans ce genre de situation, mais je suis presque certaine que Lucifer n'en voudrait pas. Mon lit se soulève quand Thomas fait de même. Il sort de ma chambre, non sans prononcer une dernière excuse qui me fait sourire. Ce garçon a un coeur en or et il ne s'en rend même pas compte. J'espère juste qu'il ne cherchera pas à se le faire détruire quand il a une personne qui tient à lui à ses côtés depuis longtemps.
Désormais réveillée, je décide de courir sous la douche et me changer, pour sortir de la maison. Une demi-heure plus tard, je suis dehors, habillée d'un top bleu et d'un jean. Un panneau central m'apprend que nous sommes le 24 novembre et qu'il est environ trois heures dix de l'après-midi. Je ne regrette en rien les tenues volumineuses de l'hiver en France. Je soupire en repensant à mon rêve. Ce genre de cauchemar va finir par me tuer, j'en suis certaine. Je suis à deux doigts de faire nuit blanche sur nuit blanche, pour ne pas "rêver" à nouveau.
- Je vois que ta nuit a encore été désastreuse, commente Aoile, adossée à un arbre près de moi.
Comme si elle n'avait pas quitté cet arbre depuis mon pique-nique d'anniversaire, la jeune femme semble presque plus fatiguée que moi. Son teint est pâle et cela se voit encore plus avec son sweat noir et son pantalon à imprimé militaire. Ses yeux gris fixent les miens, cherchant à trouver la cause de mon regard éteint, sans doute.
- Tu n'as pas idée, je souffle, incapable de lui avouer ce dont j'ai rêvé.
Aoile se décolle de son arbre et me fait désormais face. Elle déploit ses ailes, créant autour de nous une sorte de bulle. Je n'entends plus aucun bruit au alentour, juste nos respirants calmes et lentes. Elle veut des réponses et je ne sais pas comment les formuler.
- Sam, notre relation marche à la confiance. Si tu ne me dis pas ce qui ne va pas, je serais obligée d'aller fouiner et c'est tout, sauf agréable. Tu sais que tu peux me faire confiance non ? Je l'ai prouvé, avance Aoile, sans me quitter une seule fois du regard.
Je fronce les sourcils.
- Notre relation ? Je répète, interloquée par ce terme.
À son tour, Aoile fronce les sourcils.
- Oui, notre relation. Je suis ta protectrice, ou la personne à laquelle tu peux te confier sans crainte. Franchement Sam, de tout ce que je t'ai dis, c'est ça qui te fait tilter ? Tu me désespère, soupire la Deamghal.
Je souris, un petit sourire en coin. J'avoue que le terme "relation"m'a juste secouée. Il faut vraiment que j'arrête d'avoir des sous-entendus bizarre quand je parle, ou que j'en imagine chez les autres. Surtout avec Aoile, toujours si littérale.
- J'ai rêvé de...de créatures bizarres. Je ne voyais rien d'autres que de la noirceur, du vide, du néant. Rien d'autres. Quelque chose d'effrayant et d'effrayé. Je n'arrives pas à les décrire, j'avais si peur... Et puis d'un coup, je n'étais plus la mourante, j'étais en dehors de tout ça. Je vivais ça comme une spectatrice paralysée. C'était atroce de la voir mourir sans rien faire... Et Thomas m'a réveillée quand je t'ai vue toi, avec un bébé dans les bras. Aoile, c'était moi ce bébé, pas vrai ? J'explique, les larmes aux yeux.
L'impuissance que j'ai ressentie me serre le coeur et je suis incapable de garde mon sang-froid en racontant ce rêve. Je lève les yeux vers Aoile qui semble perdue dans ses pensées.
- J'avais une mission ce jour-là Sam. Te sauver toi, qu'importe les conséquences. J'ai fais un choix, que je ne regrette jamais. Est-ce que j'aurai pu sauver ta mère ? Probablement. Mais j'ai préféré miser sur toi. Et je suis désolée que tu l'ai appris comme ça, révèle la jeune femme.
Dans ses yeux, je ne lis que de l'indifférence vis-à-vis de cette révélation. Elle reste de glace alors qu'elle m'apprend avoir laissé mourir ma mère. Elle m'apprends qu'elle aurait pu la sauver, mais qu'elle n'a rien fait. Je devrais la haïr, la frapper peut-être. Mais je ne peux pas. Parce que je sais, tout comme elle, que me sauver moi était la meilleure option qu'elle avait. Me sauver moi, c'était gagner du temps pour trouver une meilleure solution. C'était un simple calcul. Mais ça n'empêche pas mon coeur de saigner.
- Tu n'as pas a être désolée. Quelque soit le choix que tu aies à faire, tu me choisira toujours, pas vrai ? Je réponds, chassant de nos coeurs un poids énorme.
Aoile rétracte ses ailes, m'offrant un sourire rare mais précieux. Je sens mes muscles s'étirer pour lui répondre et mon coeur fait un bond. La jeune femme pose sa main sur mon bras et je remarque que ses yeux brillent, comme si elle allait pleurer. Aoile retire sa main et s'éloigne de quelques pas, avant qu'un cri déchirant ne transperce le ciel. Au-dessus de nous, Hector survole Idan et crie aussi fort qu'il peut. Je m'approche d'Aoile qui ne bouge plus, et quand Thomas et Arynn s'approchent de nous en courant, je lis dans leurs yeux ce que je ne voulais pas apprendre : la guerre a commencé.
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Coucou tout le monde !
Dernier mercredi en France pour moi...la rentrée arrive ! Je ne vais pas être triste cette fois, même si j'avoue ne pas vraiment avoir envie de repartir jusqu'à Noël.
Sinon.... J'espère que vous allez l'action, parce que les prochains chapitres en sont truffés. En même temps, la fin du premier tome approche et vous vous doutez bien que ça ne vas pas finir en happy ending. Surtout si je prévois deux tomes derrière xD !
Que pensez-vous de ce chapitre ? Quelques révélations sympas, un peu de passé pour Aoile également... Elle est pas aussi jeune que vous le pensiez. Sans parler de Thomas qui fait son comeback 💚 petit ange... Oh, et Hector aussi 😏 ! La guerre qui commence, enfin un peu de badass Aoile et badass Samantha ? Va falloir...
Pour ceux qui veulent et qui ont Facebook, il y a un groupe "The Last Banshee" pour discuter du roman, de vos romans aussi et tout ça... Si vous voulez nous rejoindre, n'hésitez pas, on ne mord pas !
Sur ce, à mercredi prochain 😏❤
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