Je ne suis pas une héroïne.
Cette conclusion vient broyer mon cœur et écraser mes espoirs de petite fille. Qui n'a jamais rêvé d'être un héros, de sauver le monde et d'être acclamé par les foules ?
Quel enfant n'a jamais voulu devenir quelqu'un de reconnu et d'important, dont le nom parcourt le monde, bruyamment scandé par les foules en délire ? En général, nous acceptons bien vite la réalité, froide et insipide, où les héros sont ceux de papier.
Ou alors, des gens courageux –mais rare- qui, le temps d'un bref instant, accomplisse quelque chose de stupidement admirable. Moi-même, j'avais accepté depuis si longtemps que les héros n'étaient que des mythes d'enfants stupides...
Personne n'allait venir me sauver de Sainte-Catherine. Jusqu'à ce que je devienne un mythe. Une Banshee.
La flamme de l'espoir s'était alors ravivée en moi, me donnant la force d'affronter des Dullahans, des révélations tellement énormes que je me serais crue folle...et les derniers évènements.
L'espoir est la force qui m'a permis d'aller plus loin que mes cauchemars et mes fichus maux de crâne pour observer une réalité nouvelle et plus lumineuse. Être la dernière Banshee me donnait le sentiment d'être spéciale, unique, importante...
Tout cela pour être écrasée comme une fourmi au moment où je m'y attendais le moins. Au moment où je croyais le monde des possibles ouvert, à portée de bras, le voilà qui me broie entièrement, me noyant dans ma peur.
Samantha Ashley Silver Green n'a jamais été une héroïne. Elle n'était qu'une lâche, incapable d'entendre une insulte sans pleurer. Elle est la « Jeanne d'Arc » du pensionnat, celle que tous les profs tyrannise parce qu'elle ne peut pas garder la tête haute. Elle n'est pas la guerrière dont tout ce monde a besoin.
Je ne suis pas une héroïne.
Et je ne veux pas l'être. Je ne veux pas avoir mon nom gravé en vulcain dans un temple thaïlandais. Je ne veux pas que les gens scandent mon nom en souriant. Je ne veux pas lire l'espoir d'une victoire dans leurs yeux lorsqu'ils parcourent mon corps chétif.
Je veux juste apprendre à maîtriser mon don, l'utiliser au mieux pour sauver des vies et éviter de devenir plus folle que je ne le suis. Je veux simplement vivre une vie de Banshee et déjà accepter ça. Mais il a fallu que je sois la dernière.
De rage, mon poing vient s'écraser sur un malheureux coussin qui traînait là. J'étouffe un sanglot qui monte, me serrant la gorge tandis que ma tête s'effondre sur ce même coussin. Mes yeux tombent sur la photo de mes parents, celle où ils me tiennent dans leurs bras, la seule photo que j'ai d'eux.
Leurs postures, leurs ports de tête à la fois fier et heureux, le sourire radieux et comblé de ma mère, la poigne visiblement ferme de mon père. Ils étaient des héros pour cette île. Ils sont des héros à mes yeux.
Mes héros. Ils ont voulu une famille, un risque que tout le monde n'est pas prêt à prendre, en considérant leurs situations précaires de Banshees. Selon Archibald, à qui j'ai pu poser quelques questions sans me prendre de vents, ils ont voulu ignorer leurs rôles pour se consacrer à leur famille.
La seule chose égoïste qu'ils ont fait, c'est moi. Et ce, avant de se sacrifier ensemble pour que je puise avoir la vie qu'ils n'ont pas eu. Pour que je n'ai pas à mourir, ni même à apprendre quoi que ce soit sur les combats.
Ils sont devenus des héros pour que je n'ai pas besoin d'en devenir une.
Désormais fixant le plafond, je m'imagine à nouveau Sainte-Catherine. Ma première année, quand je pensais encore pouvoir trouver des amis. Dès le premier jour, j'ai été fichée, quand je me suis mise à parler seule à la cantine.
Je bataillais fermement avec l'une des voix qui occupe ma tête, mais je ne sais plus sur quel sujet. Est-ce ma faute si les esprits des premiers Banshees cherchaient à me parler ? Un soupir m'échappe malgré moi.
Mon histoire pré-Sainte Catherine avait rapidement fait le tour de l'école, j'avais été assignée à une psychologue par l'hôpital et ce, en créant un vent de panique chez tout le monde, professeurs compris.
Ils avaient peur que je ne les tue, comme j'avais « tué » mes familles d'accueil. Même la police était venue jusqu'à moi, pour « discuter ». Ils n'avaient jamais pu m'incriminer, parce que je n'étais jamais dans la maison quand les familles mourraient. Je suppose que je suis chanceuse ?
Je n'avais pas voulu tout ça. Je n'ai jamais voulu que les familles meurent ou aient des accidents graves. Je ne le savais pas, mais j'étais simplement recherchée par les Dullahans, qui ne veulent que le règne du Chaos.
Et encore, ce n'est qu'une fichue spéculation, parce que personne ne peut me donner des réponses ! Une colère sourde monte en moi et je hurle, étouffant ma voix grâce au coussin multitâche qui gît à mes côtés.
Les yeux fermés, je laisse ma colère sortir dans ce cri. Toute ma colère, ma peur, mes déceptions. Je laisse même mon énergie partir avec, laissant place à une grande fatigue et un peu de lassitude.
Quand les larmes refont surface, je les laisse monter et dévaler mes joues, le regard perdu dans le vide, incapable de ressentir quoi que ce soit. La tristesse prend le dessus et je me redresse, reniflant et tremblante.
Les pleurs libèrent des plus grandes peurs m'a-t-on dit. Aujourd'hui, je peux pleurer et oublier. Mais qu'en sera-t-il demain ? Parviendrais-je un jour à accepter ce que je suis pour de bon, sans en douter tous les matins au réveil ?
De plus belle, les larmes coulent et sans que je m'en sois rendu compte, c'est désormais sur une épaule que je pleure. Cela ne m'arrête pas, je prends simplement le temps de renifler une nouvelle fois pour ne pas que mon nez coule avec les larmes, ainsi que sentir l'odeur du nouvel arrivant.
C'est donc sur Aoile que je déverse toute l'eau de mon corps. Ses grandes ailes se referment dans mon dos, nous isolant du monde extérieur pendant mon moment de faiblesse. Mes pleurs se font échos, mais Aoile ne dit rien, ne bouge pas.
Elle encaisse, accepte et attend, comme le ferait une sœur. Ses mains viennent caresser mes cheveux bruns emmêlés, passant ses doigts dans les courbes de mes boucles. Petit à petit, sa présence me calme et j'arrête de pleurer, inspirant par grandes bouffées l'air autour de nous.
— Merci, je murmure d'une voix rauque.
Les yeux gris de mon amie se contentent de fixer ce que je présume être les sillons rouges crées par les larmes sur mes joues. Elle ne dit rien, laissant l'émotion suivre son chemin. De longues secondes s'écoulent sans qu'aucune de nous ne dise un mot.
Aoile pose sa main sur mon épaule et la masse gentiment, sa manière de me soutenir moralement. Elle doit sentir que je ne suis pas prête à en parler. Ou alors, elle sait ce qu'Archibald m'a dit.
— Tu te sens capable de sortir de ton trou ?, se moque Aoile, avec une voix douce que je ne lui connaissais pas.
Je me contente de hocher la tête de haut en bas, avant de baisser la tête vers ma tenue.
— Tu me laisses quelques minutes ? Je ne vais pas sortir en pyjama, je grimace.
Aoile hoche la tête à son tour et quitte la pièce en silence, me laissant à nouveau seule avec ma conscience. L'envie de pleurer en me roulant en boule dans mon lit me reprend, mais je sais qu'Aoile rentrerait aussitôt dans la chambre pour m'en sortir, pyjama ou non.
J'inspire un grand coup et souffle d'une traite, avant de me changer. Dix minutes plus tard, j'ouvre la porte de ma chambre, changée et coiffée. J'ai même réussi à contourner mon aversion pour le maquillage afin de masquer mes larmes.
— Où allons-nous ?, je demande, curieuse.
Aoile plisse les yeux et hausse les épaules, signe que je n'aurai pas de réponse. Je retiens un soupir agacé, me souvenant qu'elle tente de me changer les idées. Je décide alors de sourire et la suis-en hors de la maison que nous avons sur Idan.
Une fois à l'air libre, Aoile s'arrête et se tourne vers moi. Elle semble inquiète, me couvant d'une manière presque maternelle. Ça doit être le rôle d'une protectrice...non ?
— Ecoute, je peux comprendre que tu ne veuilles pas en parler. Mais, si tu eux retourner te coucher et pleurer un coup...je ne t'arrêterai pas. Tu restes humaine Sam, tu ne peux pas cacher en permanence ce que tu ressens, lâche-t-elle.
Touchée, je sens mes yeux s'humidifier. Pour ne pas sombrer, je pose ma main sur son avant-bras et me force à sourire.
— Je te retourne le conseil Aoile. Et je dois t'avouer qu'aussi tentant que cela sonne, j'en ai assez de pleurer, je réponds.
Elle me fixe et hausse les sourcils, visiblement surprise de m'entendre dire ça. Puis, elle s'arrête dans une clairière. Autour de nous, les arbres forment un cercle parfait, créant une ombre bienvenue. Le soleil au-dessus de nous brille et je souris en observant les alentours.
Je sais qu'Idan est entourée d'une dense forêt, mais je ne pensais pas qu'il y avait des endroits tels que celui-ci. C'est reposant et très agréable. Soudain, je distingue du mouvement. Paniquée, je me prépare à devoir courir, ou me battre, mais quand je vois Aoile rester très calme, je comprends que ce n'est pas une présence hostile.
Derrière un arbre, j'aperçois Thomas venir vers nous. Il salue Aoile d'un simple sourire et s'arrête à notre hauteur. Il passe une main dans son cou, visiblement gêné par quelque chose.
— Aoile a proposé qu'on...heu...se passe une première séance, explique enfin le jeune Oracle.
Je fronce les sourcils et me tourne vers la jeune fille, qui hoche la tête.
— Comme Archibald a dû te l'expliquer, les Banshees et les Oracles ont toujours eu une certaine connexion. Ils agissent comme des thérapeutes, sauf que tu ne peux rien leur cacher. J'ai pensé que ça te ferait du bien de partager certains souvenirs de ton enfance avec Thomas. Tout ce qui se passe à partir de maintenant, reste entre nous, déclare-t-elle.
Je me tourne vers Thomas, hésitante. Je ne suis pas certaine de vouloir lui montrer mes secrets les plus noirs. Mais le sourire réconfortant de ce dernier, ainsi que le regard d'encouragement d'Aoile me donne envie de me jeter à l'eau.
Alors je tente, me laissant entraîner par leur enthousiasme. Je m'assois en tailleur, Thomas face à moi. Aoile reste en retrait un peu plus loin, nous observant. Le jeune homme n'est pas à l'aise.
— C'est la première fois que je fais ce genre de chose, alors ne m'en veux pas si je rate, d'accord ?, murmure-t-il.
Je ris et hoche la tête. Aussitôt, il me regarde intensément et je vois ses yeux devenir blanc progressivement. Mon cœur bat plus fort, plus vite, tandis que je me perds dans ce regard. Le blanc semble sonder mon esprit et je me sens petit à petit perdre pieds.
Mes résistances tombent et d'un seul coup, je me revois petite. Je dois avoir cinq ans. Peut-être six. Je suis debout, dans le salon d'une jolie maison. Mais quelque chose cloche. Sur mes vêtements, il y a du sang.
Je suis en pleurs, sans comprendre ce qui se passe. Au sol, une femme est allongée, sans vie, couverte de sang. Mes pleurs résonnent dans mes oreilles et brisent mon cœur. Je veux me retirer de ce cauchemar, mais je ne peux pas.
Je suis forcée de rester et de voir les années défiler. Les scènes se ressemblent, mais les années passent. Ici, une femme a la tête coupée dans une cave. Là, une maison brûle tandis que je repose au milieu du jardin, endormie.
Une autre fois, je revois ce pauvre garçon hurler alors que ses parents sont morts à ses côtés. La dernière en date apparaît enfin et je vois cet homme se poignarder lui-même, comme hypnotisé. Un détail retient mon attention : une jeune femme, visage couvert, quitte la cuisine au moment où mon père adoptif se poignarde.
Qui est-elle ? Pourquoi était-elle là ? Mais avant que je ne puisse répondre à cette question, je me sens tomber et en quelques secondes, je reviens dans le présent. Les bras d'Aoile m'enserrent tandis que Thomas se relève d'un bond, le souffle court.
Des larmes apparaissent aux coins de ses yeux alors qu'il détourne le regard. Aoile ne cherche pas à comprendre, elle continue de me serrer dans son étreinte jusqu'à ce que je reprenne un rythme cardiaque normal. Je n'avais pas remarqué que ma respiration était sifflante et saccadée.
— Sam... Je suis désolé, commence Thomas.
Je hoche la tête et me met debout, sans pour autant lâcher la main d'Aoile. Cette fois, pas de larmes ou de crise de nerf. Je suis assez secouée d'avoir dû revivre tout cela, mais Thomas n'a rien fait de mal. Il voulait seulement m'aider, tout comme Aoile. Aucun d'entre eux ne pouvait savoir que mon passé n'est pas quelque chose de joyeux à partager.
— Tu n'y es pour rien. Mais au moins maintenant, je sais que ces gens sont morts parce qu'on me voulait du mal, je lâche dans un souffle.
Aoile serre ma main un peu plus et je me tourne vers elle. Ses yeux ne quittent pas Thomas, elle paraît vraiment inquiète de savoir si l'Oracle va se remettre des images reçues. Je remarque aussi que les yeux de Thomas sont toujours blancs.
Aoile baisse les yeux, laissant l'Oracle reprendre sa couleur d'iris naturelle. Ce qu'elle a vu semble l'affecter outre mesure. Elle se tourne finalement vers moi et secoue la tête.
— Ils ne te voulaient pas du mal, sinon tu serais probablement morte. Ils voulaient confirmer ce que tu étais, sans savoir que tu étais encore trop jeune pour que tes pouvoirs fassent surface. J'aurai dû être là et te protéger. C'est de ma faute si tu as vécu tout cela, j'en suis désolée, murmure-t-elle pour que seules elle et moi puissions l'entendre.
Je lâche sa main pour la prendre dans mes bras correctement. Thomas s'appuie contre un tronc d'arbre, encore hanté par mon passé peut-être.
— Tu étais là à Sainte-Catherine, quand j'en ai eu besoin, je murmure à son oreille avant de la lâcher pour m'approcher de Thomas.
Ce dernier relève la tête à mon approche, les yeux vitreux. Il souffle et lâche un rire gêné tout en se remettant sur pieds. Je fronce les sourcils et il remue ses épaules.
— Ce genre de « séances » n'est pas censé être aussi intense. Enfin, pas la première. Alors forcément, ça m'a quelque peu épuisé, souffle-t-il.
Je me mords la lèvre inférieure tout en le prenant dans mes bras. Profitez, c'est la journée câlins gratuits chez les Banshees ! Je reste dans ses bras quelques minutes, le remerciant tout de même d'avoir su rester impassible devant les images qu'il a pu voir. Après tout, il aurait pu tout couper après la première image et s'enfuir en courant ! L'Oracle rompt le câlin et secoue la tête frénétiquement.
— Tu es mon amie avant d'être une Banshee Sam'. Et les amis s'entraident. Pas vrai Aoile ?, lâche-t-il, piquant à vif la jeune Deamhgeal.
Cette dernière hausse un sourcil et laisse ses prunelles virer au rouge.
— Est-ce une menace Monsieur Flint ?, réplique-t-elle.
J'éclate de rire, rapidement suivie de mes deux amis. Le cœur plus léger, je regarde Thomas prendre Aoile dans ses bras, la faisant grimacer. J'aimerai qu'ils me parlent de leur amitié, mais aucun des deux ne semble vouloir le faire.
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BONJOUR !
AUJOURD'HUI JE VAIS ÉCRIRE EN TRÈS GROS PARCE QUE JE SUIS CONTENTE !
Samantha et moi, on a un an et deux mois d'écart ! Elle est née le 13 novembre, moi je suis née le 13... septembre ! Donc comme elle, je fête mon anniversaire aujourd'hui et je prends un an de plus #Team19ans (?).
Donc voila, un chapitre dans la tête de Sam, où elle redevient un peu la gaine chiante qu'elle était....avant de prendre une claque :p ! Donc j'espère que ça vous a plu, parce que c'est un chapitre léger et difficile à la fois. Avec un joli moment QANSHEE 💟💟
Sur ce, passez un super mercredi !
Et envoyez-moi des cookies 😏❤
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