Chapitre XIII


Sept bougies éclairent une grande pièce ovale. Chaque mur est recouvert de symboles verticaux, gravés dans la pierre. Mes doigts effleurent avec respect ces gravures, me demandant quelles significations elles peuvent avoir. Au centre de la pièce, il y a deux tapis marron un peu sale; et entre les deux, trône une pile de livres aux titres incompréhensibles. Du grec ? Du latin ? Archibald murmure quelque chose, comme une prière, aux gravures dans la pierre. Peut-être que chacune d'elles désignent un Dieu ? En quel genre de Dieux croient les Banshees ?

— Samantha, murmure Archibald tout en passant sa main sur la gravure la plus proche de moi.

Je fronce les sourcils.

— Heu... Oui ? Je m'interroge.

Il se tourne vers moi et secoue la tête négligemment en montrant une gravure sur le mur.

— Oh, je ne te parlais pas Samantha, je lisais ta gravure. Celle-ci forme ton prénom. C'est du Vulcain, une langue très peu utilisée. Chaque Banshee a son nom gravé sur les murs dès leurs naissances. C'est une sorte de recensement pour Banshees, m'explique-t-il sous mes yeux ébahis.

Je m'approche de la gravure et la touche du bout des doigts comme si elle était la chose la plus fragile au monde. Mon nom est gravé ici ? Au milieu de tous ces noms, des gens de ma famille... Des gens que je n'ai pas pu connaître... Une vague d'amertume et de nostalgie me traverse. Si j'avais connu mes parents, que ce serait-il passé ?

— C'est magnifique, je murmure, le cœur lourd.

Je m'installe sur l'un des tapis, faisant abstraction de toute la poussière qui s'élève. Un triste sourire orne mon visage quand je réalise que je suis dans une grotte thaïlandaise, avec un homme étrange qui porte des Geox et qui se dit Gardien du Temple des Banshees. En quelques jours, ma vie est passée de dingue à complètement folle. J'espère toujours me réveiller et sourire en me disant que ce genre de cauchemar n'arrive qu'à moi. Archibald se tourne vers moi et pour la première fois depuis mon arrivée ici, je le vois froncer les sourcils. En silence, il observe mon visage et semble y voir quelque chose qui lui déplaît. Ce regard, je le connais. Celui qui me juge sans rien dire, qui voit mes défauts, qui me blesse peut-être sans le vouloir. Ce regard, j'ai grandis avec. Le même regard que les enfants à Sainte-Catherine, le regard de la psychologue quand je refusais de parler. Le regard du "cette enfant est folle, jugeons-la ensemble".

— Quelque chose ne va pas Samantha ? Me demande-t-il d'un ton doucereux, comme si j'étais une enfant de six ans.

Je me relève et un faux rire me secoue tandis que je peine à aligner mes mots. J'ai mal au cœur, mal à la tête, mais surtout j'en ai marre. Marre des secrets, marre d'être promenée comme un chien, marre que l'on me considère comme une idiote incapable de comprendre ce qu'on lui dit.

— Rien ne va. Rien ! Je suis une Orpheline détraquée qui fait des rêves étranges, qui a vécu dans différentes familles et qui les as toutes vus mourir. T'as bien entendu ? Toutes ! J'y restais un an et puis paf ! Un membre de la famille mourrait. Parfois la famille entière. À chaque fois, c'était des "accidents" selon la police. Mais moi je l'ai toujours su. C'est moi qui les tuais. Moi !

Je reprends ma respiration, essuyant une larme descendue de mon œil gauche.

— Je suis une Banshee ? Sûrement ! Je n'en sais rien ! Je m'en fiche ! Tout ce que je veux, c'est retourner chez Madame Henoch, manger des pancakes et l'entendre rouspéter quand je renverse le sirop d'érable. Les moqueries des élèves, je peux les supporter. Mais le traitement du silence que je subis ici, c'est trop pour moi. Si on m'a attaqué, à multiples reprises, si je fais ses rêves étranges et glauques, qui sont des souvenirs d'autres personnes, c'est parce que JE SUIS IMPORTANTE ! Non ? Au moins un petit peu ?

À bout de souffle et d'argument, je me laisse tomber sur le sol. Je ne sens même pas le contact entre mes genoux et le sol, me laissant glisser jusqu'à ce que ma main gauche arrête ma chute. Ma main droite monte jusqu'à ma bouche, laissant libre court à mes sanglots. Ma tête bourdonne et me fait mal, mais ce n'est rien comparé au vide énorme que ressens mon cœur. Je sais qu'ils ne font pas erreur, que je suis bien celle qu'ils cherchaient. Maintenant, je comprends pourquoi mes familles ont eu tous ces accidents, pourquoi je me suis toujours sentie exclue. Mais cela n'apaise en rien ma peine immense, constituée de souvenirs heureux en compagnie de mes familles. Chacune de leurs morts m'a affectée, bien qu'étant trop jeune pour comprendre. Mais Madame Henoch était plus qu'une mère pour moi et on doit tous les deux porters le deuil d'une personne qui n'a pas disparu. Ma tristesse se transforme peu à peu en colère, contre Aoile, contre les Flints, contre Archibald, toutes ces personnes qui attendent quelque chose de moi, quelque chose que je ne suis pas prête à donner. Que je ne serais jamais prête à donner. Je suis trop jeune, trop naïve peut-être. Je rêvais de partir après mes dix-huit ans et maintenant, je pleure de rage à l'idée de ne jamais pouvoir rentrer à la maison.

— Chut Sam, doucement..., murmure une voix au creux de mon oreille.

Les bras d'Aoile se referment autour de mon bassin, mon dos collé à son torse. Je me laisse aller dans ses bras, mélangeant colère, tristesse et déni. J'ai le cœur brisé et je suis incapable de savoir quels bouts suivre. Je frappe le torse de mon amie de mes poings serrés, libérant la rage que je ressens contre elle en cet instant précis. Quand je me décide enfin à arrêter de pleurer, je remarque le silence religieux qui a pris place dans la pièce. Archibald s'est assis et le regard, visiblement choqué et attristé, tandis que je commence à trembler. La fatigue a remplacé tout ce que j'ai pu ressentir auparavant et je ramène mes jambes devant moi. Aoile me lâche et vient s'installer à côté de moi, toute trace de colère évanouie. Elle est inquiète, je le vois dans ses prunelles grises qui fixent les miennes.

— Je suis désolée Sam. Je ne pensais pas que tu réagirais de cette manière... Je te l'ai dit, ce que je cache, je le fais pour ta sécurité. Quand à Archibald, il est là pour t'apprendre tout ce que tu dois savoir sur les Banshees. Et peut-être sur toi-même, si c'est ce que tu désires. Mais c'est à toi de décider si tu veux vraiment continuer, m'explique Aoile.

Je hoche la tête et tourne mon regard vers Archibald. Ce dernier tente de me sourire gentiment et malgré la fatigue qui m'envahit déjà, je lui retourne son sourire. Je me sens mal d'avoir complétement péter un plomb comme cela, il ne le mérite pas. Pourtant, il reste serein devant tout cela, comme s'il avait déjà été témoin de ce genre de chose.

— Je veux savoir. Quitte à lire tous les romans de cette grotte, je réponds.

Satisfait, Archibald attrape l'un des romans et me le tends. Aoile se lève et je remarque à cet instant la coupure qui se résorbe très rapidement sur sa joue. Le poids du roman sur mes genoux me rappelle à moi et j'entreprends de regarder les pages, incapable de comprendre ce qui y est écrit.

— Tes rêves sont bel et bien des souvenirs. Ce sont les souvenirs des autres Banshees, mortes il y a des années. Je suppose que tu revis leurs morts, comme une sorte d'avertissement. Elles essayent de te sauver la vie sans doute. Je ne suis pas un expert là-dedans, tu es la première qui a ce genre de rêves..., soupire Archibald.

Au vu de sa mine déconfite, il souffre de ne pas savoir ce qu'il devrait m'apprendre sur le sujet. Quant à moi, je suis trop fatiguée pour lui en tenir rigueur et je doute pouvoir tenir plus longtemps à l'écouter parler. Parler à cœur ouvert fatigue et rend irritable, comme dirait Madame Henoch. Rien que de penser à elle, les larmes me montent spontanément aux yeux.

— Peut-être devrions-nous parler de quelque chose que tu maîtrise mieux ? Comme par exemple, mes cris ? Je demande, les paupières déjà lourdes.

Archibald sourit et s'approche de moi, au moment même où Morphée décide qu'il est temps pour moi de la rejoindre. Et pour une fois, mon cœur est si léger qu'il pourrait s'envoler.

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Hello !MERCI POUR LES 6K DE VUES OMG *o*L'image en média, c'est le prénom "Samantha" écrit en Vulcain ! La page Facebook "Once Upon a Geek" l'a écrit, et j'ai trouvé ça tellement beau que j'ai décidé de l'utiliser. 💜 vous aimez ?Je sais que ce chapitre devait être un cours sur les Banshees. Vous avez eu un petit bout de ce que Sam appelle "les Autres" et c'est déjà ça ! Dans ce chapitre, je voulais aussi revenir sur Samantha, qui est quand même notre protagoniste principal... Qui a dit qu'elle prenait bien le fait d'être une Banshee ?Oui, elle finit (enfin) par avoir un "breakdown" et ce genre de chose n'est pas facile. Mais Sam est plus dur genre à absorber jusqu'à ce que tout explose. Et visiblement là, tout explose ! Donc c'est normal si après ça, elle ne peut pas endurer une classe. En plus, je vous rappelle qu'elle a trois heures d'avance pour ladite classe ! 😂Donc voilà, vous êtes un peu dans sa tête ^^ Elle a mal prit le regard d'Archibald, parce qu'elle a trop l'habitude de voir ce regard sur les autres enfants de sa classe... Elle a eu peur d'être jugée encore une fois et elle a eu le courage de s'exprimer haut et fort cette fois ! Elle grandit bien Sam 💜Sinon, Aoile et sa coupure qui guérit vite ? Pas la peine de me dire que Sam n'est pas curieuse de savoir ce qu'est Aoile... Elle essaye déjà de comprendre ce qu'elle est, elle n'a pas le temps de s'attarder sur ce qu'est Aoile, surtout si cette dernière ne lui dit rien 😂 !Voilà voilà, je vous laisse faire vos théories, le prochain chapitre bougera un peu plus. Qui veut voir Aoile se battre ? ^^ 💜


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